Modèles de compréhension de textes : du

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Langage et compréhension
Partie 2
I.
Modèles de compréhension de textes : du propositionnel à l’analogique
A l’origine des modèles de compréhension de texte il y a eu une influence forte des approches
linguistiques. Formalisme linguistique étant la proposition. La compréhension de texte comprend les discours
ou les textes écrits. On peut considérer que les différents mécanismes de compréhension ne sont pas
spécifiques à la compréhension en lecture. On peut amener à la classer comme une habilité générale de
compréhension fondamentale et transversale. Qui permet finalement l’intégration de nos perceptions à nos
connaissances que nous avons déjà.
Particularités des médias d’information (oral ou écrit) qui induisent des différences dans le degré
auquel les mécanismes qui sont impliqués dans la compréhension vont être sollicités : même
processus/mécanismes mais certains mécanismes vont être plus sollicités pour certains médias. Le lexique
utilisé n’est ainsi pas le même (plus complexe à l’écrit qu’à l’oral), la syntaxe aussi (plus complexe à l’écrit), les
thèmes abordés, les modes d’interlocution (seul face à un texte écrit). Le texte écrit est donc plus complexe
mais il y a une permanence de la trace écrite, ce qui n’a pas les mêmes conséquences en termes d’implication
de la mémoire.
 Lien étroit entre l’étude de la compréhension de texte et l’étude de la mémoire.
Modèle propositionnel de Kintsch
Il a beaucoup travaillé avec Van Dijk. Ce sont des travaux constructivistes qui envisagent la
compréhension comme activité stratégique de résolution de problèmes, comme la construction du sens :
interaction permanente entre un lecteur (système de traitement de l’information limité) et un texte, qui a une
structure/complexité linguistique définie.
Apparaît dans les années 80 le courant connexionniste, ce qui conduit à une inflexion dans la façon
d’envisager la compréhension. Les modèles vont ainsi intégrer certains principes, ce qui aboutit à des modèles
à double niveaux :
- Compréhension vue comme une activité fondée sur des mécanismes mnésiques d’activation,
automatiques et implicites.
- Niveau plus stratégique quand il y a des difficultés d’interprétation.
La compréhension de texte conduit à deux niveaux de représentation en mémoire :
- Représentation de surface : correspond au mot employé littéralement.
- A partir de cela et par l’application de nos connaissances, il y a une construction sémantique qui
prend la forme d’une représentation propositionnelle.
Ex. d’énoncé qui pourrait être dérivé de la représentation propositionnelle : paraphrase (mots et structure
syntaxique diffèrent mais préservent le contenu sémantique).
Les représentations propostionnelles sont composées de propositions qui sont définies comme une
unité de signification composée d’un prédicat et d’un ou plusieurs arguments. C’est une unité logicosémantique, l’atome de signification. Prédicat étant les verbes, adjectifs, connecteurs (propriétés) et
l’argument est un nom, agent ou objet correspondant au prédicat. Traduction symbolique de la signification
de la phrase. Pour Kintsch la proposition est donc une unité de base et le texte est composé d’un ensemble
de propositions qui sont cohérentes et hiérarchisées. Cohérentes au niveau local inter-phrase et au niveau
global.
La base de texte comprend les relations entre les propositions et leur importance pour la signification
du texte. Elle est représentée sous la forme d’un réseau de propositions qui sont organisées à deux niveaux :
- Local = microstructure.
- Global = macrostructure.
Comment se construit cette base de texte ?
- Réduire la forme de surface en une liste de propositions sémantiques.
-
Etablir la cohérence inter-propositionnelle ou cohérence locale assurée par la cohérence
référentielle (même référent). Si la nouvelle proposition partage des arguments avec les
propositions précédentes on établit une cohésion : on parle de chevauchement de proposition. S’il
n’y a pas chevauchement on fait appel à notre mémoire épisodique pour chercher les informations
plus anciennes citées dans le texte précédemment pour chercher une cohésion. On cherche à
compléter l’information et l’intégrer à celle activée en MLT.
