Sen A.

publicité
Sen A. (1999), Un Nouveau Modèle Economique. Développement,
justice, liberté, Odile Jacob, 2003.
Amartya SEN : sa vie, son œuvre. Fiche réalisée par Anne-Charlotte
MOUGENOT.
Chapitre 2 : Les Fins et les Moyens du développement. Fiche réalisée par
Sarah ZOUAK.
Chapitre 3 : La liberté et les fondements de la justice. Fiche réalisée par
Chloé LESCARRET.
Chapitre 4 : La pauvreté comme privation de capacités. Fiche réalisée par
Laura DAVY.
Chapitre 5 : Marché, État et opportunités sociales. Fiche réalisée par Laura
GERON.
Chapitre 7 : Famines et autres crises. Fiche réalisée par Lola DUBOSC.
Chapitre 8 : Le rôle actif des femmes et le changement social. Fiche
réalisée par Camille GUEUCIER.
Chapitre 9 : Population, ressources alimentaires et liberté. Fiche réalisée
par Marie TAMARA.
Chapitre 10 : Culture et droits de l’homme. Fiche réalisée par Sébastien
HERVO.
Amartya SEN: sa vie, son œuvre.
Fiche réalisée par Anne-Charlotte MOUGENOT.
I/ Courte biographie et parcours professionnel de Sen
Amartya Sen est né le 3 novembre 1933 à Santiniketan, en Inde. Il a d’abord
étudié les mathématiques et la physique à Presidency College à Calcutta, puis la
philosophie et l’économie à Trinity College. Après avoir enseigné l’économie à
Trinity, London School of Economics puis Oxford, et jusqu’en 1998 il a été
professeur d’économie à la prestigieuse université d’Harvard. De 1998 à 2004, il a
été directeur du Trinity College à l’université de Cambridge.
Son implication internationale est notamment marquée par sa contribution à
la
fondation
en
2003
du
« Collegium
international
éthique,
politique
et
scientifique », association qui s’engage à
apporter des réponses intelligentes et
appropriées aux nouveaux défis de l’humanité.
En 1998, Sen est lauréat du prix Nobel d’économie pour sa contribution à
l’économie du développement et du bien-être.
En 1999, il reçoit le Ratna, la plus haute distinction civile indienne.
En 1999 il est fait citoyen d’honneur du Bangladesh par le Premier Sheikh
Hasina en reconnaissance de ce qu’il a accompli en gagnant le Prix Nobel, et étant
donné que les origines de sa famille se trouvaient au Bangladesh. C’est également
en 1999 qu’il publie Un nouveau modèle économique (dont le titre original est
Development as freedom), où il reprend en douze chapitres les idées principales de
six conférences qu’il a données. Il y étudie la fonction de certaines libertés
instrumentales importantes et de leurs interconnexions (parmi lesquelles les
opportunités économiques, les libertés politiques, les dispositions sociales, les
garanties de transparence et la sécurité protectrice).
II/ Principaux travaux de Sen
Sen est présenté comme un économiste du développement. Pourtant, telle
n’était pas sa prétention initiale. Ce sont les questions concrètes du développement
qui ont renforcé sa conviction qu’il fallait penser l’économie en prenant en compte
les libertés individuelles : considérer Amartya Sen comme un économiste du
développement, c’est accepter que les questions éthiques sont pertinentes pour
juger des questions de développement.
Son étude porte à la fois sur la famine, la théorie du développement humain,
l’économie du bien-être, les mécanismes fondamentaux de la pauvreté, les
inégalités entre les hommes et les femmes et sur le libéralisme politique.
On peut distinguer deux moments dans les travaux de Sen.
D’une part, du début des années 1970 jusqu’au milieu des années 1980, il
enrichit la théorie du choix social (élaborée par l’économiste américain Kenneth
Arrow en 1963, qui a pour objet d'analyser la relation entre préférences
individuelles et décisions collectives et de déterminer s'il est possible de dériver des
préférences individuelles les préférences collectives) et aux questions d’inégalité.
Sen a montré sous quelles conditions le théorème d’impossibilité d’Arrow (démontré
en 1951, selon lequel aucune règle de choix social ne satisfait l’universalité,
l’unanimité, l’indépendance des alternatives non disponibles, la transitivité et
l’absence de dictateur) pouvait se résoudre. En 1981, dans Poverty an famines: an
essay on entitlements and deprivation, il montre que la famine n’est pas seulement
due au manque de nourriture mais aussi aux inégalités provoquées par les
mécanismes de distribution.
D’autre part, de 1980 à nos jours, il approfondit son analyse de ces
questions éthiques avec la philosophie politique et morale. Dans son article
«Equality of what », il propose une approche par les capabilités (qui désignent la
liberté réelle qu’a un individu de choisir une façon de vivre dans une situation
donnée) : sa conception d’une société juste est une société qui doit offrir à chacun
un même ensemble étendu de capabilités. Le projet de cette approche est de relever
les défis laissés par le welfarisme et le libertarisme, et de proposer un espace
d’évaluation de certaines questions normatives en mettant en avant les questions
nécessaires à de tels jugements (le bien-être individuel n’est pas fondé sur l’utilité
mais sur la liberté individuelle). Or une théorie de la justice doit inclure des
considérations d’agrégation mais aussi de distribution.
Enfin, Sen a inventé des méthodes pour mesurer la pauvreté qui permettent
d’obtenir des informations essentielles pour améliorer la condition des pauvres : il a
ainsi contribué à la mise au point de l’indice de développement humain.
Ainsi, Amartya Sen défend « une approche particulière du développement,
conçu comme le processus d’expansion des libertés substantielles dont les
gens disposent. La liberté y apparaît à la fois comme le but et comme un moyen
du changement.» L’analyse du développement exige une approche qui intègre les
rôles respectifs des diverses institutions (administration, associations, structures
législatives, judiciaires ou liées au fonctionnement du marché) et leurs interactions.
La formation des valeurs, l’émergence et l’évolution d’une éthique sociale sont aussi
des composantes du processus de développement.
III/ Quelques citations extraites d’Un nouveau modèle économique

« Surmonter ces handicaps –privations en tous genres, misère et
oppression, non-respect des droits des femmes ou de leur rôle, détérioration de
notre environnement…- est une tâche centrale pour le développement. Je
montrerai dans ces pages que nous devons prendre en pleine mesure le rôle des
libertés –et des libertés de toute sorte- pour combattre ces maux. »

« Nous ne devons pas perde de vue que notre liberté d’action est
nécessairement déterminée et contrainte par les possibilités sociales, politiques
et économiques qui s’offrent à nous. »

« La liberté apparaît comme la fin ultime du développement, mais
aussi comme son principal moyen. Le développement consiste à surmonter
toutes les formes de non-libertés, qui restreignent le choix des gens et réduisent
leur possibilité d’agir. La suppression de ces non-libertés est, selon la thèse
défendue ici, constitutive du développement. »
Dans la préface, Sen expose ainsi l’idée des libertés individuelles comme
élément essentiel du développement.
Chapitre 2 : Les Fins et les Moyens du développement
Fiche réalisée par Sarah ZOUAK
Sen
distingue
deux
attitudes
contradictoires
dans
le
processus
de
développement.
Le développement vu comme un processus brutal (« sang, sueur, larmes »),
où il faille une rigueur et une discipline au moment présent, pour pouvoir espérer
plus tard des aides sociales pour le peuple. Et le développement au sens de
processus essentiellement compréhensif, tel la promotion des échanges, pour par
exemple, pouvoir se développer au niveau social.
Sen rejoint plutôt l’idée d’un développement vu comme un processus
essentiellement « compréhensif ». Où le développement serait un processus
d’expansion des libertés réelles dont les personnes peuvent jouir.
Il définit l’expansion des libertés comme fin première, (« rôle constitutif ») et
également comme moyen principal pour accéder au développement (« rôle
instrumental »).
Le « rôle constitutif » concerne la liberté substantielle, facteur important pour
l’amélioration de la vie des êtres humains. Il entend par liberté substantielle, les
capacités élémentaires, c'est-à-dire le fait qu’il n’y ait pas de problème de famine, de
malnutrition ou au contraire qu’il y ait une libre expression dans le pays par
exemple.
Ici le développement s’accompagne de l’expansion des libertés fondamentales
et se ramène en même temps au processus même d’expansion des libertés.
Ainsi après en avoir fait la distinction, dans ce chapitre Sen se penche plutôt
sur l’efficacité de la liberté comme moyen. Il se demande comment différents
éléments liés à la liberté, nous amène au développement. Et insiste sur les
interactions entre les cinq différents types de libertés qui par divers chemin
entraînent le développement.
Pour expliquer de phénomène instrumental, il nous expose cinq types de
libertés, sur lesquelles il faut se concentrer individuellement, mais également en
établir les liens, pour une meilleure compréhension, car elles se complètent.
Sen distingue les libertés politiques, qu’il définit comme l’ensemble des
possibilistes offertes aux individus, aussi bien pour choisir entre divers partis
politiques, pour voter, ou encore pour déterminer qui gouverne et selon quel
principe. Les facilités économiques qui représentent les opportunités offertes aux
individus d’utiliser les ressources économiques à des fins de consommation, de
production ou d’échanges. Les opportunités sociales, c'est-à-dire les dispositions
prises par une société en faveur de l’éducation, de la santé ou d’autres postes et qui
accroissent les libertés qu’ont les personnes pour mieux vivre. Les garanties de
transparence, qui permettent de lutter contre la corruption ou l’irresponsabilité
financière par exemple. Et enfin la sécurité protectrice qui subsiste aux personnes
les plus vulnérables.
Ces libertés précédemment développées améliorent la capacité des individus
et entretiennent des relations de réciprocité permettant leur propre renforcement.
Ainsi la création d’opportunités sociales tel le développement de l’éducation
publique, ou des services de santé, entraînent une baisse du taux de mortalité et de
meilleures conditions de vie. Et cette baisse du taux de mortalité, améliore les
conditions de natalité, qui eux mêmes renforce le développement de l’éducation.
C’est en ce sens qu’on peut parler d’interconnexions et de complémentarités
entre ces différentes libertés.
Il illustre cela en prenant le cas du développement d’opportunités du Japon,
notamment pour l’éducation. Ainsi, au Japon, la qualité de ses ressources
humaines, dépendant de l’éducation ou de la santé, a permis le développement
économique. Sen nous explique que le « développement humain », n’est pas
seulement
réservé
développement,
et
aux
selon
pays
les
riches.
facteurs
Que
qui
différents
nous
chemins
permettent
mènent
celui-ci,
au
une
interconnexion renforce le plus souvent le processus.
