la conditionnalité démocratique en matière d`aide publique au

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La conditionnalité démocratique en matière d’aide publique au développement : sa
mise en œuvre par l’Union européenne et ses conséquences
ESSAI DE MAÎTRISE
par
Marie-Elisabeth Lebrun
Présenté au directeur:
M. GHYSLAIN OTIS
FACULTÉ DE DROIT
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC-CANADA
10 septembre 2003
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION............................................................................................................. 4
1.
BREF ÉTAT DE LA CONDITIONNALITÉ DÉMOCRATIQUE EN
MATIÈRE D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DES PAYS TIERS PAR LA
COMMUNAUTÉ ET L’UNION EUROPÉENNE ................................................. 8
1.1 ORIGINE DE L'IDÉE D'UNE COOPÉRATION SOUS LE SIGNE DE LA CONDITIONNALITÉ................................ 8
1.1.1 Avant 1989 .................................................................................................................................... 8
i. L’influence du contexte politique bipolaire engendré par la Guerre froide ...................................................... 8
ii. Le présage d’une politique extérieure de conditionnalité démocratique : deux visions qui s’opposent ........... 9
1.1.2 Après la chute du mur de Berlin .................................................................................................12
i. L’ouverture de l’Europe à l’Est ...................................................................................................................... 12
ii. La crise économique et ses répercussions sur la coopération ........................................................................ 14
1.2 ÉMERGENCE DE LA CONDITIONNALITÉ DÉMOCRATIQUE AU SEIN DES INSTITUTIONS DE L'UNION
EUROPÉENNE .......................................................................................................................................15
1.2.1 L’évolution de la conditionnalité dans les textes ........................................................................15
i. La création d’un lien entre développement et démocratie............................................................................... 15
ii. Une typologie des «clauses droits de l’Homme » .......................................................................................... 19
1.2.2 La mise en œuvre de la politique de conditionnalité démocratique en matière d’aide au
développement: les principes et le cadre institutionnel ACP-UE ...............................................24
i. Les principes de mise en œuvre ...................................................................................................................... 24
ii. Le cadre institutionnel ACP-UE .................................................................................................................... 28
2.
LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONDITIONNALITÉ ET SES
CONSÉQUENCES .................................................................................................. 36
2.1. LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONDITIONNALITÉ DÉMOCRATIQUE ENVISAGÉE SOUS L'ANGLE DE LA
SANCTION ÉCONOMIQUE .....................................................................................................................36
2.1.1. La conditionnalité démocratique : un volet de l’arme économique ..........................................36
i. Qu’entend-t-on par « sanction économique traditionnelle »? ......................................................................... 36
ii. La conditionnalité démocratique : une sanction économique? ...................................................................... 37
2.1.2. La conditionnalité démocratique : ce qui la différencie de la sanction économique
traditionnelle ................................................................................................................................38
i. La conditionnalité démocratique : une politique négociée .............................................................................. 38
2
ii. La conditionnalité démocratique : une politique préventive .......................................................................... 39
2.2. LES SANCTIONS ÉCONOMIQUES TRADITIONNELLES ET LES CONCESSIONS EN MATIÈRE DE POLITIQUE
INTÉRIEURE : UN BILAN SUR LEURS CONSÉQUENCES ET LEUR EFFECTIVITÉ .........................................40
2.2.1. Leurs conséquences préjudiciables ............................................................................................40
2.2.2. Leur effectivité douteuse .............................................................................................................44
2.3. CONSÉQUENCES DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONDITIONNALITÉ DÉMOCRATIQUE DANS LES PAYS
TIERS ...................................................................................................................................................47
2.3.1. Les craintes suscitées par sa mise en œuvre ..............................................................................47
i. Une politique de rationalisation de l’aide sujette à l’arbitraire sous le couvert d’une politique en faveur du
respect des droits fondamentaux .................................................................................................................. 47
ii. Une application de la conditionnalité démocratique au profit des intérêts économiques européens et au
détriment de la protection des droits fondamentaux ..................................................................................... 51
2.3.2. Les conséquences en regard des faits actuels ............................................................................52
i. Les principes de mise en œuvre confèrent un nouveau visage à la sanction économique ............................... 53
ii. La conditionnalité démocratique un outil de promotion des intérêts économiques européens : un danger
latent............................................................................................................................................................. 58
CONCLUSION ............................................................................................................... 61
ANNEXE I ....................................................................................................................... 66
ANNEXE II...................................................................................................................... 69
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 74
3
LA CONDITIONNALITÉ DÉMOCRATIQUE EN MATIÈRE D’AIDE
PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT : SA MISE EN ŒUVRE PAR L’UNION
EUROPÉENNE ET SES CONSÉQUENCES
Le recours aux « carottes » peut bien
s’avérer être un moyen plus attrayant
d’ « obliger les hommes à être libres ».
Barbara Brandtner et Allan Rosas
INTRODUCTION
Depuis les années «90 » se développe une tendance généralisée des pays
occidentaux à associer développement économique ou politique et démocratie,
s’inscrivant ainsi dans la voie du développement durable. Sur un plan économique, l’aide
financière octroyée aux pays en développement s’avère assujettie à l’inclusion d’une
clause de conditionnalité démocratique dans les accords de coopération. Le récent accord
du G8 Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (octobre 2001) et
l’accord de l’Union européenne Lomé IV (15 décembre 1989) l’illustrent. Sur un plan
politique, les États voient leur entrée dans l’Union européenne subordonnée à une telle
clause, problème criant de l’actualité européenne.
C’est au cœur des institutions de coopération des Communautés européennes que
cette nouvelle politique de promotion et de protection des droits de la personne a vu le
jour. Les relations extérieures de l’Union européenne en matière d’aide publique au
développement s’avèrent désormais systématiquement régies par une politique de
conditionnalité démocratique. Cette politique impose aux pays tiers demandeurs d’aide
le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux ainsi que l’instauration
de la bonne gouvernance au sein de leurs institutions. Les relations de coopération avec
les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique1 n’y échappent pas. C’est d’ailleurs dans
1
Ci-après pays ACP;
4
le cadre du partenariat entre les pays ACP et l’Union européenne2 que cette dernière a fait
ses premières armes en matière de conditionnalité démocratique. Depuis avril dernier,
l’Accord de Cotonou s’inscrit comme le dernier de la lignée des accords ACP et raffine
l’esprit du partenariat ACP-UE pour la promotion et la mise en œuvre des droits de
l’Homme via la conditionnalité démocratique au sein des accords de coopération. Cet
accord, conclu à Cotonou le 23 juin 2000 et entré en vigueur le 1e avril dernier, remplace
la dernière convention de Lomé arrivée à échéance le 29 février 2000. Le caractère
innovateur de cette convention s’illustre par la plus grande part accordée à la dimension
politique au détriment de la dimension commerciale. Ce changement intervient après que
l’Union européenne ait constaté le succès mitigé attribuable au système des préférences
généralisées en matière de développement. Ce système permet un traitement douanier
différencié et encore plus avantageux que la clause de la nation la plus favorisée pour
certains produits agricoles et industriels des pays en voie de développement. Il s’agit
d’une entorse temporaire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce qui permet
aux pays de l’Union de ne pas avoir à étendre ces mêmes avantages à tous les pays
membres de l’organisation. L’important volet politique du nouvel Accord de Cotonou
doublé d’une approche participative de la coopération au développement n’est pas sans
renforcer une mise en œuvre et un développement effectifs de la conditionnalité
démocratique.
Or, comme la plupart des instruments de protection des droits fondamentaux,
l’avènement et la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique a fait l’objet de
plusieurs critiques.
Encore nombreux sont ceux qui s’insurgent contre ce
«néocolonialisme occidental », crient à l’ingérence, protestent contre le déséquilibre des
forces négociatrices et dénoncent le défaut de mise en œuvre. Malgré tout, au sein des
relations extérieures de l’Union européenne, la conditionnalité démocratique demeure
une politique jeune et en plein essor. Elle cherche toujours sa voie à travers les méandres
des mécanismes de protection des droits fondamentaux, des changements économiques
conférant un nouveau visage à la coopération Nord-Sud et à travers cet événement
important qu’est l’élargissement de l’Union européenne.
2
Aussi, un peu plus d’une
Ci-après partenariat ACP-UE;
5
décennie après son avènement, nous voulons dresser un bref portrait de la conditionnalité
démocratique en matière d’aide au développement afin de constater le chemin parcouru et
celui qui reste à parcourir pour que les droits de l’Homme puissent jouir de toute leur
portée.
Nous dresserons ce portrait en deux temps. La première partie de cette étude sera
consacrée à l’évolution dans le temps de la politique de conditionnalité et à sa mise en
œuvre.
Dans un premier temps, nous retracerons brièvement les grandes lignes de
l’évolution de la politique de conditionnalité dans la mesure où ces faits historiques
influence de façon déterminante l’émergence même de la conditionnalité démocratique et
ses moyens de mise en œuvre.
Nous nous attarderons alors au contexte politique
entourant la Guerre froide pour ensuite traiter des premières tentatives d’utilisation de ce
genre d’outil afin de faire respecter les droits fondamentaux et d’instaurer un régime
démocratique au sein de certains États en crise.
Dans un deuxième temps, nous
étudierons le laborieux travail de la Communauté européenne concernant l’élaboration de
la conditionnalité politique en matière de coopération. D’abord, nous retracerons dans
les textes institutionnels l’évolution du lien entre le développement et la démocratie et
nous dresserons un tableau typologique des «clauses droits de l’Homme » existantes.
Ensuite, nous étudierons les principes de mise en œuvre qui se dégagent à ce jour des
travaux de l’Union européenne pour finalement faire une courte description du cadre
institutionnel entourant les relations ACP-UE.
La seconde partie sera consacrée à une réflexion sur la mise en œuvre de la
conditionnalité démocratique et à ses conséquences à la lumière des approches
préconisées par l’Union européenne et du rôle des sanctions économiques en matière de
respect des droits de l’Homme. Dans un premier temps, nous situerons la politique de
conditionnalité par rapport aux sanctions économiques comme mécanisme de protection
des droits de l’Homme, pour ensuite observer les conséquences de ce type d’instrument
de protection et son effectivité. Ceci nous permettra, dans un second temps, de nous
pencher sur les conséquences de la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique
dans les pays tiers. Cette dernière sous-partie nous donnera l’occasion d’identifier les
6
craintes que suscite la mise en œuvre de la conditionnalité à la lumière des principes de
mise en œuvre qui la régissent, du contexte politique qui l’entoure, du cadre institutionnel
à travers lequel elle évolue et des conséquences qu’entraîne souvent l’imposition des
sanctions économiques en matière de protection des droits de l’Homme. Enfin, en
réponse à ces craintes, nous nous permettrons de faire quelques observations quant aux
effets de cette politique en regard des faits disponibles à ce jour concernant la mise en
œuvre de la conditionnalité démocratique.
7
1.
ÉTAT DE LA CONDITIONNALITÉ DÉMOCRATIQUE EN MATIÈRE D’AIDE AU
DÉVELOPPEMENT DES PAYS TIERS PAR LA COMMUNAUTÉ ET L’UNION
EUROPÉENNE
BREF
1.1 Origine de l'idée d'une coopération sous le signe de la conditionnalité
1.1.1 Avant 1989
i. L’influence du contexte politique bipolaire engendré par la Guerre
froide
Antérieurement à 1989, l’aide publique au développement était octroyée sans
aucune condition et sans vérification de l’utilisation qui en était faite3. Le contexte postcolonial exacerbait les sensibilités à l’égard de toute tentative d’ingérence au sein des
affaires intérieures des pays décolonisés.
Conséquemment, une attitude de non-
intervention en matière d’aide au développement était scrupuleusement observée à
l’échelle internationale tel qu’en témoignent les statuts fondateurs du PNUD :
L’aide fournie (aux seuls gouvernements) «ne constitue pas un prétexte d’ingérence
économique ou politique de la part de l’étranger dans les affaires intérieures du pays
intéressé, ne sera accompagnée d’aucune considération de caractère politique et
évitera toutes distinctions fondées sur le régime politique du pays, ou sur la race ou
la religion de sa population4.
En effet, la bipolarité engendrée par la Guerre froide subordonne les relations
politico-économiques à la neutralité idéologique5. Sur un plan économique, comme les
marchés des pays voisins situés à l’Est demeurent fermés à l’Europe occidentale, son
3
Université de Rennes I Faculté des Sciences économiques, « La nouvelle conception européenne de la
coopération UE-ACP » dans Association européenne des instituts de recherche et de formation en matière
de développement et Groupement d’intérêt scientifique, Économie mondiale, Tiers-Monde,
Développement, L’Europe et le Sud à l’aube du XXIe siècle, Enjeux et renouvellement de la coopération
Acte de la 9e Conférence générale de l’EADI (22-25 septembre 1999), Paris, Karthala, 2002, ;384p., à la
p.12;
4
Les statuts fondateurs du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) reproduits dans
T., De Wilde d’Estamael, La dimension politique des relations économiques extérieures de la Communauté
européenne. Sanctions et incitants économiques comme moyens de politique étrangère, Bruxelles,
Bruylant, 1998, à la p.373;
8
économie dépend donc encore principalement des relations entretenues avec ses excolonies. Sur un plan politique, l’Ouest ne peut se permettre de perdre des alliés au
bénéfice de l’Est sous prétexte du respect de valeurs dont l’universalité prête à maintes
critiques. C’est dans ce contexte que le bloc de l’Ouest soutiendra certains régimes
autoritaires, préférant détourner les yeux devant leurs exactions face à l’incertitude
politique et idéologique qu’engendrerait un changement de gouvernement6.
Malgré ce climat politique défavorable à l’ingérence des puissances occidentales,
on verra se dessiner une première ébauche de la conditionnalité à travers une action
américaine en Iran et une action européenne en Amérique latine dans les années «80 ».
Sans être décisives, ces premières tentatives amorceront la marche vers la convergence
entre les exigences politiques et les relations économiques et commerciales.
ii. Le présage d’une politique extérieure de conditionnalité
démocratique : deux visions qui s’opposent
Dès 1979, l’entorse américaine sous le gouvernement Carter à l’attitude générale
de non-intervention consistant à refuser son soutien au régime autoritaire du Chah d’Iran
se soldera par l’avènement d’un régime tout aussi dictatorial à la tête dudit pays et
confortera quelque peu le manque d’enthousiasme pour la politique de conditionnalité7.
D., Delaplace, « L’Union européenne et la conditionnalité de l’aide au développement « (2001) 3 Revue
trimestrielle de droit européeen 609, à la p. 618;
6
J.-L., Atangana Amougou, « Conditionnalité juridique des aides et respect des droits fondamentaux »
(2001) 2 Afrilex à la p. 1;
7
Le professeur De Wilde d’Estamael résume bien l’échec américain et les craintes qu’il a suscitées à
l’égard d’une éventuelle politique de conditionnalité européenne :
5
[…] une politique morale, une diplomatie des droits de l’homme, même subtilement
dosée a, à l’entame de la décennie quatre-vingt, perdu beaucoup de son crédit après
les vaines tentatives opérées à cet égard par l’administration Carter. À tort peut-être,
la politique étrangère teintée d’idéalisme du successeur de Nixon à la Maison
blanche est apparue incohérente et inefficace. Symboliquement, elle se traduisit par
le cuisant échec subi en Iran par la diplomatie américaine. Le Shah avait
apparemment cessé d’être soutenu parce qu’il ne respectait guère les droits de
l’homme, mais cet abandon avait ouvert la voie à une révolution islamique, fort peu
soucieuce de remédier aux carences du souverain perse déchu, sur le terrain des
droits de l’homme du moins. La leçon à tirer de cet épisode caricatural était
cependant clair : en s’ingéniant à vouloir réformer un gouvernement selon les bons
principes de la démocratie occidentale, le risque existait de voir le gouvernement
ciblé remplacé par une équipe dirigeante, pas beaucoup plus recommandable. Dès
9
Ce premier souffle de protection des droits fondamentaux par l’entremise des
relations économiques entame la volonté européenne dans ses propres initiatives à faire
un lien entre le développement et la démocratie. Toutefois, l’échec Carter n’empêchera
pas la Communauté européenne d’intervenir en Amérique centrale sous une version
modifiée de la politique de conditionnalité.
À l’époque, l’Europe ne possédait aucun intérêt de nature économique dans la
région de l’Isthme ravagée par les conflits. Cette région demeurait alors la chasse gardée
des États-Unis qui s’évertuaient à ramener l’ordre à l’aide de sanctions économiques plus
sévères les unes que les autres. Si ce n’est des enjeux Est-Ouest et de l’influence exercée
par l’URSS et Cuba sur la région divisée, l’Europe n’aurait peut-être pas exposé sa
solution au conflit. Elle misera sur l’amélioration des conditions socio-économiques
contrairement à la politique extérieure américaine privilégiant les sanctions économiques
traditionnelles8.
Cette expérience remportera un vif succès.
Contrairement à l’expérience
américaine en Iran, les parties acceptèrent de se soumettre à la conditionnalité pour la
lors, si la conditionnalité démocratique des relations avec un pays tiers revenait à
tenter de sortir Charybe pour tomber dans Scylla, pareille politique ne semblait pas
de l’opportunité la plus aiguë. [T., De Wilde d’Estamael, Supra note 4, à la p. 373];
8
La Communauté et ses États membres ne partageaient pas la vision américaine des
causes des conflits en Amérique centrale et, partant, des remèdes à y apporter. Pour
les Européens, les causes de l’instabilité politique n’étaient pas à rechercher dans
une quelconque action subversive de Moscou ou de la Havane, mais bien dans les
problèmes économiques ainsi que dans les inégalités et les injustices sociales qui
sévissaient dans la plupart des pays de l’isthme. Dès lors, agir sur les facteurs
économiques et sociaux paraissait de nature à favoriser l’émergence d’une stabilité
politique. La CE considérait en quelque sorte qu’en l’espèce, le prisme de
l’affrontement Est-Ouest ne devait pas faire oublier la différence Nord-Sud dans la
lecture des origines des crises centraméricaines. En conséquence, les Dix, puis les
Douze, entendaient encourager le plan de paix élaboré conjointement par les
protagonistes des conflits et d’autres pays latino-américains. Et cet appui
diplomatique s’accompagnait de mesures d’aide et de coopération économiques
ainsi que d’une incitation plus générale à développer une intégration régionale
semblable à la CEE, dont les vertus pacificatrices entre les États membres n’étaient
plus à démontrer. [Ibid, aux pp. 384-385];
10
paix.
En 1990, des élections démocratiques étaient finalement programmées au
Nicaragua et, depuis, les « clauses droits de l’Homme » sont chose courante au sein des
accords de coopération unissant l’Union européenne aux pays d’Amérique centrale,
désormais fervents partisans de la conditionnalité démocratique pour en avoir
expérimenté les bienfaits.
