UNIVERSITE DE COCODY Programme de Formation en Gestion de la Politique Economique UFR- SEG/ CIRES GPE-ABIDJAN-2009/2010 INTEGRATION AFRICAINE Expériences d’intégration africaine Professeur Moustapha Kassé www.mkasse.com Doc.4 1 ___________________________________________________________________________ Quatre expériences : le COMESA, la SADC CEDEAO et UEMOA I/ Le COMESA : clé d'une meilleure intégration régionale Le Marché Commun de l'Afrique de l'Est de l'Afrique Australe ou COMESA de son acronyme anglais, regroupe une vingtaine (20) de pays de cette partie du continent africain. Afin de permettre à nos lecteurs de mieux comprendre les buts et objectifs de cette communauté panafricaine dont la République de Djibouti est l'un des pays membres fondateurs, nous consacrons notre dossier à cette organisation régionale qu'est le COMESA. Principaux objectifs du COMESA Le Traité du COMESA qui définit le programme de l'organisation, couvre un grand nombre de secteurs et d'activités. Cependant, la pleine réalisation de la mission du COMESA est considérée comme un objectif à long terme. Afin de garantir une plus grande efficacité à sa mission en tant qu'institution, le COMESA a défini dans le cadre de son mandat sa priorité qui est la promotion, à moyen terme, l'intégration régionale par le commerce et l'investissement. Le rôle du secrétariat du COMESA est d'assurer la direction en aidant ses Etats membres à faire les ajustements nécessaires pour pouvoir entrer dans l'économie mondiale dans le cadre des réglementations de l'OMC et des autres accords internationaux. Cela se fera par la promotion d'une intégration régionale " orientée vers l'extérieur ". Par conséquent, les buts et objectifs du COMESA tels que définis par le Traité et ses Protocoles, sont de faciliter la suppression des faiblesses structurelles et institutionnelles des Etats membres, afin qu'ils soient à même d'atteindre le développement collectif et soutenu. Le COMESA cherche à devenir une communauté économique régionale pleinement intégrée au niveau international ; une communauté qui connaît une prospérité économique démontrée par le niveau de vie élevé de ses populations, avec une stabilité politique et sociale ; une communauté où les biens, les services, les capitaux et la main d'œuvre circulent plus librement à travers les frontières géographiques. 2 Domaines de concentration Le COMESA a choisi de se concentrer sur les domaines d'intégration suivants : - Commerce des biens et des services, y compris les mécanismes de paiement et de règlement ; - Promotion et facilitation de l'investissement ; - Développement des infrastructures ; - Commerce électronique ; - Paix et sécurité. Le tarif extérieur commun L'introduction d'un tarif extérieur commun est prévue pour 2004. Les pays COMESA ont conclut un accord sur les taxes : 0% sur les biens de production, 5% sur les matières premières, 15% sur les biens intermédiaires et 30% sur les biens finals. Rappel historique La genèse du Marché commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe remonte au milieu des années 1960. L'idée de coopération économique régionale a été considérablement stimulé par l'atmosphère effervescente et optimiste qui a caractérisée la période post-indépendance dans une grande partie de l'Afrique. L'heure était à la solidarité panafricaine et à l'autosuffisance collective portées par un destin commun. C'est dans ce contexte qu'en 1965, la Commission des Nations-Unies pour l'Afrique (CEA) organisa une réunion ministérielle des Etats alors nouvellement indépendants de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe en vue d'examiner les propositions de mise en place d'un mécanisme chargé de promouvoir l'intégration économique sousrégionale. La réunion qui s'est tenue à Lusaka en Zambie a recommandé la création d'une communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe. Un conseil provisoire des ministres, assisté par un comité économique intérimaire, fut ultérieurement constitué pour négocier le traité et