Sen développe ensuite, les multiples disparités entre la Chine et l’Inde, qui
sont dans un processus d’ouvertures de leurs économies, et présentent leurs
différences en terme de maturités sociales (taux d’alphabétisation, conditions
sanitaires, démocratie, famine…).
Les libertés instrumentales entretiennent donc des interconnexions entre
elles. Et pour expliquer l’influence de celles-ci, il s’appuie sur l’étude de la longévité
et l’espérance de vie à la naissance.
Sen nous montre que notre vision de la liberté est trop restrictive, et que la
croissance économique, ne la définit pas à elle seule. Il explique que souvent établir
un lien entre le revenu par habitant et la longévité est inapproprié. Il est vrai que
lors d’une comparaison statistique entre ces deux dernières variables, on aboutit à
une certaine corrélation. Mais Sen explique en s’appuyant sur l’analyse de S. Anond
et M.R que le lien établi entre le revenu par habitant et la longévité dépend de deux
facteurs : l’impact du PNB sur les revenus des plus vulnérables économiquement et
sur la dépense publique, notamment au niveau de la santé. Le véritable lien n’est
pas qu’une augmentation du PNB entraîne une augmentation de l’espérance de vie.
Mais ce que l’on fait de ce PNB, pour permettre une meilleure espérance de vie. Le
nœud du problème se situe dans les dépenses publiques et de son utilisation au
profit des plus pauvres.
Il illustre cela en montrant qu’un pays ayant une économie à fort taux de
croissance peut également avoir, une amélioration de son espérance et de sa qualité
de vie, ce qui découle de la logique de départ. Mais celle-ci n’est pas toujours
respectée, un taux de croissance en expansion n’entraîne pas toujours cette
amélioration des conditions de vie (Brésil).
Sen définit avec son collaborateur J.Dreze, les deux voies pour restreindre la
mortalité, celle « par la croissance », permise comme son nom l’indique par une
forte croissance économique. Elle permet de développer plusieurs services comme
l’éducation ou la santé. Et celle « par le soutien », elle n’utilise point la croissance
économique et fonctionne grâce à divers programmes sociaux, mise en place
spécifiquement pour cela.
A l’aide de plusieurs organigrammes, Sen montre que le processus « par la
croissance » permet de nombreux avantages car grâce à celle-ci on a les moyens
d’éviter l’analphabétisme par exemple. Il montre également que les politiques « par
le soutien » aboutissent à des résultats moins satisfaisants, que par des politiques
par « la croissance », qui elles permettent une nette amélioration des conditions de
vie. Par contre avec la politique « par le soutien », on n’a pas besoin d’être assez
« prospère » pour mettre en place ces politiques de développement, il suffit de mettre
en place des services adaptés à la population.
Tout ceci est illustré avec le modèle de la Grande Bretagne et notamment de
sa réduction du taux de mortalité, développé grâce à des tableaux décrivant
l’évolution de l’espérance de vie.
Sen termine ce chapitre en évoquant les connexions entre démocratie et
incitation politique. Il montre que dans un pays ayant des libertés politiques et des
droits d’usages, celui-ci ne peut connaître une crise telle que la famine, grâce à la
sécurité permise pas la démocratie.
Dans ce chapitre Sen a développé l’idée, que la liberté dans le cadre du
processus de développement est à la fois l’objectif et le moyen. Il illustre le tout
grâce à plusieurs études empiriques concernant divers pays, et développe les
différents termes de libertés menant au développement et en a établi les liens de
réciprocité.
Il montre que pour atteindre ce processus de développement, il faut que la
liberté en soit la matrice et que les personnes soient considérées comme des acteurs
à part entière, jouant un rôle majeur dans ce développement.
Chapitre 3 : La liberté et les fondements de la justice.
Fiche réalisée par Chloé LESCARRET.
Le célèbre économiste tente de concilier le souci de la croissance avec les
exigences humaines et éthiques. Le monde n'est pas seulement partagé entre riches
et pauvres. Il est aujourd'hui divisé entre ceux qu'inquiètent les ravages du
capitalisme global et ceux qu'effraie la terreur que font régner les États qui brident
la liberté individuelle et l'initiative privée. Comment faire en sorte que la prospérité
économique permette à chacun de vivre comme il le souhaite ?
Une partie de sa recherche appuyée sur la micro-économie et l'individualisme
méthodologique porte sur la théorie des choix collectifs. Un nouveau modèle
économique constitue une synthèse des principaux travaux de Sen, qui tous
s'articulent autour du thème des libertés réelles dont jouissent les individus.
Dans ce chapitre, Amartya Sen dit que toute notion de justice suppose que
l’on ait fait un choix entre plusieurs principes possibles et que l’on dispose d’une
base d’information adaptée. Or les bases d’information qui servent de référence – de
façon explicite ou implicite – aux utilitaristes, aux libertariens ou aux rawlsiens
sont affectées de sérieux défauts, dès que l’on accorde toute son importance aux
questions des libertés individuelles.
L’utilitarisme classique développé par J. Bentham, ne retient que l’ « utilité
», c’est à dire le plaisir, le bonheur ou la satisfaction et ignore non seulement des
données aussi capitales que les libertés individuelles, l’exercice ou la violation des
droits légaux, mais aussi la distribution réelle des « utilités » ; autre critique : les
catégories mentales comme le plaisir ou le désir sont trop malléables pour servir
d’étalon. A la suite de Rawls, les libertariens ne s’intéressent pas aux notions de
bonheur ou de contentement des désirs mais seulement aux droits et aux libertés
; mais pourquoi donner à la liberté la priorité devant la satisfaction de besoins
économiques vitaux ?
La théorie contemporaine du choix emploie la notion d’utilité mais en
l’identifiant simplement à la représentation numérique du choix d’une personne,
pour répondre aux critiques qui ont montré que les comparaisons interpersonnelles
des états d’esprit de personnes différentes n’avaient aucun sens. On se borne donc
à regarder le comportement des gens.
A. Sen passe en revue toutes les variables qui s’interposent entre le revenu et
le bien-être – notion qui englobe la liberté, l’hétérogénéité des revenus, les services
publics, la nature des relations sociales, la disposition des « biens premiers » de J.
Rawls (« les droits, les libertés et les opportunités, le revenu et la richesse, et les
base sociales de l’estime de soi »)
Quant à lui, il propose de prendre en compte les libertés individuelles (qu’il
distingue des utilités) et aussi leurs conséquences et d’approcher la justice par les «
capacités ». Il est alors important de prendre en compte non seulement les biens
premiers détenus par les individus, mais aussi les caractéristiques personnelles
qui commandent la conversion des biens premiers en facultés personnelles de
favoriser ses fins. Pour cela il recourt au concept de « fonctionnement », issu en
droite ligne de l’aristotélisme et de « capacité ». D’une part, la combinaison des
fonctionnements, pour une personne donnée, reflètera ses accomplissements réels
et d’autre part, l’ensemble des capacités représentera sa liberté d’accomplir, c’est à
dire les combinaisons de fonctionnements possibles à partir desquelles cette
personne peut choisir. Alors l’évaluation peut porter sur les fonctionnements
réalisés ou sur les capacités.
Les
comportements
individuels
se
prêtent
mieux
aux
comparaisons
interpersonnelles que les utilités; mais les comparaisons des avantages globaux
exigent encore une fois une opération d’ « agrégation » de composants
hétérogènes. Or l’expérience montre que, bien que cela soit théoriquement
impossible, il existe des procédures qui permettent d’établir un ordre « complet » ou
presque complet, pour évaluer et comparer une organisation sociale.
Laura
Davy
La nouvelle économie
Amartya Sen
Chapitre 4 : La pauvreté comme privation de capacités
Fiche réalisée par Laura DAVY
D'après A. Sen la pauvreté n'est pas due seulement à des revenus trop
bas mais aussi à un manque de capacités, qui est alors la « vraie » pauvreté.
Selon lui, une faiblesse des revenus est une des causes de cette vraie
pauvreté et cette relation est différente selon les pays et les sociétés. Il apparaît
alors que d'autres facteurs interviennent, parfois combinés (aggravant alors la
situation des individus) comme l'âge des personnes, le sexe, le rôle social, la
situation géographique, l'environnement épidémiologique (= si des maladies sont
récurrentes à certains endroit comme le palus ou le sida).
S'ils sont combinés et qu'il n'existe aucune aide (publique par ex), un cercle
vicieux s'installe (une personne âgée aux faibles revenus sera incapable de
travailler, n'aura donc pas de revenu etc.).
Sen ajoute que le modèle familial peut être un autre facteur de pauvreté
réelle lorsqu’il est combiné avec la faiblesse des revenus : dans bien des sociétés les
garçons sont favorisés et reçoivent plus d'argent que les filles. Même si ce problème
est a priori inexistant en Amérique du nord et en Europe, il peut encore se trouver
quelques exemples de discrimination sexuelle comme en Italie où le travail au noir
des femmes d'après Sen est des plus élevés par rapport au travail légal.
D'autre part, être pauvre dans un pays riche, même si avec ce même revenu
on serait riche dans un pays pauvre, est très handicapant car ne permet pas de se
conformer aux normes de la société dans laquelle on vit. L'exclusion sociale alors
occasionnée peut entrainer une privation de capacité qui entrainera des revenus
bas etc.
Sen précise que des structures adéquates permettent de surmonter
l'incapacité de revenu, qui reste le principal facteur de pauvreté réelle : l'éducation
et un système de santé efficaces sont les dénominateurs communs des pays où la
pauvreté est la plus faible. En effet, il y a alors une étroite corrélation entre
développement social et économique comme le montre son exemple de l'Inde, où
même si des réformes économiques ont été appliquées, les individus n'étant pas
assez préparés, le résultat à été globalement minime, sauf au Kerala (région de
l'Inde) où aux transformations économiques fut ajoutée une préparation de la
population, via l'information et l'éducation.
A l'inverse, les économies asiatiques comme la Corée du sud, Singapour ou
Taïwan ont réussi un coup de maître en combinant éducation, santé et
développement économique.
Donc il semble que si une politique publique doit intervenir, elle ne doit pas
se focaliser uniquement sur les revenus mais aussi sur l’éducation, la santé etc.
car ils sont tous interdépendants.
En ce qui concerne les inégalités, Sen souligne que dans une perspective
d'équité, elles sont inexcusables. Les choix économiques doivent être fondés sur
la notion de justice, plus précisément la justice définie par John Rawls « justice
comme équité ».
