Selon l’analyse transformationnelle (Dubois, 1967 : 124), il existe une équivalence
entre (2) et (3):
(1) Une voiture a renversé l’enfant.
(2) L’enfant a été renversé par une voiture
(3) L’enfant s’est fait renverser par une voiture.
Les formes en se faire+Vinf et être+Vé sont considérées comme issues de la
transformation de la phrase active (1). Or, l’explication uniquement par la transformation
syntaxique est trop restrictive
, car elle ne permet pas de rendre compte des différentes
nuances de sens que les deux constructions véhiculent. Elles ont un sens proche, mais pas
identique. Le calcul de la signification de ces énoncés nécessite la prise en considération des
interactions entre les facteurs syntaxiques, sémantiques et discursifs. Ce phénomène de
concurrence entre (2) et (3) relève de la diathèse (Tesnière, Lazard, Creissels, François). La
diathèse
sera définie ici comme la variation sur les actants (diathèse) qui amène une
modification corrélative de la forme (morphologie) verbale (voix), et de là, des rôles
sémantiques attribués au sujet et à l’objet (Lazard , 1994 : 179).
La construction se faire+Vinf relève de la diathèse passive et/ou de la diathèse
réfléchie. Creissels (2006, T.2 : 10) définit la voix passive et la voix moyenne comme « des
opérations sur la valence qui, appliquées à des verbes transitifs, aboutissent à des
constructions intransitives ». Le passif implique un sujet qui « reçoit exactement le même rôle
sémantique que l’objet de la construction transitive » (idem, p. 9). Le moyen, quant à lui,
implique un « remodelage des rôles sémantiques, par contraste avec le simple réarrangement
syntaxique des rôles sémantiques qui caractérise le passif…[L]e sujet est à la fois siège du
même processus que l’objet de la forme transitive correspondante et responsable de ce
processus » (id., p. 10), comme par exemple dans Ils se sont rassemblés.
Si l’on compare les phrases (2) et (3), du point de vue syntaxique dans les deux cas, il
y destitution du sujet sans ajout d’un nouvel actant et diminution de la valence (n-1) (diathèse
récessive) par rapport à la structure de départ (1), ce qui est propre à la transformation
passive.
Du point de vue discursif, le c.o.d. de la phrase de départ devient thème, après
transformation, dans les deux cas. Comme l’indique Bat Zeev Shyldkrot (1999 :73) au sujet
des formes en se faire, se voir, se laisser+Vinf, le recours à la forme en se faire+Vinf dans son
interprétation passive « répond à un désir du locuteur et donc de la langue, d’exprimer des
nuances distinctes » par rapport aux formes du passif en êtreVé.
Par ailleurs, les deux énoncés diffèrent essentiellement sur le plan sémantique: en (3)
l’enfant est patient plutôt actif, tandis qu’en (2) il est patient passif (Cf. à ce sujet Gaatone,
1983)
. Dans le cas du réfléchi, le S structural de se faire+Vinf assume donc un double rôle
sémantique : il est à la fois patient et « responsable » (instigateur) du procès, à la différence du
passif où il n’est que patient.
Nous analyserons dans ce qui suit, les cas où se faire+Vinf est interchangeable avec
êtreVé et ceux où cette substitution n’est pas possible. Nous partirons de la construction
syntaxique du verbe : transitif, intransitif, bitransitif qui sera corrélée à l’analyse des
paramètres sémantiques et discursifs.
« […] la théorie du renversement, est une simplification à laquelle on a pu sacrifier pour des raisons
pédagogiques (les grammaires scolaires) ou de formalisation (la grammaire générative) [l’analyse du passif],
mais qui ne se justifie que difficilement au vu des faits empiriques ». (Lamiroy , 1993 : 69)
Au sujet de la distinction entre voix et diathèse, cf. Tesnière (1959 : 242) qui définit la voix comme une
propriété intrinsèque du lexème verbal, tandis que la diathèse permet de redistribuer les actants par interversion ,
insertion ou élimination du schéma actanciel (voir aussi ç ce sujet François, 2000).
Tesnière (1959) utilise les termes d’actant actif et passif.