ANNEXES DE LA TROISIÈME PARTIE
Annexe I. Documents
Texte 1
"Les Inconnus", Combat, n° spécial, janvier 1943
"L’Histoire, un jour, dira ce que furent les chefs, les cadres, les
soldats de la Résistance. Dès aujourd’hui la France doit connaître ceux qui
luttent, travaillent et demain vaincront. Ceux qui, n’ayant pas eu le
privilège d’être, en juin 1940, en dehors de la métropole, et qui, sans
relâche, ont, en France, continué la lutte.
Beaucoup ont combattu de 1914 à 1918 ou de 1939 à 1940. Ils
savent maintenant combien le courage anonyme, le courage isolé est plus
dur, plus difficile à atteindre que le courage en plein jour, le courage
collectif.
Au petit jour, sortir de la tranchée, côte à côte avec ses camarades
de compagnie, c’est dur, et il faut du courage ; mais c’est moins dur que
tout seul dans la ville où, traqué par la police et la Gestapo, il faut
accomplir la mission dont on est chargé. Mourir face à l’ennemi, faire
payer chèrement sa peau, c’est le lot des soldats guerriers. Risquer
chaque jour, chaque nuit, pendant des semaines, des mois, la prison, le
poteau, c’est le lot des soldats de la Résistance.
Être sacré héros et recevoir des croix, c’est l’apanage de ceux de
Mourzouk, de Bir-Hakeim. Vivre inconnu, souvent isolé, toujours sans
gloire, c’est l’honneur qui revient à tous nos militants. Ils n’ont comme
ruban, comme galon, comme renommée que le néant. Ils n’ont eux
qu’une chose : la satisfaction du devoir accompli. Ils ne connaissent ni les
noms de leurs camarades, ni ceux de leurs chefs. Ils sont répandus sur le
territoire, des numéros, ils n’ont pour identité que des pseudonymes. Ils
sont, pour la France meurtrie : “LES INCONNUS”.
Ils ont volontairement sacrifié leur situation, leur bien-être, leur
sécurité, leur famille, pour une seule chose : LA PATRIE.
Car, la France, pour eux, c’est la Liberté. Les soldats de la
Résistance ont une devise : “Vivre libre ou mourir.”
Grâce à eux, la France vivra libre.
Trente mois où il a fallu une volonté farouche pour ne pas partir à
l’extérieur se battre. Trente mois, pendant lesquels on a connu les
possibilités de rejoindre les armées de de Gaulle et où, par devoir, on a
préféré au ciel de la Manche ou au sol d’Afrique, l’ombre, la nuit du pavé
de la grande ville. Parce que dans cette grande ville, il y avait une tâche à
remplir. (…) Venant de tous les partis politiques, ils ne forment plus
maintenant qu’un tout. La France s’est forgée une âme neuve. Elle a
trouvé des chefs courageux. Demain aux côtés de leurs camarades des
FFC, et sous les ordres de Charles de Gaulle. “LES INCONNUS” donneront
à la France la victoire et la liberté. La France connaîtra alors ceux qui,
demain, avec la Nation toute entière, bâtiront une République et une
Démocratie conforme à la volonté de leurs aïeux de 1789."