SES_P7_pouvoirs_publics - Billard Club Saint

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SEPTIEME PARTIE : LE ROLE ECONOMIQUE ET SOCIAL
DES POUVOIRS PUBLICS
RAPPELS : Les justifications de l’intervention de l’Etat
L’Etat complète le marché.
L’intervention de l’Etat a d’innombrables objectifs, et notamment une dimension proprement politique, dont il n’est
pas question de rendre compte ici, qu’il s’agisse de la politique de défense, de la politique pénale ou de la législation sur
la famille, même si ces politiques ont des implications économiques et sociales évidentes. Dans une économie de marché,
priorité est donnée à ce mécanisme dans la régulation des activités économiques parce qu’il est jugé efficace. L’Etat n’a
donc qu’un rôle subsidiaire, il intervient là où le marché ne donne pas satisfaction. Ce rôle est néanmoins très important
pour plusieurs raisons. En premier lieu, le marché ne peut pas être simplement livré à lui-même et s’autoréguler. En effet,
la concurrence reste rarement équilibrée, certaines entreprises prennent l’avantage et finissent par obtenir une position
dominante, voire un monopole. Il faut que l’Etat surveille et organise la concurrence, empêchant les ententes entre
acheteurs et vendeurs, démantelant les monopoles. Il s’agit ici d’une activité de réglementation, déréglementation et
reréglementation.
D’autre part, la régulation par le marché est inefficace en présence d’externalités, car tous les coûts ou avantages ne
sont pas pris en comte dans le prix, qui ne peut servir de base au calcul économique. L’Etat peut y remédier par une
politique de taxation des externalités négatives, ou de subvention des externalités positives, ce qui rétablit la vérité des
prix. Cependant, il faut pour cela évaluer précisément l’externalité, ce qui est toujours difficile, et parfois impossible. Il est
également possible de créer un marché sur lequel se négocient les externalités. De même, pour les biens collectifs, il peut
être impossible d’obliger le consommateur à acquitter le prix correspondant à sa consommation (principe de nonexclusion), ou bien parce que cette consommation n’engendre aucun coût qui lui soit propre (principe de non-rivalité).
Dans le premier cas, il n’y a généralement pas de production (défense nationale) ou de gestion par le marché (air,
poisson). La production peut alors être directement assurée par l’Etat. Dans le second cas, le marché prend en général la
forme d’un monopole naturel dont la politique de prix n’est pas conforme à l’intérêt général. La nationalisation de ce
monopole lui permet de pratiquer des tarifs équivalents à ceux qui résulteraient d’une situation de concurrence. Il s’agit
ici de l’Etat producteur.
Enfin, l’économie ne semble pas susceptible de rester en équilibre, notamment en plein-emploi, par le seul jeu des
forces du marché. Il faudrait, en effet, pour cela que les comportements soient parfaitement rationnels et les prix
parfaitement flexibles, ce qui n’est pas toujours vérifié. De ce fait, des crises se produisent, du chômage involontaire
apparaît. Là encore, l’intervention publique peut contribuer à résoudre le problème, par une politique économique active,
quelles soient conjoncturelles (budgétaire, monétaire) ou structurelle (industrielles, planification).
L’Etat favorise la cohésion sociale.
Les inégalités de revenu, de patrimoine ou de niveau de vie qui découlent du fonctionnement des marchés sont
considérables, et probablement supérieures aux inégalités considérées comme justes par la majorité des individus, même
si le manque d’informations précises sur ce sujet oblige à la prudence. L’Etat intervient pour réduire les inégalités en
fonction du mandat, généralement très imprécis, que les électeurs donnent aux gouvernants à ce sujet à l’occasion des
consultations électorales. Les principaux instruments de cette intervention sont la fiscalité, modulée selon les ressources,
et les prestations sociales, souvent soumises à condition de ressources. Mais, elle passe également par la garantie d’un
accès bon marché à divers services jugés essentiels (téléphone, éducation, santé, logement, etc.). Il s’agit de la
redistribution des revenus vers moins d’inégalités.
Mais la cohésion sociale ne se limite pas à la réduction des inégalités. La maillage du territoire obtenu par les
grands réseaux ou l’existence d’un système éducatif unifié, l’accès égal à divers services publics, quel que soit le lieu,
marquent l’unité de la collectivité nationale. Diverses prestations expriment la solidarité à l’égard de telle ou telle
catégorie, le système de retraite par répartition manifeste la solidarité des générations. Cependant, cette division en
quelques grandes catégories d’objectifs est un peu artificielle, dans la mesure où une même politique peut viser de
nombreux objectifs simultanément. Ainsi, l’action des pouvoirs publics sur les salaires répond à un souci de justice
sociale, favorise l’augmentation de la demande globale et oriente le développement de l’appareil productif.
CHAPITRE I :
Les politiques conjoncturelles
L’économie des pays capitalistes développés est en partie administrée car le marché ne parvient pas à assurer, à lui
seul, croissance et maîtrise des équilibres. La proposition de Richard MUSGRAVE, relativement consensuelle, sur les
fonctions de l’Etat se situe à trois niveaux :
 La fonction d’affectation ou d’allocation qui consiste à agir sur l’affectation des ressources à travers la
production non marchande (services publics) et marchande (entreprises publiques) de l’Etat.
 La fonction de redistribution qui consiste à modifier la répartition des revenus dans un sens jugé
préférable par la collectivité afin de réduire les inégalités. Il s’agit ici de l’Etat providence et des
politiques sociales visant au maintien, entre autre, de la cohésion sociale.
 La fonction de stabilisation qui vise à assurer une régulation de la conjoncture à travers les politiques
conjoncturelles et structurelles.
L’intervention de l’Etat sur l’économie a deux volets principaux :
 Elle est structurelle lorsqu’elle cherche à modifier les données de base de l’économie (degré de
concentration, aménagement du territoire, répartition en secteurs d’activité,…), elle agit dans le moyen et
long terme sur les structures de l’économie.
 Et conjoncturelle lorsqu’elle vise à infléchir les fluctuations à court terme des variables
macroéconomiques (PIB, prix), elle agit dans le court terme sur le niveau de l’activité économique.
Cette distinction commode doit être nuancée. Une politique structurelle a des effets à court terme sur la demande
globale. On peut définir une politique économique comme l’ensemble des objectifs et instruments mis en œuvre par les
pouvoirs afin d’agir sur les variables économiques.
La nécessité d’une politique économique conjoncturelle s’est surtout fait sentir à partir de la crise des années 30,
l’Etat semblait être alors le dernier rempart contre l’aggravation du chômage et la chute du niveau de vie. C’est KEYNES
qui a le mieux incarné cette conception, il a préconisé une relance de l’économie par le soutien à la demande des ménages
(consommation), de l’Etat (dépenses publiques) et des entreprises (investissement). Durant les Trente Glorieuses, la
politique économique est très interventionniste, l’Etat agit constamment sur la conjoncture en relançant la demande
lorsque l’activité ralentit ou en pratiquant la rigueur lorsque l’inflation est forte. L’interventionnisme et l’alternance entre
relance et rigueur perdurent jusqu’au début des années 80. A partir de cette époque, la politique économique des
principaux pays industrialisés tourne le dos au keynésianisme et s’inspire de la théorie libérale, du monétarisme et de la
théorie de l’offre, les objectifs principaux de la politique économique deviennent la lutte contre l’inflation et la
restauration du profit et de l’investissement.
En raison de l’ouverture croissante des économies, la politique économie nationale est de plus en plus contrainte.
Les politiques économiques des différents Etats sont de plus en plus dépendantes les unes des autres. Il est alors plus
efficace de mettre en œuvre des politiques concertées et coordonnées. C’est la raison d’être de l’Union Economique et
Monétaire (UEM) européenne qui se caractérise principalement par la mise en place de la monnaie unique et par une
intégration plus ou moins achevée des politiques économiques. Nous présenterons dans la première partie la politique
conjoncturelle, ses objectifs, ses instruments, ses principales orientations et surtout ses contraintes, puis nous nous
demanderons dans la seconde partie si l’UEM peut offrir des solutions efficaces aux difficultés rencontrées par les
politiques conjoncturelles nationales ; pour cela, nous verrons que l’UEM pourrait lever certaines contraintes, mais qu’elle
crée aussi de nouvelles difficultés.
I] Les politiques conjoncturelles et leurs contraintes
L’Etat dispose de plusieurs outils pour agir sur les variables macroéconomiques afin de modifier la conjoncture
pour atteindre des objectifs pré-établis dont une politique budgétaire, monétaire, des revenus, de changes. Ces politiques
ne sont pas toujours efficaces et sont de plus en plus soumises à des contraintes.
1) Objectifs et moyens des politiques conjoncturelles
a) Objectifs
Selon le carré magique de KALDOR, il y aurait quatre objectifs avec au nord, une croissance la plus forte possible, à
l’est, un solde commercial le plus excédentaire possible, à l’ouest, un taux de chômage le plus proche de zéro et au sud,
une inflation la plus proche de zéro. Plus le carré est parfait, plus la situation est favorable, et plus le carré se contraste,
plus la situation est défavorable. On remarque d’autres objectifs à cause de ses excessivités, on parle de plus en plus de la
situation des finances publiques dont pour objectifs, de réduire le déficit public, de réduire la dette publique, de réguler le
niveau des taux d’intérêts.
La politique structurelle a deux principaux objectifs, c’est d’améliorer la situation économique par la stimulation de
la croissance donc de l’emploi, et c’est maîtriser les grands équilibres dont l’inflation, les comptes extérieurs, le déficit
public, le solde budgétaire.
b) Moyens mis en oeuvre
La politique budgétaire est l’ensemble des actions de l’Etat qui utilise des instruments budgétaires dont les
dépenses publiques, les recettes, le solde budgétaire afin d’agir sur les variables macroéconomiques.
Concernant les dépenses publiques, l’Etat peut
soit augmenter le niveau des dépenses publiques
pouvant être favorable à la croissance et à l’emploi,
soit privilégier certains types de dépenses ayant pour
conséquence de stimuler certains secteurs d’activités.
Il faut distinguer trois types de dépenses publiques
dont l’administration centrale (40%), les collectivités
locales (12%) et les protections sociales (48%). On
peut agir sur le montant ou la répartition des
dépenses publiques, 53% du PIB en 2002 contre 11%
en 1870.