Mais il insiste sur le fait que souvent, la volonté de diminuer les inégalités
entraine
de
nombreux
conflits,
notamment
à
propos
des
considérations
agrégatives (celles dont il suit qu'une détérioration de la condition du plus mal loti
peut conduire à plus de justice si elle engendre une amélioration de la condition
moyenne) ou distributives (celles dont il suit qu'une détérioration de la condition
du plus mal loti peut conduire à plus de justice si elle engendre une égalité plus
grande des conditions).
D'autre part, des conflits reposent sur le point de départ que l'on choisit pour
évaluer l'ampleur des inégalités, car certaines seront plus ou moins fortes en
fonction de notre position initiale.
Au niveau des inégalités, adopter la définition stricte de pauvreté comme
insuffisance de revenus ou des incapacités implique des différences : avoir des
revenus suffisants pour ne pas être considéré comme pauvre (même dans le pays le
plus riche) mais par ailleurs ne pas avoir le droit de voter, être gravement malade
ou au chômage entrainent des inégalités.
En revenant sur le problème du chômage (en Europe), Sen explique que si le
chômage n'avait pour conséquence qu'une privation des revenus, les politiques
budgétaires menées par les Etats en distribuant de nouveaux revenus suffiraient à
éradiquer ces pures inégalités de revenus. Cependant, il souligne le fait que la
perte d'un emploi entraîne d'autres conséquences sur la vie de l'individu,
notamment sociales, morales et mentales, et que celles-ci ne peuvent être
compensées par une simple distribution de revenus.
Ainsi, même si l'Europe de l'Ouest enregistre des records liés à la répartition
des revenus, les inégalités n'en sont pas éradiquées. Le chômage est alors une
cause des inégalités puisqu’il détériore la vie des individus.
On en vient alors à comparer les systèmes sociaux américain et européen.
Aux Etats Unis, si l'on se base sur l'observation des inégalités de revenus, les noirs
américains sont clairement défavorisés au niveau national, mais au niveau
mondial sont placés assez haut dans l'échelle des revenus (par rapport aux pays du
tiers monde par exemple). Il convient alors de comparer grâce à un autre critère,
comme par exemple celui des chances d'atteindre l'âge adulte. En ces termes,
les chinois (plus pauvres) ou encore les sri lankais sont mieux placés. Mais le
climat de violence dans lequel les Afro-Américains vivent n'explique pas entièrement
cette mortalité car dépassé l'âge adulte, elle ne baisse pas. Ainsi, entre 35 ans et 54
ans, en prenant en compte le niveau de revenus le taux de mortalité de femmes
noires est 3 fois supérieur à celui des femmes blanches et celui des hommes noirs
est 1,8 fois supérieur à celui des hommes blancs.
A l'inverse, les Européens sont favorisés au regard des capacités de
survivre, notamment grâce à la sécurité sociale, indissociable de l'Etat providence.
Cela s'explique par les différences de perception des inégalités et de leurs causes :
alors que les Etats Unis privilégient la réussite personnelle et matérielle, les
européens privilégient la santé.
Après avoir comparé les inégalités dans les deux espaces les plus riches, Sen
s'intéressent aux deux les plus pauvres: l'Inde et l'Afrique subsaharienne. Mis à
part les inégalités de revenus, il existe dans les deux espaces des inégalités
d'espérance de vie, des forts taux de mortalité et des taux d'alphabétisation
extrêmement faibles. Même si les indices des deux espaces sont proches en ce qui
concerne ces deux derniers taux, l'espérance de vie est plus élevée en Inde (environ
60 ans) qu'en Afrique subsaharienne (environ 52 ans). Mais l'Inde est plus atteinte
par la malnutrition (infantile surtout) et les inégalités liées au sexe que l'Afrique
subsaharienne. Enfin, ces inégalités peuvent s'expliquer par le système politique en
vigueur. L'indépendance de l'Inde a entrainé une éradication des famines et
des guerres. L'instabilité politique africaine n'a fait que les renforcer. Ce sont
tout autant d'obstacles à la mise en valeur des capacités, donc à la diminution de la
pauvreté réelle.
Ensuite, Sen se propose d'étudier les inégalités persistantes entre les sexes,
en particulier à l'égard des femmes, ces injustices privant de
capacités
élémentaires. Alors que les femmes dans les pays occidentaux tendent à dépasser le
nombre d'hommes (rapport supérieur à 1), certains pays du tiers monde comme
l'Asie et l'Afrique du Nord connaissent une situation inverse. Le nombre de
« femmes manquantes », quelque soit le rapport choisi, se situe toujours, d'après
Sen, entre 60 millions et un peu plus de 100 millions pour l'ensemble de pays
considérés, dans lesquels la Chine et l'Inde occupent les premiers rangs.
Les taux de mortalité dans ces pays, surtout des petites et jeunes filles,
s'expliquent (mis à part le fait qu'elles font régulièrement mais rarement l'objet
d'infanticides) par la négligence dont elles sont victimes en matière de santé et de
nutrition. Ces explications sont valables non seulement pour l'Inde, mais aussi
pour les autres pays.
Pour conclure, Sen note que même si les travaux des économistes semblent
parfois se consacrer exclusivement à l'efficacité économique, certains économistes
s'attardent sur la notion d'inégalité. Sen reconnaît que ces derniers peuvent être
critiqués parce qu'ils limitent la question des inégalités à celle des inégalités de
revenus, alors que nous avons vu tout au long du chapitre que certes, la faiblesse
des revenus était la principale cause de la pauvreté mais que d'autres facteurs
doivent entrer en ligne de compte pour apprécier la pauvreté réelle, caractérisée par
une privation des capacités.
D'autre part, cette définition restrictive de l'inégalité influence les politiques
publiques qui sont alors trompées par cette définition. Les privations liées au
chômage, la santé, le manque d'éducation et l'exclusion sociale sont alors ignorées.
Il
faut
donc
différencier
inégalités
de
revenus
et
inégalités
économiques. On a pu observer avec l'exemple des Afro Américains et des Chinois,
que malgré des inégalités de revenus, les Chinois sont plus avantagés en termes
d'espérance de vie. Cela signifie que les politiques publiques doivent prendre en
compte d'autres facteurs afin d'éradiquer les inégalités. Ainsi, comme la relation
entre revenus et sa « conversion » en fonctionnement, en capacité, n'est pas
automatique, les politiques publiques doivent considérer les différences entre les
individus, leur modèle social, leurs ambitions etc., cela revient à considérer les
choix des individus, et à assimiler le fait que pour le même objectif (bien être),
2 individus ne feront pas appel aux mêmes moyens. D'autres informations que
le revenu et les biens sont à évaluer, c'est pourquoi le débat publique est nécessaire
pour construire une politique publique adéquate et satisfaisante et que la
démocratie apparaît comme une condition nécessaire à la réduction des inégalités
et de la pauvreté.
Chapitre 5 : Marché, État et opportunités sociales.
Fiche réalisée par Laura GERON.
Dans ce chapitre, Sen s’intéresse tout particulièrement aux notions de
marché, de libertés, d’efficacité économique et d’intervention de l’État.
Il souligne tout d’abord le fait que le mécanisme de marché est totalement
intégré aujourd’hui dans la vie économique, et est même devenu nécessaire. Or, il
estime qu’un examen minutieux de celui-ci s’impose afin d’en remanier certains
points, et cela en retenant ce qu’il y a de plus pertinent entre les deux approches
extrémistes du marché pour converger vers une « voie moyenne ».
Selon lui, il faut relativiser les succès de cette économie de marché, et pour
cela il juge judicieux de mettre en lumière les raisons de la mise en place du
marché, et non pas ses résultats effectifs. En effet, la création de ce système de
marché s’explique par l’existence d’une liberté fondamentale qui ne peut être
niée : celle de réaliser des transactions. Cette même liberté étant omniprésente et
évidente, elle est rarement prise en compte dans les analyses économiques. Or,
lorsqu’elle se voit entravée par des lois, des règlements, par la tradition, cela
représente un handicap majeur. Cette liberté est d’autant plus importante sur le
marché du travail, ainsi que le droit à la « participation économique » qui inclut le
droit à la libre recherche d’un emploi. De plus, toutes les études historiques
considèrent la mise en place de marchés libres en général comme une étape
cruciale du développement, déjà atteinte ou bien constituant un objectif essentiel. Il
illustre sa position en prenant 4 exemples dans lesquels ces libertés ne sont pas
respectées afin de mettre en évidence leur nécessité, et la complémentarité
existante entre
ces mêmes libertés et celles qui résultent de
l’existence
d’institutions indépendantes du marché, créées afin d’optimiser le fonctionnement
de ce dernier. Enfin, il rappelle la nécessité de la libre discussion concernant
l’ensemble des problèmes sociaux et l’avantage des actions de groupes organisés,
visant à réduire, voire supprimer ces problèmes.
Il rejoint les modèles classiques de l’équilibre démontrant l’efficacité
du mécanisme de marché (tel que l’optimum de Pareto) et induisant que les
résultats de ce mécanisme ne peuvent être améliorés de façon à ce l’utilité de
chacun s’en trouve augmentée. Néanmoins, cette efficacité doit se mesurer selon
lui en termes de libertés individuelles plutôt que d’utilités. Dans ce cas, un
marché concurrentiel équilibré garantit le fait que personne ne peut voir sa
liberté accrue sans porter atteinte à la liberté de tous les autres. Il ajoute que
pour évaluer la liberté, il faut tenir compte du nombre d’options possibles pour
chaque individu et de l’attractivité de chacune de ces options. Il établit donc
l’existence d’un rapport liberté-efficacité : l’efficacité doit se greffer sur ces options.
Pour Sen, ce dont il est question pour atteindre l’optimum n’est pas la réalisation
d’intérêts mais la disponibilité de libertés, ce qu’il appelle la perspective des
libertés substantielles.
Cependant, il remarque que certaines inégalités dans la distribution des
utilités et des libertés subsistent, et qu’il en existe encore plus en termes de
libertés substantielles et de capacités, c’est à dire les facilités d’utiliser de la
meilleure manière possible un revenu. Donc l’efficacité du marché peut être limitée
(soit par les inégalités de liberté au sein du marché ou comme résultat du marché).
Il insiste alors sur le fait qu’il faut résoudre ces problèmes d’équité, en partie grâce
à l’intervention sociale d’institutions indépendantes ou gouvernementales (la
Sécurité Sociale étant jugée insuffisante) simultanément avec l’objectif d’efficacité,
en élaborant des priorités sociales générales.