Toutefois, il ne s’agissait pas encore de conditionnalité
démocratique, l’instauration d’un régime démocratique demeurant un objectif secondaire
par rapport au rétablissement de la paix.
Bien que la politique de conditionnalité
européenne demeurait alors une politique réactive, c’est-à-dire post-conflit, l’Europe
applique déjà la politique de l’incitant économique, de la mesure positive communément
appelée la « carotte ». On sent déjà à cette époque le schisme s’opérer entre la vision
européenne et la vision américaine en matière d’interventionnisme au Sud permettant
d’allier politique et économie. Nous pouvons supposer que l’échec Carter a incité les
États-Unis à persévérer dans l’emploi des sanctions économiques traditionnelles alors que
l’Union européenne s’est engagée plus avant dans l’élaboration d’une politique de
conditionnalité.
À la même époque, les relations ACP-UE seront soumises aux premières
tentatives de la conditionnalité démocratique.
Ainsi, en 1983, l’insertion, dans de
l’Accord de Lomé III9, d’une référence aux grandes chartes fondamentales garantissant
les droits de l’Homme en réponse aux violations flagrantes et systématiques des droits de
la personne dans de nombreux pays africains marquera une nouvelle avancée dans
l’utilisation de la conditionnalité par la Communauté européenne10. Mais les résultats
seront davantage mitigés comparativement à ceux obtenus lors des négociations avec
l’Amérique centrale. Les pays ACP n’accepteront qu’une référence imprécise aux droits
de l’Homme au sein du préambule de l’accord de Lomé III, ne renvoyant qu’à la Charte
des Nations Unies. On avait pris soin de mentionner que la coopération s’exerçait sous
réserve de la souveraineté et de l’égalité des partenaires de même que de leur droit à
déterminer leurs choix politiques, économiques, sociaux et culturels11. À cette époque, le
lien entre développement et démocratie s’avérait encore une utopie.
9
Troisième convention ACP-CEE, 8 décembre 1984, [1986] J.O.L. 86 (entrée en vigueur : 1e mai 1986);
T., De Wilde d’Estamael, Supra note 4, aux pp. 380-381;
11
Ibid, aux pp. 380-381;
10
11
Le lien qui unit l’Europe aux pays d’Afrique procède d’importants intérêts
économiques et d’un passé colonial encore récent. L’aide économique apportée aux pays
ACP y est encore perçue comme une mise en valeur des ressources économiques au
profit des anciennes métropoles plutôt que comme une aide au développement. En
Amérique centrale, l’Europe avait tout à gagner, avec les pays ACP, elle peut perdre
beaucoup. De plus, l’attitude de tolérance de l’Union européenne à l’égard du régime
d’Apartheid de l’Afrique du Sud a longtemps joué en sa défaveur au profit des pays ACP,
puisqu’elle était mal venue d’imposer une clause de conditionnalité contraignante alors
qu’elle soutenait un régime qui commettait de nombreuses exactions. La chute du mur a
pourtant fait jouer en sa faveur la loi de l’offre et de la demande. En effet, la fin de la
Guerre froide change la donne politique, mais aussi la donne économique de l’Union
européenne. Avec la fin du communisme, l’Europe s’ouvre à l’Est. Ceci lui impose,
entre autres, d’assurer un développement économique suffisant et rapide chez ses voisins
pour satisfaire des impératifs de sécurité.
1.1.2 Après la chute du mur de Berlin
i. L’ouverture de l’Europe à l’Est
Dans le contexte politique particulier de la chute du mur de Berlin, la
conditionnalité démocratique trouvera un giron propice à son éclosion comme moyen de
politique étrangère tendant à faire respecter les droits de la personne. Nous verrons cette
pratique se généraliser jusqu’à faire l’objet d’une application systématique au sein des
accords d’aide publique au développement octroyée par l’Union européenne aux pays
tiers12.
12
A. N., Sindzingre, « Conditionnalités démocratiques, gouvernementalité et dispositif du développement
en Afrique » dans Mappa, S. (dir.), Développer par la démocratie? Injonctions occidentales et exigences
planétaires, Paris, Éditions Karhala, 1995, à la p. 434; voir également S., Bolle, « La conditionnalité
démocratique dans la politique africaine de la France » (2001) 2 Afrilex à la p. 1;
12
L’effondrement du communisme entraîne dans son sillage une nouvelle définition
des relations économico-politiques. L’Europe s’ouvre au bénéfice de traiter avec les pays
voisins au détriment des pays du Sud. La menace de rejoindre le bloc communiste n’est
plus d’aucune utilité et laisse place à l’instauration d’un dialogue politique au cœur de
relations jusque-là traitées entièrement sous un angle stratégique, plaçant les relations
économiques au cœur du discours politique. Le souci de la Communauté européenne à
l’égard du respect des droits fondamentaux ne s’avère pas la seule explication justifiant
l’introduction de la conditionnalité au sein du discours politique :
En effet, les pays ACP pris dans leur ensemble ne sont plus des partenaires vitaux
pour l’UE, en ce qui concerne l’approvisionnement en matières premières, maind’œuvre et services. En outre, ils ne représentent plus des débouchés majeurs pour
les exportations de l’UE, et n’attirent pas les capitaux. Par conséquent, la plus
grande sélectivité de l’aide va permettre de la concentrer sur les partenaires offrant
des opportunités économiques solides tels que certains pôle de croissance : Afrique
australe, Afrique de l’Ouest francophone, île Maurice13.
13
Université de Rennes I Faculté des Sciences économiques, Supra note 3, à la p. 12; voir également
Université Mohammed V (Rabat, Maroc), « La coopération entre l’Union européenne et les pays de l’Est et
du Sud de la Méditerranée : une évaluation de l’aide » dans Association européenne des instituts de
recherche et de formation en matière de développement et Groupement d’intérêt scientifique, Économie
mondiale, Tiers-Monde, Développement, L’Europe et le Sud à l’aube du XXIe siècle, Enjeux et
renouvellement de la coopération Acte de la 9 e Conférence générale de l’EADI (22-25 septembre 1999),
Paris, Karthala, 2002, ;384p. à la p. 2;
Également, le Livre vert de la Commission européenne concernant l’avenir des relations entre l’Union
européenne et les pays ACP est révélateur à l’égard du changement des pôles d’intérêts économiques de
l’Union européenne dans un contexte de mondialisation :
Aujourd’hui, la situation est radicalement autre ainsi que l’observe le Livre vert mis
en circulation par la Commission européenne pour lancer le débat sur l’avenir des
relations entre l’UE et les pays ACP à l’aube du XXIe siècle : « Le monde est en
profonde mutation. L’effondrement du bloc de l’Est et la fin du conflit est-ouest ont
bouleversé la scène politique et économique internationale, ouvrant la voie à une
coopération renforcée fondée sur des valeurs et des principes communs, mais
conduisant aussi à un remodelage des intérêts et à de nouveaux types de risques
plus diffus… » Dans le texte de la Commission, cette mutation affecte d’abord le
plan économique (développement de l’économie de marché, fin des relations
exclusives, modifications de l’offre et de la demande internationales, conclusions
des négociations commerciales de l’Uruguay Round, mondialisation de l’économie,
libéralisation des politiques économiques, etc.). L’ordre politique est touché ensuite,
mais cela concerne principalement la définition des intérêts européens : « Ce nouvel
environnement international a conduit l’Union européenne à redéfinir ses intérêts
politiques et de sécurité… ». La sortie de l’ère post-coloniale permet à la
Commission de faire état d’intérêts plus diffus et de risques moins contrôlés. Les
réorientations proposées sont liées aux évolutions internes de l’Union – perspectives
de l’élargissement, avènement de l’Union économique et monétaire (UEM), réforme
des institutions – et aux initiatives prises en direction des pays de l’Est, de la
13
Désormais, l’Europe peut se permettre de choisir ouvertement de s’associer tant
commercialement qu’économiquement avec des pays partageant ses propres valeurs.
Mais au-delà des considérations idéologiques et historiques, la crise économique ne sera
pas sans favoriser l’apparition d’un discours en faveur de la promotion et du respect des
droits fondamentaux en lien avec les relations d’aide et de coopération au
développement.
ii. La crise économique et ses répercussions sur la coopération
La crise économique internationale des années «90 » a grandement contribué à
mobiliser l’opinion publique contre un accroissement, voire même un maintien des
montants accordés au titre de l’aide au développement :
Cette perte d’intérêt politique s’est même doublée d’une certaine lassitude des
donateurs, confortés en cela par les restrictions budgétaires rendues inévitables
par la crise économique internationale rampante, mais également par la montée
sans précédent d’opinions publiques qui, dans les pays du Nord, sont de plus en
plus accrochés à l’idée que d’une manière générale, l’aide est mal utilisée par les
récipiendaires14.
Méditerranée, de l’Amérique latine, et de l’Asie. « Elles traduisent la vocation
universelle des relations extérieures de l’Union, mais aussi leur caractère
différencié. » [Livre vert, 1996, p.1] Dans ce contexte, doit être reconsidéré la
notion d’intérêts communs entre l’UE et les pays ACP.
[tel que reproduit dans Laboratoire d’Anthropologie des Institutions et des
Organisations (Paris), « Repenser le dialogue politique et le partenariat entre
l’Europe et les pays en voie de développement » dans Association européenne des
instituts de recherche et de formation en matière de développement et Groupement
d’intérêt scientifique, Économie mondiale, Tiers-Monde, Développement, L’Europe
et le Sud à l’aube du XXIe siècle, Enjeux et renouvellement de la coopération Acte
de la 9e Conférence générale de l’EADI (22-25 septembre 1999), Paris, Karthala,
2002, ;384p., à la p.2];
De façon plus spécifique consulter UE, Livre vert sur les relations entre l’Union européenne et les pays
ACP à l’aube du XXIe siècle – Défis et options pour un nouveau partenariat, novembre 1996, COM (96)
540, en ligne : http://europa.eu.int/comm/off/green/index_fr.htm1996 (date d’accès : 4 avril 2003);
14
Y., Ouedraogo, « Le système institutionnel de la convention de Lomé » dans Gabas, J.-J. (dir.) et
GEMDEV, L’Union européenne et les pays ACP Un espace de coopération à construire, Paris, Karthala,
1999, 459p., à la p. 119, voir également la p. 109;
14
L’octroi de l’aide sans condition avant 1989 n’est sans doute pas étrangère à
l’exaspération des contribuables de l’Union européenne. Sans que ce facteur influe
directement sur un choix de l’Union européenne entre ses partenaires de l’Est et ses
partenaires ACP, il n’en demeure pas moins qu’il contribue à créer des conditions
favorables à l’avènement de critères de sélection parmi les pays receveurs d’aide,
notamment des critères politiques reposant sur le respect des droits fondamentaux, la
bonne gouvernance des institutions et l’instauration d’un régime démocratique.
De façon plus générale, nous rappelons qu’avec les années «90 » apparaît l’ère du
développement durable prônant un développement soucieux des droits fondamentaux.
Ce courant ne fût certainement pas sans influencer le discours prônant l’émergence et la
mise en œuvre de la conditionnalité démocratique.
1.2 Émergence de la conditionnalité démocratique au sein des institutions de l'Union
européenne
1.2.1 L’évolution de la conditionnalité dans les textes
i. La création d’un lien entre développement et démocratie
Bien que nous situions généralement l’évolution de la conditionnalité dans les textes
à partir du 15 décembre 1989, date de la conclusion de l’Accord Lomé IV15, il n’en
demeure pas moins que le lien entre développement, démocratie et droits de la personne
est apparu antérieurement. Tel que nous l’avons vu au point précédent, le début des
années «80 » a vu quelques initiatives européennes en ce domaine. Entre autres, la
Communauté européenne tenta de négocier une référence au respect des droits de
15
Quatrième convention ACP-CEE, 15 décembre 1989, [1991] J.O.L. 229 (entrée en vigueur : 1e septembre
1989);
15
l’Homme dans les accords de Lomé I16, II17 et III18.
L’article 4 de cette dernière
convention est libellé ainsi :
« La Convention ACP-CEE appuie les efforts des États ACP en vue d’un
développement plus autonome et auto-entendu fondé sur leurs valeurs sociales et
culturelles, leurs capacités humaines, leurs ressources naturelles, leurs potentialités
économiques afin de promouvoir le progrès économique et social des États ACP et
le bien-être de leurs populations, par la satisfaction de leurs besoins fondamentaux,
la reconnaissance du rôle de la femme et l’épanouissement des capacités humaines
dans le respect de leur dignité. »
Toutefois, l’auteur Joël Rideau nous fait remarquer que :
Le progrès constitué par ces références ne pouvait cependant masquer l’absence de
référence générale aux droits de l’Homme non plus que le défaut d’un mécanisme de
contrôle ou de mention de la possibilité d’une suspension de la Convention en
réponse à des violations des droits de l’Homme 19.
Malgré les lacunes que comportait la mince référence aux droits fondamentaux dans
la convention de Lomé III quant à son effectivité, nous pouvons considérer cette référence
comme significative d’un vent de changement dans l’évolution du lien entre
développement et démocratie.
En outre, depuis son avènement en 1983, le Parlement européen a toujours marqué
son profond désir de voir naître une politique respectueuse des droits de la personne en
matière de relations extérieures. En 1987, le cinquième alinéa du préambule de l’Acte
unique européen20 s’inscrit dans la démarche de concrétisation du lien entre
16
Convention
ACP-CEE
de
Lomé,
28
février
1975,
en
ligne :
http://eu.eu.int/accords/en/details.asp?id=1975005&lang=fr (date d’accès : 4 avril 2003)(entrée en vigueur :
1e avril 1976);
17
Deuxième convention ACP-CEE, 31 octobre 1979, [1980] J.O.L. 347 (entrée en vigueur : 1e janvier
1981);
18
Troisième convention ACP-CEE, Supra note 9;
19
J., Rideau, « Les clauses de conditionnalité droits de l’Homme dans les accords d’association avec la
communauté européenne » dans Christophe Tchakaloff, M.-F. (dir), Le concept d’association dans les
accords passés par la Communauté : Essai de clarification, Bruxelles, Bruylant, 1999, 332p., à la p. 153;
20
Conscients de la responsabilité qui incombe à l’Europe de s’efforcer de parler toujours
davantage d’une seule voix et d’agir avec cohésion et solidarité afin de défendre plus
efficacement ses intérêts communs et son indépendance, ainsi que de faire tout
16
développement et démocratie et marque davantage la volonté de l’Union européenne
d'inclure le respect des droits fondamentaux au cœur de ses politiques futures par une
affirmation ferme de son intention de promouvoir les droits fondamentaux et les principes
démocratiques dans ses relations internationales.
L’année 1989 est marquée par la conclusion de la Convention de Lomé IV21, souvent
qualifiée de «banc d’essai » de la conditionnalité démocratique. Car, pour la première
fois, la conditionnalité démocratique prend la forme d’une « clause droits de l’Homme »
à l’article 5 de ladite convention. Toutefois, la clause demeure imprécise et manque de
force exécutoire. Elle ajoute peu au droit international en vigueur à cette époque et
énonce la protection et le respect des droits fondamentaux davantage sous la forme de
principes programmatoires que sous la forme d’une réelle garantie22. Cette convention
constitue néanmoins la plus grande avancée depuis que la conditionnalité démocratique
fut envisagée comme moyen de politique extérieure. À la suite de cette convention, les
années «90 » apportent avec elles une série de résolutions et de prises de position
concernant la démocratie, les droits fondamentaux et le développement.
Parmi ces
dernières, le Conseil européen et ses États membres adoptent, en novembre 1991, une
résolution sur les droits de l’Homme, la démocratie et le développement23.
Cette
résolution deviendra plus tard un document de référence eu égard à la conditionnalité
démocratique de l’Union européenne. Il s’agit du premier document où s’établit un
véritable lien entre l’aide communautaire au développement et le respect des droits
fondamentaux. L’affirmation de plus en plus ferme de ce lien se traduira par l’adoption
particulièrement valoir les principes de la démocratie et le respect du droit et des
droits de l’homme, auxquels ils sont attachés, afin d’apporter ensemble leur
contribution propre au maintien de la paix et de la sécurité internationales
conformément à l’engagement qu’ils ont pris dans le cadre de la Charte des Nations
unies. [UE, Acte unique européen, [1987] J.O.L. 169 à la p.1, en ligne :
http://europa.eu.int/abc/obj/treaties/fr/frtr14ahtm (date d’accès :4 avril 2003),
Préambule alinéa 5];
21
Quatrième convention ACP-CEE, Supra note 16;
E., Riedel et M., Will, « Clauses relatives aux droits de l’Homme dans les accords extérieurs des
Communautés européennes » dans Alston, P. (dir.), L’Union européenne et les droits de l’Homme,
Bruxelles, Bruylant, 2001, 983p., aux pp. 756-757;
23
CE, Commission, Communication de la Commission au Conseil sur les droits de l’homme, la démocratie
et la politique de coopération au développement, [1991] Bull. CE, 3/1991, au point 1.3.4; Conseil
européen, Résolution du Conseil et des États membres réunis au sein du Conseil sur les droits de l’homme,
la démocratie et le développement, [1991] Bull. CE 11-1991, au para 10;
22
17
de l’article 11 du Traité de l’Union européenne24 en 1992 qui consacrera les droits de la
personne comme un objectif de la politique extérieure de l’Union européenne. Cet article
apparaissant sous l’intitulé Dispositions concernant une politique étrangère et de sécurité
commune expose que :
1.
L’Union définit et met en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune couvrant tous les
domaines de la politique étrangère et de sécurité, dont les objectifs sont :
[…]
- la promotion de la coopération internationale,
- le développement et le renforcement de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que le respect des
droits de l’homme et des libertés fondamentales.
2.
Les États membres appuient activement et sans réserve la politique extérieure et de sécurité de
l’Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle.
Les États membres œuvrent de concert au renforcement et au développement de leur solidarité
politique mutuelle. Ils s’abstiennent de toute action contraire aux intérêts de l’Union susceptible
de nuire à son efficacité en tant que force de cohésion dans les relations internationales 25.
Dans la foulée de la Convention de Lomé IV et de l’adoption de cette multitude de
résolutions, plusieurs communications furent adoptées afin de réaliser en quelque sorte un
bilan sur la mise en œuvre de ce lien entre développement des pays tiers et démocratie26.
Enfin, rappelons tout le débat entourant la compétence de la Communauté et de
l’Union européenne en matière de défense et de promotion des droits de l’Homme.