Structure des prélèvements obligatoires en 1998, en %
Etat
38,3
TVA
16,7
Taxe sur les produits pétroliers
4,0
Impôt sur le revenu
7,3
Impôt sur les sociétés
4,7
Autres (dont impôt sur le patrimoine)
5,6
Collectivités locales
12,9
Taxe professionnelle
4,5
Taxe foncière
2,4
Taxe d’habitation
1,8
Autres
4,2
Sécurité Sociale
45,9
Cotisations sociales
35,4
Contribution sociale généralisée
8,5
Autres
2,0
Autres
3,1
Source : Conseil d’Analyse Economique
Les recettes ou la fiscalité représente 45% du PIB
décomposés en trois parties dont l’administration centrale à
travers les impôts sur le revenu, les collectivités territoriales à
travers la taxe d’habitation et foncière, les protections sociales
via les cotisations sociales. Depuis le XXème siècle, le taux des
prélèvements obligatoires n’a cessé d’augmenter, 35% dans les
années 70, pour financer les dépenses publiques de plus en
plus importantes. Dans les autres pays, la part de la fiscalité
du PIB est de 55% en Suède, 50% au Danemark, 27% aux
Etats-Unis et 32% en Angleterre. L’Etat peut agir sur la
conjoncture en favorisant la croissance et l’emploi pour une
réduction temporaire ou permanente des impôts.
Depuis 1975, le solde budgétaire de l’Etat est structurellement déficitaire de 30 à 40 milliards d’Euros, la dette
publique augmente aussi et a été multipliée par 8 à 600 milliards d’Euros. La dette de l’Etat augmente toute seule depuis
les années 80, « effet boule de neige ».
Le cercle vicieux de l’endettement public
La
montée
du
déficit
budgétaire pose le problème
majeur de la « soutenabilité » de la
dette publique. Jusqu’au début des
années 70, le taux de croissance du
PIB en valeur était supérieur aux
taux d’intérêts nominaux, ce qui
réduisait le ratio dette/PIB. Dans
les années 70, la croissance et
ralentie, mais une forte inflation
provoque des taux d’intérêts réel
faibles, voire négatifs, ce qui allège
encore le poids de la dette
publique. Le ratio dettes/PIB
passe ainsi en France de 39,5% en
1950 à 15,2% en 1980.
Mais, dans les années 80, les
gouvernements ne disposent ni
d’une croissance suffisamment
forte, ni d’un niveau élevé
d’inflation pour alléger leurs
dettes. Au contraire, celles-ci
prennent un caractère explosif : les
taux d’intérêt réel auxquels l’Etat
emprunte peuvent être quatre fois
supérieurs au taux de croissance
sur lequel sont basées les recettes
fiscales susceptibles de rembourser
ces emprunts.
Y. Le Rolland, Ecoflash, n°90-91, septembre - octobre 1994
L’effet cumulatif de la dette
Hausse des dépenses > Hausse des recettes
Hausse des déficits publics
Hausse des remboursements
Hausse de la charge de la dette
Hausse de la dette publique
Hausse de la demande des capitaux
Hausse des taux d'intérêts
L’évolution de la dette de la France
Pour les libéraux, le budget de l’Etat doit être neutre et financer un état minimum (Etat gendarme) ; pour KEYNES,
c’est l’instrument le plus efficace pour agir sur la conjoncture à travers le mécanisme du multiplicateur.
Analyse libérale
DEFICIT
Création monétaire
Emprunt public
La Banque Centrale crédite le compte
de l'Etat, ce type de financement est
interdit par le Traité de Maastricht.
Emission d'obligations achetées
indirectement par les ménages.
Endettement de l'Etat
Risque d'inflation
Augmentation des intérêts versés
Prélèvements
Impôts
Fourniture de services
non-marchands
Cohésion sociale
Redistribution des revenus pour
des ménages les plus pauvres
Augmentation de la consommation
Croissance économique
Les effets vertueux du déficit budgétaire selon les keynésiens
Déficit budgétaire
Recettes fiscales
+
Demande adressée aux entreprises
+
+
Production
+
Revenus
La politique monétaire est l’ensemble des mesures prises par l’Etat jusqu’en 1993, depuis, c’est la BCE (Banque
Centrale Européenne) et les autorités monétaires qui décident afin de réguler la création monétaire et les crédits. Ce sont
les crédits qui permettent de créer la monnaie. Il est possible d’agir sur les quantités, sur le taux de réserve obligatoire où
chaque banque de second rang, les banques commerciales, doit disposer d’un certain montant en monnaie de banque
centrale. Lorsque la BCE veut favoriser la création monétaire, elle va diminuer le taux de réserve obligatoire et
inversement, si elle veut limiter l’autonomie de la création monétaire des banques, elle va augmenter ce taux, c’est-à-dire
le besoin en monnaie de banque centrale des banques de second rang. Le coût de refinancement est le coût du taux
d’intérêt auquel la banque centrale accorde des prêts aux banques de second rang. La BCE va agir sur les taux d’intérêts
pour rendre le refinancement plus ou moins coûteux, lorsque la BCE veut favoriser la création monétaire, elle diminue les
taux d’intérêts, et inversement.
Pour KEYNES, la politique monétaire est un soutien à la politique budgétaire et secondairement, la politique
monétaire vise à lutter contre l’inflation. Cependant, les politiques budgétaires et monétaires sont interdépendantes
puisqu’un déficit public pour être financé par une création monétaire grâce à une baisse des taux d’intérêts. Dans ce cas,
on dit que le déficit budgétaire est inflationniste, ainsi, on va stimuler le crédit en baissant les taux d’intérêts pour
favoriser la croissance. La politique de revenus est une politique conjoncturelle où le niveau des revenus agit sur la
croissance, l’emploi et sur l’inflation. C’est pour cela que l’Etat cherche à agir sur le niveau des revenus avec différents
supports dont le fonctionnariat, le SMIC et les cotisations sociales. L’Etat peut aussi intervenir dans les conventions
collectives où il y est arbitre. La politique de change concerne le taux de change qui s’apprécie lorsque le taux d’inflation
baisse, lorsque les taux d’intérêts augmentent, lorsque le solde commercial s’améliore. Une monnaie forte permet de
diminuer le prix des importations ce qui limite l’inflation, appelée inflation importée. La politique réglementaire est
l’ensemble des normes, lois, règlements imposés par les pouvoirs publics qui ont une influence plus ou moins directes sur
les structures ou les conjonctures économiques, « même le laisser-faire se réglemente ».
c) La relance et la rigueur
Les politiques conjoncturelles peuvent être utilisées dans deux orientations différentes, la relance stimulant
l’économie ou la rigueur freinant l’économie. Ces politiques se succèdent les unes aux autres car chacune d’elles ont des
points positifs et négatifs.
STRUCTURELLE
Actions
budgétaires
Actions
monétaires
Dépenses et recettes visant
des objectifs industriels et
sociaux
Taux et règles du crédit et de
l’épargne favorables à certains
secteurs
CONJONCTURELLE
Relance – Go
Stabilisation - Stop
- Baisse des impôts
- Baisse des impôts
- Hausse des dépenses
- Hausse des dépenses
- Déficit
- Equilibre ou excédent
- Baisse du taux (keynésien)
- Hausse du taux (keynésien)
- Expansion de la masse
- Restriction de la masse
monétaire (monétarisme)
monétaire (monétarisme)
Relance – Go
Diagnostic
Action
Résultat attendu
Stabilisation - Stop
- Faible croissance
- Fort chômage
- Equilibre ou excédent extérieur
- Faible déficit ou équilibre des budgets publics
- Budget expansionniste (dépenses en hausse,
fiscalité allégée, solde négatif)
- Forte croissance
- Faible chômage
- Déficit extérieur
- Fort déficit public
- Budget récessionniste (dépenses en baisse,
fiscalité alourdie, solde positif ou nul)
- Crédit facilité (hausse de la masse monétaire,
taux d’intérêt réduit)
- Crédit entravé (baisse de la masse
monétaire, taux d’intérêt augmenté)
- Réglementation allégée (prix et salaires
libérés, hausse des revenus, assouplissement
des conditions du crédit)
+ croissance accélérée (expansion)
+ chômage réduit
- déficit extérieur
- inflation accélérée
- Réglementation alourdie (blocage des prix
et revenus, alourdissement des conditions du
crédit)
+ rétablissement du solde extérieur
+ désinflation
- croissance ralentie (récession)
- hausse du chômage
2) Retournement et contraintes des politiques conjoncturelles
Jusqu’au début des années 80, les politiques conjoncturelles sont caractérisées par l’interventionniste alternant
rigueur et relance. Durant les Trente Glorieuses, ces politiques conjoncturelles alternent entre « stop and go » selon la
conjoncture. Par contre, à partir de 1974 au début des années 80, ces politiques conjoncturelles deviennent hésitantes et ne
parviennent pas à lutter contre l’inflation et le chômage, on voit apparaître de la stagflation. A partir des années80, les
politiques keynésiennes ne semblent plus efficaces contenue de l’ouverture internationale. De nouvelles politiques
conjoncturelles vont être mises en place notamment des politiques restrictives qui ne recherchent pas la relance mais
l’assainissement de l’économie c’est-à-dire plus d’inflation, restaurer les déficits extérieurs et baisser le déficit public.
a) Un nouvel environnement
A partir des années 80, on retrouve des économies plus ouvertes, plus indépendantes, les économies nationales
vont être soumises à la contrainte extérieure. Les pouvoirs publics perdent de leur autonomie dans la manière de mener
leurs politiques conjoncturelles puisque leurs choix dépendent de plus en plus de leurs relations avec le reste du monde.
Les politiques conjoncturelles se heurtent à la contrainte extérieure à plusieurs niveaux. Les politiques budgétaires
dépendent de ce que le voisin mène comme politique budgétaire, de même au niveau des revenus et social. Depuis les
années 80, l’ensemble des pays occidentaux a tendance à mettre en œuvre des politiques restrictives suite aux échecs des
politiques de relance menées en 1975 et 1976 par Jacques CHIRAC, en 1981 et 1982 par Pierre MAUROY. De plus,
l’économie française est de plus en plus contrainte par la construction européenne dont les critères de Maastricht avec le
pacte de stabilité. La France n’est plus souveraine de sa politique monétaire menée par la BCE. Enfin, depuis l’ouverture
des marchés des capitaux, il existe ce qu’on appelle un triangle des incompatibilités par MUNDELL (Prix Nobel en 1999)
et FLEMMING. Lorsque les capitaux circulent librement, les économies nationales doivent abandonnées soit l’autonomie
de la politique monétaire, soit celle de changes. Pour attirer les capitaux, il faut augmenter les taux d’intérêts et pour
apprécier le taux de change, de même. On est plus libre de pouvoir relancer l’économie grâce à une baisse des taux
d’intérêts.
b) Les critiques théoriques
Milton FRIEDMAN et les monétaristes libéraux cherchent à lutter, en priorité, contre l’inflation en limitant les
crédits en augmentant les taux d’intérêts et en contenant la progression des revenus et du déficit budgétaire. En effet,
pour lui, les relances keynésiennes sont inflationnistes puisque si l’activité économique est régulée par le marché alors
l’équilibre du marché du travail est atteint, c’est-à-dire qu’il existe un taux de chômage naturel ou incompressible. Toutes
capacités de production sont utilisées, une relance va stimuler la consommation mais on ne peut pas produire plus.
