niveau d’éducation (l’alphabétisation des adultes et le taux de scolarisation) et le
revenu. D’autres indicateurs sont publiés dans les rapports du PNUD, parmi lesquels
l’indicateur d’égalité des sexes (Gender-related Development index - GDI) qui
mesure les inégalités entre les femmes et les hommes pour les mêmes critères, et
différents indicateurs de pauvreté. Le classement des pays selon l’indicateur HDI fait
apparaître des différences sensibles. Pour ne prendre qu’un exemple, la France est en
seconde position après le Canada, et les Etats-Unis en quatrième position seulement.
La publication de ces indicateurs constitue indéniablement un progrès, mais leurs
limites sont évidentes. Outre leur caractère rudimentaire, ils souffrent d’un vice
fondamental : le choix et la pondération des critères apparaissent comme arbitraires.
Contrairement aux indicateurs économiques, aucune théorie ni rationalité
sous-jacente ne permet de les justifier.
Pour une mise en perspective fondée sur des éléments de théorie sociale
L’un des moyens de mettre en perspective les statistiques sociales serait de les
inscrire dans une représentation globale du développement social. Ce cadre de
représentation devrait être lui-même fondé sur une ou plusieurs théories sociales. Le
mot théorie peut faire peur, mais il doit être pris ici dans un sens pragmatique : il ne
s’agit de rien d’autre que d’un cadre conceptuel simple permettant de donner forme
et cohérence au sens commun.
A cet égard, la théorie du capital social, au sens de la sociologie américaine, offre un
réel intérêt, dans la mesure où elle apparaît comme un prolongement naturel de la
théorie économique du capital humain. Selon Robert Putnam, “le capital social fait
référence à des caractéristiques de l’organisation sociale telles que les réseaux, les
normes et la confiance sociale, qui facilitent la coordination et la coopération en vue
d’un bénéfice mutuel
.” Contrairement au capital humain, le capital social ne se
réfère pas aux compétences des individus mais aux compétences collectives qui
résultent de la qualité de leurs relations.
Les réseaux d’engagement civique tels que les syndicats, les clubs et les partis
politiques, toutes les sortes d’association, de réseaux informels de voisinage, les
clubs sportifs et les coopératives, sont des manifestations typiques du capital social.
Plus ces réseaux sont denses, et plus il est vraisemblable que les membres d’une
communauté coopèrent en vue d’un bénéfice mutuel. Le capital social est important
pour la vie économique parce que les réseaux, les normes et la confiance facilitent la
coopération. (…)
Le capital social ne recouvre pas l’ensemble du champ des indicateurs sociaux. Il ne
prend directement en compte ni les inégalités, ni la “qualité de la vie” (état de santé,
organisation du temps, cadre de vie, qualité de l’air, déplacements domicile-travail,
qualité de la vie au travail…). Il convient toutefois de noter que la manière dont
Amartya Sen aborde la question des inégalités n’est pas sans lien avec l’idée de
capital social. Prenant en compte le besoin fondamental qu’ont les gens de donner
sens à leur mode de vie, il en vient à considérer que la véritable valeur des richesses
économiques réside dans leur capacité à élargir la liberté de choix des individus.
Comme les théoriciens du capital social, Sen met l’accent sur la capacité qu’ont les
gens d’agir au sein de la société en vue de leur propre bien-être, ce qui le conduit à
insister sur les inégalités affectant l’autonomie et le pouvoir social des personnes et
R. Putnam, “ Bowling alone : America’s declining Social Capital ”, The Journal of
Democracy, january 1995.