Malgré de nombreux détracteurs, une compétence institutionnelle et, encore plus
fondamentale, une compétence naturelle sont reconnues à la Communauté et à l’Union
européenne. La promotion et la défense des droits fondamentaux s’avèrent la raison
d’être de la construction communautaire européenne. C’est pour répondre aux horreurs
24
ci-après TUE;
CE, Version consolidée du Traité sur l’Union européenne, [2002] J.O.L. 325/5, en ligne Europa
http://europa.eu.int/eur-lex/fr/treaties/dat/EU_consol.pdf (date d’accès : 23 août 2003);
26
Voir : CE, Commission, Premier rapport sur l’application en 1993 de la résolution du Conseil européen
du 21/11/1991, [1994] COM (94) 42 final; CE, Commission, Prise en compte du respect des principes
démocratiques et des droits de l’homme dans les accords entre la Communauté et les pays tiers, [1995]
COM (95) 216; UE, Commission, L’UE et les aspects extérieurs de la politique sur les droits de l’Homme :
de Rome à Maastricht et au-delà, [1995] COM (95) 567; UE, Commission, L’UE et le problème des
conflictuels africains : le rétablissement de la paix, la prévention de conflictuels et au-delà, [1996] COM
(96) 69 final; UE, Commission, Démocratisation, État de droit, respect des droits de l’Homme et
partenariat entre U.E. et les pays A.C.P., [1998] COM (98) 146; UE, Commission, Rôle de l’UE dans la
promotion des droits de l’Homme et de la démocratisation dans les pays tiers, [2001] COM (2001) 252;
25
18
de la Seconde guerre mondiale que l’Europe a voulu instaurer la paix par la création
d’une interdépendance économique27.
Plus précisément, en ce qui concerne la compétence de l’Union européenne en
matière de conditionnalité démocratique, il faut se référer à la décision de la Cour de
justice des Communautés européennes de 1996 opposant le Portugal au Conseil européen
qui confirma la validité et la possibilité d’appliquer une clause de conditionnalité
démocratique incluse dans un accord de coopération avec l’Inde conformément aux
procédures prévues dans la Convention de Vienne28. Notamment, le paragraphe 24 de
cette décision s’avère évocateur de la compétence que l’on veut reconnaître à l’Union
européenne en matière de protection des droits fondamentaux sur la scène internationale :
Il y a lieu de constater que le seul fait que l’article 1 er, paragraphe 1, de l’accord
dispose que le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques
«constituent un élément essentiel » de l’accord ne permet pas de conclure qu’il
dépasse l’objectif énoncé à l’article 130 U, paragraphe 2, du traité. En effet, le
libellé même de cette dernière disposition démontre l’importance qu’il convient
d’accorder au respect des droits de l’homme et des principes démocratiques. Il en
résulte, notamment, que la politique de coopération au développement doit y être
adaptée29.
Cette rétrospective nous a permis de constater l’évolution idéologique parcourue
en matière de respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques associé aux
objectifs de développement des pays tiers. Aussi, est-il à présent opportun de constater
de quelle façon se sont concrétisées l’ensemble de ces affirmations du lien entre
développement et démocratie à travers la typologie des «clauses droits de l’Homme ».
ii. Une typologie des «clauses droits de l’Homme »30
J.-M., Rachet, « De la compétence de l’Union européenne en matière de défense et de promotion des
droits de l’homme » (1995) 387 Revue du Marché commun et de l’Union européenne 256, à la p. 257;
28
Portugal c. Conseil européen, C-268/94, [1996] Rec. C.E. I-6207, aux pp. I-6214 et suiv.;
29
Ibid, p. I-6217;
30
Pour une vue d’ensemble des clauses de conditionnalité démocratique énumérées dans cette section, nous
vous référons à l’Annexe I où sont reproduits les textes de l’ensemble des clauses de conditionnalité
démocratique, de la clause de base jusqu’à la clause de conditionnalité de Lomé IV (1995). Vous êtes
également invités à consulter l’Annexe II où sont reproduites les clauses pertinentes de l’Accord de
Cotonou (2000);
27
19
C’est pour répondre aux incertitudes engendrées par l’interprétation de la Convention
de Vienne sur le droit des traités31 de 1969 que la Communauté européenne envisagea la
formulation de « clauses droits de l’Homme » dans ses traités internationaux de
coopération et d’aide au développement.
Les violations massives des droits
fondamentaux dans certains pays parties à la Convention de Lomé I pose le problème de
la suspension des traités dans toute son ampleur. En vertu de la Convention de Vienne et,
plus particulièrement, des règles de droit coutumier, la suspension et la résiliation des
traités est possible d’une part pour répondre à une violation d’une disposition essentielle
d’un traité, d’autre part, dans le cas d’une impossibilité ultérieure d’exécution pour une
modification fondamentale des circonstances32.
Dans le premier cas, les droits
31
Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, R.O. 1990 1112, (entrée en vigueur : 6 juin
1990) [ci-après : Convention de Vienne];
32
Art. 60 Extinction d’un traité ou suspension de son application comme conséquence de sa
violation
1. Une violation substantielle d’un traité bilatéral par l’une des parties autorise l’autre partie à
invoquer la violation comme motif pour mettre fin au traité ou suspendre son application en
totalité ou en partie.
2. Une violation substantielle d’un traité multilatéral par l’une des parties autorise:
a)
les autres parties, agissant par accord unanime, à suspendre l’application du traité en totalité ou
en partie ou à mettre fin à celui-ci:
i)
soit dans les relations entre elles-mêmes et l’Etat auteur de la violation,
ii)
soit entre toutes les parties;
b)
une partie spécialement atteinte par la violation à invoquer celle-ci comme motif de suspension
de l’application du traité en totalité ou en partie dans les relations entre elle-même et l’Etat
auteur de la violation;
c)
toute partie autre que l’Etat auteur de la violation à invoquer la violation comme motif pour
suspendre l’application du traité en totalité ou en partie en ce qui la concerne si ce traité est
d’une nature telle qu’une violation substantielle de ses dispositions par une partie modifie
radicalement la situation de chacune des parties quant à l’exécution ultérieure de ses obligations
en vertu du traité.
3. Aux fins du présent article, une violation substantielle d’un traité est constituée par:
a)
un rejet du traité non autorisé par la présente Convention; ou
b)
la violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet ou du but du traité.
20
fondamentaux devaient être consacrés comme un motif de possible résiliation ou devaient
clairement être identifiés comme un élément fondamental du traité. Dans la seconde
hypothèse, la résiliation ou la suspension du traité dépendait clairement des circonstances
particulières à chaque cas. L’impossibilité d’exécution a parfois résulté d’une guerre
civile, de troubles politiques ou de cas de sécession. Vraisemblablement, il s’agissait de
cas où le gouvernement partie au traité ne possédait plus le contrôle effectif nécessaire à
4. Les paragraphes qui précèdent ne portent atteinte à aucune disposition du traité applicable en
cas de violation.
5. Les par. 1 à 3 ne s’appliquent pas aux dispositions relatives à la protection de la personne
humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire, notamment aux dispositions
excluant toute forme de représailles à l’égard des personnes protégées par lesdits traités.
Art. 61 Survenance d’une situation rendant l’exécution impossible
1. Une partie peut invoquer l’impossibilité d’exécuter un traité comme motif pour y mettre fin ou
pour s’en retirer si cette impossibilité résulte de la disparition ou destruction définitives d’un
objet indispensable à l’exécution de ce traité. Si l’impossibilité est temporaire, elle peut être
invoquée seulement comme motif pour suspendre l’application du traité.
2. L’impossibilité d’exécution ne peut être invoquée par une partie comme motif pour mettre fin
au traité, pour s’en retirer ou pour en suspendre l’application si cette impossibilité résulte d’une
violation, par la partie qui l’invoque, soit d’une obligation du traité, soit de toute autre obligation
internationale à l’égard de toute autre partie au traité.
Art. 62 Changement fondamental de circonstances
1. Un changement fondamental de circonstances qui s’est produit par rapport à celles qui
existaient au moment de la conclusion d’un traité et qui n’avait pas été prévu par les parties ne
peut pas être invoqué comme motif pour mettre fin au traité ou pour s’en retirer, à moins que:
a)
l’existence de ces circonstances n’ait constitué une base essentielle du consentement des parties
à être liées par le traité; et que
b)
ce changement n’ait pour effet de transformer, radicalement la portée des obligations qui restent
à exécuter en vertu du traité.
2. Un changement fondamental de circonstances ne peut pas être invoqué comme motif pour
mettre fin à un traité ou pour s’en retirer:
a)
s’il s’agit d’un traité établissant une frontière, ou
b)
si le changement fondamental résulte d’une violation, par la partie qui l’invoque, soit d’une
obligation du traité, soit de toute autre obligation internationale à l’égard de toute autre partie au
traité.
3. Si une partie peut, conformément aux paragraphes qui précèdent, invoquer un changement
fondamental de circonstances comme motif pour mettre fin à un traité ou pour s’en retirer, elle
peut également ne l’invoquer que pour suspendre l’application du traité. [Convention de Vienne,
Ibid] ;
21
l’exécution de la convention33.
De plus, la « modification fondamentale des
circonstances » semble avoir jusqu’à maintenant une portée restrictive, justifiée
probablement par un besoin de stabilité dans les relations interétatiques. Aussi, pour
échapper à ce flottement alors que les violations des droits fondamentaux requièrent des
actions immédiates, l’Union européenne a trouvé, dans l’élaboration des clauses de
conditionnalité démocratique, une réponse à ces imprécisions du droit international
nécessitant une interprétation jurisprudentielle au cas par cas.
Plus particulièrement, l’évolution de la typologie des clauses de conditionnalité
débute avec l’article 5 de la Convention de Lomé IV34. Cette clause est aussi appelée
«clause fondement »35, car il s’agit de la toute première clause relative aux droits
fondamentaux rendant conditionnelle l’aide publique au développement. Toutefois, son
imprécision et sa généralité apportent peu au droit international coutumier des droits de
l’Homme et rend une suspension du traité illusoire à la lumière de la Convention de
Vienne.
La référence aux droits fondamentaux, telle qu’elle apparaît à l’article 5
paragraphe 2, deuxième alinéa, prend davantage la forme de principes programmatoires
que d’une garantie effective dans la mesure où la Convention de Lomé IV ne prévoit
aucun mécanisme de suspension en cas de violation. De plus, aucun libellé ne précise
que la violation des droits fondamentaux constitue un élément fondamental de la
Convention en vertu duquel le traité peut être dénoncé selon les principes énoncés dans la
Convention de Vienne36. Par rapport à la situation initiale du droit international, les
acquis demeurent encore bien minces.
En 1990, une clause dite « de base »37 sera formulée dans un accord-cadre conclu
avec l’Argentine. Cette clause n’ajoute rien à la « clause fondement » et comporte les
mêmes lacunes. Encore une fois, il y a absence de mécanisme explicite de suspension en
cas de violation des droits fondamentaux et la formulation trop vague ne permet pas de
justifier une suspension en vertu de la Convention de Vienne.
33
E., Riedel et M., Will, Supra note 23, aux pp. 754-755;
Quatrième convention ACP-CEE, Supra note 16;
35
Supra note 31;
36
E., Riedel, et M., Will, Supra note 23;
34
22
En 1992, on verra apparaître la clause de «l’élément essentiel »38 au sein des accords
de coopération conclus avec le Brésil, les pays andins, les États baltes et l’Albanie. Il
s’agit d’une évolution significative dans la formulation de la conditionnalité
démocratique :
Cette clause relative à l’élément essentiel énonce sans ambiguïté les conditions
prévues à l’article 60(3), sous b), de la convention de Vienne relative au droit des
traités et sert ultérieurement à justifier dûment la suspension ou la résiliation des
traités en cause en cas d’atteinte grave aux droits de l’homme ainsi que d’atteinte
grave aux mécanismes démocratiques39.
Des balbutiements de la conditionnalité des années «80 », nous passons à une
réalisation réellement contraignante de la conditionnalité. D’autant plus que la clause de
«l’élément essentiel » s’additionne parfois de la clause de «non-respect », ou clause
«baltique »40, qui autorise une suspension sans délai ni formalité préalable dans des cas
prédéterminés de violation des droits de la personne. Cette clause a vu le jour au sein des
traités conclus avec les États baltes et l’Albanie, tel que l’indique sa dénomination41.
Cependant, en 1993, ce type de clause est remplacé par une clause de non-respect
«bulgare »42 insérée dans les accords conclus avec la Roumanie et la Bulgarie. Il s’agit
en fait d’une clause générale de non-exécution se caractérisant par sa souplesse
d’application. Cette dernière forme de la conditionnalité marque un pas dans la gradation
de la contrainte que l’on semble vouloir imposer en matière d’aide au développement et
de respect des droits fondamentaux. Afin d’ajouter à la clarté de cette clause et d’éviter
que la nécessité de consultations trop longues ne la rendent inefficace, les cas d’urgences
spéciales furent expressément définis dans l’accord conclu avec la Fédération de Russie
en juin 199443.
37
Supra, note 31;
Supra note 31;
39
E., Riedel, et M., Will, Supra note 23, à la p. 759;
40
Supra note 31;
41
E., Riedel, et M., Will, Supra note 23; à la p. 759;
42
Supra note 31
43
E., Riedel, et M., Will, Supra note 23, à la p. 260;
38
23
En 1995, le Conseil adopta un modèle type de clause à inclure de façon systématique
dans tous les accords ultérieurement conclus en matière d’aide publique au
développement44. Cette clause type résulte en fait de la combinaison de la clause de
l’élément essentiel et de la clause bulgare. D’ailleurs, la révision de l’Accord Lomé IV45
en 1995 permit d’y inclure cette clause qui fit l’objet des articles 5 en tant que clause de
l’élément essentiel et de l’article 366 bis en tant que clause de non-exécution46.
Enfin, l’Accord de Cotonou47, le dernier de la lignée des accords ACP-UE à ce jour,
présente une clause d’élément essentiel à son article 9 ainsi qu’une clause de nonexécution à son article 9648. Seule variante, la procédure de consultation a été rendue
plus flexible afin de favoriser le dialogue. L’interdépendance entre le développement
durable, le respect des droits fondamentaux et la démocratie y est réaffirmée.
La conditionnalité démocratique a d’abord pris la forme d’une simple énonciation de
la prise en considération des droits fondamentaux jusqu’à devenir une affirmation
homogène et pleinement contraignante pour la majorité des partenaires de l’Union
européenne. Bien qu’il s’agisse d’une politique encore en pleine élaboration, la mise en
œuvre des clauses de conditionnalité est pourtant déjà régie par certains principes et
s’avère entourée d’un cadre institutionnel élaboré en ce qui concerne les principales
relations Nord-Sud de l’Union européenne.
1.2.2 La mise en œuvre de la politique de conditionnalité démocratique en
matière d’aide au développement: les principes et le cadre institutionnel
ACP-UE
i. Les principes de mise en œuvre
T., De Wilde d’Estamael, Supra, note 4, à la p. 361;
Quatrième convention ACP-CEE, Supra note 16;
46
Supra note 31;
47
Accord
de
Cotonou,
23
juin
2000,
en
ligne :
http://europa.eu.int/rapid/start/cgi/guesten.ksh?p_action.gettxt=gt&doc=IP/03/467|0|RAPID&lg=en&displa
(date d’accès : 18 avril 2003) (entrée en vigueur : 1e avril 2003);
48
Supra note 31;
44
45
24
De façon générale, la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique possède
la réputation d’être plutôt difficile. Aussi, la conditionnalité politique est-elle souvent
surnommée l’ « Arlésienne du droit communautaire »49. Malgré tout, certains principes
régissent sa mise en œuvre conditionnée par une approche positive de la conditionnalité
ou une approche négative, selon le cas qui en fait l’objet. L’approche positive se résume
à de l’assistance technique, telle la supervision d’élections libres, à de l’aide financière
permettant la réalisation de certains programmes ainsi qu’à des préférences
commerciales. Pour sa part, l’approche négative se décline en termes de dialogues
critiques permettant de cibler les problèmes relatifs à l’application du traité afin qu’il en
résulte une solution commune, ou, en dernier lieu, en termes de suspension des accords et
de l’aide octroyée pour la coopération et de développement50.
Or, dans la mise en œuvre de la conditionnalité, l’Union européenne tend à
privilégier l’approche positive plutôt que l’approche négative. Toutefois, il est important
de noter que l’approche négative doit être considérée avant tout pour ses effets préventifs.
La « clause droits de l’Homme » permet d’instituer un dialogue sur des questions
politiques et institutionnelles dans le cadre de relations considérées au départ comme
purement économiques et ainsi de prévenir les situations de crises 51. Les procédures de
consultations instaurées par la « clause bulgare » témoignent de l’importance accordée à
ce dialogue préalable à une suspension de l’aide.
Les propos de Riedel et Will
démontrent bien la vision que sous-tend la conditionnalité :
La suspension des obligations au titre du traité ne constitue de ce fait qu’un moyen
de dernier recours, en marquant l’échec final du dialogue en question. Il serait
même possible de soutenir que la clause relative aux droits de l’homme a manqué à
son objectif, si elle doit être effectivement appliquée52.
E., Tucny, L’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale, La
conditionnalité politique, Paris, l’Harmattan, à la p.27; Cette expression fait référence à un opéra de Bizet
où le personnage central, « l’Arlésienne », n’apparaît jamais sur scène. De même, la conditionnalité
démocratique est peu mise en œuvre sur la scène communautaire et internationale bien qu’elle soit au
centre de nombreux débats.
50
J.-L., Atangana Amougou, Supra note 6, aux pp. 6-7;
51
M., Candela Soriano, « L’Union européenne et la protection des droits de l’Homme dans la coopération
au développement : le rôle de la conditionnalité politique » 52 (2002) Revue trimestrielle des droits de
l’Homme à la p. 875 et 891;
52
E., Riedel, et M., Will, Supra, note 23, à la p.773; Voir également J., Rideau, Supra note 20, aux pp. 159,
164 et 170;
49
25
Cependant, lorsque la mise en œuvre de l’approche négative s’avère nécessaire, trois
principes élaborés par la Commission gouvernent l’action de l’Union européenne :

les mesures arrêtées doivent être guidées par des critères objectifs et
équitables ;

les mesures doivent être ajustées aux circonstances et graduées selon la
gravité de chaque cas;

les mesures négatives doivent éviter de pénaliser la population du pays en
cause et en particulier ses couches les plus pauvres53.
Quant au premier principe énoncé, à ce jour aucun instrument adopté par l’Union
européenne n’a fait l’objet d’une telle définition des critères objectifs 54. L’absence de
définition de l’expression «en cas de violation grave » incluse dans les «clause balte » de
non-respect autorisant une suspension automatique s’avère une illustration de la
problématique posée par le flou entourant les critères objectifs d’application.