initier des programmes de coopération économique en attendant la fin des négociations du traité. En 1978, lors d'une réunion des ministre du Commerce, des Finances et du Plan tenue à Lusaka, fut recommandée la création d'une communauté économique sous-régionale, en commençant par une zone d'échanges préférentiels sous-régionale qui devait graduellement, sur une période de dix ans, se constituer le marché commun et finalement en communauté économique. A cette fin, la réunion a adopté la Déclaration d'intention de Lusaka et l'engagement pour la création d'une Zone d'échanges préférentiels de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe (ZEP). Elle a 3 constitué par ailleurs un groupe intergouvernemental chargé de négocier le Traité portant création de la ZEP. La réunion a également convenu d'un calendrier de travail du groupe intergouvernemental. A l'issue des travaux préparatoires, une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement fut organisée à Lusaka le 21 décembre 1981 au cours de laquelle le Traité portant création de la ZEP fut signé. Le Traité est entre en vigueur le 30 septembre 1982 après sa ratification par plus de sept Etats signataires conformément à l'Article 50 du Traité. La ZEP fut créée en vue de tirer profit d'un marché plus étendu, de partager le patrimoine et le destin communs de la région et de permettre une plus grande coopération socio-économique, l'objectif ultime étant la création d'une communauté économique. Le Traité de la ZEP prévoyait sa transformation en un marché commun. Conformément à cette disposition, le Traité portant création du Marché commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe (COMESA) fut signé le 5 novembre 1993 à Kampala en Ouganda. Il fut ratifié une année plus tard à Lilongwe (Malawi) le 8 décembre 1994. Il est important de souligner que la création de la ZEP et sa transformation en COMESA, sont conformes aux objectifs du Plan d'action de Lagos (PAL) et de l'Acte final de Lagos (AFL) de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA). Le PAL et l'AFL prévoyaient tous les deux un processus évolutif dans l'intégration économique du continent dans le quel les communautés économiques régionales devraient constituer les piliers sur lesquels va en fin de compte s'ériger la communauté économique africaine. Opportunités dans les défis : Les technologies de l'information et des communications (TIC) Les progrès phénoménaux des sciences et des technologies particulièrement les technologies de l'information et des communications donnent une opportunité unique aux pays du COMESA. Les nouvelles technologies de communication par satellite et sans fil suppriment la nécessité de développement et d'investir dans de coûteuses infrastructures des télécommunications conventionnelles. De cette manière, les pays du COMESA peuvent sauter les étapes et tirer profit de ces nouvelles technologies. Les technologies numériques et les réseaux de communications créent également la possibilité d'une économie sans frontières dans des secteurs clé. Au cours de la dernière décennie, le coût des télécommunications et du matériel informatique a considérablement chuté, alors que leur vitesse et capacité augmentaient. 4 Cette économie sans frontières et de plus en plus basée sur l'information est mieux symbolisée par l'Internet, un outil de communication globale et une source de connaissances dont l'expansion double chaque année depuis sa création. D'autres technologies comme les marchés financiers informatisés, le courrier électronique, les échanges de données électroniques et les opérations bancaires par téléphone nous dirigent vers une économie sans frontières, tirée par l'information. Ce progrès phénoménal des technologies de l'information et des communications représente à la fois un défi et une opportunité pour le COMESA. Indication du potentiel en ressources 90% des terres arables potentielles du COMESA sont encore à exploiter Certains des plus larges fleuves du monde (Zambezi, Congo, Limpopo ) et