EDUCATION
Deux étymologies sont souvent proposées.
-L'une fait venir éduquer du latin « educere », c'est-à-dire « ex-ducere », conduire hors de (on pourra alors se
demander « hors de quoi ? », hors de l'ignorance ? hors de l'animalité ? hors de soi-même pour aller au-delà de soi ? etc.).
-L'autre fait venir éduquer de « educare », « nourrir », « élever » (aussi bien un animal qu'un être humain), et donc
donner un apport extérieur qui aide à la transformation et la maturation.
Termes voisins : formation; instruction. Termes opposés : brutalité ; sauvagerie. Corrélats : citoyen; civilisation; culture;
institution ; république.
Sens strict : mise en oeuvre de méthodes et de procédés propres à assurer la formation et le développement d'un
être humain.
« L'homme, écrit Kant, est la seule créature qui doive être éduquée. » N'étant pas dirigé par l'instinct, en
effet, il doit conquérir par la culture ce que la nature lui a refusé. L'éducation, dont le but est de conduire l'homme à sa
propre humanité, comporte, toujours d'après Kant, deux aspects : la discipline et l'instruction. La discipline est la partie
négative de l'éducation. Elle habitue l'enfant à supporter la contrainte des lois. Par-là, elle l'aide à surmonter sa sauvagerie
originaire. L'instruction est la partie positive de l'éducation. Elle est l'action de former et d'enrichir l'esprit par la
transmission du savoir et par l'étude.
Si Kant pose l'éducation comme sortie de l'animalité, apprentissage de la liberté, marche vers une humanité
meilleure, Platon conduit à penser l'éducation comme libération de l'ignorance et implication dans le politique.. Quant à
Durkheim, il définit l'éducation comme socialisation, intégration dans les sociétés telles qu'elles sont, avec les risques et les
solutions concrètes qu'on peut envisager.
Le but de l'éducation est, aux yeux de tous, le développement des capacités de l'individu ainsi que le
perfectionnement de l'humanité prise dans son ensemble, mais la détermination de ses objectifs et de ses méthodes révèle
de profondes divergences entre les philosophes.
Faut-il mettre l'accent sur l'épanouissement individuel, ou bien plutôt sur l'adaptation harmonieuse au milieu social
et à ses changements ?
- L'éducation doit-elle être conservatrice, autoritaire et protectrice, comme le pense Hannah
Arendt (La Crise de la culture), ou bien, au contraire, non directive, libérale, voire permissive ?
- Mais enfin, et surtout, doit-on n'envisager l'éducation que dans une perspective individualiste, ou
bien faut-il prendre en compte, comme le fait Éric Weil par exemple, la dimension politique de l'éducation ? Car éduquer,
c'est conduire un enfant vers la liberté et l'autonomie, lesquelles ne sauraient se concevoir en dehors du cadre de la
citoyenneté. Dans cette mesure, la question de l'éducation recouvre étroitement celle des principes, des enjeux et du
devenir de nos institutions républicaines.
Eduquer, former, instruire
1
« Peut-être même reviendrez-vous à l'étymologie, comme Michel Barlow utilisant le Gaffiot
2
qui rappelle que :
Enseigner vient du latin insignire qui vient lui-même de signare placer un signe distinctif, un signum. Pour Ovide, signare,
c'est marquer, au sens de faire une empreinte dans une matière plus ou moins molle. Enseigner, c'est laisser sa marque, son
empreinte chez le sujet.
Former n'est pas sans lien avec la forma, qui était en vieux français la faisselle des grand-mères qui servait à mouler le lait
caillé. Pour l'architecte Vitruve, la formation consiste à donner forme ou configuration à un édifice. Ainsi enseigner et
former évoquent des images impositives, descendantes, à la manière d'un moule opérant sur une matière assez malléable
pour prendre forme et la garder.
Éduquer, c'est au premier sens ex-ducere, conduire hors d'un lieu donné, de l'intérieur vers l'extérieur (on dit encore,
aujourd'hui, que l'on éduque les vers à soie, pour permettre leur métamorphose). Éduquer c'est, par extension, mettre au
monde, élever au sens de faire grandir... en taille et en humanité. En ce sens, l'élève, aujourd'hui qualifié d'apprenant, doit
continuer à être vécu comme celui qui est assis, momentanément, pour mieux s'élever. Oserait-on dire que l'apprentissage
dont il est ici question renvoie à l' « apprenti-sage », non pas le sage au sens de docile, mais au sens d'éclairé et de sensé.
L’instituteur, de in statuere, vise à mettre debout (stare), à ériger une statue, finalement à donner pleine mesure à un petit
d'homme.
Instruire, consiste à élever, bâtir un édifice, équiper, outiller.
Éduquer et instruire renvoient à des images de naissance et de développement. »
1
M. Develay, De l’apprentissage à l’enseignement, Paris, ESF, 1992, p. 95-96.
2
M. Barlow et al, Formation et transformation de l'enseignant, Lyon, Chronique sociale, 1988.
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