Le second principe prônant une sanction proportionnelle à la violation est étayé
par une liste préétablie de la gradation des mesures pouvant être utilisées en cas de
violation :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
53
54
modification du contenu des programmes de coopération ou des circuits
utilisés ;
réduction des programmes de coopération culturelle scientifique et
technique;
ajournement d’une réunion du comité mixte ;
suspension des contacts bilatéraux de haut niveau ;
ajournement de nouveaux projets ;
refus de suivre les initiatives du partenaire ;
embargos commerciaux ;
suspension des ventes d’armes et de la coopération militaire ;
suspension de la coopération55 ;
; E., Riedel, et M., Will, Supra, note 23, à la p.779;
Ibid, et voir également J.-L., Atangana Amougou, Supra, note 4, à la p. 9;
26
Enfin, le troisième principe est conforme aux principes du droit international
humanitaire et tend à éviter d’imposer une double pénalité aux populations déjà victimes
des agissements d’un régime non démocratique et irrespectueux des droits de la
personne56.
Il est important de prendre en considération que la règle de l’unanimité régit les
décisions concernant la suspension d’un traité eu égard à la violation des engagements
pris en vertu d’une clause de conditionnalité démocratique au détriment de l’efficacité de
la mise en œuvre d’une telle clause57.
En dernier lieu, il est à noter que l’Union européenne se considère comme un
partenaire dans l’application et le renforcement des droits fondamentaux et de l’État de
droit au sein des pays en développement. C’est pourquoi l’Union européenne consacrera
une partie de son budget afin de favoriser et d’aider les pays tiers à prendre les mesures
qui s’imposent en vue de se conformer à leurs obligations. Le montant alloué pour la
période 1999-2004 s’éleve à 150 M d’euros58.
55
annexe 2 COM (95) 216; voir également E., Riedel, et M., Will, Supra, note 23, à la p.780; J., Rideau,
Supra note 20, à la p. 172;
56
M., Candela Soriano, Supra note 52, à la p. 880;
57
E., Riedel, et M., Will, Supra, note 23, à la p.777; J., Rideau, Supra note 20, à la p. 193;
58
Les propos de l’auteur Delaplace illustrent bien cet esprit de partenariat qui anime l’action européenne et
les moyens qu’elle prend pour réaliser son objectif « droits de l’Homme – démocratie » en matière de
relations extérieures :
Le règlement du 29 avril 1999 « fixant les exigences pour la mise en œuvre des
actions de coopération au développement qui contribuent à l’objectif général du
développement et de la consolidation de la démocratie et de l’État de droit ainsi qu’à
celui du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » vise des
actions qui dans le cadre de la politique de coopération de la Communauté dans les
pays tiers, contribuent à l’objectif général de développement et de consolidation de
la démocratie et des droits de l’homme. Elles sont exécutées sur le territoire des
pays tiers. Outre les modalités techniques des actions, le règlement fixe un montant
de référence financière pour la période d’application du règlement (1999-2004) de
150 M euros. Sur le plan technique, les actions à réaliser devront être mises en
œuvre dans le cadre de programmes existants en matière de coopération avec les
pays tiers ainsi que toute action future concernant les pays tiers dans ces domaines
mise en œuvre sur la base de l’article 235 du traité sur l’Union. De même, la
Commission rappelle dans sa communication relative à la politique de
développement de la Communauté européenne que la bonne gestion des affaires
publiques doit être encouragée, impliquant en particulier un engagement réciproque
à assurer une gestion transparente et responsable des ressources financières
27
Encore peu étoffés, les principes de mise en œuvre des clauses de conditionnalité
démocratique sont le reflet de la jeunesse d’une politique d’après Guerre froide toujours
en pleine mutation et sujette aux changementx. Le cadre institutionnel dans lequel évolue
la politique de conditionnalité n’est pas sans influencer l’évolution des principes de mise
en œuvre de la conditionnalité démocratique. Aussi, il est justifié de faire une brève
description des institutions ACP-UE au sein desquels est mise en œuvre la clause de
conditionnalité. Bien que les institutions ACP-UE ne soient pas exclusives de la pratique
de la conditionnalité, elles furent le premier terrain d’expérimentation de cette politique
et le plus élaboré à ce jour. Cette démarche plus descriptive nous permettra de faire
certaines observations à l’égard de la mise en œuvre de la politique de conditionnalité
dans la seconde partie de cette étude.
ii. Le cadre institutionnel ACP-UE
De façon générale, les institutions ACP-UE peuvent être simplement divisées en deux
groupes soit, d’une part, l’ensemble des pays membres de l’Union européenne et, d’autre
part, l’ensemble des pays faisant partie du groupe Afrique, Caraïbes et Pacifique.
Toutefois, en matière de politique de conditionnalité, ces deux entités s’expriment via
différentes instances, dont les principales sont le Parlement européen, le Conseil des
ministres de l’Union européenne, la Commission européenne, l’Assemblée paritaire, le
Conseil des ministres conjoints ainsi que le secrétariat ACP.
Le Parlement européen s’avère le lieu de débat par excellence concernant les
politiques européennes dont celle de la conditionnalité démocratique. Il est composé de
626 députés élus au suffrage universel pour une durée de cinq ans. Le nombre de députés
éligibles dans chaque État membre est déterminé par le traité de Maastricht59. On
pourrait dès lors penser qu’un pays tel que l’Allemagne, qui possède une politique
consacrées au développement, et à prévenir et à combattre la corruption. [D.,
Delaplace, Supra note 5, aux pp. 616-617]
59
UE, « Bienvenue au Parlement européen », europarl, en ligne :
http://www.europarl.eu.int/presentation/default_fr.htm (date d’accès: 10 mai 2003), à la p.1;
28
nationale de conditionnalité démocratique et qui a le plus grand nombre de
parlementaires, influe de façon considérable dans le dialogue portant sur la
conditionnalité démocratique, malgré le fait que les parlementaires siègent en raison de
leur appartenance politique plutôt qu’en raison de leur identité nationale.
Le Parlement est d’abord un lieu de débats et de formulation d’opinions fondées sur
les propositions soumises par la Commission européenne, mais il arrive qu’il adopte des
textes européens par la voie de la co-décision, c’est-à-dire en collaboration avec le
Conseil des ministres60. Jusqu’à maintenant, le Parlement use encore peu de ce droit et se
contente de donner un simple avis.
Cet espace de dialogue s’ouvre aux pays candidats à l’adhésion par le biais de
commissions parlementaires mixtes et aux États tiers à l’aide de délégations
parlementaires. Par ailleurs, la Commission parlementaire sur le développement et la
coopération est susceptible de jouer un rôle particulier en matière de négociation des
« clauses droits de l’Homme » dans la mesure où elle a pour compétence, entre autre, la
promotion, la mise en œuvre et le contrôle de la politique de développement et de
coopération de l’UE61 via le dialogue politique et le soutien au processus de
démocratisation, aux droits fondamentaux et au bon gouvernement. Mais, surtout, elle a
pour tâche de négocier, de conclure et d’appliquer les conventions ACP-UE.
Notons toutefois que le Parlement européen n’aurait fait que donner des avis
conformes aux propositions de la Commission concernant l’inclusion d’une clause de
conditionnalité démocratique au sein de l’Accord de Cotonou62. À ce jour, le Parlement a
donc joué un rôle davantage politique et consultatif que décisionnel concernant ce thème.
60
I., Bellier, « Les institutions européennes, la coopération-développement et la culture de Lomé : des
pratiques et des textes » dans Gabas, J.-J. (dir.) et GEMDEV, L’Union européenne et les pays ACP Un
espace de coopération à construire, Paris, Karthala, 1999, 459p., à la p.48;
61
CE, Version consolidée du Traité instituant la Communauté européenne, [2002] J.O.L. C 325, art. 177 à
181;
62
UE, Supra note 60, à la p. 13; Pour plus de détails sur cet accord, nous vous invitions à consulter
l’introduction;
29
Le Conseil des ministres adopte, parfois en co-décision avec le Parlement, la
législation communautaire. Il s’agit donc du principal organe de décision. Il réunit les
ministres de chaque État membre qui se regroupent en sections selon divers domaines de
compétence tels les finances, l’agriculture ou le transport. Le conseil le plus important en
l’espèce s’avère celui des affaires générales réunissant les ministres des affaires
étrangères afin de traiter des questions relatives aux relations extérieures de l’Union
européenne63. Il existe également un conseil des ministres du développement. Ils se
réunissent à tous les 6 mois, soit à Bruxelles, soit à Luxembourg. Les décisions sont
prises à la majorité qualifiée sur les recommandations de la Commission européenne. La
majorité qualifiée « s’obtient en pondérant de manière différenciée les voix des États
membres en fonction de leur population »64.
Ces observations suscitent deux remarques. D’abord, nous soulignons que malgré
que le Conseil s’avère le principal lieu décisionnel, ses décisions sont prises sur
recommandation de la Commission. La Commission est donc à l’origine des politiques
européennes.
Néanmoins, le Conseil des ministres joue un rôle clé en matière de
conditionnalité démocratique, car il détient le pouvoir budgétaire. Il détermine donc les
dépenses découlant des accords internationaux conclus avec les pays tiers et il est, à ce
titre, susceptible d’influencer l’ampleur des mesures positives pouvant être prises en vue
de promouvoir et de faire respecter les droits fondamentaux. Dans un deuxième temps,
malgré la volonté de créer une vision commune au sein du Parlement en écartant la
représentation en fonction de l’identité nationale et en privilégiant l’identité politique, il
n’en demeure pas moins qu’au moment du vote en co-décision à la majorité qualifiée, les
décisions sont fortement influencées par les intérêts nationaux de l’Allemagne et de la
France, les deux pays les plus populeux au sein de l’Union européenne. Toutefois, il
semble exister certains mécanismes de consultation formels et informels préalables à la
prise de décision65. Aussi, des alliances se créent certainement lors de ces consultations
et pourraient vraisemblablement venir, à l’occasion, contrer le simple poids
démographique de certains pays, quoique ces pays s’avèrent également les plus influents.
63
I., Bellier, Supra note 61., à la p.49;
UE, Supra note 60, à la p. 22;
65
I., Bellier, Supra note 61, à la p.49;
64
30
La Commission européenne est le lieu d’où originent les politiques soumises au
débat et à l’adoption au Conseil des ministres et au Parlement. Elle veille ensuite à la
mise en œuvre de ces politiques.
Il s’agit donc de l’organe moteur de l’Union
européenne. Elle est composée de vingt membres nommés par leur État et approuvés par
le Parlement européen.
Ces membres sont nommés pour leurs compétences à titre
indépendant. Ils ont souvent occupé de hautes fonctions politiques antérieurement à leur
nomination, la plupart du temps au niveau ministériel. La Commission est renouvelée
tous les cinq ans dans les six mois suivant l’élection du Parlement européen. Ce dernier
possède le pouvoir de dissoudre la Commission, pouvoir qui n’a jamais été exercé
jusqu’à présent. Plus concrètement, la Commission exerce quatre fonctions essentielles :
elle propose les textes législatifs au Parlement et au Conseil, elle met en œuvre les
politiques communautaires, elle veille au respect du droit communautaire, elle est porteparole de l’Union européenne sur la scène internationale et, enfin, elle négocie les
accords internationaux de commerce et de développement66.
La Commission est assistée, entre autre, par les Directions générales67 dont la
Direction générale au développement dirigée par Monsieur Jacobus Nicolaas Maria Koos
Richelle d’origine britannique, né en Indonésie. Ce directeur devra rendre compte à M.
Poul Nielson, membre de la Commission responsable de la coopération au
développement et de l’aide humanitaire.
L’exemple le plus récent du rôle de la
Commission en matière de conditionnalité est sans nul doute sa participation à la
signature du programme de coopération avec la République Démocratique du Congo
pour un montant de 205 millions d’euros le 3 septembre dernier. Ce programme apparaît
comme la mise en œuvre de l’accord-cadre de Cotonou et tend à soutenir la République
dans sa transition vers un régime démocratique68. Il est important de noter que les
UE, «Les institutions de l’Union européenne, Commission européenne », europa, en ligne :
http://europa.eu.int/institutions/comm/index_fr.htm (date d’accès: 4 mai 2003), à la p.3;
67
I., Bellier, Supra note 61, aux pp. 52-53;
68
À cette occasion, M. Poul Nielson s’est exprimé ainsi au nom de la Commission européenne:
66
Ce programme intervient au lendemain de la mise en place tant attendue du
gouvernement de transition. La signature de ce document marque la volonté de la
Commission européenne de soutenir la République Démocratique du Congo dans sa
période délicate de transition vers la démocratie et la pacification durable aussi bien
de la nation congolaise que de la Région des Grands Lacs. En effet, depuis son
31
décisions doivent faire consensus parmi les Commissaires qui ont parfois des différences
de vues, non pas en raison de leurs intérêts nationaux, puisqu’ils siègent à titre
indépendant, mais en fonction de leur domaine de compétence. Certains domaines de
compétence s’avèrent donc susceptibles de s’allier ou de s’opposer aux intérêts de la
coopération au développement. Notons également que c’est la direction générale au
développement qui dirigera le comité du Fonds européen de développement chargé
principalement de gérer l’aide au développement des pays ACP69. Outre la Direction
générale, s’y retrouvent représentés les États membres qui posséderont un nombre de
voix proportionnel à leur contribution financière.
Le vote est ensuite réajusté à la
majorité qualifiée. Autrement, la Commission procède souvent à des consultations de
différents acteurs sociaux ou d’experts pour les questions complexes.
L’Assemblée paritaire est l’institution mixte la plus importante dans le cadre des
relations ACP-UE, car c’est par elle que s’exprimeront les pays ACP, notamment dans le
cadre de la politique de conditionnalité.
Elle est composée d’un nombre égal de
parlementaires européens et de parlementaires ACP ou de représentants ACP pour les
pays non-démocratiques. Ce nombre s’élève à 77 parlementaires au sein desquels est
représentée la Commission au développement et parmi lesquels les deux-tiers des
représentants ACP étaient élus en 199770. L’Assemblée siège en alternance, à Bruxelles
ou à Luxembourg et dans un pays ACP, deux fois par année. Le lieu choisi au sein des
pays ACP semble être très significatif au plan politique en terme de reconnaissance par
les autres partenaires.
L’Assemblée peut prendre le pouls d’autres acteurs sociaux,
institution, le Gouvernement de transition s'est résolument engagé à conduire le pays
vers les premières élections libres de son histoire. La Commission européenne,
prenant acte de cet engagement ferme, a voulu montrer son intention claire de le
soutenir tout au long de sa tâche. Je souhaite vivement que la coopération
communautaire puisse contribuer de façon substantielle à une transition
démocratique et à une refonte de l'état congolais qui soit en accord avec les principes
essentiels souscrits par le pays dans le cadre de l'Accord de Cotonou. [UE,
Communiqué IP/03/1195, « La Commission signe le programme de coopération
avec la République Démocratique du Congo de 205 millions d’euros » (3 septembre
2003),
en
ligne :
Press
Releases
Rapid
http://europa.eu.int/rapid/start/cgi/guesten.ksh?p_action.gettxt=gt&doc=IP/03/1195|
0|RAPID&lg=fr&display= (date d’accès : 03/09/2003)];
UE, « Développement/ relations avec les pays tiers, Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
(ACP) », Europa, en ligne : http://europa.eu.int/scadplus/printversion/fr/s05032.htm (dernière modification:
23 novembre 2003);
69
32
économiques ou culturels71. Elle soumettra ensuite ses recommandations au Conseil des
ministres. Quant au déroulement des débats, l’auteur Bellier s’exprime ainsi :
L’assemblée paritaire représente un espace de dialogue dans lequel cheminent
les idées au travers d’échanges parfois vifs et colorés, passionnants lorsque se
dessinent des solidarités, parfois décevants lorsque les deux composantes UE et
ACP se prononcent par des votent séparés, et que le processus conduit à
invalider des résolutions72.
Encore une fois, on sent tout le jeu politique derrière cette conditionnalité démocratique à
laquelle on voudrait bien conférer un caractère plus stable, moins facilement sujette aux
intérêts nationaux.
Le Conseil des ministres conjoints est composé des ministres chargés du
développement de l’Union européenne, des membres de la Commission et d’un membre
du gouvernement de chaque pays ACP. Le conseil se réunit une fois l’an et assure le
fonctionnement de la convention et la définition des orientations de la politique ACP-UE.
Entre autres, c’est à ce niveau qu’interviennent les ambassadeurs afin de faire rapport sur
l’évolution de la mise en œuvre de la Convention au sein de l’État auquel ils sont
affectés. Également, on y traitera des questions de l’élargissement du groupe ACP, mais
aussi de l’élargissement de l’Union de même que de la participation de la société civile.
La Commission a un rôle prépondérant dans l’organisation des travaux du Conseil bien
qu’une grande partie des questions soient réglées en sous-comités étant donné les
contraintes de temps73.
Nous devons également mentionner qu’à ces institutions majeures se greffe la
Cour de justice des Communautés européenne qui, tel que nous l’avons vu
précédemment, s’est prononcée en faveur de la légalité de l’insertion d’une clause de
conditionnalité démocratique dans une affaire opposant le Portugal au Conseil
européen74. De plus, certains acteurs privés, tels les multinationales et les ONGs peuvent
70
I., Bellier, Supra note 61, aux pp. 55-56;
UE, « Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, Afrique Caraibes Pacique – Union européenne »,
europarl, en ligne : http://www.europarl.eu.int/intcoop/acp/20_01/default_fr.htm (date d’accès: 10 mai
2003), à la p.2;
72
I., Bellier, Supra note 61, à la p. 56;
73
Ibid, aux pp.57-58;
74
Voir supra note 29 et texte correspondant;
71
33
également jouer un rôle dans la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique par
l’expression d’intérêts économiques pour les uns ou en fournissant une expertise sur les
questions de développement et de protection des droits fondamentaux pour les autres.
34
Dans cette première partie nous avons pu constater que l’avènement de la
conditionnalité démocratique comme instrument de promotion et de défense des droits
fondamentaux via les relations économiques et commerciales a été sujet aux aléas
historiques. La chute du communisme, entraînant avec elle la fin du contexte politique
bipolaire, a ouvert la porte à la négociation de la conditionnalité à grande échelle pour
l’Union européenne. Le succès de la conditionnalité pour la paix en Amérique latine a
certainement permis d’envisager la conditionnalité démocratique comme moyen de
concrétiser le lien entre le développement et la démocratie déjà abondamment discuté au
sein de ces institutions. De même, cette nouvelle politique permettait en quelque sorte de
répondre aux exaspérations suscitées par l’octroi de l’aide au développement de façon
inconditionnelle alors que la crise économique engendra une diminution des budgets
alloués à la coopération dès lors que l’ouverture de l’Est au monde multipliait le nombre
de partenaires politiques susceptibles d’être demandeurs d’aide au développement. Une
fois la politique de conditionnalité reconnue sur la scène internationale et transnationale,
l’évolution de la conditionnalité démocratique passa d’une simple référence aux droits
fondamentaux dans les accords de coopération à l’inclusion d’une « clause droits de
l’Homme » uniformisée et susceptible d’entraîner la suspension de l’aide octroyée.