Les intérêts des groupes étant satisfaits en fonction du poids politique ou de
l’influence dont ils disposent, certains peuvent tenter de restreindre un libre
déploiement des marchés dans l’économie qui leur serait désavantageux, surtout
sur les marchés monopolistiques. Pour empêcher ce genre de situation, Sen
préconise plus de libertés de débattre et de participer aux décisions politiques,
car pour lui dans la confrontation démocratique l’intérêt commun a de meilleures
chances de s’imposer contre l’intérêt d’un seul. Ainsi, certaines libertés (liberté
politique ici) contribuent à l’établissement d’autres libertés (ouverture économique
et libertés qu’elle entraîne).
De plus, il souligne la nécessité d’un examen critique du rôle des marchés
car selon lui les « signaux » du marché peuvent être trompeurs. Effectivement, il
existe des situations particulières dans lesquelles le profit personnel et ses
motivations s’exercent à l’encontre de l’intérêt social, c’est à dire de l’intérêt général
(ex: pollution ou destruction de l’environnement résultant de certaines productions
privées). Ainsi, après avoir démontré le rôle important du commerce et de l’échange
dans la vie humaine, Sen veut examiner les autres conséquences des transactions
sur le marché.
Il affirme alors qu’il existe une réelle nécessité de créer un équilibre entre le
rôle du gouvernement (et les autres institutions sociales ou politiques) et le
fonctionnement des marchés pour atteindre et expliquer le développement. Selon
lui, le fait de tirer le meilleur du fonctionnement du marché et de développer les
opportunités sociales devrait s’inscrire dans le cadre d’une approche plus large
destinée à favoriser des libertés d’autres types (droits démocratiques, garantie de la
sécurité,
possibilités
de
coopérations…).
De
ce
fait,
les
diverses
libertés
instrumentales utilisées pour atteindre un certain développement remplissent des
fonctions indispensables et se renforcent mutuellement.
Les raisons qui justifient l’existence d’institutions complémentaires au
marché sont pour Sen l’importance de l’équité et la nécessité de dépasser les
considérations d’efficacités. Même dans le domaine de l’efficacité, le marché se
montre parfois défaillant, surtout à l’égard des biens publics. Sen s’oppose en effet
à l’idée que tout (et surtout ce qui exerce une influence significative sur notre bienêtre) peut acquérir le statut de marchandise car certains de ses éléments peuvent
se révéler difficiles à vendre exclusivement à une seule personne à la fois : c’est le
cas des biens publics qui sont consommés collectivement et non individuellement
(ex : domaine de la protection, de l’environnement ou de la santé publique). Donc le
mécanisme du marché concerne les biens privés plus que les biens publics. Ou
semi-publiques (comme l‘éducation par exemple), car les avantages que la
collectivité en retire sont supérieurs aux bénéfices individuels puisque ce sont des
facteurs de changement social et de progrès. Ainsi, l’existence de biens publics
justifie que l’on se situe au-delà du mécanisme de marché. Les investissements
sociaux doivent satisfaire les capacités élémentaires, ce qui amène à penser que les
critères d’efficacités et l’exigence d’équité se combinent pour justifier l’aide publique
aux biens publics ou semi-publiques.
Mais Sen ne nie pas qu’il existe des arguments défavorables à l’aide
publique, tels que le fait que la charge fiscale s’alourdit dès que le projet prend de
l’ampleur ou encore le problème des incitations (l’aide publique peut parfois
décourager
l’initiative).
Ainsi,
tout
transfert
est
susceptible
d’altérer
le
fonctionnement des incitations dans l’économie. Donc l’étendue de l’aide sociale
qu’une société peut fournir dépend des coûts et des incitations. Il faut donc
mesurer l’effet de la compensation du salaire sur le comportement des individus
pour déterminer le choix d’un équilibre optimal entre équité et efficacité.
Or, l’importance des effets incitatifs peut varier selon les critères retenus.
Pour analyser le niveau de pauvreté, il faut observer la privation des capacités
et non la simple faiblesse du revenu, car sa valeur dépend de nombreuses
circonstances
sociales
et
économiques.
Pour
cela, il
faut observer les
comportements réels des individus, c’est à dire leurs fonctionnements (longévité,
état de santé, alphabétisation…) que l’on complétera par d’autres informations afin
de réaliser une interprétation réaliste de ces résultats. Sen pense que limiter le
champ informationnel aux simples fonctionnements est beaucoup plus pertinent et
instructif que les seules statistiques relatives au revenu : cela permet d’éviter la
manipulation d’information et de faire apparaître plus clairement les politiques à
effectuer pour 4 raisons :
- le raisonnement, la faculté de choisir de chaque individu vont à l’encontre
d’un quelconque consentement aux privations
- les revenus ne sont pas la seule source de réduction des capacités
- les motivations des destinataires potentiels vont plus loin que la seule
maximisation du revenu
- on met au premier plan l’éducation et la santé, qui ne sont ni échangeables
ni revendables
Il y a donc des avantages à cibler le déficit de capacités plutôt que les faibles
revenus. Cependant, cette approche ne dispense pas de prendre en compte la
pauvreté économique des prestataires potentiels. Le problème est alors le suivant :
comment doivent être distribués les financements publics ? Aujourd’hui, le
financement des services publics s’oriente de plus en plus vers une politique de
contrôle des ressources : la difficulté de ce genre de méthode est alors que
l’opération
n’entraîne
pas
d’effet
pervers.
Néanmoins,
certains
problèmes
apparaissent :
- Distorsion d’information : c’est à dire manipulation de l’information. Pour
y remédier, il est possible de mettre en place un système de contrôle mais cela est
susceptible de dissuader certains destinataires potentiels. Par ailleurs, ce contrôle
peut être contourné également.
- Distorsion des incitations : l’assistance ciblée peut influencer le
comportement économique des individus (on peut citer l’exemple des allocations de
chômages qui incitent certains individus à ne pas travailler )
- Désutilité et stigmatisation : un système d’aide qui définit ses
bénéficiaires comme pauvres a nécessairement des effets sur le respect que les
individus éprouvent pour eux-mêmes et sur le respect que la société leur manifeste
(parfois, cela va jusqu’à une certaine marginalisation)
- Coûts administratifs, pertes généralisées et corruption : la procédure de
ciblage suppose des coûts administratifs importants, empiète sur la vie privée et
restreint l’autonomie des personnes par ses collectes d’information, ses procédures
d’enquête et de contrôles. De plus, il existe un déséquilibre de pouvoir entre le
bureaucrate et le solliciteur de l’aide, ainsi qu’une possibilité de tentative de
corruption sur les bureaucrates par les bénéficiaires éventuels
- Permanence et qualité : les prestataires de l’aide sociale ciblée ont peu de
poids politique et des moyens d’expression trop faibles pour faire valoir leurs
intérêts et défendre le maintient de la qualité des services.
Ainsi, le contrôle des ressources et le ciblage ont des aspects contreproductifs et des effets pervers.
Pour
Sen, des compromis s’imposent : une bonne approche est celle qui
tient compte des circonstances (c’est à dire de la nature de services publics offerts
et des caractéristiques sociales du pays dans lequel ils sont offerts). Mais il ne faut
pas négliger l’emprise des codes de conduites moraux qui influencent la motivation
et les choix individuels. Il faut également prendre en compte le rôle d’agent (c’est à
dire appréhender les individus comme des agents plutôt que comme des récepteurs
passifs) ainsi que l’importance des informations concernant les privations de
capacités (qui constituent la priorité). Donc les prestations de service public
supposent un travail préalable d’information.
Or la question qui se pose est celle des effets des excès de l’État. Pour les
théories conservatrices, la priorité est accordée à la stabilité des prix. Sen rejoint
cette idée et dit « qu’il faut connaître le coût de l’inflation lorsqu’on la tolère et le
comparer au coût de sa réduction ou de son élimination ». Il distingue néanmoins le
radicalisme anti déficit (qui est contre toute inflation) et le véritable conservatisme
financier, qui tolère une inflation ponctuelle. Sen dit de plus que ce n’est pas
normal de donner la priorité, de nos jours, à l’absence d’inflation et de tolérer en
contrepartie des taux de chômage élevés. Il veut au contraire donner la priorité à
l’élimination des privations de capacités impliquées par ces taux élevés de chômage.
Il explique donc qu’il faut tolérer les déficits (et de ce fait une certaine
inflation) car la dépense publique sert aussi à garantir de nombreuse capacités
élémentaires. L’évaluation comparative des différents postes de la dépense
publique est indispensable. Si on considère une perspective de développement
comme liberté, il faut tenir compte conjointement des institutions et voir comment
elles sont susceptibles de fonctionner ensemble.
Pour conclure, Sen dit que le problème ne réside pas dans l’existence du
marché en tant que « dispositif interactif qui permet aux hommes d’entreprendre
des activités mutuellement avantageuses », mais dans le fonctionnement et les
résultats de celui-ci, ainsi que dans notre manière de l’appréhender et de l’évaluer.
Pour régler ce problème, il faut permettre aux marchés de mieux fonctionner et de
façon plus équitable. Pour cela, il faut des politiques publiques appropriées donc
une
complémentarité
entre
le
marché
et
la
politique
publique.
Mais
le
fonctionnement du marché ne donne pas la solution à tous les problèmes, il doit
être complété par la création des opportunités sociales élémentaires favorisant
l’équité et la justice sociale. Le développement humain est donc le but visé en tant
que création d’opportunités sociales qui contribuent à l’expansion des capacités et
de la qualité de vie, et favorise les facultés productives des individus et donc le
partage de la croissance économique. Ainsi, la maîtrise des coûts peut permettre de
le canaliser vers les directions les plus productives. Donc le conservatisme financier
n’est pas incompatible, mais uniquement si l’affectation des ressources publiques
se réalise à des fins en relation avec un quelconque bénéfice social.
Chapitre 7 : Famines et autres crises.
Fiche réalisée par Lola DUBOSC.
La famine est aujourd’hui encore un phénomène très présent dans le monde.
Face à ce problème les solutions se font de plus en plus rares et le pessimisme
alimente les esprits.
Cependant cet abandon généralisé ne s’avère pas être fondé puisque aucune
analyse n’a encore démontré que l’éradication de ce fléau était impossible. Au
contraire, des études récentes montrent la possibilité de combattre les phénomènes
de privation nutritive grâce à des politiques adéquates.
Dans ce chapitre Amyarta Sen se focalise sur l’ensemble des crises nutritives
inopinées et leurs conséquences. Pour lui toute tentative d’éradication de la famine
suppose une compréhension des causes de ce fléau.