-
Sélection des propositions devant rester en MDT pour le cycle suivant.
-
Hiérarchiser les propositions (graphe de cohérence) et dégager la macrostructure (ou l’essentiel).
Ce qui permet de comprendre la structure thématique du texte. Ceci se fait à partir de propositions
de second ordre, à savoir les macropropositions peuvent faire partie de la macrostructure, mais
d’autres sont dérivées de plusieurs propositions : en fait ce sont des résumés généraux de plusieurs
propositions.
Mais cela ne suffit pas pour comprendre l’activité de compréhension.
Le troisième niveau de représentation (Kintsch, 1983)
A partir de la représentation propositionnelle on aboutit au modèle de situation, qui va au-delà de ce
qui est dit dans le texte. C’est la représentation de la situation évoquée par un énoncé qui inclut les
connaissances générales et spécifiques du lecteur. On peut créer des inférences (ex. inférence élaborative).
Le modèle de Kintsch est un modèle propositionnel.
Kintsch, 1988
Il reconsidère son modèle et il s’appuie sur des principes différents ancrées dans le mouvement
connexionnisme et en visant deux processus généraux :
- Construction progressive en MDT pendant lequel sont construites les différentes propositions du
texte et la base de texte (micro et macrostructure) avec activation des connaissances du lecteur
stockées en MLT. C’est un processus automatique.
-
Intégration qui conduit, grâce à des mécanismes de sélection et de suppression des informations,
à la construction d’une représentation mentale cohérente (mais cela reste propositionnel), le
modèle de situation stocké en MLT.
On parle du modèle construction-intégration de Kintsch.
Expérience de Garnham
Phrases avec des connecteurs du type du, par, chez. Présentation de phrases qui varient seulement
par un connecteur, or cela peut modifier ou non la signification des phrases.
Expérience syllogisme
Les syllogismes catégoriels font appel au raisonnement syllogistique est une forme de raisonnement
déductif. C’est une suite de propositions comportant des quantificateurs « tous », « certains ».
Relations entre une propriété et une classe :
- Quantificateur universel : « tous ».
- Quantificateur existentiel : « certains » (quelques).
C’est un raisonnement formel. Souvent source d’erreur : tous les A sont B, tous les C sont B, donc tous
les C sont A (conclusion donnée or c’est une erreur). 3 situations possibles en fait. Point de vue théorique de
Johnson-Laird qui propose une théorie de la compréhension de texte : théorie des modèles mentaux. Selon
lui, les connaissances et la familiarité de la situation influence fortement la conclusion que l’on fait. Une
conclusion peut être valide logiquement mais pas crédible.
Théorie qui s’oppose aux propositions qui se basent uniquement sur l’existence d’une logique
formelle. Nous traduisons les éléments du problème sous forme propositionnelle puis on applique des
opérateurs, et si nous connaissons les règles nous les appliquons. S’il y a des erreurs c’est que la mémoire est
débordée. Johnson-Laird s’oppose à cette idée, pour lui on forme un modèle mental de la situation décrite,
on interprète le langage de façon sémantique. Le but du raisonneur n’est pas d’aboutir à un raisonnement
valide mais à une conclusion plausible en accord avec nos représentations du monde et nos connaissances.
Le modèle mental revient à faire les cercles d’Euler.
Expérience de Ehrlich et Johnson-Laird, 1982
L’expérience peut poser problème car il y a des discontinuités. Quand il y a une continuité référentielle
la résolution est simple et la cohérence se fait facilement (1-2-3). Même si la continuité n’est pas assurée le
modèle mentale peut se construire cependant, donc on ne raisonne pas de manière propositionnelle (2-1-3).
Quand il y a discontinuité on va construire deux modèles mentaux (1-3-2).
La théorie des modèles mentaux, Johnon-Laird, 1983
Il faut distinguer la notion de sens (qui dépend de la forme linguistique), de la notion de signification
(résultat de l’interprétation cognitive).