L’ajustement va se faire par les prix qui vont augmenter. Pour FRIEDMAN, la seule politique possible est une politique
monétaire restrictive et une politique budgétaire restrictive.
Pour les économistes de l’école des anticipations rationnelles, l’activité économique préconise le futur, ils font des
prévisions conformément à la théorie économique. Pour ces acteurs, lorsque l’Etat baisse les taux d’intérêts, ils anticipent
l’inflation donc une diminution de leur salaire réel mais ils ne consomment pas plus. De même, toutes dépenses
publiques supplémentaires se traduisent par une baisse équivalente de la dépense privée puisque ceux-ci anticipent une
hausse des prélèvements obligatoires pour financer les dépenses publiques.
Pour LAFFER, la politique de l’offre, « trop d’impôts, tue l’impôt » puisque la pression fiscale baisse l’utilité du
travail et augmente l’utilité des loisirs et de même, les prestations sociales réduisent le coût du loisir. Selon lui, il faut
baisser les prélèvements obligatoires et favoriser les profits et l’épargne, de manière générale, il suffit de libérer les
initiatives privées.
Les politiques restrictives ont été inaugurées par les économies anglo-saxonnes dont REAGAN et THATCHER avec
une augmentation des taux d’intérêts (1979 à Tokyo) et un refus de toutes dépenses budgétaires. La crise des PED peut
s’expliquer par la décision d’augmenter les taux d’intérêts, leur endettement est dû à la hausse du dollar.
Involontairement, REAGAN a mené une politique budgétaire de relance à travers la guerre des étoiles. Depuis les années
90, on assiste à de nouveaux choix sur les politiques conjoncturelles, c’et la fameuse troisième voie (CLINTON, BLAIR)
avec la policymix, une politique budgétaire restrictive et une politique monétaire plus ou moins expansive selon la
conjoncture.
II] Les politiques conjoncturelles dans l’Union Européenne Monétaire (UEM)
Sous la pression de la mondialisation et dans le cadre volontairement contraint de l’unification européenne, les
pays européens ont engagé contre la stagflation une politique restrictive depuis les années 80. En menant une politique
anti-inflationniste, l’Etat qui obtient un taux d’inflation inférieur à celui de ses partenaires voit son taux de change
s’apprécier, d’autant plus que la hausse des taux d’intérêts nécessaire à la réduction de l’inflation permet une
appréciation du taux de change.
Les entreprises nationales ne trouvent leur statut que dans une recherche de gains de productivité d’où une
amélioration de leur compétitivité, hors prix. C’est dans ce cadre que la France prend au début des années 80 l’autonomie
de sa politique monétaire en tant qu’arme de relance volontariste car dans la logique de la construction européenne et du
SME, le franc doit suivre le sillage du marché. Le taux d’intérêt ne peut être utilisé que dans une optique de politique de
change, il faut, de plus, une maîtrise des coûts salariaux avec un partage de la valeur ajoutée en faveur des entreprises. La
hausse de la monnaie nationale réduit le coût des importations ce qui favorise la désinflation importée.
Au final, la politique de change et la politique de revenu sont neutralisées, il ne reste que deux politiques,
budgétaire et monétaire, pour défendre les quatre objectifs du carré magique. Or pour TINBERGEN, la politique
économique n’est possible que si nous avons autant d’objectifs que d’instruments. C’est pourquoi les objectifs de plein
emploi et de croissance sont abandonnés. La politique monétaire lutte contre l’inflation et la politique budgétaire
restrictive pour un solde extérieur positif, le plein emploi et la croissance qui doivent en découler.
En effet, la compétitivité est retrouvée comme un résultat annexe avec le freinage des importations suite à la
désindexation des salaires, le chômage et la fiscalité réduisent la demande privée et la restriction budgétaire de la
demande publique ; avec la hausse des exportations car les entreprises retrouvent leur manque donc une compétitivité de
hors prix. Mais, cette politique a un coût, la croissance molle et le chômage. Elle a, cependant, été poursuivie car la
convergence décidée à Maastricht, la priorité à la réduction des déficits budgétaires, correspondait à la conjoncture
allemande avec une inflation et des déficits nés de l’unification.
1) L’UEM pourrait lever certaines contraintes de la politique conjoncturelle
a) Une relance concertée
L’ouverture internationale accentue l’interdépendance économique car toutes politiques de relance accroissent
fortement les importations et à des effets déséquilibrant sur la balance commerciale. En revanche, les politiques de
relance menées par les partenaires favorisent les exportations. Dans un tel cadre, les différents pays ont tendance à
appliquer des politiques de rigueur qui limitent leurs importations tout en espérant que leurs partenaires mènent une
politique de relance qui augmente leurs exportations. Seule la concertation internationale pourrait résoudre le problème
de la contrainte extérieure, si les principaux pays développés décident de mener conjointement des politiques de relances,
le solde extérieur ne se détériorait pas.
b) La construction européenne
En 1989, le rapport d’un comité d’experts présidés par Jacques DELORS rend ses conclusions, l’UEM ne peut se
faire que parallèlement à l’union économique c’est-à-dire la réalisation d’une politique communautaire de la concurrence,
d’un marché unique, une réduction des inégalités de développement structurel et une politique de réglage
macroéconomique :
 01/01/1990  Entrée en vigueur de la libéralisation des mouvements de capitaux et obtention d’une
meilleure convergence des résultats macroéconomiques avec la coordination des politiques économiques.
 01/01/1994  Création d’un SEBC fixant les orientations monétaires générales pour l’ensemble de la
communauté et de l’IME qui prépare la mise en place de la BCE. Au cours de cette étape, les banques
centrales nationales doivent se doter de statuts garantissant leur indépendance vis-à-vis des
gouvernements, 1993 pour la France.
 01/01/1997 – 01/01/1999  Fixation irrévocable des parités avant disparition des monnaies nationales
et création d’une monnaie unique gérée par la BCE, ne concernera que les pays respectant les cinq
critères de Maastricht.
L’UEM permet de coordonner les politiques économiques. La politique sera menée par la BCE qui devra avoir
comme objectif principal le maintien de la stabilité des prix. Les orientations de la politique de change mise en œuvre par
la BCE relèveront du Conseil Européen qui est aussi chargé, avec la Conseil Ecofin (regroupe les ministres de l’Economie
et des Finances), respectivement d’orienter et de coordonner les politiques budgétaires des Etats membres, qui restent
nationales. L’UEM permet de coordonner la politique monétaire, la monnaie unique joue dans ce cadre un rôle important
car il est impossible d’harmoniser parfaitement les politiques économiques des pays disposant de monnaies différentes.
Il existe un coût à la non Europe, c’est un coût fictif montrant l’absence de gains engendrés par la non réalisation de
l’Europe avec un accroissement du commerce entre pas membres, un accroissement des échanges extracommunautaires,
des extensions des gammes de produits offerts aux consommateurs, un accroissement des IDE en provenance de
l’étranger, et multiplication des opérations de fusions et acquisitions transnationales européennes. Depuis l’adoption de
l’Acte Unique en 1986, le remodelage de l’économie européenne s’accompagne d’un développement de l’activité avec un
gain de croissance de 1,1 à 1,5% entre 1987 et 1993, mais aussi d’un rattrapage des Etats membres de la périphérie. Les
avantages de la monnaie unique sont :
 De réduire l’inflation et de constituer un espace de stabilité monétaire où à ce titre, les taux d’intérêts en
Europe pourraient s’orienter à la baisse pour stimuler l’investissement et l’emploi ;
 D’amplifier les gains de croissance grâce à la suppression des coûts de transaction de change, exit les
fluctuations, les commissions et les couvertures contre le risque de change ;
 De rendre inefficaces les stratégies de dévaluation compétitive stimulant la conjoncture domestique ;
 De donner une concurrence accrue sur le marché des biens et services orientant les prix, devenus lisibles,
à la baisse donc une augmentation de la demande, de la production, de l’emploi ;
 De rééquilibrer le SMI en contrebalançant la suprématie du dollar, étant vecteur d’externalité positive ;
 D’amorcer et accélérer le processus d’une Europe politique nécessaire à l’équilibre de la planète.
2) L’UEM risque de créer de nouvelles contraintes
Pour certains, la marche vers la monnaie unique représente trop de sacrifices. Depuis la récession de 1993, des voix
s’élèvent pour protester contre l’abandon de la souveraineté de la politique monétaire et le manque de dépenses
publiques. Or, depuis 1993, la banque centrale française est indépendante des pouvoirs publics qui voient dans la baisse
des taux d’intérêts le moyen de relancer l’économie, et pour elle, les dépenses publiques sont facteurs d’augmentation ou
de compensation de la demande effective qui favorise la croissance et l’emploi. En bref, le respect des critères de
Maastricht est souvent invoqué comme obstacle à une lutte efficace contre le chômage qui culmine à 10%, moyenne de
l’UE. De plus, le Traité de Dublin prévoit un pacte de stabilité budgétaire qui liera les membres de la future UEM.
Toutefois, les partisans de l’Euro répondent aux inquiets des effets récessifs de la convergence, qu’il n’y a pas de lien
mécanique entre contexte d’aisance monétaire et budgétaire et le plein emploi de par l’hypothèse d’un chômage
structurel. De plus, au-delà d’un certain seuil, déficits publics et dettes publiques plombent la croissance en exerçant une
forte pression sur les taux d’intérêts et sur les anticipations des agents concernant de futures hausses fiscales. Dès lors,
leurs diminutions peuvent exercer des effets de relance.