DROITS D’ACCES ET INTERDEPENDANCE:
Plusieurs variables économiques (telles que la production, le développement
de l’agriculture ou le contexte politique et économique) ainsi que le rôle des
Institutions (partis politiques, ONG, médias…) sont fortement impliqués dans ce
phénomène alimentaire. Ainsi la famine s’explique par des interdépendances
économiques et sociales.
Dans une société développée, l’accès à l’alimentation se gagne et est
symbolisé par des « droits d’accès ». Ces derniers sont déterminés par deux
dotations: la propriété foncière et la force de travail. Ces dotations permettent alors
aux agents de trouver un emploi et d’accéder au marché des denrées alimentaires.
On comprend ainsi que la famine puisse être liée à des disfonctionnements
de l’économie.
LES CAUSES DE LA FAMINE:
Selon Sen, la famine n’est pas due à un mauvais calcul entre production et
offre de denrées alimentaires, le problème est beaucoup plus complexe et peut
toucher tout le monde.
Les causes sont variées.
Dans les pays pauvres aucun système d’assistance n’est mis en place pour
assurer un revenu minimum à des travailleurs agricoles ou industriels ayant
perdu leur emploi. Dans ce cas ils perdent leurs droits d’accès aux marchandises.
Ensuite, les producteurs agricoles vendent souvent des produits chers
(viande…) à des couches de la population ayant un fort pouvoir d’achat afin de
s’acheter des produits moins chers (céréales) pour leur consommation personnelle.
Seulement, en période de crise les denrées chères ne se vendent pas et les
producteurs n’ont plus de revenu pour acquérir de la nourriture. [exemple du
Bengale en 1974]
La famine peut aussi être causée par un disfonctionnement localisé de
l’économie. Dans ce cas les couches pauvres de la population ne peuvent plus
accéder aux denrées alimentaires (car ils n’ont plus de ressources) et subissent la
famine sans que le pays ne soit affecté par la pénurie.[exemple en Éthiopie en 1973]
Pour finir, l’augmentation brutale du pouvoir d’achat de certaines
couches sociales entraîne une hausse considérable des prix alimentaires
impliquant ainsi une famine pour les plus pauvres.
Les famines sont toutes de nature et d’importance différentes mais elles ne
touchent la plupart du temps pas plus de 10% de la population. Les personnes
touchées sont souvent les plus pauvres alors que la famine épargne les couches
sociales supérieures. [exemple de la famine Indienne en 1344-1345].
LA PREVENTION DE LA FAMINE:
Puisque la famine est due à la perte des droits d’accès aux biens alimentaires
(par une perte de revenus préalable), la solution pourrait être de maintenir un
niveau minimal de revenu selon un système d’assurance. La famine ne semble
toucher au maximum que 10% de la population (les personnes les plus démunies
financièrement) qui ne représente que 3% du PNB. L’argent qu’il faudrait alors
injecter pour leur assurer un droit d’accès aux denrées alimentaires ne
représenterait pas une part très élevée des faibles budgets de ces États.
A ce système d’assurance s’ajoute aussi une action publique afin de réduire
la mortalité liée aux famines.
D’autres systèmes de prévention existent, comme nous le montre les pays en
voie de développement. En effet ces pays, faute de système d’assurance chômage
mettent en place en période de crise, des politiques de création d’emplois afin
d’assurer un revenu minimum à la population. [exemple en Maharastra en 1973].
FAMINE ET ALIENATION:
La prévention de la famine passe par une action importante de l’État
(aliénation). Cependant la distance politique et sociale existant entre les dirigeants
et la population peut faire échouer cette prévention.
La famine des années 1840 en Irlande nous en apprend beaucoup à ce
sujet.
En effet la baisse de la production alimentaire et donc par suite, la flambée
des prix alimentaire fut déclenchée par la crise de la pomme de terre. Les Irlandais
ont perdu leur droit d’accès aux biens de consommation car ils n’avaient plus de
liquidités. Le pays, appauvri financièrement, ne pouvait donc pas importer de biens
de consommation alimentaire. Au contraire une politique d’exportation de produits
alimentaires vers l’Angleterre fut mise en place car le pouvoir d’achat des Anglais
était élevé (on assiste alors à une famine d’effondrement).
Bien entendu un frein à ces exportations aurait peut être amélioré la
situation du pays mais pas le fond du problème (l’appauvrissement de la
population) aurait persisté.
A cette époque, l’Angleterre déconsidérait totalement l’Irlande ce qui explique
pourquoi elle n’a pas aidé ce pays à sortir de la pauvreté. De plus les autorités
estimaient que les causes de la famine étaient directement liées aux coutumes
irlandaises (comme leur dépendance à la pomme de terre).
La distance existant entre les politiques et la population dans certains
pays (surtout ceux ayant un système non démocratique) entraînent les dirigeants à
rejeter la faute sur les victimes et à ne pas entreprendre de mesures efficaces pour
prévenir la famine.
PRODUCTION, DIVERSIFICATION ET CROISSANCE:
Concernant la prévention des famines, la protection des droits d’accès n’est
plus nécessaire lorsque le pays a une croissance élevée car cette croissance induit
une augmentation de la production et par ce fait, plus de denrées disponibles.
C’est pour cette raison qu’il faut d’abord favoriser la croissance de la
production par:
- une politique de prix incitative
- des innovations techniques
- des formations augmentant la productivité.
Cependant, la seule croissance de la production ne suffit pas à éviter de tels
fléaux. Ainsi les pays doivent diversifier les sources de la croissance économique
en développant par exemple les secteurs industriels comme l’ont fait les pays d’Asie.
[Dans leur cas, même si leur production alimentaire par habitant baisse, ils ne sont
pas touchés par la famine car ils sont plus riches qu’avant grâce au travail du
secteur secondaire et peuvent donc importer des denrées alimentaires si leur pays
n’en produit pas assez].
LA CREATION D’EMPLOIS ET LA FONCTION D’AGENT:
Certaines politiques ont été mises en place en Botswana et au Zimbabwe afin
de faire reculer la famine. Ces politiques (qui se sont avérées efficaces) consistaient
à créer de nouveaux emplois. Cette solution permet en fait aux agents de se sentir
actif dans la société. De plus le salaire qu’ils perçoivent leur permet d’atteindre le
marché alimentaire et évite la discontinuité sociale créée par la famine (perte du
foyer, éclatement familial…)
DEMOCRATIE ET PREVENTION DES FAMINES:
La démocratie et les règles multipartites sont d’une importance capitale dans
la prévention des famines. C’est pour cela qu’aucune famine n’est jamais survenue
dans un pays respectant ces règles. Mais est-ce une coïncidence ou y’a-t-il une
relation de causalité entre famine et systèmes non démocratiques.
La démocratie permet d’assurer un développement économique plus ou
moins élevé et constitue ainsi une immunité contre la famine.
Nous
pouvons
constater
que
la
famine
survient
dans
des
pays
dictatoriaux dont la production alimentaire est souvent bien supérieure à celle
de démocraties très pauvres ayant évité un tel désastre [exemple du Soudan
ayant subi une famine aigue].
Nous avons déjà vu les méthodes permettant de prévenir la famine.
En effet le maintient de revenu minimum pour les dépossédés permet une
meilleure répartition des vivres disponibles. [en 1973, la production alimentaire du
Maharastra chuta mais la création de cinq millions d’emplois permit d’éviter une
famine.]
La démocratie et ses mesures de prévention permettent de lutter contre la
famine, et pour preuve : l’Inde n’a plus subi de famine depuis son indépendance,
comme le Bengale depuis l’instauration d’une démocratie.
INCITATION, INFORMATION ET PREVENTION DES FAMINES: LE ROLE
PROTECTEUR DE LA DEMOCRATIE.
Dans les pays dictatoriaux nous pouvons remarquer que la disette ne touche
jamais les dirigeants contrairement à la démocratie. Les dirigeants de pays
démocratiques, eux aussi menacés, mettent ainsi en œuvre toutes les mesures pour
prévenir la famine. De plus la démocratie est caractérisée par le dynamisme des
médias et donc de la transparence de l’information ce qui permet à la
population d’être au courant de toute baisse de la production alimentaire ou de
toute catastrophe naturelle. [les famines apparues en Chine entre 1958 et 1961
n’ont pas été atténuées car les médias étaient contrôlés par le parti unique: aucune
critique d’opposition n’était alors donné à la population concernant les politiques
entreprises. Après cette catastrophe Mao reconnu le rôle important de l’information
dans un pays.]
L’absence d’opposition dans les pays dictatoriaux, ainsi que les crises
politiques à répétition empêchent la mise en place de mesure de redistribution car
les dirigeants considèrent la famine comme un catastrophe inévitable.
TRANSPARENCE, SECURITE ET CRISES ECONOMIQUES ASIATIQUES
Nous avons vu précédemment que la démocratie (caractérisée par la liberté
de la presse, le multipartisme…) est le meilleur régime politique permettant de
anticiper une éventuelle famine ainsi qu’une multitude d’autres crises dès que la
conjoncture économique se détériore. Cette lutte dépend d’une étroite corrélation
entre incitations politiques (souvent négligées) et économiques.
Les crises apparues en Asie mettent en relief les problèmes des pays non
démocratiques :
Tout d’abord, la crise financière est due en partie, dans ces pays, à
l’absence de transparence dans le domaine des affaires. Dans une démocratie
une telle crise n’aurait pas été possible car une opposition aurait été formulée.
Ensuite, lorsque cette crise s’est généralisée à l’ensemble de l’économie la
population n’a fait l’objet d’aucun soutient de la part de l’Etat, et des pans entiers
de la population ont été touchés par la misère.
Cette
crise
asiatique
met
en
avant
les
limites
des
systèmes
non
démocratiques face aux différents fléaux et justifie en partie la nécessité de mettre
en place un système démocratique.
CONCLUSION :
La lutte contre les différentes crises passe par l’action des institutions
politiques. Nous savons que le développement des crises dans certains pays est dû
aux inégalités existantes, or l’absence de démocratie constitue une inégalité
majeure de droits politiques. De plus, l’effondrement de certains pans de
l’économie entraîne une perte de revenus pour des centaines de personnes,
constituant ainsi une autre inégalité face aux crises. Ainsi
les inégalités
apparaissent comme une des causes majeures de la pauvreté et de son maintient.
Les états non démocratiques ne garantissent absolument pas que des
mesures seront prises lors de l’apparition soudaine d’une crise, et semblent même
au contraire être caractérisés par une politique de « laisser-faire ».
Le
système
démocratique
(caractérisé
par
l’acquisition
de
libertés
instrumentales, de liberté de discussion…) permet de garantir de bonne condition
d’existence en prévenant activement la famine ainsi que les autres crises.