les plus longs du monde (Nil) se trouvent dans la région, avec un énorme potentiel d'exploitation (transport par voie d'eaux, énergie hydroélectrique avec un potentiel de 700 milliards de KW, dont 96% sont innexploités, l'irrigation et la pêche). Le COMESA a un des plus larges lacs d'eau douce (Victoria) et certains des plus larges faits par l'homme (Owen Falls, Kariba, Aswan) La région compte beaucoup de merveilles naturelles et faites par l'homme du monde, telles que Great Pyramids, Great African Rift Valley, serengeti Plains, Great Zimbabwe, Cradle of Mankind (Kobi Fora, lac Turkana,etc…) qui sont des sites touristiques avec un grand potentiel. Le COMESA a des ressources minerales estimées à environ 300 milliards de tonnes de phosphate, 105 milliards de tonnes de minerai de fer, 200 milliards de tonnes de pétrole et de grandes quantités d'uranium, de cuivre et de colbalt. La région du COMESA a 60 pour cent du cheptel africain (estimé à 300 millions de têtes en 1997). II/ LA SADC : La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) La SADC souffre d'un problème structurel fondamental qui réside dans la domination politique et économique de la nouvelle Afrique du sud. Si l'ancienne SADCC avait pour unique vocation de faire barrage à la déstabilisation sud-africaine, la SADC a besoin d'une plus grande homogénéité économique pour parer au risque d'une hégémonie sud-africaine. 5 Le développement économique et politique des différents pays de la SADC fait apparaître d'énormes disparités. D'un côté le Mozambique, le Malawi et la Tanzanie font partie des sept pays les plus pauvres du monde (avec un revenu moyen par habitant inférieur à 170$ par an); de l'autre l'Ile Maurice et l'Afrique du sud sont en passe d'entrer dans la catégorie des pays industriels. Seule l'Afrique du sud dispose d'un marché intérieur suffisamment grand, et au pouvoir d'achat suffisamment élevé, pour que les investissements directs dans les secteurs des biens de consommation et des biens d'investissement y soient jugés rentables. Tous les autres pays de la SADC présentent pour les investissements directs étrangers un intérêt circonscrit à la production de matières premières (minérales et agricoles) et à la production pour l'exportation. Hétérogénéité économique et politique de la SADC Sur les 14 pays de la SADC, seule 1'Afrique du Sud, et partiellement le Zimbabwe, disposent de structures industrielles diversifiées; les autres membres (à l'exception de Maurice) exportent principalement des matières premières et importent des produits finis. Cela a conduit non seulement à des relations commerciales inégales (voir ci-dessous), mais aussi à des économies nationales présentant de très grandes différences structurelles dans leur développement. La faiblesse des structures de production industrielle dans la plupart des pays de la SADC renforce la position de l'Afrique du Sud en tant que site le plus attrayant pour les investissements directs étrangers et tend à consolider les déséquilibres existants. A moyen terme aucun changement ne doit non plus être attendu de la libéralisation économique pratiquée depuis quelques années par la quasi-totalité des Etats de la SADC. Ce tournant vers l'économie de marché a certes aboli de sérieux obstacles aux investissements, mais l'amélioration du climat des affaires ne suffit pas à susciter de nouveaux investissements. A cela il faut ajouter que dans certains pays les réformes économiques n'ont qu'une incidence superficielle et que le lourd héritage de plus de vingt années, parfois, d'économie dirigiste se fait encore sentir dans des réglementations et des directives anti-économiques, ainsi que dans l'existence d'administrations et d'entreprises semi-publiques pléthoriques et coûteuses. Cela confère aussi aux économies de la SADC un attrait très contrasté qui a été mis en lumière par une enquête effectuée auprès d'hommes d'affaires de quatre pays de la SADC (Namibie, Zambie, Zimbabwe et Afrique du Sud). Il en ressort que le Botswana, suivi de près par l'Afrique du Sud, possède en Afrique australe le meilleur climat d'investissement, les places suivantes étant occupées par le Zimbabwe, la Zambie et le Mozambique. 