Le risque de dumping social désigne la stratégie de ceux qui offrent aux entreprises la possibilité d’employer la
main d’œuvre à des conditions de travail et de salaires avantageux sur leur territoire. Cette stratégie a pour causes, la
fiscalité, la législation et la protection sociale, pour conséquences, le flux de migration de main d’œuvre vers les pays les
moins disant socialement et délocalisation intra-européenne des entreprises, défavorables à l’emploi. Les effets du
dumping social sont limités dont une mobilité transfrontalière limitée, des différences de productivité atténuant les
différence de coût du travail, l’existence d’autres critères de délocalisation, la recherche de compétitivité hors prix, la
volonté des pays membres d’instaurer une charte sociale. La création en 1993 de l’espace social européen vise entre autre
à améliorer la coopération et la concertation en matière de protection sociale. La mise en place de la monnaie unique a des
coûts, ceux de la conversion des monnaies nationales en euro, de la fabrication de nouveaux billets et de nouvelles pièces,
de l’adaptation des systèmes comptables, des guichets automatiques,… De plus, toute la facturation devra être modifiée
d’où les trois années de mise en place de l’Euro afin que les gens puissent répartir les coûts inhérents sur trois exercices
comptables.
L’indépendance de la BCE pose à la fois un problème politique avec la mise en cause des principes démocratiques
car ses dirigeants ne sont pas élus et manquent de légitimité démocratique alors qu’ils disposent de pouvoirs étendus ; et
un problème économique où la BCE a pour mission principale la stabilité des prix et non la lutte contre le chômage
entraînant des difficultés à mettre en place une politique monétaire unique alors que les situations économiques des
différents pays divergent. En effet, l’UE n’est pas une unité économique homogène, certains chocs concernent davantage
certains pays que d’autres, une crise dans un secteur particulier affecte davantage les pays où le secteur est développé et a
peu d’effets ailleurs. Ainsi, un incident climatique toucherait davantage les pays largement agricoles comme la France et
la Grèce. On peut craindre des problèmes de coordination entre la politique monétaire qui relève de la BCE et la politique
de change qui relève du Conseil Européen, ces deux politiques utilisent le même instrument, le taux d’intérêt. Il peut y
avoir un conflit par rapport à une dépréciation voulue pour augmenter la compétitivité prix des exportations, la BCE
redoutant par la même une inflation importée. Comment va s’opérer l’arbitrage ? Il y a donc un risque que la BCE
s’accapare la politique de change d’où un risque de surévaluation de l’Euro.
En cas de choc économique ou récession, si le choc concerne toute la zone Euro, l’utilisation du taux de change
permettra une régulation, si le choc est asymétrique alors l’instrument du taux de change n’est plus valable car les
dévaluations ne sont plus possibles. L’Etat membre peut gérer cette situation avec la mobilité de la main d’œuvre, la
flexibilité des prix et des salaires et la marge de manœuvre budgétaire qui est étroite car le budget commun n’est pas en
mesure d’exercer un puissant effet stabilisateur ou régulateur et impossibilité d’opter pour un déficit budgétaire. On
comprend mieux l’actuel débat sur une politique budgétaire commune qui accompagnerait la politique monétaire. La
zone Euro n’est pas encore une zone monétaire optimale, un espace économique où les facteurs de production sont
suffisamment mobiles pour réaliser un ajustement en cas de choc asymétrique.
Le débat autour de la « pensée unique »
Les libéraux anglo-saxons, comme FRIEDMAN, et les dirigeants britanniques accusent la monnaie urique
(paroxysme interventionniste) qui ajoute à la sclérose inhérente aux économies dirigées une contrainte insoutenable.
Selon eux, en l’absence des mouvements de main d’œuvre (tels ceux qui se produisent entre les Etats américains) pour
gérer des « chocs asymétriques », un pays doit conserver son autonomie monétaire et budgétaire, l’ajustement externe se
faisant par le change.
Une grande partie des libéraux européens, et les gouvernements, croient au contraire que la monnaie unique est
une contrainte salutaire face aux dérapages budgétaires et inflationnistes. L’emploi et la croissance découleront de la
seule flexibilisation des marchés, notamment du travail, les politiques volontaristes étant récusées. Hans TIETMEYER et
Jean-Claude TRICHET, les gouverneurs des banques centrales allemandes et française, sont les partisans les plus résolus
de cette thèse, ils nient toute responsabilité dans la récession prolongée. Cette conception est qualifiée de « pensée
unique » par les économistes critiques.
Une série d’économiste plutôt keynésiens (FITOUSSI, SOLOW, DE BOISSIEU, KRUGMAN, ARTUS,
MALINVAUD) préconise un renversent des priorités tout en soutenant la monnaie unique. LA désinflation compétitive a
trop duré, ses objectifs atteints, il faut l’abandonner pour retrouver la croissance. Ils proposent des mesures de type
keynésien avec la hausse des salaires, la baisse des taux d’intérêts, « initiative de croissance européenne ». Le
raisonnement est le suivant :
 La compétitivité par la réduction des salaires et de l’emploi réduit les débouchés internes ;
 C’est un jeu non coopératif à somme nulle, les emplois des uns sont perdus par les autres ;
 En retour, pour maintenir l’exportation, chacun accentue la pression sur les salaires et l’emploi ;
 La « taille du gâteau », la croissance, se réduit pour tous ;
 La recherche de la compétitivité n’a donc pas de fin, elle entraîne une spirale récessive.
Il faut inverser la tendance en raugmentant la part des salaires dans le revenu national et en baissant les taux
d’intérêts jusqu’à un niveau proche de zéro afin de relancer la consommation qui seule peut inciter les firmes à préférer le
placement à l’investissement et à décourager les revenus de la rente. Ce raisonnement en termes de débouchés est celui
de Keynes quand il propose à Bretton Woods un système monétaire international obligeant en priorité les pays
excédentaires à dépenser leurs excédents (expansion), plutôt que les pays déficitaires à réduire leurs déficits (récession). Il
est aussi celui des « économistes contre la pensée unique » qui considèrent que la « tyrannie des marchés financiers » est
responsable d’une véritable préférence pour la récession comme le montrent la chute des cours à chaque réduction du
chômage ou leur embellie à l’annonce d’un plan de licenciements (en 1997, l’action Renault gagne 13% à l’annonce de la
fermeture de son usine de Vilvoorde).
Jean-Pierre DELAS, L’Etat et l’Economie, 1994 (Extraits)
La conjoncture actuelle est à l’opposé de celle qui prévalait au début des années 80. A cette époque, la rentabilité
des entreprises était très dégradée, les salaires étaient indexés sur les prix, lesquels évoluaient dans un cadre
inflationniste.
Pierre-Alain MUET, directeur du département d’économétrie à l’OFCE
La majorité des économistes accepte aujourd’hui l’idée qu’un décalage très voire trop important s’est instauré entre
les gains de productivité réalisés par les entreprises et les rémunérations versées aux salariés. Une marge existe pour une
augmentation du pouvoir d’achat. La chose serait même souhaitable si l’on en mit la dernière lettre du Centre d’Etudes
Prospectives et d’Informations Internationale (CEPII, n°149), qui souhaite « redonner aux politiques contracycliques de
type keynésien un rôle important », un surplus de pouvoir d’achat pourrait affermir le frémissement que l’on décèle
depuis peu sur la consommation.
Yves MAMOU, Le Monde Economie, 15/10/1996
CHAPITRE II :
Les politiques structurelles
L’Etat est un acteur économique supérieur aux autres à savoir le marché pour deux raisons, c’est le seul qui peut
assurer l’intérêt général et il peut corriger les défaillances du marché. Il permet de réaliser une fonction essentielle, celle
de la fonction d’allocation des ressources. Cette allocation repose essentiellement sur les entreprises politiques et les
administrations, la planification, la politique industrielle.
Cependant, depuis une vingtaine d’années, la mondialisation et les changements techniques, technologiques
modifient les relations entre l’Etat et le marché. Les libéraux protestent de plus en plus l’intervention de l’Etat sur les
structures économiques et sociales. De ce fait, on assiste à des privatisations, des déréglementations qui ont pour but de
rapprocher les structures économiques et sociales d’un cadre plus concurrentiel (France Télécom, Air France, EDF).
I] L’Etat acteur
L’Etat est acteur car il produit des biens et des services collectifs, des services publics pour les entreprises et les
administrations, car l’Etat réglemente à travers le Parlement, car il oriente la planification, la nationalisation et la politique
de la richesse.
1) L’Etat produit
a) Les consommations collectives
La consommation collective est la consommation par un ménage d’un bien ou d’un service est invisible c’est-à-dire
que les caractéristiques sont telles, dès qu’il est mis à la disposition d’un individu, il est mis à la disposition de tous les
autres. Ces biens et services collectifs doivent être produit par l’Etat car c’est les seul acteur capable d’organiser la
production et d’user de la contrainte pour financer les coûts de production à travers l’impôt. Il ne faut pas confondre
service ou bien de collectif à service public.
b) Les services publics
Un service public est une activité qui est gérée, contrôlée par la puissance publique. Il y a trois acteurs qui
contribuent au service public, et qui sont les administrations, les entreprises publiques et des organismes privés sous le
contrôle des pouvoirs publics. Le service public est défini par le droit public, or celui-ci est très flou. Ce flou juridique a
pour conséquence de rendre le service public adaptable à toutes les situations. Cependant, on peut faire une critique car
l’Etat légitime son intervention par le service public dont lui seul va déterminer la définition.
Les services publics ont une dimension politique et sociale puisqu’elle contribue à une cohésion sociale. Il y a aussi
une dimension juridique avec le principe de continuité où il n’y a pas de rupture dans la production du service public,
l’égalité (aucune discrimination) et le principe d’adaptabilité où le service public est un service dynamique. On observe
également une troisième dimension, une dimension économique. Dans le cas d’un monopole naturel, la production doit
être assurer par l’Etat. Le monopole naturel est la situation dans laquelle il vaut mieux un producteur que deux
producteurs c’est-à-dire une situation dans laquelle les caractéristiques du marché sont telles qu’il y a d’énormes coûts
fixes devant être rentabilisées sur l’ensemble des consommateurs pour avoir le prix le plus faible possible. Ce
monopoleur peut profiter de sa situation privilégiée, pour éviter cela, il faut que l’Etat prenne le contrôle alors le
monopole devient légal. Il existe également le monopole d’innovation. Certains services publics doivent être gratuits
quand on est en présence d’externalités positives qui pourraient engendrer un comportement de passager clandestin.
c) Les entreprises publiques
Une entreprise publique est une entreprise sous le contrôle de l’Etat, une entreprise devient publique lorsque l’Etat
nationalise. Une entreprise publique produit des biens et des services marchands soit dans un cadre de monopole
(SNCF), soit dans un cadre plus concurrentiel (Crédit Lyonnais). Les entreprises du tertiaire étaient au nombre de 2 400
en 1996, 1 000 de moins qu’en 1982 mais elles restent dominantes.