Quelques principes plus ou moins bien définis gouvernent la mise en œuvre de ces
clauses dont la pierre angulaire s’avère l’instauration d’un dialogue politique entre les
partenaires. Toute la particularité de la politique de conditionnalité démocratique réside
dans ce dialogue permettant de conférer à cet instrument de défense des droits de
l’Homme un effet préventif plutôt que curatif. Cet aspect de la conditionnalité se reflète
notamment au sein des institutions ACP-UE à caractère paritaire.
Après avoir dressé ce bref portrait de la politique de conditionnalité qui marque
certainement un pas de plus en faveur de la grande lutte pour les droits fondamentaux,
nous devons pourtant nous pencher sur les résultats obtenus par cette politique. À la
lumière des observations faites précédemment, mais aussi des constats se dégageant de la
mise en œuvre des sanctions économiques comme instrument de défense des droits de la
personne, nous nous intéresserons aux incidences de cette politique que l’on veut tutélaire
des droits de l’Homme dans la partie qui suit.
35
2. LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONDITIONNALITÉ ET SES CONSÉQUENCES
2.1. La mise en œuvre de la conditionnalité démocratique envisagée sous l'angle de
la sanction économique
2.1.1. La conditionnalité démocratique : un volet de l’arme économique
i. Qu’entend-t-on par « sanction économique traditionnelle »?
Il est important de garder à l’esprit que la politique de conditionnalité
démocratique s’avère une politique de défense et de promotion des droits de l’Homme
jeune et en pleine expansion. Toutefois, elle dérive d’un type de politique ayant, pour sa
part, atteint une certaine maturité dès lors que ses premières utilisations remontent à des
temps anciens : la sanction économique traditionnelle.
Les sanctions économiques traditionnelles regroupent les embargos (suspension
des exportations), les boycotts (suspensions des importations), le blocus (interruption de
toutes les relations économiques et financières ainsi que de toutes les communications
avec le pays sanctionné), l’embargo stratégique (suspension du commerce d’armes), la
guerre économique (affaiblissement de la puissance économique du pays sanctionné afin
d’atteindre l’objectif fixé), la discrimination tarifaire, l’augmentation des droits de
douanes, le retrait de la clause de la nation la plus favorisée, l’institution de quotas à
l’importation ou à l’exportation, le refus de délivrer des licences à l’importation et à
l’exportation, le gel des avoirs financiers appartenant au pays sanctionné ainsi que le
contrôle sur les importations ou les exportations de capitaux.
L’ensemble de ces sanctions économiques s’avèrent généralement appliquées soit
de façon unilatérale ou, encore, de façon multilatérale s’il existe une mobilisation de
plusieurs pays à l’encontre du pays sanctionné.
Mais les sanctions économiques
traditionnelles ne sont jamais exécutées sur une base bilatérale consentie entre l’État
sanctionneur et l’État sanctionné. La sanction économique prend généralement la forme
36
d’un ultimatum dans le cadre d’un différend où s’affrontent deux visions opposées. On
les présente généralement comme une alternative à la guerre.
ii. La conditionnalité démocratique : une sanction économique?
Bien que certains hésitent à assimiler la conditionnalité politique à la sanction
économique traditionnelle, il n’en demeure pas moins que nous retrouvons la
conditionnalité démocratique dans la définition générale de la sanction économique. En
effet, la suspension ou la résiliation d’un traité de coopération et d’aide publique au
développement correspond sans aucun doute à une « interruption ou la menace
d’interruption délibérément décidée au niveau gouvernemental des relations financières
ou de commerce courant avec un pays-cible »75, dans la mesure où les clauses de
conditionnalité démocratique apparaissent généralement dans les accords Nord-Sud
comprenant d’importantes mesures commerciales sous la forme de préférences tendant à
favoriser le développement.
Plus précisément, la conditionnalité démocratique entre dans la définition d’une
catégorie de sanctions économiques appelée « linkage positif ». Le « linkage » est une
politique consistant pour un État à se lier économiquement avec un État tiers sous réserve
de l’obtention de certaines concessions politiques ou économiques de la part du pays
tiers. Cette catégorie comporte elle-même deux sous-catégories soit le « linkage positif »
d’une part et le « linkage négatif » d’autre part. Le « linkage négatif » prend souvent la
forme d’un embargo. Il est souvent surnommé le « bâton » par opposition au « linkage
positif » appelé « carotte ». Ce surnom provient du fait que le « linkage positif », au lieu
de punir, tend à récompenser l’État cible par l’octroi d’un avantage commercial ou encore
financier à la suite d’un changement positif dans sa politique extérieure ou intérieure 76.
Aussi, l’auteur Marie-Hélène Labbé n’hésite pas à inclure la réduction et la suspension de
75
Définition de la sanction économique donnée par A., Elliot, « Sanctions :les armes de la paix » (1992) 57
Politique internationale 151-160 reproduite dans M.-H., Labbé, L’arme économique dans les relations
internationales, coll. Que sais-je?, Paris, P.U.F., 1994, à la p. 4;
76
M.-H., Labbé, Ibid, aux pp. 8-9;
37
l’aide aux pays tiers au titre des sanctions financières possibles dans le but de faire
respecter les droits de la personne77.
De ce fait, nous croyons important de baser une partie de notre réflexion sur la
mise en œuvre de la conditionnalité et ses conséquences en partie à la lumière des
constats déjà établis en ce qui concerne les sanctions économiques traditionnelles.
Néanmoins, la conditionnalité démocratique s’avère une sanction économique nouveau
genre et se différencie à certains égards de la sanction économique traditionnelle.
2.1.2. La conditionnalité démocratique : ce qui la différencie de la sanction
économique traditionnelle
i. La conditionnalité démocratique : une politique négociée
De la famille des sanctions économiques, la conditionnalité démocratique donne
pourtant un nouveau visage à la politique extérieure de l’Union européenne. L’Union
européenne a longtemps usé des sanctions économiques traditionnelles comme moyen
d’intervention en politique étrangère. Or, avec la conditionnalité démocratique, l’Union
européenne passe de l’imposition unilatérale d’une sanction à une sanction à caractère
négocié et décidée sur la base d’un partenariat.
Tel que l’a démontré le chemin parcouru depuis les premières tentatives visant à
inclure le respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques comme un
objectif pleinement lié au développement, jusqu’à l’inclusion des « clauses droits de
l’Homme » permettant une suspension de l’aide publique octroyée, la conditionnalité
démocratique résulte d’un long processus de négociation entre les États parties aux
conventions d’aide publique au développement.
Une vague référence à la Charte des Nations Unies et la réaffirmation du principe
de souveraineté dans les affaires intérieures du pays en développement ont résulté ses
77
Ibid, aux pp.11-12;
38
premières négociations ACP-UE. Plusieurs années plus tard, l’Union européenne arrive
enfin à l’obtention d’un consensus sur l’inclusion d’une clause uniformisée, applicable à
tous les partenaires et permettant de suspendre l’aide octroyée en cas de violations des
droits fondamentaux, devenus un élément fondamental des traités de coopération et
d’aide au développement. La conditionnalité démocratique, à la différence des sanctions
économiques traditionnelles, prend place dans un accord-cadre pour lequel les parties ont
pleinement le loisir de faire valoir leurs revendications.
En ce qui concerne les relations ACP-UE, cette négociation se passe dans un
cadre institutionnel particulier permettant le dialogue entre partenaires.
La
conditionnalité démocratique se veut dès lors participative pour une politique cohérente
de la promotion et de la défense des droits fondamentaux répondant aux réalités vécues
par chacun.
ii. La conditionnalité démocratique : une politique préventive
La conditionnalité démocratique transforme les relations extérieures européennes
en passant d’une politique fréquemment réactive par l’utilisation des sanctions
économiques traditionnelles, à une politique pro-active par l’usage de la conditionnalité78.
Une procédure consultative précède impérativement toute application d’une clause de
conditionnalité démocratique afin de pouvoir mettre au jour les réalités vécues par le pays
en cause, souvent à la source de la violation des droits fondamentaux. Cette approche
permet donc d’éviter d’appliquer le même remède à des situations pourtant différentes.
De plus, la politique de conditionnalité démocratique se veut préventive et
s’évertue à user d’une approche positive davantage que négative en privilégiant l’incitant
économique plutôt que la punition. Néanmoins, selon l’auteur Philip Hanson, cette
politique serait susceptible de comporter des effets similaires aux effets engendrés par la
sanction économique traditionnelle, le côté positif de la politique n’étant que le revers de
ce qui demeure une politique de sanction :
78
T., De Wilde D’Estamael, Supra note 4, à la p. 359 et voir également la p. 406;
39
Il est difficile de distinguer le retrait de la carotte du fait de brandir un bâton. Le
refus de donner une carotte à un mangeur de carottes, s’il est poursuivi suffisamment
longtemps, peut se révéler plus mauvais pour sa santé qu’une légère correction avec
un bâton79.
Nous estimons donc que l’étude de la conditionnalité s’inscrit dans le débat relatif
aux sanctions économiques: « Ces sanctions sont aujourd’hui critiquées par de nombreux
observateurs qui dénoncent leurs conséquences économiques désastreuses et leur relative
inefficacité politique 80». Par conséquent, il est nécessaire de faire un bref état des
conséquences souvent désastreuses et de l’effectivité problématique des sanctions
économiques traditionnelles comme moyen de contraindre au respect des droits de la
personne afin de permettre, dans un deuxième temps, une analyse des conséquences
propres à la conditionnalité en tenant compte de ces constats et en gardant à l’esprit les
caractéristiques qui font toute la particularité de la conditionnalité démocratique.
2.2. Les sanctions économiques traditionnelles et les concessions en matière de
politique intérieure : un bilan sur leurs conséquences et leur effectivité
2.2.1. Leurs conséquences préjudiciables
De façon générale, les conséquences suivantes ont pu être observées chez les pays
sanctionnés par la communauté internationale et semblent récurrentes aux principaux cas
de sanctions économiques traditionnelles: déstructuration de l’économie, détérioration
des conditions de vie des populations vulnérables, à l’occasion, renforcement du pouvoir
en place et, finalement, complication de l’acheminement ainsi que de la gestion de l’aide
humanitaire.
Dans un premier temps, la sanction économique tend à éviter de financer un
régime qui viole les droits fondamentaux et ainsi faire en sorte que le régime ne possède
79
P., Hanson, Western Economic Statecraft in East-West Relations, Royal Institute of International Affairs,
Chatham House Papers, 40, 1988, p.8, tel que reproduit par M.-F., Labbé, Supra note 75, à la p. 9;
80
J., Beltran, « Irak et Serbie : les sanctions économiques au cœur du débat transatlantique » (2000) 20
Notes de l’Ifri, en ligne : http://www.ladocumentationfrançaise.fr/catalogue/9782865920884/index.html
(date d’accès : 25/04/2003) ;
40
plus les moyens de ses politiques contraires au droit international des droits de
l’Homme81.
L’objectif poursuivi s’avère dès lors difficilement réalisable sans une
déstructuration de l’économie. Le rapport du Bureau international du travail concernant
le suivi de la mise en œuvre des sanctions financières contre l’Afrique du Sud illustre
bien cette conséquence :
Le Groupe tient à souligner que les sanctions financières se sont révélées très
efficaces pour mettre un frein à la prospérité et à la croissance de l’économie sudafricaine. […] Ces sanctions ont sérieusement entravé la croissance économique en
provoquant une sortie régulière de capitaux étrangers qu’il a fallu compenser en
faisant appel à l’épargne, laquelle, en d’autres circonstances, aurait pu être utilisée
pour procéder à des investissements à l’intérieur du pays. Elles sont donc un
élément essentiel de toute stratégie assortie de sanctions visant à mettre fin au
système d’Apartheid de l’Afrique du Sud par des moyens pacifiques 82.
Un peu plus loin dans le rapport, les experts admettent que
[…] les sanctions financières dans ce sens le plus large ont exercé des pressions
considérables sur l’économie sud-africaine et, par conséquent, sur le régime de
Prétoria. Ces sanctions ont fortement freiné la croissance économique et accru le
chômage en provoquant une fuite des capitaux étrangers. Celle-ci a dû être financée
par l’épargne interne qui, par conséquent, a été soustraite à l’investissement
intérieur83.
Or, l’impact à long terme des sanctions sur l’économie du pays concerné peut
s’avérer irréversible ou difficilement réparable une fois les sanctions levées. Dans un
contexte post-sanction, l’État concerné peut se retrouver en situation de crise dû à un
déplacement de la force de travail ou au changement des facteurs de production et ainsi il
aura de la difficulté à retrouver sa capacité de production initiale. Le développement
économique s’en retrouvera donc retardé84.
Il arrive même que l’impact des sanctions ne se limite pas à l’économie du pays
sanctionné et entraîne des conséquences sur l’économie des pays voisins. Ainsi en fut-il
pour l’économie de la Bulgarie lors de la crise en Yougoslavie alors que les deux
81
K., Tomasevki, Responding to Human Rights Violations 1946-1999, The Hague-Boston-London,
Martinus Nijhoff Publishers, , 2000, aux pp. 54-55;
82
BIT, Sanctions financières contre l’Afrique du Sud, Genève, Organisation internationale du travail, 1991,
à la p. 3;
83
Ibid, à la p. 59;
84
D., Cortright et al., Political Gain and Civilian Pain, Humanitarian Impacts of Economic Sanctions,
Lanham, Rowman & Littlefield Publishers inc., 1997, à la p. 29;
41
économies s’avéraient interdépendantes dans un contexte de transition vers une économie
de marché85.
Cette déstructuration de l’économie ne s’avère pas sans répercussion sur le niveau
de vie de la population. Tout comme lors des conflits armés, la guerre économique
touche plus particulièrement les populations vulnérables, telles les femmes, les enfants,
les personnes handicapées, les personnes âgées ainsi que les personnes les plus pauvres.
Les sanctions économiques traditionnelles prises à l’encontre de l’Irak, de la Serbie et
d’Haïti ont davantage touché la population civile que l’élite en place que l’on voulait
remplacer ou que la force militaire contrôlant le pays.
Dans le cas de l’Irak, la
suspension du programme onusien « pétrole contre nourriture» en 1996, causée par la
stagnation des négociations avec les représentants irakiens, a occasionné des milliers de
cas de malnutrition et de maladie au sein de la population irakienne86. Les enfants ne
furent pas épargnés et certains accusèrent même les États sanctionneurs de vouloir
perpétrer le génocide du peuple irakien :
Les auteurs De Groot et Van Genugten résument bien l’ampleur du problème et démontrent comment
l’atteinte à un droit peut entraîner une succession de violation des droits de la personne :
85
In the present volume, this problem is especially dealt with Butchkov, Kovatcheva
and Raycheva, discussing the consequences of the sanctions against the former
Yugoslavia – the `Yugo-sanctions`– as the authors say - for neighbouring country
Bulgaria. In their chapter, they show how Harmful complying with the `Yugosanctions`has been for Bulgaria. Coinciding with the difficulties related to the
transition to a market economy after the collapse of the communist regime, the
sanctions has a direct and extremely negative impact on the standard of living in
Bulgaria and on the opportunity for preserving the constitutionally guaranteed
human rights. As the authors say, `not only the right to food and the right to
adequate health care were violated, partly due to the sanctions, but also the right to
participate in the political and social life, the right to travel freely, and the right to
establish civil relations, which is at the basis of building society`. Their assessment
of the effects of the `Yugo-sanctions` also shows that, as a consequence of the
embargo, Bulgaria became `a heaven for short-term capital from former Yugoslavia,
leading to an increased currency supply and overevaluation of the national
currency`, while, at the same time, `the instability in the short-term capital’s
dynamic was a potential source of destabilisation of the fiscal policy. According to
the researchers, the UN sanctions transferred Bulgaria into a zone of high political,
military and economic risk, destabilising the democratic government and leading to
the impoverishment of the Bulgarian society as well as the development of
organised crime. [G. A., De Groot, et W. J. M., Van Genugten, United Nations
Sanctions : Effectiveness ans Effects, Especially in the Field of Human Rights,
Antwerpen-Groningen-Oxford, Intersentia, 1999, aux pp.137-138];
86
Ibid, aux pp. 91-92;
42
A veritable statistical war ensued with regard to effects of sanctions, with a reported
380% increase in child mortality, for example. UNICEF has estimated that an
average monthly salary in Bagdad had the purchasing power of 2$ while the biggest
health hazard has not actually been impoverishment but contaminated water. The
vicious circle cause-and-effect has run into a series of obstacles: while humanitarian
exceptions have accompanied sanctions, the repairs necessary to ensure the supply
of safe water reached far beyond the usual food-and-medicine exceptions; sanctions
had not been designed to last for a full decade and thus excluded the question
whether new generations of Iraqis would grow up illiterate because schooling is not
encompassed by humanitarian exemptions87.
Ceci permet de constater que, malgré les réserves émises concernant
l’acheminement de l’aide humanitaire en vue d’éviter de pénaliser les populations, les
sanctions économiques empêchent souvent un acheminement et une gestion utiles de
cette aide.
Fréquemment, les pays sanctionnés se voient imposer des sanctions
économiques alors que leur économie s’avère déjà éprouvée soit, d’une part, par des
conflits, soit, d’autre part, par un niveau de développement insuffisant. La population
subit déjà des privations et a parfois déjà recours à l’aide humanitaire. Or, les sanctions
économiques ne font qu’augmenter les besoins déjà grands de ces populations les rendant
difficiles à satisfaire. De plus, les procédures d’exemption s’avèrent souvent longues et
fastidieuses dans la mesure où les pays sanctionnés n’ont plus de relation avec le monde
extérieur.
transactions
Dans ce contexte, l’importation du matériel sanitaire, l’exécution des
financières
courantes
et
la
recherche
de
personnel
deviennent
problématiques, plaçant ainsi les membres les plus vulnérables de la société en situation
de détresse parfois irrémédiable88. Notons également que l’accroissement des besoins se
produit alors que les pays habituellement donateurs veulent isoler économiquement le
pays sanctionné, ce qui peut entraîner une diminution des ressources disponibles pour les
organisations humanitaires89.
L’ensemble de ces constats n’est pas sans susciter des questions sur le curieux
paradoxe concernant l’imposition de sanctions afin d’imposer le respect des droits de la
personne et le respect des droits économiques, sociaux et culturels par la communauté
87
K., Tomasevki, Supra note 81, aux pp. 314-315;
D., Cortright, et al., Supra note 84, aux pp. 27-28;
89
Ibid, aux pp. 27-28;
88
43
internationale qui, de façon collatérale, place les populations dans des situations de
crise90. Certains auteurs considèrent la seule imposition des sanctions économiques
comme un empêchement à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels91.
Bien que les sanctions économiques soient parfois accueillies comme un signe de
solidarité par les populations des pays sanctionnés, il arrive aussi que l’ensemble de ces
privations imposées aux populations victimes du régime engendrent le renforcement du
pouvoir en place que l’on voulait renverser par l’imposition des sanctions économiques.