Trois niveaux :
- Représentation graphémique/phonémique : qui encode les lettres/sons d’un énoncé.
- Représentation propositionnelle : chaîne linéaire de symboles proche de la forme de surface des
phrases (contenu explicite du texte).
- Modèle mental : une représentation de l’état de choses décrit, ne correspond à aucune de ses
représentations linguistiques qui intègre les connaissances générales et spécifiques (+ contenu
implicite). Le modèle mental a une structure analogique (ce n’est plus une représentation
symbolique, on est dans une représentation analogique qui peut être multimodale, cf la cognition
incarnée). Un dessin est une représentation plus analogique d’un mot tel que chaise que sa propre
dénomination.
 Modèle mental et image mentale ?
Un modèle mental est optionnel (parfois on reste au niveau propositionnel, notamment quand la
situation est complexe), il a un caractère dynamique et est souvent mis à jour, il fait jouer les connaissances
antérieures et peut être la source ou le produit d’inférences.
Le modèle mental, contrairement à l’image mentale, permet de prendre différentes perspectives,
permet un degré d’analogie variable et permet enfin des relations autres que spatiales. Donc l’image mentale
est un mode de spécification privilégié des modèles mentaux lorsque ces modèles incluent des données
figurables, que celles-ci soient de nature spatiale ou quasi-spatiale. En bref c’est un outil du modèle mental.
II.
Mesurer la compréhension
Le résultat : les inférences
Différents types d’inférences :
- De liaison ou rétroactives : nécessaires à la compréhension, automatiques, au niveau de la base de
texte :
o Inférences causales.
o Anaphoriques.
- Elaboratives ou proactives : non indispensables, au niveau du MS (modèle de situation) ou MM
(modèle mental) :
o Inférences instrumentales.
o Inférences prédictives.
Ex. des inférences prédictives :
- Anticipations de ce qui va se passer dans la suite du texte.
- Facilitent le traitement de la suite du texte mais pas indispensable à la compréhension.
Théorie constructiviste (Greasser, Singer et Trabasso, 1994) : activées stratégiquement si hautement
prédictibles et si le but du lecteur est de comprendre le texte.
Théorie minimaliste (Mckoon & Ratcliff, 1992) : activées automatiquement mais encodage de quelques traits
sémantiques.
A quel moment dans la lecture les inférences sont-elles produites ? Etude d’activation d’inférences pendant
la lecture :
- Tâche de lecture de mots : lecture de texte puis dénommer le plus rapidement possible un motcible qui représente ou qui est fortement lié à l’inférence prédictive ou non. Si la lecture du texte
a provoqué une inférence, le mot-cible qui représente cette inférence va être dénommée plus
rapidement que si l’inférence n’a pas été activée.
Expérience de Calvo et al. (1999) : temps de présentation de mots texte (200, 300, 500 ms) et délai à la fin du
texte (500 vs 1500 ms).
 Effet du délai (activation de l’inférence prédictive autour de 1 seconde, pas à 500 ms) et ce quel que
soit le temps de lecture. Les inférences prédictives mettent donc du temps pour être générées.
Mais cela dépend du contexte plus ou moins prédictif et de la consigne (Calvo, 2000).
Textes dont la deuxième phrase est déclinée dans trois versions : prédictive (l’inférence doit être faite
à partir de la phrase), explicite (pas d’inférence à faire, déjà explicitée), contrôle.
Présentation de chaque texte en RSVP (mot par mot), présentation du mot cible à lire (mot qui fait
référence à la prédiction ou non) après ISI variable, présentation de la question de compréhension une fois le
mot cible lu.
Prédictions :
- Version explicite : effet de facilitation pour tous les ISI.
- Version prédictive : effet de facilitation pour l’ISI de 1000 ms.
On observe un effet de facilitation significatif pour tous les ISI dans la condition explicite. Et on observe
un effet de facilitation significatif à 1000 ms dans la condition prédictive.