2) L’Etat réglemente
a) Les externalités
L’Etat va permettre d’internaliser les effets externes, obliger les individus à intégrer dans leurs calculs économiques
les conséquences positives ou négatives externes de leurs activités. Si l’externalité est positive (éducation, santé), il faut
abaisser les coûts de production à travers les aides, les subventions. En cas d’effets externes négatifs, il faut rehausser les
coûts de production à travers l’augmentation des taxes.
b) La réglementation financière et celle du travail
Les Etats réglementent à tous les niveaux économiques et sociaux. Le marché du travail voit, en 1973, des nouvelles
lois de licenciements qui les rendent moins fréquents. Récemment, une nouvelle loi est apparue sur les licenciements
abusifs, c’est l’employeur qui doit prouver la faute grave de l’employé, apparition aussi de la législation des CDD et des
35 heures. L’Etat réglemente pour éviter les crises financières où les banques ne doivent pas excéder 8% de déficit, et où la
Banque de France doit assurer le rôle de préteur de dernier ressort. De manière générale, l’Etat a permis à travers la
réglementation d’institutionnaliser le marché. Les premières réglementations sont faites par SCHERMAN avec
l’interdiction du monopole, et par CLAYTON avec l’interdiction de fusions, composant les lois anti-trusts.
3) L’Etat oriente
a) La planification
La planification indicative s’est fixée en concertation avec tous les partenaires sociaux (entreprises, syndicats,
salariés) des objectifs économiques à moyen terme voire à long terme. Cette planification sert à réduire l’incertitude, et est
nécessaire pour faire face aux défaillances du marché car celle-ci est myope, elle raisonne à court terme. Ces plans
s’imposent aux entreprises publiques avec les nationalisations alors que les entreprises privées sont orientées grâce à des
réglementations, à des prêts avantageux, à des irritations fiscales (exonérations de charges pour les emplois précaires).
En 1982, les nationalisations ont concerné essentiellement le secteur industriel en crise, comme la sidérurgie, mais
aussi le tertiaire notamment les institutions financières afin de pouvoir agir sur les investissements pour les orienter
massivement vers les branches motrices dans le souci de maintenir la croissance :
 Apparition avec Colbert des manufactures d’Etat, mercantilisme ;
 Front Populaire avec le chemin de fer, le pétrole, l’aéronautique ;
 Libération avec De Gaulle, des secteurs clés (charbon, ressources énergétiques) ;
 1982, secteur de pointe contrairement à REAGAN et THATCHER.
Actuellement, les nationalisations sont de plus en plus remises en cause et on assiste à une vague de privatisations.
b) Les politiques industrielles
Les politiques industrielles sont l’ensemble des actions mises en œuvre par les pouvoirs publics qui visent à agir
sur les structures et les performances de l’appareil productif et ceci de manière plus ou moins sélective. Ces politiques
sont justifiées par quatre raisons dont les externalités, les biens et services collectifs, les rendements d’échelle et
l’amélioration de la spécialisation dans la DIT.
On a deux manières de mener une politique industrielle. Le volontarisme est d’établir les mêmes règles pour toutes
les branches et les entreprises, pour les libéraux, on ne fausse pas les mécanismes de marché. L’interventionnisme
favorise certaines branches, entreprises et aussi l’ensemble du système productif, mais fausse les mécanismes de marché.
Il y a trois supports pour mener une politique industrielle. Le premier support est la mise en place de grands
programmes comme Airbus. Ensuite, les politiques d’attractivité et d’environnement permettent à l’Etat d’agir
indirectement en créant par la fiscalité, la politique des revenus et par les infrastructures (route, chemin de fer), un cadre
favorable au développement des entreprises (Toyota à Valenciennes). Ce type de politique industrielle est une politique
d’accompagnement des structures économiques plus que d’actions directes sur ces actions économiques. Enfin, la
politique structurelle dite de créneau vise à spécialiser l’appareil productif dans la production d’un produit porteur ou
d’un groupe de produits d’une branche motrice. L’avantage de cette politique de créneau est qu’on va améliorer les
avantages comparatifs, par contre, l’inconvénient est qu’on peut contribuer à augmenter les autres importations. La
politique structurelle dite de filière permet de maîtriser toutes les étapes d’un processus de production de la matière
première au produit fini. Les importations sont limitées mais étant moins spécialisées, les exportations baissent aussi.
Historiquement, on peut dégager quatre étapes dans les objectifs des politiques industrielles :
 Années 60  des grands projets liés à la volonté d’indépendance technique (énergie, aérospatial) ;
 Années 70  l’impératif et le redéploiement industriel adaptent le système politique suite à la crise ;
 Années 80  le volontarisme industriel a pour conséquence de grandes vagues de nationalisations ;
 Depuis le milieu des années 80, on assiste à un développement de la politique d’environnement.
II] Redéfinir le rôle de l’Etat
Depuis les années 80, les thèses libérales sont de plus en plus dominantes et l’Etat se désengage en effectuant une
déréglementation. Toutefois, l’Etat ne disparaît pas complètement, depuis les années 90, son réengagement se redéfinit
pour arriver à une situation mixte entre trop d’Etat et pas d’Etat.
1) Un nouveau contexte
a) La mondialisation
Les Etats sont mis en concurrence par les FMN et par les marchés financiers. En effet, l’internationalisation de la
production permet aux firmes d’échapper en parti à l’impôt, de même pour la réglementation du travail. La
déréglementation du marché dans les années 80 aux Etats-Unis a amené les Etats européens à se déréglementer. Le
marché commun européen rend les politiques industrielles nationales perturbantes.
b) Mutation technologique
Les nouvelles technologies, comme la télévision par satellite, permettent d’introduire de la concurrence là où il y
avait un monopole naturel, comme la ligne hertzienne. Le service public audiovisuel n’est plus forcement légitime.
c) Crises financières de l’Etat
L’Etat passe dans une crise financière avec un fort endettement, et l’effet « boule de neige » des taux d’intérêts réels
très élevés et d’une croissance faible inférieure à ceux-ci donc le ratio dette – PIB augmente. Par ailleurs l’augmentation
des dépenses publiques (chômeurs, retraités) amène à une hausse de l’endettement puisqu’on ne peut pas augmenter les
prélèvements obligatoires déjà très élevés. La capacité financière de l’Etat baisse et va limiter ses interventions au niveau
des politiques industrielles. Actuellement, la tendance est de baisser les prélèvements obligatoires donc de limiter les
dépenses publiques. La baisse des dépenses se base essentiellement sur les investissements (infrastructures, grands
travaux) et concerne très peu les frais de fonctionnement (salaires). Les réformes libérales se dirigent vers deux directions,
la privatisation et la déréglementation.
2) Les réformes libérales
a) Les fondements théoriques
Dans les années 70, certains économistes de l’école des choix publics (BUCHANAN, prix Nobel) montrent que
l’intervention de l’Etat, notamment sur les structures de l’économie n’est pas légitime. Le raisonnement microéconomique est appliqué à la sphère non-marchande, aux choix publics. Ce sont des économistes libéraux où pour eux,
les individus cherchent à maximaliser leur utilité. Il y a un abus de la règle du vote majoritaire pouvant être détourné par
une forme de marchandage. Les procédures de choix des pouvoirs publics sont dominées par des stratégies individuelles.
Certains bureaucrates cherchent à étendre les pouvoirs soit à voir la taille de leur service augmentée, du gaspillage pour
pouvoir épuiser le budget afin de le renouveler l’année suivante. On assiste à un cycle politico-économique en
augmentant les dépenses pour satisfaire les électeurs et limiter les dépenses quand on est au pouvoir. De toutes ces
critiques, ces économistes en tirent la conclusion suivante, il y a une irrationalité des choix publics et une augmentation
excessive des dépenses publiques alors l’Etat doit se désengager.
b) La déréglementation : le libéralisme dans les années 80
Les privatisations ont plusieurs objectifs dont l’amélioration du fonctionnement des entreprises, l’augmentation des
recettes de l’Etat et la diminution des dépenses ce qui va contribuer à pouvoir mettre une baisse des prélèvements
obligatoires, et le développement de l’actionnariat populaire.
La planification et la nationalisation ont baissé au profit d’une politique de concurrence pour diminuer les prix. Il
existe en France une commission des prix où le cadre concurrentiel est vérifié. On retrouve le même type de structure au
niveau européen et au niveau mondial via l’OMC. Ainsi, cette politique de la concurrence est supervisée et mise en
œuvre par l’Etat qui va surveiller les mouvements de concentration pour éviter la constitution de monopole.
La déréglementation se fait au niveau du travail, depuis les années 80, qui est fortement déréglementé pour
introduire plus de flexibilité afin de faire baisser le chômage ; et au niveau du marché des capitaux et financiers surtout
dans les années 80, les entreprises peuvent intervenir sur le marché monétaire où il y a un décloisonnement des banques,
les capitaux peuvent circuler d’un pays à l’autre. La déréglementation a pour objectifs principaux de passer à une
économie d’endettement à une économie de marché financier limitant l’inflation puisqu’on finance par la création
monétaire, si les marchés régulent l’offre et la demande des crédits, on pourra voir les taux d’intérêts baissés.
3) Vers une nouvelle action de l’Etat
a) La croissance endogène
On parle de croissance endogène pour montrer que la croissance est le résultat d’activité économique interne à
l’économie. Le croissance et le progrès technique sont la conséquence de l’intervention de certains secteurs économiques
comme l’Etat qui va pouvoir améliorer la croissance en favorisant le progrès technique grâce aux investissements dans
l’éducation, la recherche et le développement puisque la connaissance est un bien collectif pur que génère des externalités
positives. Il faut internationaliser ces effets externes comme le brevet à travers une réglementation. L’Etat garde toute
légitimité à intervenir, par ailleurs, l’Etat peut favoriser la croissance à travers les politiques d’environnement. Si ce rôle
est légitime, de ce fait, ce sont toutes les politiques macro-économiques conjoncturelles qui sont aussi légitimées. Enfin, le
rôle de l’Etat reste important puisqu’il peut interdire ou faciliter certaines délocalisations pour des raisons de sécurité
nationale.
b) De nouveaux acteurs, et la reréglementation
Depuis 1982, on assiste à des vagues de décentralisation en donnant de l’autonomie au pouvoir local via régional,
départemental et communal. Aujourd'hui, la grande tendance est de poursuivre et renforcer cette décentralisation.