Le régime autoritaire profite ainsi des conséquences négatives occasionnées par les
sanctions économiques pour accroître son capital politique. La population impute alors
son sort non pas au despotisme de son dirigeant, mais à la communauté internationale qui
persiste à l’isoler du reste du monde, produisant ainsi l’effet opposé à celui recherché92.
À la lumière de ces constats alarmants démontrant l’envers d’une solution qui se
veut un moindre mal en opposition avec la guerre, il est nécessaire de se questionner sur
l’effectivité des sanctions économiques traditionnelles.
2.2.2. Leur effectivité douteuse
Le bilan sur l’effectivité des sanctions économiques à remplir leur objectif de faire
respecter les droits de la personne par un régime qui en est peu soucieux n’est souvent
90
A., Segall, « Economic sanctions : legal policy constraints » (1999) 836 International Review of the Red
Cross 763 en ligne
http://www.icrc.org/Web/eng/siteeng0.nsf/iwpList175/35B8E7A1E6BB14EEC1256B66005DCDF0, à la p.
2;
91
All these rights are likely to be violated in the case of imposition of economic
sanctions by the UN (multilaterally) or a single country (unilaterally) against any
other country. Countries who have ratified the Convenant on Economic, Social and
Cultural Rights are under the obligation to realise the economic rights as set out in
the Covenant. Sometimes countries were not able to live up to their obligations, due
to the imposition of sanctions on them. […] While the imposition of a military
embargo sometimes can regarded as a logical step, economic measures, on the other
hand, violate human rights, amongst other things the rights to development, the right
to equal treatment and the right to social justice, as mentioned elsewhere in this
chapter. [G.A., De Groot et W. J. M., Van Genugten, Supra note 85, aux pp. 57, 5960];
44
guère plus réjouissant que le tableau dressé précédemment à l’égard des conséquences
engendrées par les sanctions économiques traditionnelles. En réalité, tout dépend du
critère employé pour évaluer l’effectivité de la sanction. Loin de faire consensus, parfois
les experts se réfèrent au rapport entre le coût engendré par les sanctions pour l’État
sanctionneur et le coût qu’elles ont engendré pour l’État-cible.
Parfois, c’est la
comparaison entre le coût engendré par la sanction pour l’État sanctionneur et le coût
qu’engendrerait à long terme l’inaction de ce même pays qui s’avère le critère de
référence. En matière de droits de la personne, nous sommes tentés de choisir ce critère
de plus en plus utilisé et qui repose sur un rapport entre les conséquences infligées en
contrepoids avec l’objectif à atteindre plutôt que sur des considérations essentiellement
économiques93. De ce point de vue, les sanctions économiques traditionnelles sont loin
de remporter la palme du succès.
Nous ne pouvons passer sous silence l’expression employée par l’ancien
Secrétaire général des Nations Unies, désormais abondamment citée, tentant de décrire la
sanction économique dans le supplément à son Agenda pour la paix :
92
D., Cortright, et al., Supra note 84, à la p. 234;
Ibid, à la p. 16; De même, les propos tenus par l’auteur Hazelzet s’avèrent très révélateurs de cette
nouvelle tendance et du dilemme posé à l’État sanctionneur par l’imposition des sanctions économiques:
93
I assert that a major flaw in the literature on measuring `succes` is that the numerous
side effects of sanctions – especially for the innocent population – are hardly
addressed, and if at all, only in footnotes. Scholars speak of the `cost` or `success`of
sanctions without even mentioning the cost the population has to pay in terms of
malnutrition, increasing infant mortality, destroyed infrastructure, a collapsed
economy, etc. Meanwhile the more effective sanctions are in causing economic
harm, `the greater their impact on those persons most remote from the wrongdoing
of their nation’s leaders and least able to bring about change: the poor, the aged,
children, the infirm.
Looking at the political component of traditional sanctions analysis, we see that
hardly any government has changed as a result of sanctions. On the contrary, we see
that sanctions `reinforce the power of the very people they were meant to
undermine. […] How then is one to speak of effective sanctions? Measured in the
traditional sense focussing on maximal harm to the economy and policy change of
the target regime, sanctions are found to have a very low `success` rate. […] A
focus on the human costs of sanctions underlines the general conclusion that
sanctions are generally nor very successful. [G.A., De Groot, et W. J. M., Van
Genugten, Supra note 85, aux pp. 72-73];
45
Boustros-Ghali captured the increasingly untenable tensions between civilian gain
and political pain in his 1995 Supplement to An Agenda for Peace. He noted that
sanctions are a « blunt instrument » that inflict suffering on vulnerable groups,
complicate the work of humanitarian agencies, cause long-term damage to the
productive capacity of target nations, and generate severe effects on neighbouring
countries94. [nous surlignons]
De façon générale, l’imposition de sanctions économiques afin de prévenir les
violations des droits de l’Homme s’est plus souvent soldée par un échec qu’une réussite.
Même le cas de l’Afrique du Sud, qualifié de «seul véritable succès » pour avoir mené à
la chute du régime d’Apartheid s’avère une réussite mitigée si l’on considère le temps
écoulé entre le début de l’imposition des sanctions et la fin de l’Apartheid ainsi que la
présence de nombreux autres facteurs, dont la chute du mur de Berlin, sans lesquels la fin
du régime n’aurait pu avoir lieu. Les cas de l’Irak et de l’ex-Yougoslavie illustrent
d’autant plus comment les sanctions économiques ne suffisent pas toujours à elles seules
à remplir leur objectif et nécessitent l’intervention des forces militaires. Sans parler
d’inefficacité des sanctions économiques, nous pouvons toutefois parler d’un bilan
mitigé.
Néanmoins, les sanctions économiques semblent efficaces lorsque l’objectif
poursuivi demeure modéré et permet d’éviter de recourir aux sanctions économiques
multilatérales, le multilatéralisme se révélant souvent difficile à maintenir sur une longue
période95. Il est difficile d’évaluer si instaurer le respect des droits fondamentaux et des
principes démocratiques demeure un objectif modeste étant donné l’ampleur de l’enjeu.
Il est possible de penser qu’en termes de gradation du changement politique recherché,
faire respecter les droits de l’Homme demeure un objectif plus modeste que de rechercher
à renverser le gouvernement, d’arrêter une guerre civile ou, tout simplement, de changer
le régime de l’État tiers. Néanmoins, parvenir à instaurer un État de droit correspond la
plupart du temps dans la pratique à opérer tous ces changements. L’imposition de
politiques respectueuses des droits de l’Homme est souvent perçu comme un exercice
tout aussi menaçant pour le pouvoir en place qu’un possible renversement.
94
95
D., Cortright et al., Supra note 84, à la p. 17;
M.-H., Labbé, Supra note 75, à la p. 123;
46
L’ensemble de ces remarques découlent principalement de cas où les sanctions
économiques prenaient la forme des boycotts ou d’embargos sur les armes et les produits
de base. Mais qu’en est-il des effets de la conditionnalité démocratique à travers toutes
ces mesures dites «traditionnelles » ?
La question centrale en ce qui concerne la
conditionnalité est de savoir si le refus de maintenir un soutien financier non-obligatoire
s’avère tout aussi néfaste et illégitime que le fait pour un État d’être empêché par
l’isolationnisme d’exploiter ses propres ressources et de subvenir à ses besoins à sa
manière. La politique de conditionnalité démocratique ayant encore été peu mise en
œuvre, il est donc nécessaire, pour vérifier les conséquences engendrées par son
application, d’étudier les appréhensions qu’elle suscite ainsi que les effets observés en
regard des faits actuels disponibles.
2.3. Conséquences de la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique dans les
pays tiers
2.3.1. Les craintes suscitées par sa mise en œuvre
La mise en œuvre de la conditionnalité démocratique, bien qu’encore à ses
premières armes, n’est pas sans susciter plusieurs inquiétudes. Comme la plupart des
nouvelles politiques ayant pour objectif la protection et la promotion des droits de la
personne sur la scène internationale, la conditionnalité démocratique est remise en
question. À partir des observations et des constats formulés précédemment, nous avons
identifié deux craintes suscitées par les principes de mise en œuvre de la politique de
conditionnalité et qui seraient susceptibles de détourner la politique de conditionnalité de
son objectif de protection et de promotion des droits de l’Homme. La première crainte
résulte du déséquilibre entre la diminution de l’aide et l’augmentation des demandeurs
alors que la seconde résulte du traditionnel combat entre les intérêts économiques et la
promotion des droits fondamentaux.
i. Une politique de rationalisation de l’aide sujette à l’arbitraire sous le
couvert d’une politique en faveur du respect des droits fondamentaux
47
Ce discours politique concernant l’application systématique d’une clause type pour
tous les demandeurs d’aide au développement, de même que l’instauration de principes
de mise en œuvre favorisant davantage le dialogue plutôt qu’une suspension automatique
sauf en cas de violations graves, laissent a priori supposer une mise en œuvre uniforme
pour tous les partenaires, tant de l’Est que du Sud, sans laisser entrevoir une politique de
rationalisation au détriment du Sud.
Or, la conditionnalité démocratique pourrait
résoudre le dilemme auquel est confrontée l’Union européenne dès lors que son intérêt
pour les Pays de l’Europe centrale et orientale96 s'accroît et que, parallèlement, s’accentue
le désintérêt pour les partenaires du Sud alors que le budget alloué à l’aide est en baisse.
Cette crainte souligne la tension entre le retrait de l’aide et la nécessité de cette
dernière aux pays tiers afin de parvenir à un niveau de développement suffisant
permettant de mettre effectivement en œuvre la protection des droits de la personne.
Cette situation est bien illustrée par les propos du Centre d’observation des Économies
africaines et le Centre d’Études et de Recherches en Économie du Développement :
Ce mécanisme de sanction se heurte au critère de besoin qui subsiste en période de
crise politique. Il pose donc la question de la complémentarité et de la hiérarchie
des critères de recevabilité au titre de l’aide européenne. Les donateurs fondent leur
aide sur plusieurs critères qui entrent parfois en contradiction entre eux 97.
Cette plus grande sélectivité de l’aide pourrait davantage nuire à une protection efficace
des droits fondamentaux et, plus particulièrement, pour les pays du Sud dans la mesure
où ce sont la plupart du temps ces pays qui possèdent les conditions sociales et une
organisation institutionnelle médiocres. Conséquemment, les pays du Sud ont souvent le
plus de mal à se conformer à des politiques respectueuses des droits de l’Homme et ont
96
Ci-après PECO;
Université Paris XI, Centre d’observation des Économies africaines et Université Paris X-Nanterre,
Centre d’Études et de Recherches en Économies du Développement, «Les nouveaux enjeux économiques
et politiques des Accords de Cotonou » dans Association européenne des instituts de recherche et de
formation en matière de développement et Groupement d’intérêt scientifique, Économie mondiale, TiersMonde, Développement, L’Europe et le Sud à l’aube du XXIe siècle, Enjeux et renouvellement de la
coopération Acte de la 9e Conférence générale de l’EADI (22-25 septembre 1999), Paris, Karthala,
2002, ;384p. ;
97
48
donc davantage besoin d’une aide au développement afin de les assister dans leurs
démarches visant à surmonter ces défaillances98.
Plus largement, il s’agit de vérifier si, dans un tel contexte, l’exercice de la
conditionnalité s’avère susceptible de conduire à des conséquences pour l’économie et les
populations des pays tiers aussi néfastes et difficilement justifiables en terme de
protection des droits de la personne que celles engendrées par les sanctions économiques
traditionnelles. Dans une telle perspective, la politique de conditionnalité démocratique
perdrait beaucoup de sa légitimité. Cette inquiétude est suscitée, entre autres, par la part
importante qu’occupe l’aide au développement au sein de l’économie de plusieurs pays.
Il est possible de supposer que, particulièrement à l’égard de l’économie des pays ACP,
une telle rationalisation serait susceptible d’entraîner des conséquences aussi néfastes que
celles produites par l’imposition des sanctions économiques traditionnelles. En effet, il
faut rappeler que les relations ACP-UE se poursuivent à l’ombre d’un lourd passé
colonial. Tel que vu précédemment dans la partie historique, les statuts du PNUD et les
premiers accords ACP-UE révèlent que l’aide au développement a longuement été
distribué sans condition et, bien que l’aide soit non obligatoire, ceci a contribué à garder
les États africains dans un état de dépendance face aux pays du Nord. L’aide d’abord non
obligatoire s’est transformée en une aide nécessaire. D’autant plus que les clauses de
conditionnalité se retrouvent incluses dans des accords comportant un large volet
commercial et ne se résument pas seulement à l’octroi d’une aide technique et ponctuelle
permettant de construire des infrastructures et de superviser des élections libres, mais
octroyant surtout des préférences commerciales qui, une fois suspendues, empêchent le
pays sanctionné de vendre ses produits à l’exportation de façon concurrentielle avec
toutes les conséquences que cela peut entraîner au plan économique et social pour la
population.
Bien entendu, on comprend mal ces hauts cris face à l’exigence du respect des droits
fondamentaux liés aux échanges commerciaux dans la mesure où la majorité des pays
africains ont constitutionnalisé tant les droits civils et politiques que les droits socio98
Université Mohammed V (Rabat, Maroc), Supra, note 13, à la p. 11;
49
économiques et même, à l’occasion, certains droits de la troisième génération. Toutefois,
cette constitutionnalisation des droits fondamentaux en Afrique a répondu aux premières
exigences des pays du Nord en matière de conditionnalité démocratique qui, à l’époque,
n’avaient toujours pas les moyens de mettre en œuvre une telle politique. L’exemple le
plus évocateur s’avère sans nul doute celui de la France. En 1990, au sommet francoafricain de la Baule, la France tente de lier la coopération au développement au respect
des droits fondamentaux alors qu’un vent en faveur de la démocratisation souffle sur
plusieurs pays d’Afrique. Or, la France se rend rapidement à l’évidence. Instaurer une
véritable démocratie coûte cher. La France s’est dès lors contentée de vérifier qu’il
existait une apparence de droit au sein des institutions des pays concernés, ce qui résulta
en la constitutionnalisation des droits fondamentaux sans gouvernement responsable en
place pour les faire respecter. De cette manière, les gouvernements du Sud répondaient
aux exigences des gouvernements du Nord sans avoir à véritablement instaurer une
culture des droits de l’Homme permettant leur reconnaissance effective.
Pour ajouter à la crainte de voir l’aide rationalisée d’une manière détournée sur la
base de la conditionnalité démocratique, il est important de rappeler qu’aucun instrument
adopté par l’Union européenne n’a encore donné une définition claire des critères
objectifs permettant de déterminer les situations méritant la suspension de l’aide. 99.
D’ailleurs, les auteurs Riedel et Will n’hésitent pas à affirmer que les principes de mise
en œuvre énoncés par la Commission s’avèrent
[…] des critères insuffisamment concrets. Et ainsi que le premier principe le
démontre amplement, la demande de critères objectifs n’a pas été jusqu’à ce jour
satisfaite100.
Cette définition changeante des critères d’évaluation à l’égard des pays tiers de même
que le défaut d’un réel mode d’évaluation de la situation périodique des pays tiers autres
que par les ambassades des pays de l’Union qui examinent la mise en œuvre de la
convention dans son ensemble laissent planer des doutes sur la crédibilité et l’effectivité
99
K., Tomasevki, K., Supra note 81, à la p. 329; E., Riedel et M., Will, Supra note 22, à la p. 773; Voir
également J., Rideau, Supra note 19, aux pp. 164 et 170 et J.-L., Atangana Amougou, Supra note 6, à la p.
9;
50
de la politique de conditionnalité démocratique et laisse, de toute évidence, place à
l’arbitraire dans son application.
Ce défaut d’une définition claire des critères
d’application n’est pas sans influencer la seconde crainte formulée ci-après.
ii. Une application de la conditionnalité démocratique au profit des
intérêts économiques européens et au détriment de la protection des
droits fondamentaux
Une inquiétude encore plus grande est celle d’une application de la conditionnalité
subordonnée aux intérêts économiques de l’Union européenne. En clair, les pays tiers
entretenant des liens économiques forts avec l’Union européenne seraient moins
susceptibles de voir mise en œuvre la clause «droits de l’Homme » face à des violations
des droits de la personne que les pays ayant un potentiel économique plus faible101.
Cette crainte n’est pas sans justification, telle que le démontre l’exemple cité par
l’auteur Soriano concernant l’absence de sanction de la part de l’Union européenne à
l’égard de l’Algérie pour des violations des droits fondamentaux vu son désir de
poursuivre son approvisionnement en gaz naturel dans ce pays102.
La Chine est
également un exemple intéressant lorsque l’on considère qu’elle échappe à la règle de
l’inclusion systématique de la clause de conditionnalité dans les accords de coopération
alors que la situation des droits de l’Homme en Chine s’avère un problème criant103.
Cette inquiétude demeure d’autant plus justifiée dans la mesure où, tel que nous
l’avons vu précédemment, les institutions mixtes par lesquelles s’expriment les pays ACP
n’existent qu’à travers l’action de l’Union européenne et, par conséquent, ces pays seront
donc invités au dialogue sur la base des constatations faites par l’Union européenne et à
son initiative. Il serait donc intéressant de vérifier si les pays ACP ont la chance de jouer
un rôle actif dans ce dialogue ou, pour des raisons de moyens entre autre, se voient-ils
confinés à un rôle passif et demeurent dans l’impossibilité de faire valoir l’opinion de
100
E., Riedel, E. et M., Will, Supra note 22, à la p. 779;
M., Candela Soriano, Supra note 51, à la p. 879;
102
Ibid;
103
CRDF., « L’Union Européenne et les Droits fondamentaux », Bruxelles, Bruylant, 1999,à la p.165 ;
101
51
leurs propres experts permettant ainsi de tenir compte de facteurs particuliers à leur
situation politico-économique.
Aussi légitimes qu’apparaissent ces craintes, nous nous devons d’éviter de faire un
procès d’intention à l’Union européenne et de considérer ces appréhensions à la lumière
des faits actuels relatifs à la mise en œuvre.
2.3.2. Les conséquences en regard des faits actuels
Les craintes exposées précédemment mériteraient des réponses exhaustives.
Pourtant, peu de cas ont, jusqu’à maintenant, conduit à une suspension de l’aide publique
au développement en vertu de l’unique application d’une « clause droits de l’Homme ».
La plupart du temps, il s’agissait de cas ayant déjà suscité la mobilisation et la
réprobation de la Communauté internationale tout entière par une panoplie de sanctions
économiques traditionnelles parmi lesquelles s’est noyée la conditionnalité démocratique
européenne. Nous n’avons qu’à penser aux cas du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie. Le
fait que les décisions concernant la conditionnalité démocratique doivent être prises à
l’unanimité104 explique la rareté des cas d’application et pourrait faire penser que cela
permettra d’éviter que la conditionnalité soit utilisée pour servir des intérêts différents de
ceux visant à la protection des droits de la personne. Néanmoins, nous constatons que les
principes de mise en œuvre régissant la conditionnalité démocratique redessinent
l’instrument de la sanction économique comme moyen de protection des droits de la
personne bien que nombre de problèmes institutionnels demeurent.