6 Au chapitre politique tous les Etats de la SADC, à l'exception de la monarchie traditionnelle du Swaziland, affirment encourager et protéger la démocratie. En réalité, seule l'Afrique du Sud a pour l'instant un comportement réellement « démocratique », et cela explique précisément qu'elle soit déjà entrée plusieurs fois en collision avec les gouvernements plutôt autocratiques de la Zambie et du Zimbabwe. Lors du sommet annuel de la SADC à Blantyre, au Malawi, le président Nelson Mandela, en sa qualité de président de la SADC, a notamment reproché à certains chefs de gouvernements de bafouer les droits démocratiques fondamentaux dans leurs pays, de réprimer la liberté de la presse et de manière générale de faire trop peu de cas du respect des droits de l'homme. Mandela est même allé jusqu'à déclarer que le rêve d'une renaissance de l'Afrique, tel qu'il est nourri par la SADC, dépendait au bout du compte de l'action de groupements régionaux comme la SADC en faveur de la démocratie et des droits de l'homme. L'engagement de l'Afrique du Sud pour la démocratie et le respect des droits de l'homme dans d'autres pays de la SADC a été à l'origine, ces trois dernières années, de certaines crispations. Si l'intervention politique conjointe du Botswana, du Zimbabwe et de l'Afrique du Sud au Lesotho en 1995 a été saluée de toutes parts, la tentative de médiation de Nelson Mandela dans la campagne électorale zambienne en 1996, la pression sud-africaine sur le Swaziland (en faveur de l'instauration de la démocratie) et les critiques adressées au Botwsana à propos de la liberté de la presse, ont a chaque fois pesé sur les relations bilatérales. Bien que justifiées sur le fond, et intégrées dans l'exercice de la présidence sud-africaine à la tête de la SADC, les initiatives sud-africaines en faveur de la démocratie et des droits de l'homme n'en ont pas moins renforcé au sein de la SADC le sentiment de la domination et de l'arrogance sud-africaine. Démocratisation Les critiques formulées par l'Afrique du Sud sur l'état de la démocratisation et la situation des droits de l'homme touchent dans les pays voisins des points d'autant plus sensibles qu'aucun pays ou presque de la SADC ne peut se prévaloir d'une légitimation démocratique convaincante. Seuls le Botswana, Maurice et le Zimbabwe ont été dans le passé à l'abri du système de parti unique; jusqu'à présent l'alternance démocratique n'a été le fait que de six pays, Maurice ayant été le seul Etat à connaître un changement de pouvoir opéré dans le cadre d'un système démocratique. Dans tous les autres pays des régimes autocratiques ou minoritaires ont été éliminés par le biais d'élections organisées démocratiquement. Mais bien qu'étant, de jure, des systèmes multipartites, la plupart des Etats de la SADC sont encore gouvernés, de facto, comme des systèmes de parti unique, avec un parti au pouvoir qui exerce un contrôle absolu sur l'administration et les organes exécutifs (voire judiciaires), une opposition qui n'a qu'une faible marge de manoeuvre, une presse souvent proche du gouvernement et des présidents qui considèrent l'Etat et l'économie comme un pré 7 carré fait pour assurer leur maintien au pouvoir et leur enrichissement personnel. Cela tient, d'une part à une culture politique de la démocratisation encore insuffisamment ancrée dans les moeurs, de l'autre au fait que dans certains Etats les dirigeants sont restés les mêmes après le passage du monopartisme au multipartisme (par exemple au Mozambique et en Tanzanie), qu'il n'y a jamais d'alternance démocratique (Botswana et Zimbabwe) ou qu'un tel changement de pouvoir ne s'est traduit que par un recyclage des élites (Malawi, Zambie, et en partie au Lesotho). Toute attaque portée au sein de la SADC par un système démocratiquement légitimité contre les différents systèmes de préservation du