Depuis les années 80, on observe des vagues de reréglementations sur le marché du travail (CDD, ANPE) et sur le
marché financier (taxe Tobin).
Actuellement, l’intervention des pouvoirs publics semble se redéfinir au niveau européen avec moins d’Etat en
France, pour un service public européen plus grand.
Biens et services
collectifs
Acteur et
Producteur
Non-marchands (administration)
Secteur Privée
Services publics
Entreprises publiques
Marchands et non-marchands
Externalités
ETAT
Défaillance du marché
Réglemente
Institutionnaliser
le marché
Nationalisation
Oriente
Volontariste ou Interventionniste
Planification
Grands projets
Politique
industrielle
Politique d'environnement
Politique structurelle
CHAPITRE III :
Etat providence et cohésion Sociale
I] L’Etat intégrateur
Progressivement, à la fin du XVIIIème siècle puis à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Etat va chercher à assurer
une certaine cohésion pour protéger les plus pauvres et es exclus que le libéralisme a laissé sur le bord du chemin. Cette
mise en place de l’Etat providence nécessite une redistribution des richesses dans le cadre de politiques sociales soit
l’ensemble des actions des pouvoirs publics qui visent à agir sur la situation sociale des individus et des groupes.
1) La citoyenneté sociale
a) Naissance de l’Etat providence
Les libéraux de la fin du XVIIIème siècle ont cru trouver une solution à la mendicité en faisant du travail une
marchandise vendue sur un marché (contrat de travail individuel). La misère ouvrière du début du XIX ème siècle qui a son
origine dans le fonctionnement du marché du travail est le signe de l’échec de cette ambition. La précarité du travail
salarié est la cause d’une exclusion économique (précarité), sociale (chômage), culturelle (stigmatisation de la part des
élites culturelles) et politique (absence de droit de vote avant 1848).
Dès la fin du XIXème siècle en Allemagne, la mise en place d’un système de protection sociale apparaît comme la
solution au problème posé par la misère caractéristique de la société industrielle. Après la Seconde Guerre Mondiale, la
volonté de supprimer la pauvreté dans les pays riches passe par la création de nouvelles institutions (à l’image de la
sécurité sociale française) qui forment l’ossature de l’Etat providence.
Les origines de l’Etat providence sont habituellement fixées à l’application de la Realpolitik de BISMARCK en
Prusse en 1883 (assurance maladie des ouvriers) et en 1889 par l’adoption de l’assurance invalidité et de l’assurance
vieillesse de ces mêmes ouvriers. Cela ne veut pas dire que les droits sociaux n’aient pas été accordés auparavant, par
exemple, une loi anglaise interdit la journée de travail de plus de 12 heures aux enfants. Cette loi fut rendue plus
contraignante en 1833, interdisant le travail des enfants de moins de 9 ans et limitant la journée à 8 heures pour ceux âgés
de 9 à 13 ans. Une législation similaire fut adoptée en France en 1841. De même, la Grande-Bretagne s’était dotée, en 1795,
de lois sur les pauvres (poor laws) faisant obligation aux paroisses de verser aux pauvres une allocation permettant de
leur assurer le « droit de vivre », indépendamment de toute activité salariée.
Alors, pourquoi dater la naissance de l’Etat providence à la politique de BISMARCK en 1883 ? Toute tentative de
datation a une dimension arbitraire, cependant, la politique prussienne marque une rupture avec les pratiques
précédentes. Pour la première fois, l’Etat (et non les paroisses, comtés, communes) reconnaît qu’il est de sa responsabilité
d’assurer le bien-être économique et social de la population en prenant à sa charge la couverture de certains risques, les
dépenses occasionnées par cette couverture étant financée par la fiscalité ou la parafiscalité. Dès lors, la dynamique de
l’Etat providence reposera sur deux fondements, l’extension des populations concernées et des risques couverts.
En France, la couverture des accidents de travail fut assurée par une loi d’avril 1898, les assurances maladie,
invalidité, vieillesse et maternité furent théoriquement introduites en avril 1928 et les allocations familiales en mars 1932.
Les accords de Matignon, juin 1936, n’apportèrent pas de grandes avancées en matière de protection sociale. Il faut
attendre octobre 1945 pour voir adopter le régime de sécurité sociale et 1958 pour la création d’un régime d’assurance
chômage total.
La mutation profonde qui changea la signification de l’intervention étatique et donna sa pleine portée à l’Etat
providence intervint en Grande-Bretagne, en novembre 1942, avec la publication du plan BEVERIDGE qui prévoyait un
vaste programme de sécurité sociale, une fois la guerre terminée. Selon ce plan (Full employment in a free society, 1944),
le plein emploi doit être l’objectif de l’Etat et la population ne doit plus souffrir de l’indigence, la maladie, l’ignorance, la
dépendance et la déchéance. Par rapport au système de BISMARCK, le plan BEVERIDGE repose sur trois principes (U) :
 Universalité  la couverture sociale doit s’étendre à toute personne et non plus aux seuls ouvriers ;
 Unicité  l’ensemble des prestations sociales doit être géré par un seul service relevant de l’Etat ;
 Uniformité  les prestations doivent être indépendantes du niveau de revenu et des cotisations versées
par l’assurée.
Pour Thomas Humphrey MARSHALL, la mise en place de l’Etat providence, avec Welfare State où l’Etat
redistribue des richesses et assure la solidarité, va élargir la notion de citoyenneté. A la citoyenneté civile (les hommes
sont égaux en droit) et à la citoyenneté politique (mêmes droits politiques), s’ajoute une citoyenneté sociale où tous les
individus présents légalement sur le territoire de la nation bénéficient des mêmes droits sociaux. Cela contribue à
diminuer les inégalités économiques en améliorant la situation des salariés, au déclin des identités locales ou
communautaires, et favorise le sentiment d’appartenir à une communauté nationale.
Les fondements de l’Etat providence sont économiques et sociopolitiques. Les mécanismes de marché n’assurent
plus la convergence des décisions individuelles vers l’équilibre, le plein emploi doit être assuré par la mise en œuvre de
politiques conjoncturelles, cette fonction de régulation est nécessaire à la définition de l’Etat providence mais elle n’est
cependant pas suffisante, il convient d’y ajouter la fonction de socialisation des revenus, conséquence du solidarisme
républicain. Niveau sociopolitique, l’instauration du principe des trois U par la République fait reposer cette dernière sur
un paradoxe que le XIXème siècle résumera par l’expression de « Question sociale », comment réduire l’écart entre le
nouveau fondement de l’ordre politique (égalité des citoyens) et la réalité de l’ordre social ?
La IIème R2publique, 1848-1852, va voir s’affronter les partisans d’un droit au travail assuré par l’Etat grâce aux
ateliers nationaux, les socialistes souhaitent supprimer la propriété privée des moyens de production ; et les libéraux dont
TOCQUEVILLE qui défendent le droit de propriété et s’opposent à l’Etat entrepreneur. Pour sortir de cette contradiction,
on va fonder la république sur la solidarité assurée par l’Etat, puisque la Révolution Française a supprimé les anciennes
formes de solidarité. Cet enjeu fut lui de la IIIème République entre 1870 et 1940. Dans un premier temps, jusqu’à la loi sur
les accidents du travail (1898), les formes nouvelles de solidarité se constituèrent sur la base d’assurances volontaires. La
question centrale, celle qui ouvre l’ère de l’Etat providence, renvoie au caractère obligatoire ou non de l’adhésion à des
sociétés de prévoyance, à ce niveau, il faut rappeler l’analyse de DURKHEIM et le solidarisme de Léon BOURGEOIS.
DURKHEIM pense que l’Etat doit veiller à maintenir sa perception à travers de nouvelles formes de solidarité
organique. BOURGEOIS (1851-1925) est le fondateur de la SDN, a reçu le Prix Nobel, c’est un homme d’Etat et un
philosophe. Pour lui, chaque homme naît avec une dette historique envers les générations qui l’ont précédé, mais aussi
envers les générations suivantes. Cette insertion dans le temps rompt l’isolement individuel et crée une solidarité
reposant sur des devoirs (impôts) antérieurs aux droits (prestations).
Cette doctrine du solidarisme ainsi que les analyses de DURKHEIM conduiront à l’apparition du droit social. Il ne
s’agit plus de dégager des responsabilités individuelles comme le fait le droit civil, de mettre en œuvre une procédure
d’assignation de la faute à l’une ou l’autre des parties concernées (ouvrier ou patron), mais de considérer une
responsabilité collective, involontaire, conséquence de la division sociale du travail et de la solidarité qui en découlent.
Ce n’est pas un hasard si la doctrine sociale reçut sa première application à la résolution de la question des
accidents de travail, la technique assurantielle rend inutile la recherche des responsabilités individuelles, la notion de
risque professionnelle remplace celle de faute. Mais l’on voit bien que cette technique, cette socialisation du risque par le
recours aux principes de l’assurance, pouvaient s’étendre à d’autres risques que les accidents du travail. Pour
BOURGEOIS, un programme de prévention du risque social devrait permettre de prendre en charge l’individu, de sa
naissance à sa mort.
Finalement, le caractère obligatoire des cotisations ne fut définitivement acquis qu’en 1928, à l’occasion de la loi sur
les assurances sociales. La Première Guerre Mondiale et ses trois millions de soldats blessés, ses centaines de milliers de
veuves de guerre, avait considérablement accéléré la prise de conscience de la « dette historique » de BOURGOIS et de
l’interdépendance sociale.
b) La protection sociale
Les services rendus par la protection sociale, qu’il s’agisse de versements monétaires ou de services gratuits,
répondent à trois logiques différentes :
 Concernant l’assurance, en matière de santé, de vieillesse et d’emploi, les actifs paient des cotisations qui
ouvrent des droits à prestation. Ces assurances sont généralement obligatoires et sont souscrites auprès
d’un organisme unique comme la caisse de Sécurité Sociale ou pour l’assurance chômage, UNEDIC. Ces
organismes sont en position de monopole, ces assurances sont gérées par des représentants des
employeurs et des salariés.
 Pour l’assistance, un revenu minimal est versé à toutes les personnes qui en ont besoin. Certaines
prestations spécifiques, comme l’allocation logement, sont également versées par l’Etat ou les collectivités
locales sous condition de ressources. Ces prestations sont financées par l’impôt et peuvent être
complétées par l’aide sociale privée (Restos du Cœur).
