Communiqué de presse
Regards économiques n°59
Institut de Recherches Economiques, IRES - Place Montesquieu 3, 1348 LOUVAIN-LA-NEUVE
Tél. 010/47.34.26 Fax : 010/47.39.45
No free lunch sur le Web 2.0 !
Ce que cache la gratuité apparente des réseaux sociaux numériques
par Xavier Wauthy
"Yahoo refuse l'offre de rachat de Microsoft!" L'encre des gros titres commentant cette décision est à
peine sèche que le géant de Redmond pourrait, selon la rumeur, jeter son dévolu sur Facebook,
deuxième réseau social numérique sur base du nombre d'utilisateurs actifs. En octobre 2007, Microsoft
avait d'ailleurs déjà pris une participation dans Facebook à hauteur d'un quart de milliard de dollars.
Mais comment le géant du logiciel, à qui l'on doit des produits aussi peu festifs que Windows, ou la
suite logicielle Office, en est-il arrivé à considérer sérieusement le rachat de ce qui ressemble à un
innocent gadget d'étudiant, une déclinaison Internet du rituel "Yearbook" cher aux étudiants
américains ? Comment ces produits de loisirs purs, proposant gratuitement à leurs utilisateurs des
services parfaitement inutiles tels que l'envoi d'un baiser virtuel à un "ami" ou la participation à un
concours de "vampires" (?), peuvent-ils atteindre de telles valorisations boursières ?
Tout simplement parce qu'ils sont les stars du Web 2.0, ce terme désormais consacré par lequel on
caractérise les sites où les utilisateurs peuvent interagir à la fois avec les contenus qui y sont déposés et
entre eux. Le dernier numéro de Regards Economiques s'efforce de démonter la mécanique
économique qui se cache derrière l'apparente gratuité qui est généralement concédée aux usagers. Car,
si la gratuité d'usage se transforme en une valorisation financière significative, c'est forcément que
cette gratuité a une contrepartie payante.
Le déploiement du Web 2.0 démarre là où l'industrie culturelle traditionnelle marque le pas. La
numérisation des produits de contenus tels que musique, son, vidéo et information écrite met en effet à
mal le modèle d'affaire dans lequel les Majors vendaient CD, DVD et autres supports dont le contrôle
est aujourd’hui rendu plus difficile par leur caractère immatériel. Les sites commerciaux du Web 2.0
tirent parti de cette évolution en exploitant la possibilité de diffuser une très large gamme de contenus,
directement "uploadés" par les utilisateurs. Ils se positionnent en plate-forme d'échanges où les
contenus sont partagés entre utilisateurs. Les exemples les plus frappants étant à coup sûr YouTube ou
MySpace. La présence de contenus très nombreux et très diversifiés constituent un puissant attrait
pour les utilisateurs potentiels, qui s'affilient en nombre et apportent à leur tour de nouveaux contenus.
Cette spirale vertueuse génère une audience colossale qui constitue le premier pilier du modèle
d'affaire du Web 2.0.
Le second pilier est le fait que ces contenus très diversifiés auxquels je peux accéder, ces utilisateurs
très hétérogènes avec lesquels je peux interagir ne sont vraiment intéressants que s'ils sont proposés en
fonction des mes propres goûts, de mes centres d'intérêt. Il faut donc organiser, trier, l'information
brute. Ce à quoi s'emploient les plates-formes web, Google et ses moteurs de recherche en tête.
Chaque utilisateur a donc un intérêt direct à révéler ses caractéristiques propres pour réaliser des
interactions fructueuses. Ce faisant, il "offre" à la plate-forme la possibilité de construire une
gigantesque base de données d'utilisateurs.
Il reste alors à la plate-forme à vendre l'accès à cette audience à des annonceurs publicitaires pour
lesquels la capacité à toucher un large public, finement ciblé sur des goûts, des centres d'intérêt est
particulièrement attrayante. La gratuité promise aux utilisateurs vise donc à assurer une forte
participation et une révélation d'information maximale. Ce qui revient à assurer pour la base de
données la plus grande valeur ajoutée possible, tant par la taille que par le ciblage des utilisateurs, et