pouvoir politique (mais pas toujours très démocratique) met donc en péril la base sur laquelle repose la forme donnée jusqu'à présent à la coopération gouvernementale. Au-delà de la domination économique, la domination politique de l'Afrique du Sud menace elle aussi l'unité de la SADC. Avec un président aussi charismatique que Mandela, l'Afrique du Sud n'a pu résister à la tentation de jouer au maître d'école en matière de « démocratie ». En termes de realpolitik, il aurait été assurément plus habile, de la part de l'Afrique du Sud, de laisser la préséance (au conseil de sécurité ou à la présidence de la SADC) à des hommes politiques comme Mugabe, Chissano, Nujoma ou Chiluba, pour désamorcer ainsi dans les petits pays de la SADC les craintes d'une suprématie sudafricaine. Flux commerciaux Avant l'adhésion de l'Afrique du Sud, les échanges commerciaux à l'intérieur de la SADC étaient insignifiants, ils ne représentaient que 4% du total des exportations et 2,5% des importations. Après l'entrée de l'Afrique du Sud, la situation a vite changé: depuis 1995, le commerce entre membres de la SADC pèse de plus en plus lourd dans le volume commercial global des Etats de la SADC. Cette augmentation toutefois est due en premier lieu à l'intensité des échanges entre l'Afrique du Sud et le Zimbabwe puisqu'ils représentent à eux seuls 85% du commerce réalisé à l'intérieur de la SADC. L'Afrique du Sud est le principal partenaire commercial de pays comme la Zambie, le Zimbabwe ou le Malawi ainsi que des membres de la SACU (Botswana, Lesotho, Namibie et Swaziland). Les produits échangés entre membres de la SADC sont principalement des biens de consommation et d'investissement, des produits semi-finis et des produits chimiques (fournis principalement par l'Afrique du Sud et, dans une moindre mesure, par le Zimbabwe), ainsi que des textiles, des produits agricoles, du ciment et des matières premières brutes. Depuis la fin de l'apartheid en 1994 et l'ouverture de l'Afrique du Sud à ses voisins, les exportations sud-africaines vers le Zimbabwe, la Zambie et le Mozambique, de même que les investissements sud-africains dans ces trois pays, ont très fortement augmenté, alors qu'aucune extension notoire des exportations des 8 autres pays de la SADC vers l'Afrique du Sud n'a été observée. Si en 1993 le volume des exportations sud-africaines vers le Zimbabwe n'était encore que de 535 millions de $, il était déjà passé en 1995 à 811,5 millions de $ (+51,7) et à 1,2 milliard de $ (+47,9) en 1996 8).En revanche les importations sud-africaines en provenance du Zimbabwe n'ont que très légèrement augmenté: 203,3 millions de $ en 1993,273,5 millions en 1995 (+ 34,5%) et 261,5 millions en 1996 (- 4,4%). D'autres Etats comme le Mozambique ou la Zambie font venir jusqu'à 30% de leurs importations d'Afrique du Sud, mais ne trouvent pratiquement pas de débouchés pour leurs produits en Afrique du Sud. Ce déséquilibre commercial est encore plus marqué entre l'Afrique du Sud et les Etats de la SACU. Selon un indice des déséquilibres commerciaux, la SADC affiche avec 67 un taux relativement élevé, comparé à 8 avec l'UE et 23 avec l'ASEAN. Le volume moyen des échanges intracommunautaires reste relativement faible, même si on inclut la forte part des exportations sud-africaines vers la Zambie, le Zimbabwe, le Mozambique, le Malawi et les pays de la SACU. En 1995 le volume des exportations des Etats de la SADC vers d'autres pays de la SADC se chiffrait à 7,8% et le volume des importations à 7,4%. Edifier sur des relations commerciales aussi faibles une zone de libre-échange censée servir d'outil à un approfondissement de l'intégration régionale semble donc très osé, d'autant qu'en dehors de l'Afrique du Sud et du Zimbabwe aucun autre Etat de la SADC pour ainsi dire ne dispose de biens et de services compétitifs pour le marché régional. Ces déséquilibres commerciaux ont déjà provoqué de vives tensions, tant entre le Zimbabwe et l'Afrique du Sud qu'entre la Zambie et l'Afrique du Sud. La Zambie