 Les prestations universelles sont fournies sans condition de cotisation ou de ressources, exemple des
allocations familiales. On peut y rattacher les services gratuits ou quasi gratuits, universels par définition,
comme l’accès aux bibliothèques municipales ou à l’éducation.
La protection sociale en France regroupe l’ensemble des systèmes de prévoyance collective assurant une protection
contre les aléas de la vie. En 1996, le montant des prestations de protection sociale reçues par les ménages s’est élevé à
2 360 milliards de Francs, soit environ 30% du PIB. D’un point de vue institutionnel, la protection sociale n’est pas un
ensemble homogène. On distingue deux groupes principaux de régimes :
 Les régimes, dont le financement est majoritairement assuré par les cotisations, sont les régimes
d’assurances sociales étant obligatoires qui comprennent la Sécurité Sociale avec le régime général des
salariés, les régimes complémentaires, les régimes spéciaux (fonctionnaires, EDF, GDF, SNCF,…), le
régime des salariés agricoles, le régime des exploitants agricoles. Il y a aussi l’indemnisation du chômage
dont les institutions extérieures, UNEDIC et ASSEDIC, à la Sécurité Sociale qui couvrent l’ensemble des
salariés du secteur privé ; les régimes d’employeurs organisés par l’employeur sur la base de conventions
collectives ou d’accords d’entreprise qui versent des prestations extralégales ; les mutuelles, régies par
le Code la Mutualité, versent des prestations complémentaires facultatives.

Les régimes, dont les ressources sont essentiellement de nature fiscale, sont à côté des systèmes
d’assurances sociales ou des protections facultatives gérées par les employeurs et les mutuelles. Les
pouvoirs publics ont mis en place un certain nombre de prestations destinées à des catégories de
population présentant des handicaps particuliers ou en situation de pauvreté. Le RMI, les minima
sociaux et les allocations de logement relèvent notamment de ces interventions directes des pouvoirs
publics financées par l’impôt. Les interventions des assurances privées dans le champ de la prise en
charge des risques sociaux, régies par le Code des assurances et fonctionnant sur une base individuelle et
non collective, ne sont pas intégrées dans les comptes de la protection sociale.
Aux Etats-Unis, Social Security Act de 1935, la protection sociale est inégalement développé, elle est minimale et se
dote en 1965 d’un programme partiel d’assurance maladie basé sur Medicare avec la gratuité des soins pour les plus de
65 ans, et sur Medicaid destiné aux personnes au plus faible revenu. Les américains peuvent se couvrir par une assurance
privée d’entreprise ou hors entreprise, plus chère. La sécurité sociale américaine s’apparente à une aide sociale.
2) La redistribution
a) L’organisation de la redistribution
Si l’on accepte l’idée selon laquelle les fonctions caractéristiques d’un Etat moderne sont de produire des services,
de redistribuer des revenus et de réguler l’économie, la redistribution est la fonction essentielle de l’Etat providence. La
redistribution est l’ensemble des transferts de revenus opérés entre les ménages par voie de prélèvements obligatoires et
de prestations sociales. Un prélèvement est redistributif s’il pèse sur les plus hauts revenus, une prestation est
redistributive si elle varie en fonction inverse du revenu (RMI) ou anti-redistributive si elle profite plus aux catégories
aisées (consommation d’éducation). Un système de redistribution opère dans les deux sens.
Cette redistribution a pour conséquence une réduction des inégalités de revenus. En règle générale, plus la
redistribution est importante, plus les inégalités sont faibles. L’Etat providence favorise la cohésion sociale en aidant les
plus démunis et en rapprochant les situations des uns et des autres. Pourtant, toute redistribution n’est pas réductrice
d’inégalité. La redistribution verticale qui consiste à transférer de la richesse des ménages les plus aisés vers les plus
pauvres remplit cette fonction. La redistribution horizontale qui est sans condition de ressources est sans effet sur les
inégalités de revenus.
b) L’efficacité de la redistribution
La redistribution réduit les inégalités de revenu car le revenu disponible des plus pauvres par rapport au revenu
fiscal augmente, alors qu’à l’inverse le revenu disponible des plus riches diminue. En Allemagne, en 1994, les 30% de la
population ayant les plus faibles revenus percevaient 7,5% des salaires et 14,8% des revenus disponibles. Les inégalités de
revenus sont les plus faibles au Danemark et les plus fortes aux Etats-Unis. La redistribution réduit les inégalités car les
inégalités de revenus disponibles sont plus faibles que les inégalités de revenus primaires.
L’efficacité de la redistribution tend à être remise en cause pour les raisons suivantes :
 L’effet redistributif de l’impôt est limité car seul l’impôt progressif (impôt sur le revenu) est redistributif ;
 Dans son ensemble, le taux d’imposition moyen augmente de manière constante, le système des
prélèvements obligatoires semble être proportionnel de part le poids important des impôts indirects antiredistributifs (TVA) qui représentent 70% des prélèvements obligatoires ;
 De même, l’effet redistributif des prestations est limité car l’essentiel de la prestation relève d’une
redistribution horizontale (logique assurantielle) et non d’une logique de solidarité ;
 La pauvreté demeure, le RMI est considéré comme une trappe à pauvreté, les prestations sociales sont
accusées de maintenir la pauvreté, les cotisations sociales sont anti-redistributive et anti-emploi ;
 La politique sociale peut être source d’inégalités (exonération de charge sur les emplois précaires) ;
 La redistribution n’est pas la même pour toutes les catégories, les jeunes et les salariés pauvres en tirent
moins de bénéfice que les retraités.
De manière plus globale, ces critiques vont être généralisées amenant à ce que P. ROSANVALLON appelle une
triple crise de l’Etat providence, une crise de financement, une crise d’efficacité (régulation, redistribution) et une crise de
légitimité (bien fondé de la réduction des inégalités).
3) La politique sociale en faveur des personnes âgées
a) L’évolution
Les dépenses de retraite représentent la première dépense sociale du pays, 12,5% du PIB soit 43,3% des dépenses
sociales. Le système de retraite par répartition, où les actifs d’aujourd’hui cotisent pour les inactifs d’aujourd’hui, mis en
place dans l’immédiat après-guerre, a bénéficié de la croissance forte des Trente Glorieuses et d’une situation
sociodémographique favorable. Ce système de retraite a contribué à la réduction de la pauvreté chez les personnes âgées.
L’Etat providence a joué un rôle de premier plan dans l’intégration de cette population.
On prévoit deux cotisants pour un retraité en 2005 et 1,2 pour 1 en 2040 contre 3 pour 1 en 1970. Ces difficultés
s’expliquent par une augmentation du nombre de bénéficiaires des retraites, une augmentation des plus de 60 ans et une
stabilisation de l’emploi.
b) Les solutions
Taux de remplacement = Pension / Salaire
Equilibre démographique = Cotisants / Pensionnes
Taux de cotisation = Cotisation / Salaire
Pensions = Cotisations soit Pmoy x nb de pensionnes = Cmoy x nb de cotisants
Pension / Salaire = [Cotisants / Pensionnes] x [Cotisation / Salaires]
Pour tenir l’équilibre, On peut donc diminuer les pensions, augmenter les cotisations, diminuer le nombre de
pensionnés, augmenter le nombre de cotisant ; autre solution, les retraites par capitalisation. Les compagnies
d’assurances souhaitent développer des retraites par capitalisation où les actifs d’aujourd’hui épargnent pour les retraités
qu’ils seront plus tard. Mais, ce système n’est pas en mesure de garantir l’augmentation du niveau de vie de l’ensemble
des personnes âgées car leur retraite dépendra de la valorisation boursière de leur épargne.
Le premier déterminant de la richesse des retraités, ce n’est pas un système de capitalisation et/ou un système de
répartition mais la richesse réellement produite, le PIB de l’année en cours, sur lequel sont prélevés les pensions. Le débat
tourne autour du statut du travailleur. Dans un régime par répartition, les retraités ont intérêt à voir augmenter leur
salaire brut, alors que dans le régime, ils ont intérêt à voir augmenter l’excédent brut d’exploitation (EBE). La question
devient la suivante, qu’est-ce qui nous donne droit à prélever sur les ressources ? Voulons-nous conserver un droit social
du travail avec des revenus mutualisés ou voulons-nous revenir à la propriété privée du travail chère aux libéraux ?
II] L’Etat providence face à la nouvelle pauvreté
Alors qu’il avait relativement réussi à réduire la pauvreté traditionnelle, l’Etat providence est aujourd’hui confronté
à une nouvelle pauvreté, celle issue du chômage de masse, une nouvelle question sociale apparaît. Les pays occidentaux
oscille entre deux modèles, workfare ou droits sociaux. Les politiques de l’emploi relèvent de ces deux logiques.
1) Workfare state
a) Les principes
Les libéraux reprochent à l’Etat providence d’entretenir une exclusion sociale qu’il est censé combattre. Les
bénéficiaires des aides de l’Etat seraient incités à rester dans une situation qui leur ouvre des droits à des revenus de
transfert. Les allocations chômage transformeraient ainsi des chômeurs occasionnels en exclus durables du monde du
travail. Or, l’employabilité diminue avec la durée du chômage et nombreux, en Europe, seraient les personnes victimes
d’une « trappe au chômage ».
L’Etat providence nuirait aussi à l’emploi. Le financement de ses programmes sociaux se traduit par une hausse des
prélèvements obligatoires qui pénaliserait l’activité économique et l’emploi. Ainsi, la hausse des cotisations sociales
renchérit le coût du travail et freine les créations d’emplois. Afin d’éviter d’enfermer les pauvres dans leur situation, les
libéraux préconisent la réduction des programmes sociaux et la mise sous conditions des aides. Ebauché aux Etats-Unis,
le workfare se traduit à la fois par le retour au travail de certains chômeurs et par l’exclusion de certains autres de la
population active. Considérant que l’Etat a obligation de proposer un travail ou une formation à un chômeur et que celuici a l’obligation d’accepter cette proposition, le Royaume-Uni s’est également engagé dans cette voie. C’est un système de
protection sociale où l’aide est conditionnée à une démarche active de retour à l’emploi.
b) Exemples
Pour les tenants contemporains du libéralisme, à l’image de FRIEDMAN qui a fait resurgir le débat dans les années
60 et STOLERU qui l’a popularisé en France, les systèmes sociaux et fiscaux des économies contemporaines conduisent à
l’inefficacité (lourdeurs bureaucratiques) et à l’injustice (non-respect du principe méritocratique). Il convient de les
remplacer par un seul impôt, positif à partir d’un certain seuil de revenu, négatif au dessous sous forme de prestation.
