des personnes en surpoids et obèses . Octobre 2010. doc

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PARTAGE DE MON EXPERIENCE SUR UN SUIVI D’ENFANTS
EN SURPOIDS
Ma profession de kiné (soigner par le mouvement) et ma formation en
ostéopathie (rendre le mouvement et soigner les causes) m’oblige
depuis longtemps à me confronter aux problèmes du surpoids et de la
sédentarité d’une manière plus générale.
Ces 2 phénomènes ont un impact très important entre autre sur
l’appareil locomoteur. Ils usent prématurément les articulations
portantes (parce que trop de pression), limitent l’amplitude articulaire
(dos hanches genou principalement), et par ce fait réduisent la masse
musculaire et le métabolisme (graisse sucre).
La revalidation s’en trouve bien entendu ralentie ou limitée (remise au
travail reportée) et les pertes de mobilité sont plus fréquentes et plus
difficiles à normaliser.
L’autonomie de la personne et sa santé en général s’en trouvent
également affectées avec une propension plus importante à développer
certaines pathologies.
Le même problème au niveau des enfants m’a encore beaucoup plus
touché, car ces mêmes affections peuvent devenir exponentielles (ado
de 17 ans obèse avec de l’arthrose lombaire).
L’impact du phénomène se reporte souvent sur le reste de leur vie et
ce à tous les niveaux.
Via les associations sportives dont j’ai fait partie, j’ai également pu
constater le rôle important de l’activité physique sur la santé (mentale
et physique)
Le sport est en plus une école de vie fantastique pour nos jeunes.
Mon épouse et moi avons donc un jour décidé de nous pencher sur le
surpoids des enfants en proposant un module pour ce type d’enfants.
Nous l’avons peaufiné de manière à mettre au service de l’enfant et de
sa famille une infrastructure et une équipe pluridisciplinaire
intervenant à différents niveaux dans la problématique du surpoids : le
niveau sportif – le niveau diététique – le niveau psychologique. Sur
une durée de trois mois, il allie à la fois des prises en charges
individuelles et des séances collectives.
Le volet sportif insiste sur l’importance de la dépense physique,
surtout à travers les sports d’endurance, mais aussi sur les autres effets
positifs du sport sur la santé physique et psychique. Des évaluations
spirométriques (test à l’effort) déterminent la situation de départ et
l’évolution.
Le volet diététique évalue dans un premier temps, les habitudes
alimentaires de l’enfant et de sa famille et propose des conseils
adaptés. Il permet aussi de suivre l’évolution du poids, de la taille et
de la mesure des périmètres.
Lors des séances de groupes, les échanges, les informations, les jeux,
les activités pratiques…ont pour but de développer une prise de
conscience, de tenter d’acquérir de bons reflexes alimentaires, de leur
faire reprendre ou prendre goût à l’exercice, à une alimentation saine
et à toutes ces bonnes choses de la vie que notre société de
consommation nous a fait tout doucement oublier.
Le volet psychologique aborde les difficultés de l’enfant et lui apporte
un soutien à sa démarche, mais il ne s’agit pas ici d’une prise en
charge thérapeutique.
Un échange équipe – parents – enfants est également prévu en début et
en fin de module.
L’enfant reçoit une farde que nous avons appelé « carnet de route »
qui se complète au fil du temps, par des infos, par des contrats avec
l’enfant et ses parents, par des notes d’échanges, par les grilles repas
et sportives que l’enfant et ou les parents doivent compléter
quotidiennement, par des tableaux d’évaluations, par le régime établi,
par les activités de groupe, par des recettes, le calendrier des différents
rencontres,…
Le travail était à vrai dire énorme il a fallu porter le projet : rechercher
des partenaires motivés, des outils de travail, de la publicité, des pistes
de financement (que nous n’avons pas trouvé)…
L’inscription à un module nécessite un véritable engagement de
l’enfant et de sa famille et représente un coût (même si démocratique
par rapport à l’encadrement) que certaines familles ne savent pas
supporter.
Nous avons été confrontés à plusieurs problèmes…les absences, les
abandons, le découragement car bien sûr il ne suffit pas de s’y mettre
pour fondre comme neige au soleil, il faut du temps de la persévérance
et bcp bcp de courage.