De plus, nous
constatons que plusieurs indices démontrent que la politique de conditionnalité
démocratique possède le potentiel d’être utilisée à des fins détournées. Néanmoins, il
serait certainement prématuré d’en venir à une telle conclusion.
104
E., Riedel et M., Will, Supra note 22, à la p.777; J., Rideau, Supra note 19., à la p. 193;
52
i. Les principes de mise en œuvre confèrent un nouveau visage à la
sanction économique
Les pays ACP ont longtemps résisté à l’inclusion de la clause de conditionnalité
démocratique grâce à la menace qu’ils faisaient peser sur l’Europe de s’allier au bloc
communiste. Avec la chute du mur de Berlin, cette carte ne peut plus être jouée à la table
des négociations des accords d’aide publique au développement. Dès lors, les pays ACP
auront recours aux arguments concernant la souveraineté étatique, la non-ingérence dans
les affaires intérieures, le néocolonialisme et la non-universalité des droits fondamentaux.
À ce jour, ces arguments ont perdu beaucoup de poids avec la redéfinition progressive du
principe de souveraineté étatique et le devoir d’ingérence, de même qu’avec les théories
de recontextualisation des droits de la personne.
D’autant plus que les pays ACP
demeurent confrontés à des besoins économiques grandissants et s’avèrent dépendants de
l’aide européenne.
Ces considérations rendent le rapport de force entre l’Union
européenne et les pays ACP favorable à l’imposition de sanctions économiques.
Or, les principes de mise en œuvre de la conditionnalité démocratique élaborés
par l’Union européenne confèrent un profil plutôt positif à cet outil de promotion des
droits fondamentaux sous le couvert de ses airs de sanctions économiques. En effet, tel
que nous l’avons vu, l’Union européenne recherche par ce moyen une façon préventive
de régler les crises en misant sur une véritable coopération entre les partenaires via le
dialogue et des mesures positives. En venir à la suspension de l’aide se révèle un échec
pour l’Union européenne dans la gestion de sa politique extérieure. Cette philosophie de
mise en œuvre tend donc à davantage d’effectivité que les sanctions économiques
traditionnelles dans la réalisation de leur objectif de protection des droits de la personne :
Therefore, the fear of the unknown contained in the threat of future measures may
have greater psychological effects on the target than the actual sanctions that turn
out to have less drastic economic effects than anticipated. Furthermore, once
comprehensive sanctions are imposed, no further threat exists and any future easing
of sanctions is politically difficult because the sanctioning nation would appear to be
« caving in » to the target nation105.
53
Ainsi, l’Union européenne préfère la «carotte » au « bâton », cette politique lui ayant déjà
réussi antérieurement dans d’autres situations telles la conditionnalité pour la paix en
Amérique latine106.
D’ailleurs, l’octroi de fonds afin d’entreprendre des mesures positives permettant
de renforcer la mise en œuvre et le respect des droits de l’Homme dans les pays tiers
vient conforter cette vision positive de la conditionnalité107.
Il semble également
important de rappeler que les mesures prises en vertu d’une «clause droits de l’Homme »
doivent éviter de pénaliser les populations concernées108 et que la nécessité de la
gradation des sanctions permet une réponse de l’Union européenne proportionnée à la
violation des droits fondamentaux en cause.
À ce jour, il est néanmoins difficile de constater l’impact réel de la mesure tant à
l’égard de ses conséquences qu’à l’égard de son effectivité proprement dite. Il est donc
prématuré d’avancer que la conditionnalité démocratique possède un effet contreproductif lorsqu’elle est mise en œuvre. Il est difficile de prédire que la mise en œuvre de
la conditionnalité démocratique pourrait contrecarrer le développement nécessaire à une
protection effective des droits de la personne ou encore de vérifier si la mise en œuvre
d’une « clause droits de l’Homme » cause plus de dommages que de changements dans le
comportement des dirigeants de l’État sanctionné.
Cependant, tel qu’exprimé
précédemment, la grande dépendance des pays ACP à l’égard des fonds qui leur sont
octroyés dans les accords ACP-UE ainsi qu’à l’égard des conditions commerciales
préférentielles laisse supposer l’avènement de conséquences aussi néfastes que celles
produites par l’imposition des sanctions économiques traditionnelles. Toutefois, il s’agit
de la situation particulière des pays ACP conditionnée par une situation coloniale passée.
La culpabilité historique envers ses anciennes colonies place l’Union européenne dans
une situation morale où l’octroi de l’aide sans condition à ses anciennes colonies semble
aller de soi.
Ceci transforme les relations ACP-UE en un véritable cercle vicieux,
105
D., Cortright, et G. A., Lopez, Economic sanctions : panacea of peacebuilding in e post-cold war
world ?, Oxford, Westview Press, 1995, à la p. 33;
106
T., De Wilde d’Estamael, Supra note 4, à la p. 406;
107
D., Delaplace, Supra note 5, aux pp. 616-617;
54
empêchant les pays ACP de s’émanciper réellement de l’égide européenne. La donne
s’avère donc différente en ce qui concerne les relations Est-Ouest, ce lien de dépendance
historique ne se retrouvant pas au cœur de la discussion portant sur la mise en œuvre de
la conditionnalité démocratique.
Dès lors, l’aide octroyée par l’Union européenne
s’avère véritablement un bonus et non une aide nécessaire à laquelle les pays se sont déjà
habitués depuis fort longtemps. Dans une telle situation, les conséquences engendrées
par la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique seraient certainement différentes
de celles observées en ce qui concerne l’imposition d’une sanction économique
traditionnelle, le pays pouvant alors poursuivre son développement dans les conditions
antérieures à l’octroi de l’aide au développement.
Il est important de constater que la mise en œuvre
de la conditionnalité
démocratique s’avère possible grâce à l’instauration d’un lien de dépendance et d’un
rapport de force. Contrairement aux relations ACP-UE où la dépendance des ACP est
économique, les relations avec les PECO sont subordonnées à une dépendance politique
alors que ces derniers désirent faire partie de l’Union européenne. C’est pourquoi la mise
en œuvre de la conditionnalité démocratique serait susceptible d’engendrer des
conséquences préjudiciables pour les ACP similaires à celles engendrées par les sanctions
économiques traditionnelles, car elles visent directement à avoir un impact sur
l’économie des pays tiers pour opérer des changements au plan politique.
À la
différence, dans le cas des PECO, la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique
opérerait directement sur le plan politique.
Également, il est tout aussi difficile d’évaluer si les montants consacrés à
l’implantation de mesures positives s’avèrent suffisants afin d’opérer des changements
significatifs en matière de respect des droits fondamentaux au sein des pays tiers.
Ensuite, le fait que les décisions concernant la conditionnalité démocratique doivent être
prises à l’unanimité explique la rareté des cas d’application et pourrait faire penser que
cela permettra d’éviter que la conditionnalité soit utilisée pour servir des intérêts
différents de ceux visant à la protection des droits de la personne. Toutefois, il faut noter
108
T., De Wilde d’Estamael, Supra note 4, à la p. 286;
55
qu’il n’existe toujours pas de définition claire des critères qui doivent être pris en compte
par l’Union européenne lui permettant de constater la violation des droits fondamentaux
qui mériterait une sanction109. Cette lacune demeure sans nul doute la critique la plus
préoccupante et susceptible d’influer directement sur la transparence de la mise en œuvre
de la conditionnalité démocratique.
L’absence de définition claire de ces critères est d’autant plus préoccupante
lorsque l’on constate le flagrant déséquilibre institutionnel au sein des relations ACP-UE
alors que la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique doit s’opérer sur la base
d’un partenariat égalitaire permettant le dialogue. La dépendance des pays ACP, tant en
matière d’aide que de commerce, rend difficile l’établissement d’un véritable partenariat,
les pays ACP demeurant de continuels receveurs et l’Union un perpétuel donneur. Il
s’agit sans aucun doute d’un partenariat inégalitaire malgré le principe du paritarisme au
cœur d’une partie des institutions concernées. Face à un acteur unique qu’est l’Union
européenne et sa vision commune se retrouve un nombre important de pays ACP avec
des visions dont les intérêts divergent :
La lecture des institutions montre assez clairement que ces dernières traduisent
les véritables enjeux et la nature du rapport de force entre les deux groupes de
pays.(…) Seule en fait, l’Assemblée paritaire réunit un nombre équivalent de
parlementaires UE et ACP. Les deux autres institutions assurent une
représentation de chaque pays ACP. On pourrait dès lors penser que le rapport
de force est en faveur des ACP. Mais on peut aussi constater que cette
configuration reflète la difficulté des pays ACP à exister en tant que groupe et à
arbitrer leurs éventuels conflits d’intérêts. Une représentation de chacun des
pays rend à la fois difficilement gérable ce type d’instance décisionnelle et
privilégie une logique de défense des intérêts nationaux de chacun des ACP. De
fait la difficulté de rendre des arbitrages au sein même du groupe des ACP
confère un rôle considérable à la Commission et au Comité du Fonds européen
au développement110.
109
Europe’s criteria in determining violators were different. Sometimes they were
higher than those applied by the UN because neither Belarus nor Slovakia figured on
the UN agenda while singled out by Europe as violators. In the case of Georgia,
Europe’s criteria were lower since Georgia was determined by the United Nations
but not by Europe to have been a violator. [K., Tomasevki, Supra note 81, à la p.
329];
110
J.-C., Thomas, « Les institutions paritaires ACP-UE » dans Gabas, J.-J. (dir.) et GEMDEV, L’Union
européenne et les pays ACP Un espace de coopération à construire, Paris, Karthala, 1999, 459p., à la p. 98;
56
Notons toutefois que l’expression d’une vision commune de l’Union européenne passe
par un mécanisme complexe qui rend cette vision tributaire d’une lourdeur
institutionnelle et d’un formalisme qui ne sont pas sans influencer la qualité et la
profondeur des débats111. De plus, les intérêts nationaux sont également susceptibles de
se manifester au plan européen, dans la mesure où les plus grands donneurs d’aide et les
pays les plus populeux possèdent un avantage en terme de voix.
Enfin, nous remarquons qu’un fort désir d’intégration de la société civile au sein
du partenariat UE-ACP semble émerger des travaux de la Commission européenne, ce
qui pourrait pallier certaines déficiences du partenariat institutionnel112. Un recours accru
aux organisations non-gouvernementales113 permettrait sans aucun doute d’obtenir des
informations sur la situation des droits de l’Homme dans les pays ACP. Ceci permettrait
de prendre les décisions en ne se reposant pas uniquement sur les informations recueillies
par les ambassadeurs européens qui sont, par ailleurs, chargés de traiter de l’ensemble des
aspects concernant la mise en œuvre de l’Accord de Cotonou, et pas uniquement de la
clause de conditionnalité. Néanmoins, le recours aux ONGs laisse certaines questions en
suspend. Entre autres, nous pouvons nous demander si l’intérêt de la Commission pour la
participation des ONGs se manifeste également à l’égard de l’intégration des ONGs
africaines afin de leur réserver une place au sein du dialogue ACP-UE. Nous pouvons
également nous questionner sur les ressources que possèdent ces ONGs afin de pouvoir
suivre et participer aux négociations, ce qui n'est pas sans poser des problèmes
111
I., Bellier, Supra note 61, aux pp.80, 82-83;
112
Dans le domaine du développement, les ONGs ont déjà été reconnues par les
Nations-Unies et la Banque Mondiale comme des acteurs-clé dans l’établissement
d’une société civile. Au niveau de l’Union européenne, une attention croissante est
portée au partenariat avec les ONGs. En effet, celles-ci connaissent depuis une
vingtaine d’années un développement sans précédent. La globalisation et le retrait
de l’état dans de nombreux secteurs, en particulier dans les pays de l’Est, suite au
changement politique en 1989-1990, ont laissé un vide que nombre d’entre elles sont
venues combler. (…) Par ailleurs, elles sont pour l’État un partenaire utile. Elles ont
la possibilité d’agir efficacement comme système d’alerte avancé permettant de
détecter les secteurs critiques de la société. [A., Wanlin, “Les ONG en Europe:
Facteur “d’européanisation” de la société civile” (2002) 35 Synthèse à la p.2, en
ligne : http://www.robert-schuman.org/synth35.htm (date d’accès: 10 mai 2003);
voir également la p. 3];
113
Ci-après ONG;
57
d’indépendance quant au financement de ces ONGs.
De plus, nous pouvons nous
questionner sur la façon dont seront choisies les ONGs participantes et sur leur réelle
représentativité des populations en cause.
ii. La conditionnalité démocratique un outil de promotion des intérêts
économiques européens : un danger latent
Enfin, le contexte dans lequel est apparue la conditionnalité démocratique et dans
lequel elle poursuit son évolution engendre un paradoxe inextricable. La conditionnalité
prend corps au sein d’accords de coopération favorisant la «bonne gouvernance » en
terme de libéralisation de l’économie des pays partenaires. On invite les pays tiers à faire
rapidement une transition vers l’économie de marché et à déréglementer afin de permettre
le plus possible les investissements étrangers.
La conditionnalité en matière d’aide
publique au développement évolue dans un contexte de mondialisation qui tend vers le
désengagement de l’État laissant place aux acteurs privés.
Les Centres d’observation des Économies africaines et d’Études et de Recherches
en Économies du développement de Paris ont très bien décrit cette situation
contradictoire et ses possibles conséquences :
Est-il possible de «construire » une politique de développement à laquelle peut
s’adjoindre une politique de coopération qui soit le plus souvent déconnectée ou
menée en parallèle avec les jeux des acteurs internationaux privés ? N’existe-t-il pas
un risque de voir les effets attendus des politiques de coopération être fortement
réduits par les effets des politiques menées par les autres acteurs ? Lomé n’est-il pas
questionné sur ce point fondamental ? Peut-on, d’un côté, donner des guides stricts
d’efficacité et donner un contenu moral (et même moraliste) à l’aide au
développement et, d’un autre côté, laisser agir les nouveaux pouvoirs économiques
sans aucun contrôle politique et éthique de leurs décisions et de leurs erreurs alors
que celles-ci peuvent remettre en question tous les choix des donneurs d’aides. 114?
Cette situation fait craindre que les pays tiers modèlent leurs politiques
économiques et sociales sur les besoins des entreprises privées afin de favoriser
l’installation des multinationales sur leur territoire.
Donc, il faudra attendre une
application accrue de la conditionnalité démocratique telle qu’elle apparaît aujourd’hui
58
dans les textes afin de constater les outils fournis aux pays tiers en vue de leur permettre
un développement économique conforme au respect des droits fondamentaux et quelle est
la maîtrise qu’exerce l’Union européenne sur ses propres acteurs privés investissant dans
les pays tiers.
Ainsi, le contexte et les intérêts économiques conditionnent grandement la mise
en œuvre de la conditionnalité démocratique et ce, souvent au détriment de la protection
des droits de la personne.
Notons également qu’au sein de ce phénomène de
mondialisation des échanges qui prédomine dans les relations internationales, l’Europe se
préoccupe particulièrement du savoir et de la production industrielle115. Or, ces atouts
font nécessairement défaut aux pays ACP. Toutefois, malgré un désintérêt économique
grandissant de l’Union européenne pour les pays ACP, il n’en demeure pas moins que
l’intérêt politique demeure présent afin de conserver une influence significative sur ces
pays vers lesquels lorgnent des puissances concurrentes telles les États-Unis et le
Japon116.
Aussi, nous croyons possible d’affirmer que, pour l’heure, la politique
extérieure de conditionnalité démocratique de l’Union européenne s’avère susceptible
d’être utilisée à des fins de sélectivité en matière d’aide publique au développement afin
de servir les intérêts économiques de l’Union européenne. Cependant, nous trouverions
présomptueux d’affirmer que la politique de conditionnalité fut élaborée avec à cette
intention, d’autant plus que les travaux de la Commission européenne démontrent un
souci grandissant à l’égard de cette problématique.
Université Paris XI, Centre d’observation des Économies africaines et Université Paris X-Nanterre,
Centre d’Études et de Recherches en Économies du Développement, Supra note 97, à la p. 24;
114
115
Compte tenu de ses ambitions extérieures, la France s’y montre particulièrement
sensible et les cris d’alarme retentissent : « l’industrie s’affirme comme la principale
arme de la guerre économique mondiale et le socle de la souveraineté politique
d’une nation »; « la technologie est devenue l’axe majeur du développement et de la
puissance des nations modernes. (…) Aussi la capacité de créer, de produire et
d’assimiler de nouvelles technologies est-elle devenue le critère du développement.
C’est elle qui dessine les positions de dominations et de dépendance à l’échelle
planétaire. [B., Badie, et M.-C., Smouts, Le retournement du monde Sociologie de la
scène internationale, 3e éd., Paris, Dalloz Presses de Sciences Po, 1999, aux pp. 147148];
59
Nous pouvons certainement qualifier la conditionnalité démocratique de sanction
économique nouveau genre. Elle apporte un regard neuf en matière de défense des droits
fondamentaux par rapport à la sanction économique traditionnelle fort décriée tant à
l’égard de ses conséquences que de son effectivité.
Cependant, la conditionnalité
démocratique apparaît et évolue dans un contexte qui rend l’Union européenne
susceptible de privilégier ses intérêts économiques au détriment d’une mise en œuvre de
la conditionnalité démocratique soucieuse des seuls droits fondamentaux. La critique la
plus fondamentale à l’égard de la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique
s’avère l’absence de définition claire des critères permettant de constater une violation
des droits de l’Homme justifiant la suspension de l’aide octroyée au pays cible. À lui
seul, ce défaut de définition parvient à légitimer la crainte d’un possible usage détourné
de la conditionnalité démocratique. Également, le rapport de force de l’UE au sein du
partenariat ACP-UE amoindrit le bénéfice que l’on aimerait conférer à cet espace de
dialogue préalable à toute suspension et qui se veut la pierre angulaire de la mise en
œuvre de la conditionnalité démocratique.
Dès lors, nombre d’incertitudes demeurent en regard de la mise en œuvre de la
conditionnalité. Il s’agit en effet d’une politique encore jeune qui prête beaucoup à la
critique et dont l’efficacité pour garantir la protection des droits fondamentaux est mise
en doute fréquemment et reste à prouver. Il semble donc que tout dépendra de la volonté
insufflée par l’Union européenne à cette conditionnalité afin de lui donner les dents qui
lui manquent et de faire en sorte d’éviter la survenance d’effets pervers dont elle semble
consciente. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette avancée en matière de protection
des droits de la personne dans le cadre de la mondialisation qui privilégie l’économique
au social.