Chapitre 8 : Le rôle actif des femmes et le changement social
Fiche réalisée par Camille GUEUCIER
Mary Wollstonecraft publie un ouvrage sur la défense des femmes en 1792.
Au delà du droit au bien-être, elle dévoile l’importance des droits destinés à faciliter
l’initiative des femmes, leur conférant un rôle d’agent du changement.
Depuis, les mouvements féministes se sont consacrés à rétablir l’égalité entre
la condition des hommes et des femmes dans la société. Cependant, l’action des
féministes, pour que les femmes aient un rôle actif dans la société, a émergé depuis
peu.
Il est donc important de distinguer le bien-être et la fonction d’agent des
femmes, même si ces deux notions s’entremêlent.
Amartya Sen oppose les patients et les agents. Un patient subit sa condition
alors qu’un agent a un rôle actif dans la défense de ses droits.
En effet, hommes et femmes sont définis par leur rapport au bien-être mais
aussi par leur rôle actif, leur position face à différents choix et objectifs. Nous
sommes donc amenés à prendre nos responsabilités concernant nos actes.
Il semble tout de même compréhensible que les femmes se soient focalisées
sur leur droit au bien-être car il y avait et il y a encore des discriminations
homme/femme.
Ces discriminations sont très présentes dans le domaine de la santé. C’est
pourquoi en Afrique et en Asie on constate une surmortalité des femmes ainsi
que le problème des femmes manquantes (parfois jusqu’à 1 femme pour 10
hommes).
Ces discriminations résultent de justifications culturelles qu’il semble
indispensable d’éliminer. Pour cela, le rôle actif des femmes est très important
même si leur place dans la société le minimise fortement.
Néanmoins, on remarque le pouvoir émancipateur de l’éducation, l’accès
à la propriété et le travail. Les femmes ont désormais la capacité et les
opportunités de faire entendre leur voix, les rapports homme/femme évoluent ainsi
que la société.
Cette évolution influe également sur les relations au sein de la vie familiale.
Hommes et femmes ont des intérêts convergents mais aussi conflictuels. La prise de
décisions nécessite une négociation jusqu’à la coopération entre les deux parties.
C’est la coopération conflictuelle. Cela implique qu’il y ait un gagnant et un
perdant. La femme souvent perdante, ne mesure alors pas toujours l’étendue des
privations qu’elle subit.
La majorité des conflits sont dus au partage des tâches entre travail
productif, dans le cadre familial, et contribution à la prospérité de la famille.
La façon dont sont perçues les contributions individuelles joue un rôle
primordial dans la répartition des avantages collectifs d’une famille.
C’est pourquoi, l’indépendance des femmes, du moins leur accès au marché
du travail, contribue à corriger les iniquités dont elles sont victimes et qui affectent
leur bien être.
Plus que de sauver leur vie, la fonction d’agent des femmes leur permet
d’améliorer la vie de leur entourage. Des sociologues ont pu constater qu’une
femme ayant un emploi ou une bonne éducation, diminue considérablement le
nombre d’enfants qu’elle aura.
De plus, il a été noté par Mamta Murthi, Anne-Catherine Guio et Jean Drèze,
qu’une augmentation du taux d’alphabétisation des femmes de 22 à 75%
réduit la mortalité des moins de cinq ans de 156 pour mille à 110 pour mille.
Une même augmentation du taux d’alphabétisation masculin ne réduit que de 169
pour mille à 141 pour mille. On peut donc dire que l’alphabétisation des femmes
augmente significativement le bien être des enfants.
En effet, en plus de leur travail, elle se consacre à leur vie de famille et en
particulier à l’éducation de leurs enfants. L’école devient une priorité et a pour
conséquences non négligeables la baisse de la mortalité infantile et évidemment
l’augmentation du taux d’alphabétisation des plus jeunes.
Les femmes en travaillant se sauvent, sauvent leurs enfants et la
planète car la baisse du taux de natalité dans ces pays tendra à réduire le
problème de surpopulation mondiale et les problèmes environnementaux qui
en découlent.
L’accès au marché du travail permet aussi aux femmes de se faire entendre
dans des débats publics tels que sur l’environnement ou le taux de fertilité
acceptable. Leur intérêt dans ces débats permet à la société de soulever de
nouvelles questions jusque là tabous et de s’adresser directement aux femmes.
D’autres corrélations n’ont pas encore été prises en compte même si elles
sont déterminantes pour la société.
Des résultats d’une enquête fondée sur des comparaisons de district en Inde
mettent en évidence l’existence d’une relation entre le nombre d’hommes et femmes
dans la population et le nombre de crimes violents. Plus les femmes sont
nombreuses et ont un rôle important dans la société, moins le nombre de crimes
violents est important.
Les causes restent à approfondir mais il semblerait que les hommes sont
supposés mieux préparés à affronter un environnement violent et que les femmes
sont moins enclines à la violence.
Autre problème, dans les pays en développement, les hommes bénéficient
d’avantages fiscaux comme l’héritage, le droit de propriété, les prêts dont ne
disposent pas les femmes. Il leur est donc impossible de monter un projet
professionnel ou de vivre indépendamment des hommes et de façon libre. Il a
pourtant été montré au Bangladesh que grâce au microcrédit accordé aux
femmes, ces dernières surmontaient les difficultés dues à leur place dans la société
et que leur succès était indiscutable.
Selon l’expression de Bina Agarwal « un champ pour soi-même » suffit
souvent à démultiplier la capacité d’initiatives et à modifier l’équilibre du pouvoir
économique et social entre hommes et femmes.
Le rôle d’agent des femmes est une des médiations capitales du
changement social et du processus de développement dans les pays en retard.
Il aboutit à l’amélioration du bien être général.
Cependant, c’est un des domaines les plus négligés dans les études sur le
développement alors qu’il mériterait toute notre attention car il s’agit « d’un aspect
crucial du développement comme liberté ».
Chapitre 9 : Population, ressources alimentaires et liberté
Fiche réalisée par Marie TAMARA
Pour Sen Amartya, la persistance de la faim dans le monde actuel est un
véritable désastre. En effet, le monde connaissant un développement sans
précédent, il est inconcevable que la malnutrition, la famine et tous autres troubles
liés aux problèmes de faim existent encore, et ce parfois touchant tout un
continent. Il ne faut pas considérer cela comme inévitable mais plutôt trouver un
moyen d’y remédier. La nature de ces problèmes ne doit pas se résoudre à la simple
analyse de la production alimentaire mondiale même si elle reste capitale
notamment car elle détermine les prix des biens alimentaires. Notons également
que si l’on examine le problème alimentaire au niveau mondial, la variable des
importations alimentaires n’a plus aucun rôle. Ceci nous amène donc l’auteur à
étudier l’opinion récurrente selon laquelle il y aurait une baisse continue de la
production alimentaire par habitant.
Y a-t-il une crise alimentaire mondiale ?
Il y a déjà deux siècles Thomas R. Malthus présentait une vision pessimiste
de la relation entre croissance démographique et croissance de la production
alimentaire. Il énonce la « loi de population » selon laquelle la population, livrée à
elle-même, aurait tendance à croître selon une progression géométrique (1,2,4,8…)
alors que les ressources alimentaires ne pourraient connaître qu’une progression
arithmétique (1,2,3,4...) s’expliquant par la loi des rendements décroissants. Ainsi
ce déséquilibre, décrit comme le rapport entre la croissance naturelle de la
population et la production alimentaire, aurait sur le long terme des effets
catastrophiques (famines endémiques, sous-nutrition, malnutrition…).Cependant,
Sen Amartya observe que depuis la première publication de son Essai sur la
population l’évolution des sociétés infirme cette « loi de population ».En effet,
la croissance des ressources agricoles est incomparablement plus élevée que la
croissance démographique.
Néanmoins, l’erreur commise par Thomas R. Malthus ne saurait suffire à
rendre futile les craintes nées de la croissance démographique. Ainsi qu’en est-il
pour l’époque actuelle ? L’auteur constate une hausse de la production par
habitant au niveau mondial, et ce principalement dans les régions de forte
densité (Inde, Chine…) sauf pour l’Afrique qui a baissé. Ce cas particulier
s’explique par les problèmes de crise économique et politique, et non originellement
par une crise de la production alimentaire. Il n’y aurait donc selon Sen Amartya,
aucune crise de production alimentaire mondiale durant la période actuelle, la
tendance serait distinctement à la hausse.
Incitations économiques et production alimentaire
Pour Sen Amartya, il est essentiel d’insister sur le fait que cette croissance
des moyens de subsistance correspond à une durée de baisse continue et forte des
prix alimentaires. Par conséquent, les incitations économiques dans le domaine de
la production alimentaire sont de plus en plus fugitives. Même si les prix
fluctuent, aucune flambée n’a inversé la tendance massive à la baisse et celleci se poursuit aujourd’hui.
Cependant, malgré l’effet dissuasif des prix, la production alimentaire
continue de croître, instaurant même un écart avec la croissance démographique.
La production alimentaire commerciale dépend des marchés ainsi que des prix.
Celle-ci est, de nos jours, freinée par la faiblesse de la demande ainsi que par le
faible niveau des prix alors qu’il existe un fort potentiel de développement rapide de
la production par habitant qui permettrait de répondre rapidement à une éventuelle
augmentation de la demande. L’amélioration de la productivité à l’hectare
infirme donc à nouveau l’idée de Thomas R. Malthus, qui expliquait sa vision
pessimiste par la loi des rendements décroissants.
La production alimentaire par habitant n’est pas tout
Même si avec l’intensification des cultures nous pourrions subvenir au
besoin grandissant de la population, l’auteur insiste sur le fait que produire plus
n’est pas une solution sur le long terme. Il est nécessaire de remettre en cause la
maîtrise de la croissance démographique mondiale. Alors que les problèmes liés à la
surpopulation réfrènent le pessimisme malthusien, l’optimiste malthusien est lui,
au contraire, clairement sollicité. En effet, cet optimiste est une illusion ; si les
politiques publiques devaient se fonder uniquement sur l’analyse de la production
alimentaire mondiale, elles seraient poussées à croire que les situations liées aux
problèmes de la faim n’existent pas car on produit bien assez pour nourrir toute la
population mondiale. Or il ne faut pas se laisser aveugler par les chiffres de la
production, ils ne représentent pas tout. Ainsi il ne faut pas craindre un futur
manque de nourriture comme le voyaient les malthusiens mais s’inquiéter du
rythme trop rapide de la croissance de la population.
