Mais où est donc Ornicar ?
Atelier de réflexion sur la langue française
On s’interroge, on fait des recherches, on échange et on partage. On essaie de nourrir sept
rubriques : les bizarreries, des précis linguistiques, les fautes de langue, les expressions
imagées, les astuces mnémotechniques, les étymologies étonnantes, les devinettes et les jeux
de mots et de lettres.
Site internet : http://jacge.nguyen.free.fr/ornicar/
Séance du 15 novembre 2012
Ne dites pas, n’écrivez pas
Dites, écrivez
Une horde de sangliers...
Une harde de sangliers... On emploie harde (troupeau de
ruminants sauvages) en parlant d'animaux, et horde (groupe
indiscipliné) à propos d'hommes (« Des hordes de
barbares... »).
Voici des classes hétéroclites.
Voici des classes hétérogènes. Ces deux mots sont des
contraires de homogène. Hétéroclite (du latin heteroclitus,
« étrange ») = composé de parties appartenant à divers styles,
genres (« Un accoutrement et un ameublement
hétéroclites... »). térogène (de heterogeneus) = constitué
d'éléments de nature différente Des roches
hétérogènes... »).
Le bétail hiberne à l'étable.
Le bétail hiverne à l'étable. L'ours hiberne (en passant l'hiver
dans un état naturel d'engourdissement), alors que les
animaux de nos fermes, à la mauvaise saison, hivernent
(hivernage = séjour à l'abri), tout comme les hirondelles,
parties pour l'Afrique, ou même les navires qui relâchent dans
les ports.
Un milliard d'hindous !...
Un milliard d'Indiens !... Hindou (ou hindouiste, mot attesté
en 1948) = adepte de la religion hindouiste. Indien = habitant
de l'Inde. La confusion, encore commise, vient de ce que,
jusqu'aux années 1940, on appelait « Hindous » les habitants
de l'Inde pour les distinguer des Indiens d'Amérique. (« La
visite de temples hindous et du Parlement indien.. »)
Amsterdam, capitale de la Hollande.
Amsterdam, capitale des Pays-Bas. Le nom propre Hollande
ne désigne qu'une région des Pays-Bas certes, la plus riche
et la plus peuplée. (Comme nom commun masculin,
« hollande » = fromage ou papier de luxe.) Donc, hollandais
= de la Hollande (« les peintres hollandais... », « La sauce
hollandaise... ») ; néerlandais (de Nederland) = des Pays-Bas
La législation néerlandaise sur les stupéfiants... »)
[B. Laygues, Evitez de dire... Dites plutôt...]
Expressions imagées
Une kyrielle signe une longue suite de paroles qui se répètent, une série d'êtres ou de
choses qui n'en finissent pas. Formule très ancienne dans la liturgie, Kirie eleison (Seigneur,
prends pitié) sont les deux seuls mots grecs inclus dans le texte de la messe catholique
romaine. Cri de supplication relevé dans l'Ancien Testament, il se situait au début de la
messe, après l'introït (prières dites par le prêtre quand il est monté à l'autel, et chantées par le
chœur au commencement des grandes messes). Le célébrant disait trois fois Kirie eleison, et
l'assemblée le répétait également trois fois. Le mot kyrielle, qui en découla prit d'abord
logiquement le sens de litanie, puis évoqua une répétition ennuyeuse et monotone. Son sens
actuel a conservé l'idée d'une énumération interminable de mots, de choses, de gens. [Les
Almaniaks, Pourquoi dit-on... ?]
Être sous l'égide de quelqu'un, c'est se placer sous sa protection, physique ou morale. « Être
sous l'égide » fait partie des nombreuses expressions françaises issues de la mythologie
antique. L'égide, du grec aigis, désignant une peau de chèvre, était le bouclier, offensif et
défensif, de Zeus, le roi de l'Olympe. Il symbolise la toute-puissance et l'invulnérabilité.
Constitué de la peau d'Amalthée, la chèvre nourricière du dieu, et de la te de Méduse, la
maléfique et mortelle Gorgone, ce talisman protégeait son utilisateur. Sa fille, Athéna,
déesse de la guerre, profitait elle aussi souvent de la protection du précieux objet. [Les
Almaniaks, Pourquoi dit-on... ?]
Être en butte à quelque chose. Dans cette position, on est exposé à quelque chose. En
général, on est la cible d'attaques, de quolibets et de brimades. L'expression est issue du
vocabulaire des artilleurs. Butte renvoie ici à la cible, par référence à la surélévation sur
laquelle on plante la cible. La butte est ce qu'il faut viser, l'objet à atteindre, l'homme à
abattre. Être en butte, c'est donc être en point de mire. On est exposé comme une butte dans
un champ de tir... Dans le même ordre d'idées, d'autres expressions empruntent leurs images
au tir : « être dans le collimateur », « être pris pour cible »... [Les Almaniaks, Pourquoi dit-
on... ?]