Influence des facteurs individuels ?
-
Emotions : l’anxiété notamment, rapidité des inférences menaçantes pour les anxieux.
Connaissances du vocabulaire et expertise. Moins de retour en arrière dans la lecture pour ceux qui
ont des connaissances en vocabulaire. Influence du contexte.
Mémoire de travail : ceux qui ont une bonne mémoire de travail ont plus de ressources pour faire
des inférences élaboratives.
Activation au cours de la lecture
Problème des stratégies ? Nécessité de trouver un autre paradigme. Comparer une tâche de lecture
et une tâche de stroop modifié. La tâche du participant doit non plus dénommer le mot mais dénommer la
couleur dans laquelle il est écrit. Si l’inférence est activée, il devrait mettre plus de temps pour dénommer la
couleur (pour inhiber la signification du mot-cible prédicteur).
Hypothèses :
- Effet de facilitation pour la version explicite avec tous les ISI : pas besoin de relire le mot, puisqu’ils
l’ont déjà eu.
- Effet d’inhibition pour la version prédictive avec l’ISI de 1000 ms.
Résultats :
- Explicite : effet de facilitation significatif pour tous les ISI.
- Prédictive : effet d’inhibition significatif à 1000 ms.
Discussion :
- Inférences prédictives seraient activées automatiquement et non stratégiquement au cours de la
lecture de texte après environ 1 s.
Les processus : la mémoire de travail (lecture 1)
Se pose la question du rôle de la MDT dans la compréhension en essayant de rendre compte de ce qui
se passe en terme de MDT verbale vs spatiale dans des activités variées de compréhension de texte.
Pour comprendre les processus impliqués dans la compréhension de texte, aider à caractériser les
représentations qui se construisent à partir d’un texte et enfin comprendre le rôle du MDT dans des tâches
plus complexe.
Une illustration a une structure proche du modèle mentale (analogique) et peut aider à faciliter la
compréhension d’un texte. La construction du MM facilitée par les illustrations peut-elle être gênée par une
double tâche ? Logiquement si le MM est analogique il devrait se construire au niveau du CVS.
Résultats : quand les textes sont illustrés les participants comprennent mieux les textes (effet de répétition ?).
Si on a une tâche verbale concurrente on observe une baisse de performance dans la condition texte et dans
la condition illustrée mais toujours avec un effet bénéfique des illustrations. Alors qu’avec une double tâche
spatiale l’effet bénéfique des illustrations disparaît.
Cas des descriptions spatiales : un type de texte particulier → les description d’itinéraires. Information VS
véhiculée par le langage. Deux types de description :
- Route : point de vue égocentré avec description des éléments de l’itinéraire par rapport à soi.
- Survol : point de vue allocentré, vision globale de l’environnement avec l’utilisation des points
cardinaux.
Avec les descriptions d’itinéraire on a du langage qui décrit du VS. La question que l’on se pose : estce que quand on a du langage qui décrit du visuo-spatial (VS) on passe par le calepin visuo-spatial (CVS) ? En
effet c’est une situation où on devrait utiliser les deux. La représentation mentale que l’on construit quand on
lit ce genre de texte a des composantes VS.
Lecture du texte : description d’itinéraires et on joue sur des histoires d’images mentales et d’imagerie. La
consigne d’imagerie aide par rapport à la condition de répétition. La tâche de tapping (tâche spatiale) entraîne
de moins bonnes performances. Quand il y a la suppression articulatoire (tâche langagière) il y a de
l’interférence dans les deux cas.
Le rôle des différences individuelles
Entraînement pour l’utilisation d’imagerie ou de répétition + mesure de capacité d’imagerie (MRT et
VVIQ). Bénéfice de la stratégie d’imagerie mentale pour tous les participants. Interférence spatiale sensible
seulement pour ceux qui ont des capacités d’imagerie faibles.
III.
La cognition incarnée : vers de nouveaux modèles ?
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