La croissance démographique et les partisans de la contrainte
L’accélération démographique au cours du dernier siècle a été phénoménale ;
aussi il a fallu plusieurs millions d’années pour atteindre le seuil du milliard
d’individus, puis cent-vingt trois ans pour franchir le deuxième, trente-trois
ans pour le troisième, seulement quatorze ans pour le quatrième et on ne
prévoit pas plus treize ans pour le sixième. Par conséquent, si ce rythme devait
se poursuivre, il est évident que la surpopulation deviendrait un problème majeur
avant la fin du XXI siècle. Il est donc indispensable que l’Etat par le biais des
politiques publiques, favorise le ralentissement.
Cependant, l’approche coercitive du problème suscite de nombreuses
polémiques. Selon Sen Amartya, elle soulève en effet trois questions ; par principe,
la contrainte peut-elle être acceptable dans ce domaine ? Est-ce que sans mesures
contraignantes la croissance naturelle de la population poursuivra cette cadence
excessive ? Enfin, cette méthode par la force est-elle susceptible d’engendrer des
résultats satisfaisants sans effets secondaires graves ?
Coercition et droits liés à la procréation
Dans le domaine familial, l’admission de cette contrainte par les individus
touche à des
sujets très délicats. En effet elle rencontre deux oppositions
différentes. La première est celle des partisans qui donnent la priorité à la famille
pour les décisions liées à la procréation et la deuxième est celle qui promeut le droit
aux femmes et aux futures mères de famille de prendre librement leur décisions
lorsque leur corps est mis en jeu (l’avortement…). Ainsi Sen Amartya remarque que
cette contrainte touche aux droits légitimes. Néanmoins est-ce des droits
institutionnalisés et défendus par un appareil juridique ou bien est-ce simplement
des droits légitimes non formalisés par la législation ? Cette question soulève le
problème de la distinction entre les droits normatifs ou naturels qui ne sont pas
défendus par des lois, et les droits institutionnalisés.
Pourtant, la contrainte et son acceptabilité dépend uniquement des
conséquences qu’elle va entrainer et ne réclame donc aucune dissension sur la
nature des droits eux-mêmes.
L’analyse malthusienne
Thomas R. Malthus est le premier à avoir émis l’hypothèse que la population
pourrait croître au delà d’un point critique. Néanmoins, Condorcet avait énoncé
que l’augmentation naturelle de la population pourrait conduire à une baisse
progressive du bonheur et avait fondé les bases du pessimisme malthusien en
envisageant une croissance démographique surpassant la production alimentaire
dont résulterait une diminution continue du bonheur et de la population. Il ya
cependant une divergence notable entre ces deux auteurs, concernant leur
évaluation de la conduite des hommes à propos de la fertilité.
Condorcet avait anticipé une réduction volontaire du taux de fertilité, fondée
sur le progrès de la raison. En effet, il pensait que l’éducation et particulièrement
celle des femmes allait entrainer une baisse de la fertilité et une préférence pour les
familles peu nombreuses, résultant d’une décision volontaire et rationnelle des
hommes. Malthus lui diffère sur ce point, la réduction volontaire des naissances le
laissait dubitatif. Pour lui, la baisse de la fertilité ne pouvait faire l’objet d’une
adhésion volontaire car la raison est moindre. Il fallait donc que cette baisse
souhaitable de la fertilité soit imposée sous pression de la pénurie, afin qu’il y ait
une réduction de la taille des familles. En conséquence, il existe pour lui un lien de
causalité entre pauvreté et faible croissance démographique.
Cependant, Sen Amartya remarque que la baisse de la fertilité a accompagné
le développement économique et social, aussi le
développement
serait « le
meilleur moyen de contraception » car avec lui s’accompagne la diffusion de
l’éducation, l’émancipation des femmes, l’augmentation du revenu par habitant…
c’est ce qu’il nomme le développement social.
Développement économique ou développement social
La baisse de la fertilité s’expliquerait par les nouvelles préférences qui
résulteraient du développement social. Pour Becker, le développement économique
permettrait donc d’augmenter les investissements destinés à améliorer la
« qualité » des enfants. C’est-à-dire que le nombre d’enfants serait choisi en
fonction d’un calcul cout-avantage, afin de les éduquer le mieux possible par
exemple. La diffusion de l’information et l’accès aux moyens de contrôle des
naissances influencent donc fortement le comportement des couples et réduisent la
fertilité dans les pays à forte natalité.
Reconnaissance de responsabilité des jeunes femmes
Sen nous fait remarquer que l’émancipation et la responsabilisation des
femmes ont permis à celles-ci d’obtenir un rôle central dans des décisions familiales
ainsi que dans la fixation de normes communes. Elles peuvent alors choisir
librement si elles souhaitent enfanter ou non et on peut donc établir une relation
entre l’éducation des femmes et la baisse de la fertilité. Cependant il y faut
certaines conditions, le pays doit assurer l’alphabétisation des femmes et
encourager l’insertion de celles-ci dans le monde du travail. Ainsi toute
l’efficacité se trouve transférée du coté du développement social et non plus du
coté de celui du développement économique.
Externalités, valeurs et communication
Pour Sen, l’autonomie des femmes serait la principale influence de la baisse
de fertilité. De ce fait, la scolarisation est nécessaire à une jeune fille car elle
contribue à développer et à améliorer sa capacité à choisir ce qu’elle souhaite. Ainsi,
la femme s’impose d’avantage, et son influence au sein de la famille puis de la
société ensuite, augmente car on prend en considération son bien-être autant que
son rôle d’agent.
La contrainte est-elle efficace ?
D’un point de vue extérieur, l’exemple chinois pourrait séduire les individus
que l’auteur qualifie d’inquiets vis-à-vis de la croissance phénoménale de la
population, mais cette solution de contrainte est assez expéditive. En effet, la
question de respectabilité ou non des droits légitimes ne se pose plus car la
politique familiale est accompagnée de mesures extrêmement répressives et celle-ci
est souvent une atteinte aux libertés des individus. De plus, selon Sen Amartya,
cette contrainte étant exercée sur des populations réticentes connaîtrait souvent
des conséquences malsaines, telles que l’abandon de nouveaux nés conduisant à
une hausse de la mortalité infantile, une augmentation de l’avortement après avoir
pris connaissance du sexe du bébé…
La politique coercitive chinoise induit donc une baisse de la fertilité mais elle
s’accompagne de terribles conséquences alors que l’auteur explique qu’au Kerala
l’Etat n’impose aucune forme de contrainte et pourtant le taux de fertilité est plus
bas que celui de Chine. Ainsi le rôle des facteurs sociaux favorisent une réduction
volontaire du taux de fertilité.
Effets secondaires et rythme de la baisse de fertilité
Sen nous indique alors que la baisse de la fertilité résulte donc d’une
modification volontaire du comportement des individus. Reprenant l’exemple du
Kerala, il ne décèle aucun effets secondaires comparables à ceux de la Chine, il n’y
a pas d’augmentation de la mortalité infantile, ni abandon des petites filles, ni
interruptions volontaires de grossesses liées au sexe de l’enfant.
Les politiques coercitives assureraient, selon leurs défenseurs, un rythme de
baisse de la fertilité beaucoup plus soutenu que la réduction volontaire des
naissances. Or, l’auteur nous signale que le rythme de baisse de la fertilité en
Chine a été moins soutenu qu’au Kerala, et ce malgré la politique de l’enfant
unique et les contraintes liées à celle-ci.
Ainsi, les rythmes de la baisse de la fertilité les plus soutenus ont lieu dans
les pays où les programmes de réductions des naissances sont basés sur la
coopération volontaire et non forcée, des individus.
Tentations autoritaires
Même lorsque la contrainte n’est pas explicitée clairement, l’insistance des
autorités influe la conduite des individus. En effet, l’auteur souligne que les
pressions sont simplement différentes, et peuvent être beaucoup plus vicieuses
devenant ainsi similaires à celles présentes dans les politiques coercitives (menaces
verbales, chantage à la stérilisation pour obtenir ou pour avoir accès à certains
services de santé…). Sen constate donc de nouveau, une transgression grave des
droits démocratiques.
Il constate également que partout où est appliquée la méthode coercitive,
elle pèse sur les classes les plus pauvres et défavorisées car elles doivent
appliquer une conduite qu’elles réprouvent. En effet, en mettant en œuvre
la
coercition par des mesures répressives et vexatoires, l’Etat s’approprie en réalité
le droit de procréation des femmes. Ainsi la seule possibilité pour juger
l’acceptabilité ou non de la coercition par les populations défavorisées serait
d'organiser
une
confrontation
démocratique
sur
le
sujet,
c’est-à-dire
une
confrontation entre le gouvernement et les citoyens.
Une remarque pour conclure
Sur le long terme, la violation des droits civiques, politiques et des droits de
procréation causés par l’application de la coercition n’est pas envisageable car elle
n’aboutit pas à des résultats plus rapides que le changement social volontaire et le
développement. Amartya Sen met en évidence que pour réduire la natalité, deux
facteurs
paraissent
déterminants :
non
pas
le
niveau
de
revenu
mais
l’alphabétisation des femmes et leur insertion dans le monde du travail. La
solution au problème de la population exige un élargissement des libertés, et
non leur restriction, pour les femmes tout particulièrement.
Chapitre 10 : Culture et droits de l’homme
Fiche réalisée par Sébastien HERVO
La victoire apparente de la notion de droits de l’homme coexiste avec un
réel scepticisme dans des cercles très exigeants qui décèlent une trop grande
simplicité dans toute la structure conceptuelle qui sous-tend les incantations en
faveur des droits de l’homme : quelle est la légitimité de ces droits ? Est-il cohérent
de parler de droits sans parler de devoirs ? Existe-t-il une éthique réellement
universelle ; les droits de l’homme ne seraient-ils pas dépendant de chaque
culture ?
Critique de légitimité
Karl Marx déploie des trésors de conviction pour expliquer que les droits ne
sauraient en aucun cas précéder l’instauration de l’Etat (notamment dans Sur la
question juive). Pourtant il existe bien des droits que personne ne pense possible de
codifier. Cette notion de droits de l’homme est-elle universelle ? N’entre-t-elle pas en
contradiction
avec
d’autres
constructions
morales
–
celle
des
cultures
confucéennes, par exemple – qui donnent le pas à la discipline et à la loyauté
sur les droits ? La spécificité des valeurs asiatiques a souvent été invoquée, au
cours des années récentes, pour donner une assise théorique aux orientations de
gouvernements autoritaires.