Étymologies étonnantes
Quelques mots du Dictionnaire de l'ancien français :
Bigarras, n. m. plur. Nom de bandits. Gens habillés de diverses couleurs, qui faisoient des
courses et des ravages, à Marseille et aux environs.
Bigarré, adj. Incertain. Rabelais se sert de ce mot pour désigner, dans les temps des verbes,
un temps incertain ; ainsi il nomme l'aoriste des Grecs et des Latins un tems garré et
bigarré, de varius et bisvarius...
Bigarrement, n. m. Bigarrure, bizarrerie, folie. Nous trouvons ce mot employé au premier
sens dans l'expression « un bigarrement de fleurs ». De là, bigarrure signifioit les nuances
des plumes des oiseaux.
Bigearre, adj. Bizarre, fantasque. On lit bigearre humeur pour humeur bizarre, dans
L'Illusion, comédie de P. Corneille. [...] Ce mot, qui suivant quelques-uns vient de
bisvariare, a formé celui de bizarre, suivant les observations de l'Académie Françoise, sur
les remarques de Vaugelas. (Mais en note, on trouve ceci : C'est qu'il nous est venu de
l'espagnol bizarro, magnanime, vaillant. Ce sens primitif exclut l'étymologie bisvariare.)
Golf. L’origine du mot est assez confuse, il semble provenir des Pays-Bas le jeu était
appelé colf (dérivé du mot allemand kolben qui signifie bâton). Une étymologie populaire du
terme, mais qui a été officiellement rejetée, était « Gentlemen Only, Ladies Forbidden ».
[Wikipedia]
Obsidional, ale, aux, adjectif, étym. xve; latin obsidionalis, de obsidio « siège »
Didact. Relatif, propre aux sièges, aux villes assiégées. Monnaie obsidionale, frappée dans
une ville assiégée. Fièvre obsidionale : sorte de psychose collective qui atteint une
population assiégée. Psychol. Délire obsidional : délire d'un sujet qui se croit assiégé,
environné de persécuteurs. [Le Petit Robert]
Impacter. Nous sommes nombreux à penser que ce mot est un néologisme laid et d'un
emploi fautif ou abusif. Or, le Petit Robert l'accepte sans réserve : étym. 1992; chir. 1962; de
impact. Avoir un impact, une incidence sur. Les charges ont fortement impacté le résultat.
Chenet, n. m. étym. 1287; de chien, les chenets ayant figuré, à l'origine, de petits chiens ou
autres animaux accroupis. [Le Petit Robert]
Macabre, adj. étym. danse macabre, danse Macabré XIVe; probablement d'un nom propre
Macabé macchabée. [Le Petit Robert]
Nef Ce mot est issu du latin navis « navire » (cf. roumain naie, italien, espagnol et portugais
nave, occitan et catalan nau, suisse allemand Naue), remontant à la racine indo-européenne
°naus « embarcation », à laquelle se rattache également le grec naus, de même sens.
La famille gréco-latine a donné des mots liés à la navigation avec le grec, aux bateaux ou
aux objets dont la forme rappelle celle d'un bateau avec le latin. Du grec, relayé parfois par
le latin, nous tenons argonaute (→ argent), les éléments -naute et -nautique, le premier
utilisé actuellement pour former des mots relatifs au cyberespace (cybernaute,
entreprenaute, internaute) ou encore nautique, naumachie, nauplius, naucore et nautile,
naupathie, nausée, doublet de noise, avec nauséeux et nauséabond, nocher, nolis et noliser.
Le latin nous a donné navire, naviguer et navigation, navigateur, nacelle, naufrage,
nautonier, noue cause de la forme de la tuile, avec le technique noulet) mais aussi nager
(doublet de naviguer), duquel nous avons tiré nage, nageur ou nageoire, surnager, à côté de
natation et natatoire, empruntés au latin comme naval, naviculaire et navicule. Sur nef, le
français a créé navette ainsi que les composés aéronef ou astronef.
Noise « querelle » a été emprunté par l'anglais (noise « bruit », XIIIe s.) et par le breton
(noaz « tort, dommage ») lequel emprunte aussi noue (noed « gouttière »); l'anglais navy
(XIVe s.) est l'ancien français navie « flotte »; l'italien emprunte navetta (la navette du
tisserand) au XIVe s. [Le Petit Robert]
Agonie, agoniser, antagoniste, protagoniste sont des mots d'une même famille, venant du
grec agônia « lutte, angoisse ». Le mot agone (n. m.), qui n'est plus repris par les
dictionnaires actuels, désignait une fête, des jeux publics se déroulaient des luttes
athlétiques, avec fréquemment des concours intellectuels ou artistiques (méd., mus., philol.,
etc.). Attention ! Agonir ne fait pas partie de cette famille ; ce dernier mot vient de l'ancien
français ahon(n)ir « déshonorer, insulter », cf. honnir.