Cet impôt négatif serait déterminé à partir d’un seuil de pauvreté absolue. En outre, il remettrait en cause la logique de la
redistribution en nature qui ne respecte pas la souveraineté du consommateur au profit d’une redistribution en espèces.
Dans cette perspective, les individus doivent se couvrir contre les risques sociaux par l’intermédiaire d’une
assurance privée. Il faut privatiser l’assurance chômage et maladie, car une assurance privée est plus efficace et les
individus sont libre du montant de leur cotisation. Les partisans d’une telle approche adhèrent à la régulation par le
marché qui permet une affectation optimale des ressources (faible légitimité de l’intervention de l’Etat), et à une
répartition des revenus juste au sens de la justice commutative. Les opposants de l’impôt négatif défendent l’idée d’une
fonction tutélaire de l’Etat pour parvenir à la justice sociale, le marché ne conduisant pas à une situation économiquement
et socialement optimale.
2) Droits sociaux
a) Les principes
L’exemple américain montre qu’un faible niveau de chômage est compatible avec un niveau élevé de pauvreté.
Pour cette raison, les pays de l’Europe continentale cherchent une autre solution au problème posé par l’exclusion.
L’alternative au workfare est l’extension de droits sociaux en direction des personnes privées d’emploi. En France, la mise
en place d’une couverture maladie universelle devrait achever la généralisation du droit à la santé qui, en l’état actuel, est
bien mieux reconnu qu’aux Etats-Unis. Une question reste en suspens, faut-il étendre ces droits sans toucher à ceux dont
bénéficient les salariés ou faut-il orienter l’Etat providence des salariés vers les exclus ?
Les pays où les droits sociaux étaient conditionnés par un emploi (type bismarckien) ont récemment mis en place
des revenus minimums à destination des laissés pour compte de la sécurité sociale. Ce dispositif réduit la pauvreté
absolue mais enclenche un processus de stigmatisation à l’encontre de ses bénéficiaires. Le débat porte aujourd’hui sur la
mise en place d’un revenu d’existence inconditionnel qui se substituerait aux minima sociaux. Cela permettrait d’éviter
l’assistance, dévalorisante pour ses bénéficiaires, et de simplifier les dépenses sociales. Mais c’est aussi renoncer à offrir à
tous un emploi et officialiser la coupure entre ceux qui créent de la richesse et ceux qui en seraient les seuls bénéficiaires.
Pour VAN PARIJS et BRESSON, le revenu d’existence a un caractère inconditionnel, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une
prestation distribuée à tous les citoyens quel que soit le montant de leurs revenus. Il repose sur une conception absolue
de la pauvreté et n’implique aucune contrepartie de la part du bénéficiaire. Il présente l’avantage d’être simple, de baisser
le SMIC et de rendre plus dignes les plus pauvres car tout le monde le perçoit.
Cette logique est contestée par d’autres auteurs, car accepter ce revenu revient à renoncer officiellement contre le
chômage. Deux versions alternatives du revenu d’existence peuvent être proposées :
 GORZ  Etant donné que le travail discontinu tend à se généraliser, certaines couches de la population
voient leur revenu fluctuer. Il propose un revenu d’existence fondé sur une double conditionnalité.
D’une part, il revient à l’Etat d’assurer un revenu continu (complémentaire) aux prestataires d’un travail
discontinu, permettant d’atténuer le processus de dualisation de la société. D’autre part, il doit soumettre
le bénéficiaire à un impératif d’insertion professionnelle comme effectuer un certain volume de travail.
 CAILLE et INSEL  La conception du revenu d’existence proposée par GORZ entraîne un effet pervers,
l’impératif d’insertion risque de s’apparenter à des travaux forcés ou à du travail sous payé imposé.
Toutefois, la première condition reste en vigueur, le revenu minimum devrait être versé à tous ceux qui
n’ont pas pour vivre un niveau de ressources déterminé, la moitié du SMIC par exemple. En outre, selon
eux, il est nécessaire que cette somme soit irrévocable contrairement au RMI et cumulable avec d’autres
ressources afin d’inciter l’individu à rechercher un emploi.
b) Le débat actuel
La protection sociale est confrontée à un contexte nouveau, le chômage de masse, le développement des emplois
précaires, baisse de la fécondité, augmentation de l’espérance de vie, tout ceci interfère sur l’équilibre à long terme. Ce
contexte explique les réformes depuis les années 80 qui reposent sur une remise en cause des principes fondateurs du
modèle français. Le fondement salarial est remis en cause, les critiques relatives aux limites du modèle, dues à son
fondement salarial, se traduisent par trois grandes réformes :
 Financement de la protection sociale via les cotisations progressivement transférées à la CSG
(Contribution Sociale Généralisée) qui est un impôt et non une cotisation sociale ;
 Déconnecter les prestations sociales et participation à une activité productive (CMU) ;
 Discrimination positive et sélectivité de certaines allocations qui, auparavant, reposaient sur les principes
de solidarité et d’universalité (allocations familiales).
Plus largement, il faut distinguer dans la protection sociale la logique d’assurance et pour ceux qui sont exclus de
l’emploi, la logique de solidarité. La cohésion sociale est assurée à travers une solidarité qui confère à tous les mêmes
droits, lesquels sont complétés éventuellement par des actions spécifiques en faveur de certaines populations. Si ce
principe de séparation entre assurance et solidarité est systématisé, on arrive alors à reconnaître que l’ensemble de la
population n’a pas vocation à bénéficier des mêmes droits. Ce serait la porte ouverte à une assurance publique minimum
pour les salariés, une solidarité collective pour les plus démunis et une régulation par le marché pour des protections
facultatives, soit une couverture réservée aux salariés les mieux rémunérés et une sélection des risques.
Ceci dessinerait le schéma d’une protection où le statut de chacun et sa situation en terme d’emploi ouvriraient des
droits de nature différente avec un droit à la subsistance d’un côté, un droit à la protection liée à l’activité professionnelle
de l’autre, et enfin, la possibilité pour ceux qui le veulent et le peuvent d’une protection supplémentaire.
3) Les politiques de l’emploi
a) Politiques passives et politiques actives
Les politiques de l’emploi peuvent se définir comme étant l’ensemble des interventions publiques sur le marché du
travail afin d’en améliorer le fonctionnement. Les politiques passives sont centrées sur l’indemnisation du chômage et la
réduction de la population active à travers l’incitation au retrait d’activité et de stages de formation qui sont parfois
classés dans les dépenses passives. A l’opposé, les politiques actives visent à créer des emplois.
Evolution de la structure de la dépense pour l’emploi (DPE)
DPE / PIB en %
1973
1980
1984
1988
1989
1990
1991
1992
0,90
2,31
3,51
3,49
3,27
3,35
3,53
3,75
DPE en milliards de francs
218
Décomposition de la DPE en%
Indemnisation du chômage
18,6
40,4
32,8
38,3
39,3
40,1
42,8
43,8
Incitation au retrait d’activité
15,5
17,3
34,6
22,5
20,4
17,0
13,7
11,0
Total des dépenses passives
34,1
57,6
67,4
60,8
59,6
57,1
56,5
54,8
Maintien de l’emploi
1,4
3,9
3,5
1,4
1,3
1,6
1,5
1,5
Promotion et création d’emplois
4,9
4,1
3,5
6,2
5,6
6,7
7,7
8,7
Incitation à l’activité
0,8
2,1
2,0
1,9
2,1
2,1
1,9
1,7
Formation professionnelle
56,2
30,6
22,2
28,2
29,2
30,8
30,8
31,4
Fonctionnement du marché du travail
2,6
1,6
1,5
1,4
1,5
1,7
1,8
1,8
Total des dépenses actives
65,9
42,4
32,6
39,2
40,4
42,9
43,5
45,2
Total
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
L’effort financier de la collectivité augmente, actuellement, les DPE représente 4% du PIB contre 0,9% en 1973. Les
dépenses passives, après avoir été prédominante entre 1976 et 1986 (deux tiers des DPE), voient leur part diminuer,
inversement les dépenses actives connaissent une croissance régulière depuis 1986. Au sein des dépenses passives,
l’indemnisation progresse au détriment des dépenses d’incitation au retrait d’activité. Au sein des dépenses actives, le
poids des dépenses de formation diminue au profit des aides à l’embauche ou à la création d’emploi. Les DPE concernent
moins les personnes et sont plus des mesures générales qui concernent les entreprises (35 heures, abaissement des
charge). La diminution du coût salarial par l’exonération des cotisations sociales patronales, la déréglementation
progressive du marché du travail et l’action en direction de populations spécifiques constituent les trois axes de la
politique de l’emploi en France.
b) Les résultats
L’efficacité sur les bénéficiaires voit 60% des contrats de qualification qui ont trouvé un emploi aidé, un tiers des
chômeurs de longue durée ont retrouvé un emploi, tout dépend de leur situation personnelle. L’efficacité pour les
entreprises est la mesure la plus efficace au regard de l’emploi étant l’abaissement des charges relatives au travail. Mais
des effets pervers sont possibles, l’effet d’aubaine est de reporter une embauche nécessaire pour bénéficier d’une mesure
future favorable à l’emploi, et l’effet de substitution est quand une personne est embauchée à la place d’une autre car
l’entreprise bénéficie d’une aide financière.
L’efficacité sur l’économie semble faible car le chômage augmente sur le long terme, mais les DPE ont permis de
réduire les hausses conjoncturelles du chômage et ont même permis de le réduire, en ce sens, elles sont efficaces. Par
ailleurs, les DPE sont à l’origine d’effets sur les variables macroéconomiques (consommation, épargne, recettes fiscales)
donc indirectement sur l’emploi.
Ces mesures sont favorables aux entreprises et aux publics spécifiques auxquels elles s’adressent mais ont été
inefficaces pour créer massivement des emplois. L’augmentation du chômage au début des années 90 explique celle des
dépenses passives en dépit de la réduction de l’indemnisation des chômeurs. La question est alors la suivante, les DPE
doivent-elles rechercher des objectifs macroéconomiques ou plutôt microsociaux ? En fait, paradoxalement, alors que le
chômage est massif et durable, il requiert des mesures adaptées au cas de chaque chômeur.
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