Sen poursuit ensuite en présentant l’idée de Jeremy Bentham, selon
laquelle les droits naturels ne seraient que des « non sens » et le concept de
« droits naturels imprescriptibles » de simples « non-sens sur pilotis ». Grâce à ces
deux critiques des droits et de leurs concepts, Sen peut donc établir que les droits
proviennent des institutions et non de la légitimité éthique… Pour Sen, les
droits et les principes d’égalité ne proviennent que d’un désir commun, une
formalité, visant au bonheur collectif. Les droits deviennent réels et non plus
potentiels lorsqu’ils permettent de compléter les lois, par exemple, le droit de
respecter ne fait pas l’objet de lois particulières et efficaces…
Critique de cohérence
L’idée selon laquelle un droit s’accompagne de devoirs chagrine Sen.
Effectivement, pour parler de droits, il faut spécifier qui garantit leur respect. Il y a
donc un problème au sens ou le droit d’autrui s’accompagne d’un devoir parallèle,
de plus ces agents chargés de faire respecter les droits ne sont nullement
mentionnés lors de la proclamation des droits. Il semble donc légitime de
s’interroger sur l’assurance de ces droits puisqu’il n’est pas précisé qui doit les faire
assurer. Kant parle donc « d’obligation parfaite », c'est-à-dire le devoir précis d’un
agent en vue de réalisation de ce droit.
Sen va ensuite réfuter cette théorie, précisant que sur le plan de la
discussion normative, les droits sont partagés par tous, ainsi les droits ne peuvent
être toujours satisfaits. En somme, on devrait plus parler de libertés que de
droits, chaque être humain s’aidant dans le but d’accéder ou de faire accéder à
telle ou telle liberté.
Critique culturelle et les valeurs asiatiques
Dans cette argumentation, Sen commence par poser la question : « la notion
de droit est-elle vraiment universelle ? ». En effet, cette idée parait confuse et
ardue du fait qu’il existe une multitude de religions, de cultures différentes. En
Asie, par exemple, certains hommes (proches du pouvoir notamment) s’attardent à
déceler une véritable contradiction entre les droits de l’homme (soit disant
universels), et leur conception de la liberté politique et de la reconnaissance des
droits civiques. Effectivement, l’Asie, immense territoire rassemblant pourtant plus
de 60% de la population mondiale, possède à l’intérieur même de son continent de
multiples divergences théoriciennes. De plus les divergences sont également
présentes au sein d’un même pays, prenons par exemple le Japon, regroupant des
bouddhistes et des shintoïstes. Ainsi, parler de droits universels de l’homme, c’est
réduire à l’extrême la notion, il n’est pas possible de trouver une conception
universelle des droits, elle diverge trop en fonction des continents, des pays et
parfois même des villes…
L’occident contemporain peut-il revendiquer une spécificité ?
En Asie, l’autoritarisme, que l’on prête au confucianisme, s’oppose
formellement au respect des libertés individuelles malgré les tentatives de
rationalisation de l’autoritarisme… Le monde semble désormais vouloir rejoindre le
« club de démocraties occidentales », voulant « copier » son modèle. Or cette volonté
provient du fait qu’on a tendance à juger le passé par le présent. Expliquons : on
trouve dans l’histoire occidentale, comme dans les Lumières ou dans Aristote, la
légitimation de certaines notions particulières sur lesquelles s’appuie désormais la
politique. Mais il est également possible de trouver la même chose dans la tradition
asiatique. Il y avait chez Aristote, des idées actuellement dites notions de liberté ou
nécessaires à la bonne société, mais nous faisons tout de même abstraction de
certains points, comme la situation de la femme… Il en est de même pour la
question de la tolérance, des libertés individuelles, … mais la véritable question est
de savoir s’il est possible de trouver la même chose dans les écrits des auteurs
asiatiques… L’objectif est de savoir non pas si les thèses contraires à la liberté
existent mais si la perspective de la liberté est présente… En prenant l’exemple du
bouddhisme, on constate que la liberté dispose d’une place majeure, puisque cette
religion est basée sur une philosophie indienne de volonté et de libre arbitre…
Même si cette religion semble prôner la liberté personnelle, cela ne remet pas en
cause le confucianisme que suit la discipline en Asie…
Les interprétations de Confucius
Cela consiste en une lecture univoque des enseignements su maître. Pour
Confucius la vérité est indissociable de la servitude, or on se demande si les
responsables de la censure tels que Pékin ou Singapour suivent cette idée. Deux
notions fondent les valeurs asiatiques : la loyauté à la famille et l’obéissance à
l’Etat. Il semble y avoir certains conflits entre ces 2 notions, ils ne savent pas
toujours quoi favoriser, la famille ou l’Etat, le confucianisme favorise la famille.
Ashoka et Kautilya
Il est possible de trouver dans la tradition indienne une multitude d’œuvres
reflétant aussi une réflexion sur la liberté, la tolérance et l’égalité. Celle qui fonde la
nécessité de la tolérance vient d’Ashoka. Ashoka était un empereur régnant sur
d’immenses territoires. Il contribua à la diffusion du bouddhisme grâce à des
émissaires, insistant sur la tolérance. Ashoka défendait son point de vue
universaliste, qui comprenait également les « peuples de la forêt », c'est-à-dire les
tribus qui vivaient en autarcie de la cueillette et de la chasse.
De même, Kautilya, autre penseur indien, et son « arthashastra », « science
économique ». Ses écrits permettent de montrer le peu de valeur que la tradition
indienne accordait à la liberté et à la tolérance. Kautilya n’est certes pas
démocrate, ni un égalitariste, ni le prôneur des libertés individuelles, en revanche
lorsqu’il écrit les avantages dont les couches les plus favorisées devraient jouir, la
liberté apparait au 1er plan.
En clair, cette opposition entre ces deux penseurs indiens soutient la
comparaison avec Aristote.
La tolérance islamique
Cette explication des penseurs indiens est importante car c’est en quelque
sorte la base de leurs successeurs. On peut de même mentionner Akbar (règne de
1556 à 1605), non pas démocrate mais souverain qui toléra et défendit la
diversité religieuse et sociale, et un certain nombre de droits de l’homme, comme
la liberté de culte. En revanche cette tolérance ne s’élargit pas, notamment dans les
relations homosexuelles. On associe aujourd’hui le Moyen Orient à l’intolérance, or
on semble omettre ces empereurs qui prônaient les tolérances religieuses…
La lecture de l’autoritarisme asiatique se fonde donc sur une lecture trop
partielle de la tradition…
La mondialisation : économie, culture et droits
Aujourd’hui les préjugés dus à une lecture trop partielle d’une tradition
amènent à la destruction de l’idée de diversité des cultures et de la valeur des
traditions. En revanche cela n’empêche pas l’hégémonie de l’Est de s’affirmer : « le
soleil ne se couche jamais sur l’empire de coca cola. »
Avec le processus de mondialisation c’est inévitable, le commerce s’accroit,
les idées se diffusent, et la concurrence et dynamisée par les avancées
technologiques. Mais cette croissance ne profite pas de façon égalitaire à tous
les pays : on tente tout de même d’aider ces pays à rétablir leur économie, baisser
les taux de chômage, etc.
Désormais Internet favorise la communication et les échanges, il demeure
cependant des problèmes : en effet, comment se servir d’Internet sans s’y connaitre
ou apprendre un minimum ? Il est impossible de profiter des bienfaits des services
de communication sans avoir reçu une certaine formation… Et même si certains
pays parviennent à combler leurs lacunes, d’autres tels que l’Afrique ne peuvent
rattraper leur retard… L’autre problème en rapport avec cette modernisation
provient de l’appréhension que peuvent provoquer les nouvelles machines sur un
peuple, mais aussi de la nostalgie des anciennes machines. Il est certes possible de
conserver les anciennes machines, outils, accessoires, etc. Mais ces volontés
émanant de la population peuvent se voir contraintes par les coûts de ces
opérations. Il faudrait pour bien faire organiser des discussions publiques, nous dit
Sen, et non seulement des personnes les plus favorisées. Mais pour participer à la
vie économique, aux discussions, etc., il est nécessaire d’avoir reçu une certaine
éducation, savoir lire, écrire, s’exprimer convenablement… C’est sur une
question comme celle-ci que les droits de l’homme entrent en compte.
Echanges culturels et circulations des idées
A partir ce cela, il semble légitime de s’interroger sur la communication
interculturelle et son intérêt pour les autres civilisations. Nous savons que nous
sommes capables d’apprécier des œuvres d’art indépendamment de son contexte ou
de son origine. Or les discours sur la « tradition nationale » visent à négliger la
réalité des influences extérieures, comme les Anglais qui « britannisent » le curry.
Il faudrait une approche plus fine de la circulation des idées, et il faudrait
apprendre à apprécier les œuvres conçues par d’autres civilisations. En clair, il
serait fâcheux que la défense d’un patrimoine culturel se fasse au détriment de la
curiosité intellectuelle et esthétique.
Présomptions universalistes
Sen aborde enfin la question du séparatisme culturel. Il défend son
universalisme consistant à croire en la faculté de partager les valeurs
communes et les engagements, quelle que soit la culture à laquelle nous
appartenons.
Après avoir montré que les « valeurs asiatiques » ignorent les libertés et que
la culture « occidentale » lui accorde de l’importance. Autre jugement maintenant :
l’hétérodoxie… En effet, ce phénomène propre à l’Occident, s’accompagne d’une
importante tolérance en matière de religions, ainsi on trouve en Occident
l’acceptation de l’athéisme. Cette idée pourrait choquer certains asiatiques, or il
existe des formes de tolérance en Asie également, il suffit de chercher, et de
constater que finalement la tolérance des religions est nécessaire et non
contingente, même si parfois
certains ont tendance à négliger cette tolérance
(camps de concentration par exemple).
Une remarque pour conclure
Pour conclure, on peut donc dire que la légitimité des libertés élémentaires et
de leur traduction en termes de droits repose sur leur importance intrinsèque, leurs
conséquences, leur rôle constructif dans l’élaboration des valeurs et des priorités.
Il est nécessaire d’admettre que la diversité est présente dans toutes les
cultures. De plus aucune civilisation n’est monolithique et les oppositions
continuent.
A. Sen croit en notre faculté de partager un certain nombre de valeurs
communes et d’engagements, quelle que soit la culture à laquelle nous
appartenons. Parmi ces valeurs communes, la prééminence de la liberté. En
effet la légitimité des libertés élémentaires et de leur traduction en termes de droits
repose à la fois sur leur importance intrinsèque, leurs conséquences (favorables à la
sécurité économique) et leur rôle constructif dans l’élaboration des valeurs et des
priorités.
Téléchargement