CPM). Son expansion requiert de pister le lecteur sur les divers médias qu’il fréquente (Internet,
téléphonie mobile, etc.) afin de l’exposer sur chacun d’entre eux à une publicité qui ne lui paraisse
pas intrusive. On comprend que les recherches visant à adapter les bannières au contexte de lecture
excitent la convoitise des géants d’Internet. Au cours de l’année 2007, Yahoo a racheté BlueLithium
et RightMedia, deux agences spécialisées dans la publicité numérique et le ciblage comportemental,
en vue d’optimiser l’insertion des annonces dans les divers supports (musique, vidéo...). De son
côté, Google s’est offert Doubleclick, principal fournisseur de bannières publicitaires aux médias
numériques (5), ainsi qu’AdscapeMedia, concepteur de technologies d’insertion d’annonces dans
les jeux vidéo. Il n’est pas jusqu’à Publicis, quatrième groupe mondial de communication, qui ne se
lance dans la course en acquérant une agence chinoise de marketing interactif, Communication
Central Group, laquelle œuvre à la déclinaison d’une publicité en fonction du contexte de lecture.
Désormais allié à Google, Publicis vise le marché des pays émergents : leurs économies en
croissance s’orientent directement vers la publicité numérique, notamment grâce à la téléphonie
mobile (6).
La seconde stratégie publicitaire exploite davantage les particularités d’Internet. Il ne s’agit plus de
« renforcer les marques » dans l’environnement favori du consommateur, mais de connaître ses
intentions pour devancer ses attentes. Suivant cette logique, les opérateurs cherchent à créer une «
place de marché » pour permettre aux offreurs – annonceurs ou vendeurs de biens et de services –
de rencontrer leurs futurs clients au travers d’une publicité calculée dans une double relation au
contenu de la page en cours de lecture et aux connaissances du « profil » du lecteur. Ce modèle,
inventé par Yahoo mais développé principalement par Google, se concrétise par de petits encarts de
texte, assez discrets et sans « effets de création », introduits dans les pages des blogs et des journaux
en ligne (adSense), ou insérés en marge des résultats de recherches effectuées sur les moteurs
(adWords). A la différence du système précédent (coût pour mille bannières vues), ces publicités ne
sont payées par l’annonceur que si l’internaute se montre suffisamment attiré par l’offre pour
cliquer sur le lien proposé et accède au service correspondant (coût par clic, ou CPC).
Dès lors, il importe de maximiser l’adaptation de l’encart publicitaire aux « besoins » du lecteur. En
posant une question dans un moteur de recherche, l’utilisateur définit lui-même ses préoccupations
du moment. Les annonceurs y répondent directement en proposant sur la page de résultats un
service qui correspond aux termes utilisés dans la question. D’où la mise en place d’un véritable «
marché des mots-clés » : l’annonceur qui se montre prêt à payer le plus cher pour qu’un internaute
clique sur son encart sera affiché en tête de liste. A l’échelle d’Internet, cette méthode ouvre à
l’opérateur de la « place de marché » la perspective de bénéfices pharaoniques à partir de la
multiplication des petites sommes. Une bourse des mots florissante, doublée d’un système
transactionnel efficace, fait en ce domaine la force de Google, qui concentre 62,4 % des recherches
en ligne.
Si la publicité sur Internet demeure multiforme, c’est que ces deux stratégies se combinent, se
complètent, mais aussi se diversifient. Les opérateurs souhaitent accentuer le profilage des
utilisateurs de médias traditionnels pour mieux cibler les annonces, créer des « places de marché »
pour les journaux imprimés, ou encore offrir une panoplie multiservice aux annonceurs. C’est pour
se maintenir au cœur de l’innovation publicitaire et bénéficier des avant-postes installés par Yahoo
que Microsoft propose cette fusion. Toutefois, la publicité n’est pas le seul enjeu.
Microsoft s’est hissé au premier rang mondial des entreprises informatiques grâce à son système
d’exploitation Windows et à ses logiciels de bureautique. Or Google, soucieux de diversifier ses
activités et de maintenir sa clientèle à l’intérieur de son réseau, bouscule cette hégémonie en
introduisant la bureautique en ligne. Avec ce modèle, baptisé Software as a Service (SaaS), les
utilisateurs n’achètent plus de logiciels mais utilisent ceux mis à leur disposition sur les serveurs de
Google, ou d’Adobe, autre acteur majeur de cette mise en réseau. La bureautique nomade et