A., Koulaìmah-Gabriel, « L’Europe et les pays ACP ont-ils des intérêts communs? » dans Gabas, J.-J.
(dir.) et GEMDEV, L’Union européenne et les pays ACP Un espace de coopération à construire, Paris,
Karthala, 1999, 459p., aux pp.34-35;
116
60
CONCLUSION
La brève rétrospective portant sur l’émergence de la politique de conditionnalité
démocratique a montré que, tout comme pour de nombreuses autres politiques de
relations extérieures, la fin de la Guerre froide en fut l’événement déclencheur. Cet
événement a permis de passer d’une ère où régnait l’octroi de l’aide au développement
sans condition à une ère de prise de conscience de l’universalité des droits fondamentaux
et de leur importance dans le processus de développement d’un État. L’Europe s’est
donc progressivement dotée d’une politique de conditionnalité comme moyen de gérer
ses relations extérieures, choisissant ainsi de privilégier la récompense à la punition pour
faire respecter les droits de l’Homme. Conséquemment, elle a décidé de lier sa politique
étrangère à sa politique commerciale extérieure. Avec la chute de l’URSS, le nombre de
partenaires susceptibles de demander à l’Union européenne de les assister dans leurs
efforts visant à atteindre un niveau de développement suffisant augmente alors que les
montants disponibles à ce titre diminuent. Dans ce contexte, l’Europe revendique le droit
de traiter avec des partenaires adhérant aux mêmes valeurs que les siennes, en
l’occurrence le respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques. Dès lors,
la conditionnalité démocratique s’est révélée un instrument intéressant afin de
promouvoir les droits de l’Homme à l’échelle internationale.
L’émergence de la conditionnalité démocratique au sein des institutions
européennes passe d’abord par l’affirmation d’un lien entre le développement et la
démocratie. Les lacunes du droit international coutumier de l’époque poussent l’Union
européenne à négocier les premières clauses de conditionnalité afin de faire des droits
fondamentaux et des principes démocratiques des éléments essentiels des accords de
coopération et d’aide aux pays en développement. L’évolution de ces clauses passera
d’une simple référence à la Charte des Nations Unies et à la réaffirmation de la
souveraineté étatique des pays receveurs d’aide, à un énoncé clair de leur obligation de
respecter les droits et libertés fondamentaux et à prendre les mesures qui s’imposent afin
d’instaurer la « bonne gouvernance » sur un plan institutionnel sous peine de voir l’aide
et les préférences commerciales octroyées suspendues. Toutefois, la mise en œuvre des
61
clauses de conditionnalité ne pouvait s’opérer sans la mise au point de certains principes
directeurs, aujourd’hui encore peu nombreux et mal définis. Le dialogue est l’élément
déterminant sur lequel est basée la mise en œuvre de la conditionnalité. Par conséquent,
la création d’institutions propices au dialogue entre les partenaires fait partie intégrante
de la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique. Le cas particulier des relations
ACP-UE montre un partenariat institutionnel élaboré.
Or, malgré un désir marqué
d’instaurer un certain paritarisme au sein de ces institutions dans le but de refléter un
véritable partenariat entre l’UE et les pays ACP, le rôle de receveur qu’occupent les pays
ACP en opposition avec le rôle de donneur et d’instigatrice de la politique de
conditionnalité occupé par l’UE marquent un profond déséquilibre dans cette association.
La conditionnalité démocratique s’avérant fréquemment intégrée dans des accords
de coopération comportant un important volet commercial, fait en sorte que, lorsqu’elle
est mise en œuvre, la politique de conditionnalité peut être considérée comme une
sanction économique.
Toutefois, elle se différencie à maints égards de la sanction
économique traditionnelle. Entre autre, l’inclusion d’une clause « droits de l’Homme »
au sein des accords de coopération fait partie du processus de négociation entre les parties
lors de la conclusion du traité.
Aussi, contrairement aux sanctions économiques
traditionnelles qui interviennent à posteriori comme un moyen curatif d’une situation de
crise, la conditionnalité démocratique est davantage préconisée pour ses effets préventifs
recherchés à travers le dialogue instauré afin de remédier aux problèmes étatiques
susceptibles de conduire à des violations des droits fondamentaux. Enfin, à la différence
des sanctions économiques traditionnelles qui sont imposées de façon unilatérale, la
suspension de l’exécution du traité à la suite de violations des droits de l’Homme ne peut
se faire qu’au terme d’un processus de dialogue entre les partenaires, sauf dans les cas de
violations graves des droits fondamentaux. Il est important de remarquer que l’absence
de définition de ce qui constitue une« violation grave des droits fondamentaux» dans les
principes de mise en œuvre de la conditionnalité peut se révéler une source d’ambiguïté
dans la poursuite d’une mise en œuvre uniforme et transparente de la conditionnalité
démocratique pour tous les partenaires de l’Union européenne.
62
L’augmentation du nombre d’États potentiellement demandeurs d’aide à l’Union
européenne et la diminution des montants disponibles à l’octroi de l’aide au
développement, de même que les quelques cas démontrant que l’Union européenne
n’applique pas systématiquement la conditionnalité démocratique en réponse à une
violation des droits de l’Homme lorsque cette démarche risquerait de rompre un lien
commercial avantageux pour elle, font craindre une application arbitraire de la
conditionnalité, ce qui la rendrait susceptible d’être détournée de son objectif premier
qu’est la promotion et la protection des droits de la personne. Il découle de ces constats
que plus le degré de dépendance économique du pays tiers envers l’Union européenne est
élevé, plus la conditionnalité risque d’être effective.
Et plus la conditionnalité
démocratique est liée au volet commercial de la politique extérieure européenne, plus la
mise en œuvre de la conditionnalité risque d’engendrer des effets similaires à ceux
observés lors de l’imposition des sanctions économiques traditionnelles dans les cas de
forte dépendance économique des pays tiers.
Cependant, le peu de faits disponibles à ce jour sur la mise en œuvre de la
conditionnalité démocratique ne nous permettent pas d’être catégorique quant aux
conséquences découlant de sa mise en œuvre ainsi qu’à l’égard de son effectivité.
Néanmoins, par ses caractéristiques qui la différencient de la sanction économique
traditionnelle, la politique de conditionnalité démocratique se révèle un instrument
constructif pour la promotion et la protection des droits fondamentaux et des principes
démocratiques. Il est toutefois important de garder à l’esprit que l’effectivité de la
conditionnalité démocratique dépend du rapport de force que peut imposer l’Union
européenne au sein du partenariat et que cette position avantageuse ne doit pas permettre
d’utiliser la conditionnalité démocratique à des fins autres que celles pour lesquelles elle
a été conçue. Finalement, il est fort possible que, dans un avenir proche, la mise en
œuvre de la conditionnalité démocratique se heurte aux contradictions que soulèvent les
objectifs poursuivis par l’Union européenne en matière de politique extérieure.
La
libéralisation des marchés, la déréglementation et le désengagement de l’État ne vont pas
toujours de paire avec la protection des droits de la personne.
63
Les craintes formulées dans cet essai concernant la mise en œuvre de la
conditionnalité démocratique, loin de remettre en question le bien-fondé de cette
politique favorable à la protection des droits fondamentaux, appellent à plus d’audace
dans le développement des principes qui la régissent.
Néanmoins, l’inévitable
subordination de cette politique aux intérêts économiques et commerciaux européens ne
fera qu’accentuer les critiques dénonçant le néocolonialisme occidental, l’ingérence et les
défauts de mise en œuvre. Il en résultera de nombreuses interrogations quant à la
légitimité de l’imposition d’une telle politique à un État tiers. Plusieurs caractéristiques
de la conditionnalité démocratique, telles que le dialogue à travers lequel elle s’exerce,
l’esprit de consensus et de partenariat recherché au cours de sa mise en œuvre et le fait
pour plusieurs États tiers d’avoir reconnu constitutionnellement les droits fondamentaux,
semblent légitimer cette politique. Pourtant, qu’en est-il lorsque l’on se questionne sur le
rapport de force exercé par l’Union européen dans une relation qui se veut paritaire, sur la
recherche d’un véritable consensus quant aux valeurs communes défendues, sur les effets
néfastes qu’est susceptible d’engendrer la mise en œuvre de la conditionnalité
démocratique dans certains cas et, finalement, sur les véritables objectifs poursuivis en
usant de la conditionnalité démocratique comme moyen de promotion et de défense des
droits fondamentaux?
Certes, on peut vouloir remédier au déficiences de la
conditionnalité sans pour autant remettre en question sa pertinence. Nous partageons les
propos d’Hannah Arendt lorsque, à propos de ce qui est juste et injuste, elle affirme :
« Mais il y a beaucoup de […] chances, je le crains, qu’arrive quelqu’un qui nous
déclare que […] n’importe quelle compagnie fera l’affaire.
Moralement et même
politiquement parlant, cette indifférence [..] constitue le plus grand danger. Et cet autre
phénomène très courant de la modernité – la tendance largement répandue à refuser de
juger en général – va dans le même sens et est à peine moins dangereux »117. Toutes ces
craintes et ces interrogations ne doivent pas nous empêcher de porter un jugement sur les
conduites répréhensibles des gouvernements de certains pays en développement et ne
doivent pas nous faire reculer devant les défis que nous impose l’avènement d’une
Tel que reproduits dans J.-M., Coicaud, Légitimité et politique, Contribution à l’étude du droit et de la
responsabilité politiques, Paris, Presses universitaires de France, 1997, à la p.i;
117
64
politique participant à cette marche en perpétuel mouvement pour la pleine et effective
reconnaissance des droits humains.
65
ANNEXE I
66
Le libellé des « clauses droits de l’Homme » tel que reproduit dans E. Riedel et M.,
Will, « Clauses relatives aux droits de l’Homme dans les accords extérieurs des
communautés européennes » dans Alston, P., (dir.), L’Union européenne et les Droits
de l’Homme, Bruxelles, Bruylant, 2001, aux p. 784-785
67
68
ANNEXE II
69
Accord de Cotonou, 23 juin 2000, en ligne :
HTTP://EUROPA.EU.INT/RAPID/START/CGI/GUESTEN.KSH?P_ACTION.GETTXT=GT&DOC=IP/0
3/467|0|RAPID&LG=EN&DISPLA (date d’accès : 18 avril 2003) (entrée en vigueur : 1e
avril 2003);
•PARTIE 1: DISPOSITIONS GÉNÉRALES
TITRE II: LA DIMENSION POLITIQUE
ARTICLE 8
Dialogue politique
1. Les parties mènent, de façon régulière, un dialogue politique global, équilibré et
approfondi conduisant à des engagements mutuels.
2. Ce dialogue a pour objectif d'échanger des informations, d'encourager la
compréhension mutuelle ainsi que de faciliter la définition de priorités et de principes
communs, en particulier en reconnaissant les liens existant entre les différents aspects des
relations nouées entre les parties et entre les divers domaines de la coopération prévus par
le présent accord. Le dialogue doit faciliter les consultations entre les parties au sein des
enceintes internationales. Le dialogue a également pour objectif de prévenir les situations
dans lesquelles une partie pourrait juger nécessaire de recourir à la clause de nonexécution.
3. Le dialogue porte sur l'ensemble des objectifs et finalités définis par le présent accord
ainsi que sur toutes les questions d'intérêt commun, général, régional ou sous-régional.
Par le dialogue, les parties contribuent à la paix, à la sécurité et à la stabilité, et à
promouvoir un environnement politique stable et démocratique. Le dialogue englobe
les stratégies de coopération ainsi que les politiques générales et sectorielles, y compris
l'environnement, l'égalité hommes/femmes, les migrations et les questions liées à
l'héritage culturel.
4. Le dialogue se concentre, entre autres, sur des thèmes politiques spécifiques
présentant un intérêt mutuel ou général en relation avec les objectifs énoncés dans le
présent accord, notamment dans des domaines tels que le commerce des armes, les
dépenses militaires excessives, la drogue et la criminalité organisée, ou la discrimination
ethnique, religieuse ou raciale. Il comprend également une évaluation régulière des
évolutions relatives au respect des droits de l'homme, des principes démocratiques, de
l'État de droit et à la bonne gestion des affaires publiques.
70
5. Les politiques générales visant à promouvoir la paix ainsi qu'à prévenir, gérer et
résoudre les conflits violents, occupent une place importante dans ce dialogue, tout
comme la nécessité de prendre pleinement en considération l'objectif de la paix et de la
stabilité démocratique lors de la définition des domaines prioritaires de la coopération.
6. Le dialogue est mené avec toute la souplesse nécessaire. Il peut, selon les besoins,
être formel ou informel, se dérouler dans le cadre institutionnel et en dehors de celuici, sous la forme et au niveau les plus appropriés, y compris au niveau régional, sousrégional ou national.
7. Les organisations régionales et sous-régionales ainsi que les représentants des sociétés
civiles sont associés à ce dialogue.
ARTICLE 9
Éléments essentiels et élément fondamental
1. La coopération vise un développement durable centré sur la personne humaine, qui en
est l'acteur et le bénéficiaire principal, et postule le respect et la promotion de l'ensemble
des droits de l'homme.
Le respect de tous les droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris le
respect des droits sociaux fondamentaux, la démocratie basée sur l'État de droit, et une
gestion transparente et responsable des affaires publiques font partie intégrante du
développement durable.
2. Les parties se réfèrent à leurs obligations et à leurs engagements internationaux en
matière de respect des droits de l'homme. Elles réitèrent leur profond attachement à la
dignité et aux droits de l'homme qui constituent des aspirations légitimes des individus et
des peuples. Les droits de l'homme sont universels, indivisibles et interdépendants. Les
parties s'engagent à promouvoir et protéger toutes les libertés fondamentales et tous les
droits de l'homme, qu'il s'agisse des droits civils et politiques, ou économiques, sociaux et
culturels. L'égalité entre les hommes et les femmes est réaffirmée dans ce contexte.
Les parties réaffirment que la démocratisation, le développement et la protection des
libertés fondamentales et des droits de l'homme sont interdépendants et se renforcent
mutuellement. Les principes démocratiques sont des principes universellement reconnus
sur lesquels se fonde l'organisation de l'État pour assurer la légitimité de son autorité, la
légalité de ses actions qui se reflète dans son système constitutionnel, législatif et
réglementaire, et l'existence de mécanismes de participation. Sur la base des principes
universellement reconnus, chaque pays développe sa culture démocratique.
L'État de droit inspire la structure de l'État et les compétences des divers pouvoirs,
impliquant en particulier des moyens effectifs et accessibles de recours légal, un système
judiciaire indépendant garantissant l'égalité devant la loi et un exécutif qui est pleinement
soumis au respect de la loi.
71
Le respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit, sur
lesquels se fonde le partenariat ACP-UE, inspirent les politiques internes et
internationales des parties et constituent les éléments essentiels du présent accord.
3. Dans le cadre d'un environnement politique et institutionnel respectueux des droits de
l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit, la bonne gestion des affaires
publiques se définit comme la gestion transparente et responsable des ressources
humaines, naturelles, économiques et financières en vue du développement équitable et
durable. Elle implique des procédures de prise de décision claires au niveau des pouvoirs
publics, des institutions transparentes et soumises à l'obligation de rendre compte, la
primauté du droit dans la gestion et la répartition des ressources, et le renforcement des
capacités pour l'élaboration et la mise en œuvre de mesures visant en particulier la
prévention et la lutte contre la corruption.
La bonne gestion des affaires publiques, sur laquelle se fonde le partenariat ACP-UE,
inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément
fondamental du présent accord. Les parties conviennent que seuls les cas graves de
corruption, active et passive, tels que définis à l'article 97 constituent une violation de cet
élément.
4. Le partenariat soutient activement la promotion des droits de l'homme, les processus de
démocratisation, la consolidation de l'État de droit et la bonne gestion des affaires
publiques.
Ces domaines constituent un élément important du dialogue politique. Dans le cadre de
ce dialogue, les parties accordent une importance particulière aux évolutions en cours et
au caractère continu des progrès effectués. Cette évaluation régulière tient compte de la
situation économique, sociale, culturelle et historique de chaque pays.
Ces domaines font également l'objet d'une attention particulière dans l'appui aux
stratégies de développement. La Communauté apporte un appui aux réformes politiques,
institutionnelles et juridiques, et au renforcement des capacités des acteurs publics, privés
et de la société civile, dans le cadre des stratégies qui sont décidées d'un commun accord
entre l'État concerné et la Communauté.
ARTICLE 96
Éléments essentiels - Procédure de consultation et mesures appropriées concernant
les droits de l'homme, les principes démocratiques et l'État de droit
1.(…)
2. a) Si, nonobstant le dialogue politique mené de façon régulière entre les parties, une
partie considère que l'autre a manqué à une obligation découlant du respect des droits de
l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit visés à l'article 9, paragraphe 2,
elle fournit à l'autre partie et au Conseil des ministres, sauf en cas d'urgence particulière,
les éléments d'information utiles nécessaires à un examen approfondi de la situation en
72
vue de rechercher une solution acceptable par les parties. À cet effet, elle invite l'autre
partie à procéder à des consultations, portant principalement sur les mesures prises ou à
prendre par la partie concernée afin de remédier à la situation.
Les consultations sont menées au niveau et dans la forme considérés les plus appropriés
en vue de trouver une solution.
Les consultations commencent au plus tard 15 jours après l'invitation et se poursuivent
pendant une période déterminée d'un commun accord, en fonction de la nature et de la
gravité du manquement. Dans tous les cas, les consultations ne durent pas plus de 60
jours.
Si les consultations ne conduisent pas à une solution acceptable par les parties, en cas de
refus de consultation, ou en cas d'urgence particulière, des mesures appropriées peuvent
être prises. Ces mesures sont levées dès que les raisons qui les ont motivées disparaissent.
b) Les termes "cas d'urgence particulière" visent des cas exceptionnels de violations
particulièrement graves et évidentes d'un des éléments essentiels visés à l'article 9,
paragraphe 2 , qui nécessitent une réaction immédiate.
La partie qui recourt à la procédure d'urgence particulière en informe parallèlement
l'autre partie et le Conseil des ministres, sauf si les délais ne le lui permettent pas.
c) Les "mesures appropriées" au sens du présent article, sont des mesures arrêtées en
conformité avec le droit international et proportionnelles à la violation. Le choix doit
porter en priorité sur les mesures qui perturbent le moins l'application du présent accord.
Il est entendu que la suspension serait un dernier recours.
Si des mesures sont prises, en cas d'urgence particulière, celles-ci sont immédiatement
notifiées à l'autre partie et au Conseil des ministres. Des consultations peuvent alors être
convoquées, à la demande de la partie concernée, en vue d'examiner de façon
approfondie la situation et, le cas échéant, d'y remédier. Ces consultations se déroulent
selon les modalités spécifiées aux deuxième et troisième alinéas du point a). [Nos
italiques et nous surlignons]
73
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