Branle-bas de combat était, dans la marine, l'ordre de mettre bas les branles « hamacs », qui
étaient sur les entreponts, pour se disposer au combat. [Le Petit Robert]
L’hybris (aussi écrit hubris) est une notion grecque que l'on peut traduire par démesure.
C'est un sentiment violent inspiré par les passions, et plus particulièrement par l'orgueil. Les
Grecs lui opposaient la tempérance, et la modération. Dans la Grèce antique, l’hybris était
considérée comme un crime. Elle recouvrait des violations comme les voies de fait, les
agressions sexuelles et le vol de propriété publique ou sacrée. [Wikipedia]
Quel est le point commun entre délice et lacet ? C'est la racine latine laqu-/lac- : idée de
piège. Le nom latin laqueus, « piège », « nœud coulant », était sans doute apparenté au
verbe lacere, « appâter, prendre au piège ». D'où le nom français lacs [lα]. De laqueus avait
été dérivé le verbe laqueare, « prendre dans une boucle », qui devint en français lacer. De
lacer, le français a dérivé le nom lacet et les verbes enlacer, entrelacer, délacer.
Le latin lacere avait un composé delicere (*de-lacere), signifiant « détourner par des
appâts », « séduire », d'où le nom féminin pluriel deliciae, « appâts », « chose séduisante »,
« source de plaisir », dont le français a tiré délice(s) ; notre adjectif délicieux est, pour sa
part, tide deliciosus, « qui cause du plaisir ». Quant à délicat, il a pour modèle l'adjectif
latin delicatus, dont le premier sens paraît avoir été « tendre, voluptueux, efféminé ». Ce
sens invite à le rapprocher de deliciae, car, lorsque les Romains parlaient des deliciae de tel
ou tel monsieur, ils désignaient souvent par là son « petit ami », son mignon.
Lacere avait aussi un fréquentatif lactare, « appâter », « charmer » ; nous en avons retenu
deux composés : allectare (*ad-lactare), « séduire, attirer », dont le déri*allecticare a
donné allécher (rien de commun, donc, entre ce verbe et le verbe lécher) ; et delectare (*de-
lactare), « charmer ». De ce verbe, et de ses rivés delectabilis et delectatio, le français
savant a tiré délecter, délectable et délectation. En italien, delectare est devenu dilettare,
« plaire à ». Du réfléchi dilettarsi, « se plaire à, s'intéresser à », est dérivé le nom dilettante,
« amateur », emprunté tel quel par le français. [René Garrus, Les Étymologies surprises.]
Quel est le point commun entre délit et reliques ? C'est la racine latine liqu- : laisser,
abandonner. Le nom latin reliquiae (avec le préfixe re-) voulait dire « les restes ». Le terme
désignait aussi bien les survivants d'un combat que les reliefs d'un repas ou les ossements
d'un mort. Le latin ecclésiastique désignait, par ce terme, soit le corps ou le fragment du
corps d'un saint, soit un objet lui ayant appartenu ou ayant servi à son martyre. En français,
le mot est devenu reliques.
Un certain nombre de verbes latins formés sur cette racine présentaient au présent un infixe
n, d'où la base li[n]qu-. Le composé delinquere (avec le préfixe de-) signifiait « laisser tout
seul », « manquer à ». Il s'employait surtout au sens de « manquer moralement à son
devoir », « commettre une faute ». Le français juridique du Moyen Age emprunta le verbe
sous la forme délinquer. Le verbe a disparu ; subsiste son participe : délinquant. Delictum,
participe de delinquere, signifiait « manquement », « faute ». Le français juridique emprunta
le terme : un délit est une infraction à la loi, punie par elle.
Il semble que les mots latins liquor et liquidus, origines de liqueur et liquide, doivent être
rattachés à cette racine. Le liquide est en effet ce qui a tendance à s'écouler, à vous
abandonner en quelque sorte.
Ce qui est sûr, c'est que la racine est indo-européenne à l'origine : on la note leikw-/ *loikw-/
*likw-. En grec, kw est devenu p, et la racine a fourni, entre autres, le nom eklipsis (ek-lip-
sis), « action d'abandonner », « de faire défaut ». Une éclipse est un phénomène au cours
duquel la lune ou le soleil font mine de nous abandonner. [René Garrus, Les Étymologies
surprises.]
