C'est par le travail que Ies hommes satisfont
leurs besoins fondamentaux. Manger, boire,
se reposer, se protéger contre Ies intempéries
et les excès du froid ou de la chaleur, assurer
la survie de l'espèce par la procréation,
exercer les muscles du corps: voilà les
besoins les plus élémentaires d’après
l’ethnologue Malinovski. Tous ces besoins
sont satisfaits .socialement, c’est-à-dire non
par une activité purement physiologique, par
un duel entre l’individu et les forces de la
nature, mais par une activité qui résulte des
rapports mutuels établis entre les membres
d’un groupe humain
Plus un peuple est primitif, et plus large est la
partie de son travail, et, en fait, de toute son
existence, occupée par la recherche et la
production de la nourriture (7).
Les méthodes les plus primitives de
production de nourriture sont la cueillette de
fruits sauvages, la capture de petits animaux
inoffensifs, ainsi que les formes élémentaires
de chasse et de pêche. Un peuple qui vit à ce
stade primitif, par exemple les aborigènes
d’Australie ou, mieux encore, les habitants
primitifs de Tasmanie, complètement disparus
depuis 3/4 de siècle, ne connaît ni habitations
permanentes, ni animaux domestiques (sauf
quelques fois le chien), ni tissage de
vêtements, ni fabrication de récipient pour la
nourriture. Il doit parcourir un territoire fort
large pour rassembler suffisamment de vivres.
Seuls, les vieillards physiquement incapables
de se mouvoir sans cesse peuvent être en
partie libérés de la collecte immédiate de
nourriture, pour s’occuper de la fabrication
d'instruments de travail. La plupart des
peuplades les plus arriérées qui survivent
encore aujourd’hui, tels les habitants des îles
Andaman dans l’océan Indien, les Fuagiens et
Botocudos de l’Amérique latine, les Pygmées
en Afrique centrale et en Indonésie, les Kubu
sauvages en Malaisie, mènent une vie
comparable à celle des Australiens
aborigènes.
Si l’on admet que l’humanité existe depuis un
millions d’années, elle vécut pendant au
moins 980.000 ans dans un état d’indigence
extrême. La famine était une menace
permanente pour la survie de l’espèce. La
production moyenne de nourriture était
insuffisante pour couvrir les besoins moyens
de consommation. La conservation de
réserves de nourriture était inconnue. De rares
périodes d'abondance et de bonne fortune
conduisaient à un gaspillage considérable de
la nourriture.
« Les Boschimans, Ies Australiens, les
Veddas du Ceylan et Fuégiens ne constituent
pour ainsi dire jamais de réserves pour
l'avenir. Les habitants de l'Australie centrale
désirent toute leur nourriture en une fois, afin
Ide bien pouvoir s'en gorger. Ensuite, ils se
résignent à avoir grand-faim... Lorsqu'ils se
déplacent, ils abandonnent leurs instruments
de pierre. S'ils en ont besoin à nouveau, ils en
fabriquent d'autres. Un seul instrument suffit
à un Papou jusqu'à ce qu'il soit usé; il n'a pas
l'idée d'en fabriquer un à l'avance pour
remplacer l'ancien... L'insécurité a empêché la
constitution de réserves dans les temps
primitifs. Les périodes d'abondance et de
semi-famine se succèdent régulièrement (9). »
Cette « imprévoyance » n'est pas due à des
déficiences intellectuelles de l'homme
primitif. Elle résulte plutôt de millénaires
d'insécurité et de famine endémique, qui
incitaient à se rassasier au maximum chaque
fois que l'occasion en était donnée, et qui ne
permettaient pas l'élaboration d'une technique
de la conservation des vivres. L'ensemble de
la production fournit le produit nécessaire,
c'est-à-dire la nourriture, les vêtements,
I'habitat de la communauté et un stock plus ou
moins stable d'instruments de travail qui
servent à produire ces biens. Il n'existe aucun
surplus permanent.
Début de la division sociale du travail.
Aussi longtemps que la nourriture n'est pas
assurée en quantité suffisante, les hommes ne
peuvent s'adonner de façon conséquente à une
autre activité économique que celle de la
production de vivres. Un des premiers
explorateurs de l'Amérique centrale, Cabeza