La collaboration des parents n’était pas non plus toujours évidente…
Ils n avaient pas tous la volonté suffisante d’être des partenaires actifs
(achats appropriés, menus et préparations ad hoc, conduire les enfants
aux activités, aider à la tenue du carnet de route…) Parfois aussi,
l’enfant mangeait correctement pendant la semaine chez maman et se
gavait le WE chez papa ou inversement, la grand-mère faisait manger
le fifi sans aucune limite pour avoir la paix, le repas scolaire de midi
était composé de frites fricadelles avec mayo SVP, le cours de gym
était une corvée…
Nous avions constitué des petits groupes pour bien les encadrer (8 à
10 enfants). Malgré les abandons en cours de route nous avons
poursuivit le projet au-delà d’un minimum de rentabilité…les prix
demandés au départ était déjà très démocratiques et il était impossible
de payer notre temps et le temps des autres prestataires. Nous n’avons
donc pas pu poursuivre notre programme.
En attendant j’espère que les horizons s’élargissent dans ce domaine,
j’ai repris maintenant depuis quelques semaines, le projet d’une
manière plus modeste en m’occupant des enfants individuellement au
niveau physique (à signaler que le traitement du surpoids des enfants
n’est pas une vraie pathologie et n’est donc pas remboursé en soins
kiné par ex) tout en essayant de conscientiser la famille sur les
problèmes sous jacents et de relayer vers d’autres thérapeutes.
La prise en charge individuelle donne la possibilité de proposer un
programme personnalisé, donc plus adéquat au degré de surpoids, et
de permettre d’évoluer progressivement au rythme de chacun. Elle
permet aussi d’établir une relation de confiance et un dialogue pour
entrevoir la situation avec plus de lucidité et maintenir une vigilance.
Les centres pluridisciplinaires ont l’avantage de simplifier les
démarches des parents et devraient idéalement envisager une prise en
charge globale. Mais est ce toujours le cas ?
Les structures multidisciplinaires dans les hôpitaux tiennent très peu
compte de l’activité physique.
L’association d’une prise en charge individuelle combinée à des
activités en groupe me parait être une formule plus porteuse pour
autant d’avoir les moyens de l’organiser.
La sédentarité et le surpoids sont des problèmes de société bien
difficile à endiguer, car il faudrait aller à l’encontre du courant actuel
et revenir à des comportements plus sains. Notre ancêtre il y à 10000
ans avec le même génome consommait 700 Kilo calories par jour de
plus que nous et ce simplement pour survivre, alors qu’actuellement,
nous ne devons même plus faire d’effort pour répondre à nos besoins
vitaux.
Pour remédier à cette tendance, c’est déjà dès la petite enfance (voire
même pendant la grossesse) que je pense qu’il faut toucher les parents.
Ensuite, l’acteur principal après la famille devrait sans doute être
l’école. Elle pourrait jouer un rôle éducatif et préventif plus
conséquent dans ce domaine.
Le dialogue et la collaboration école - famille est très importante (via
l’enseignant titulaire, le prof de gym, le PMS…). Le surpoids
s’installe parfois insidieusement, les proches ne s’en rendent plus
vraiment compte, sous-estiment la situation, et peuvent avoir besoin
d’aide.
Les écoles devraient pouvoir se permettre d’attacher plus
d’importance aux activités physiques et les adapter à nos jeunes (ils
n’ont plus l’endurance naturelle d’avant l’ordi et le GSM). Certains
éducateurs sportifs passent à leurs yeux d’avantage pour des
tortionnaires que pour des éducateurs de santé. Le temps consacré à ce
cour devrait être considérablement augmenté (1 heure d’activité par
jour me semble un minimum.).
Les cantines d’école ont encore bien du chemin à faire et l’éducation
alimentaire devrait se décliner au quotidien dans tous les
établissements.
Ensuite vient le corps médical et paramédical … N’est t’il pas un peu
absurde de vouloir s’acharner à traiter le symptôme sans soigner la
cause (une mère m’a dit un jour « il a mal au dos mais ne lui dites pas
qu’il est trop gros il n’en peut rien »)
Bien sûr qu’il faut soulager quand c’est possible, mais couper le signal
d’alarme qu’est la douleur sans rien envisager d’autre, entraine
souvent le patient dans des lésions différentes ou récidivantes qui
deviennent difficile à traiter.