Devinettes, jeux de mots, jeux de lettres
Une chanson d'Yves Duteil
AVOIR et ÊTRE
Loin des vieux livres de grammaire,
Écoutez comment un beau soir,
Ma mère m'enseigna les mystères
Du verbe être et du verbe avoir.
Parmi mes meilleurs auxiliaires,
Il est deux verbes originaux.
Avoir et Être étaient deux frères
Que j'ai connus dès le berceau.
Bien qu'opposés de caractère,
On pouvait les croire jumeaux,
Tant leur histoire est singulière.
Mais ces deux frères étaient rivaux.
Ce qu'Avoir aurait voulu être
Être voulait toujours l'avoir.
À ne vouloir ni dieu ni maître,
Le verbe Être s'est fait avoir.
Son frère Avoir était en banque
Et faisait un grand numéro,
Alors qu'Être, toujours en manque
Souffrait beaucoup dans son ego.
Pendant qu'Être apprenait à lire
Et faisait ses humanités,
De son côté sans rien lui dire
Avoir apprenait à compter.
Et il amassait des fortunes
En avoirs, en liquidités,
Pendant qu'Être, un peu dans la lune
S'était laissé déposséder.
Avoir était ostentatoire
Lorsqu'il se montrait généreux,
Être en revanche, et c'est notoire,
Est bien souvent présomptueux.
Avoir voyage en classe Affaires.
Il met tous ses titres à l'abri.
Alors qu'Être est plus débonnaire,
Il ne gardera rien pour lui.
Sa richesse est tout intérieure,
Ce sont les choses de l'esprit..
Le verbe Être est tout en pudeur
Et sa noblesse est à ce prix.
Un jour à force de chimères
Pour parvenir à un accord,
Entre verbes ça peut se faire,
Ils conjuguèrent leurs efforts.
Et pour ne pas perdre la face
Au milieu des mots rassemblés,
Ils se sont répartis les tâches
Pour enfin se réconcilier.
Le verbe Avoir a besoin d'Être
Parce qu'être, c'est exister.
Le verbe Être a besoin d'avoirs
Pour enrichir ses bons côtés.
Et de palabres interminables
En arguties alambiquées,
Nos deux frères inséparables
Ont pu être et avoir été.
Ce passé pas si simple.
Pour les amateurs de la belle langue que nous parlons, quelques plaisants exemples de
l'emploi du passé simple.
1. Non ! Ce n'était pas chose évidente que cette conversation tout en langue morte. Et pourtant
je la tins.
2. Hier, nous achetâmes le DVD d'un spectacle de Félicien Marceau et, tout de suite, nous le
mîmes.
3. Comment ? Vous avez mis à la casse votre vieille Volkswagen ? C'est bien dommage !
Tiens ! Vous souvient-il qu'un jour vous me la passâtes.
4. Bien que vous ayez laissé passer votre chance de cesser d'être une prostituée, un jour, vous
le pûtes.
5. Merlin n'était qu'un simple mortel jusqu'à ce qu'enchanteur il devint.
6. Deux vieux acteurs hollywoodiens discutent :
- Te rappelles-tu notre premier film... ce western dans lequel nous jouions les Indiens ?
- Oh oui ! Et je sais que nous nous y plûmes.
7. Vous saviez que ce manteau était tout pelé... Alors pourquoi le mîtes-vous pour la réception
d'hier soir ?
8. C'est dans ce tonneau que notre vin vieux fut.
9. On nous offrit une augmentation et, bien sûr, nous la prîmes.
10. Les moines brassèrent la bière et la burent.
11. Comme tout bon musulman qui se respecte doit s'y rendre au moins une fois, c'est cet été,
qu'au pèlerinage de La Mecque, il alla.
12. C'est bien parce que vous m'avez invité à goûter votre Beaujolais que je vins.
13. Charlotte Corday cacha le poignard en son sein, sortit de chez sa logeuse et, soudain, à
l'idée du crime qu'elle allait perpétrer, elle se marra.
14. Que la crevette était un insecte, vous le crûtes assez.
15. À l'idée qu'ils auraient pu y laisser leur vie, à grosses gouttes, ils suèrent.
16. Pour les prochaines vacances, l'idée d'aller en Arabie Saoudite, ils émirent.
17. C'est à cause du trou que cet enfant fit en bas de leur porte, que ses parents le châtièrent.
18. Elle était encore en train de lui bénir la poitrine à coup de surin lorsque les flics la
serrèrent.
19. Heureusement que vous avez retrouvé des capitaux ! Car mettre la clé sous la porte et
déposer le bilan, vous faillîtes!
20. Comment ? D'enfiler correctement ce pantalon, incapable vous fûtes ?
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