On ne fait que déplacer le problème
Le surpoids n’étant pas reconnu comme une pathologie, le thérapeute
va pouvoir alerter son patient mais n’aura pas toujours le temps ou les
compétences pour aller plus loin.
Même si, par exemple, certains chirurgiens orthopédistes exigent de
leurs patients qu’ils perdent du poids avant de leur placer une PTH ou
une PTG pourront-ils ensuite poursuivre leur influence ?
Donner des moyens aux clubs sportifs me parait aussi indispensable :
Former les entraineurs doit être une priorité absolue dans le domaine
du sport.
La physiologie est une discipline complexe qui requiert un minimum
de connaissance pour éduquer l’enfant du 21 ème siècle et lui faire
redécouvrir les bons gestes, les bonnes intensités, les bonnes cadences
...
L’endurance auparavant naturelle a disparu il faudrait l’introduire
dans bcp de sports pour éviter les abandons, les blessures musculaires
et /ou articulaires, ou les épuisements rapides du jeune sportifs.
N’oublions pas que l’endurance, c’est : « longtemps et doucement ».
Dans un monde qui va trop vite, ce message n’est pas facile à
transmettre.
Dans le domaine du sport un gros effort doit également être produit au
niveau des infrastructures.
Une piscine coûte certes très cher à la communauté mais quel outil
magnifique pour traiter un enfant obèse. Libéré de toutes ses pressions
il pourrait s’exercer sans abimer ses genoux ses hanches ou son dos,
qui par contre souffriraient d’un entrainement « terrestre » trop
agressif.
Notre système de soins de santé aurait tout à gagner à agir en amont
de ce fléau plutôt que de devoir par la suite consacrer une bonne part
de son budget à essayer de soigner, le rhumatisme dégénératif, les
AVC, le diabète, les séquelles d’infarctus, les cancers du colon par ex
pour ne citer que les plus fréquents. Sans compter les prises en
charges qui en découlent.
Mais comment arriver à conscientiser tous les partenaires ?
Faire « un peu » de sport est insuffisant. Une pratique régulière est
indispensable pour garder un métabolisme normal et à fortiori quand
on suit un régime. Un régime sans sport et trop restrictif entraîne
souvent ce que l’on appelle le phénomène du yoyo.
Si je perds du poids, je perds aussi une partie de ma masse musculaire
du moins si je ne l’entretiens pas.
Un régime trop restrictif entraîne souvent une boulimie compensatoire
et si je reprends du poids, je ne reprends que de la masse graisseuse.
Le rapport masse musc/masse graisseuse s’en trouve altéré et le
régime suivant va devenir plus difficile car ce sont les muscles qui
aident à bruler les graisses. Un sportif au repos consomme plus de
calories qu’une personne sédentaire de même profil.
En conclusion la prévention reste le maitre mot dans le domaine du
surpoids et plus spécialement chez les enfants déjà en bas âge. Il faut
les habituer au plus tôt à manger sain, à faire bouger leur corps et à en
avoir du plaisir.
Je considère qu’il faut donner des moyens à la petite enfance, aux
écoles, aux associations sportives, aux centres pluridisciplinaires…
Des moyens matériels biens sûr, en réalisant par exemple des
infrastructures adaptées au surpoids (partenariat privé /public) et en
améliorant les infrastructures existantes. Nous avons encore dans
notre province des clubs qui vivotent avec des locaux quasi insalubres
et des terrains ressemblant à des champs de pomme de terre…difficile
dans ces conditions d’attirer la jeunesse.
Certains clubs dépendent du bon vouloir d’une école et peuvent du
jour au lendemain se retrouver à la rue.
Des moyens d’encadrement également. J’admire bcp les bénévoles qui
consacrent du temps à ces clubs, mais l’éducateur sportif doit
également posséder des bases physiologiques solides si on ne veut pas
faire pire que bien.
Les professeurs d’éducations physiques et les kinés (les premiers
intervenants potentiels) doivent être formés, avec à l’esprit, cette
nouvelle dimension qu’est la sédentarisation et le surpoids de nos
jeunes.
Il faut dans ce domaine pouvoir accompagner avec bcp de souplesse et
surtout ne jamais croire que la partie est gagnée.
Merci de votre attention.
JP JUPRELLE
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