et le Zimbabwe reprochent à l'Afrique du Sud de fermer ses marchés à leurs rares produits concurrentiels par des barrières douanières élevées et des obstacles non-tarifaires. C'est ainsi que sous la pression de son lobby textile et agricole, l'Afrique du Sud n'a toujours pas renouvelé les préférences douanières qui existaient du temps de l'apartheid avant d'arriver à expiration en 1992. Les relations commerciales entre la Zambie et le Zimbabwe ne sont pas non plus exemptes de tensions. Bien que la Zambie ait fortement abaissé ses droits de douane ces dernières années, le marché zambien n'en est pas devenu pour autant plus accessible. Les autorités zambiennes ont à leur disposition tout un arsenal d'obstacles non-tarifaires pour empêcher les importations en Zambie (qu'il s'agisse de directives sur la teneur en matière grasse du fait pasteurisé ou de la perception de taxes pour l'utilisation obligatoire d'un entrepôt de transit douanier qui ne fonctionne pas). Ces obstacles commerciaux résultent d'une part du manque de concertation entre différents ministères, de l'autre de la corruption de hauts fonctionnaires et d'hommes politiques. Ils affectent en priorité le Zimbabwe dont le solde commercial avec la Zambie est par tradition fortement excédentaire; en 1995 ses exporitations de 9 biens et de services vers la Zambie ont atteint une valeur de 807 millions de ZWD (SADC 1997). De son côté le Zimbabwe entrave les importations en provenance de Zambie par un mélange de barrières douanières et de directives qui compliquent l'implantation des exportateurs zambiens sur le marché zimbabwéen. En mars 1997, le Zimbabwe a augmenté sans prévenir les droits de douane sur le ciment, l'un des principaux produits d'exportation de la Zambie vers le Zimbabwe. Les tarifs sont passés à l'équivalent de 60 FCFA la tonne, et cela bien qu'à la suite d'un boom dans le bâtiment les usines zimbabwéennes de ciment n'arrivent pas à satisfaire la demande nationale. Une enquête effectuée auprès de chefs d'entreprises de Namibie, de Zambie, du Zimbabwe et d'Afrique du Sud a révélé que pour les milieux d'affaires les barrières commerciales les plus élevées se situent au Zimbabwe et en Afrique du Sud, alors que la Zambie, la Namibie, le Botswana et le Mozambique obtiennent de bonnes notes. Les Zambiens considèrent les barrières commerciales du Zimbabwe comme de loin les plus hautes, alors que du point de vue zimbabwéen le commerce avec la Zambie se déroule sans accrocs majeurs. En résumé, les problèmes commerciaux au sein de la SADC se posent dans les termes suivants: à ['exception de l'Afrique du Sud et du Zimbabwe, aucun pays pratiquement ne produit des biens compétitifs qui rencontrent aussi une demande dans les autres pays de la SADC; beaucoup d'Etats de la SADC ont une gamme de produits trop semblable pour jeter les bases d'une imbrication commerciale intracommunautaire et d'une zone de libre-échange qui fonctionne; jusqu'à présent seuls l'Afrique du Sud et le Zimbabwe ont réalisé des excédents notables dans les échanges commerciaux à l'intérieur de la SADC; l'Afrique du Sud et le Zimbabwe ferment leurs marchés aux importations en provenance d'autres pays de la SADC par des barrières douanières élevées et une série d'obstacles commerciaux non-tarifaires. En revanche l'Afrique du Sud en particulier pratique une politique commerciale agressive et conquiert des parts de marché de plus en plus grandes dans de nombreux pays de la SADC. Tout en occupant une place centrale pour la poursuite de l'intégration, le secteur commercial est hypothéqué par de graves problèmes structurels qui, à moyen terme, pourraient compromettre la cohésion interne de la communauté régionale. 10 Intégration juridique Une communauté économique régionale ne peut perdurer que si, à côté des gains de prospérité qu'elle permet de réaliser, des relations transnationales culturelles, sociales et économiques voient également le jour. Cela présuppose une harmonisation des lois et des règlements dans les Etats membres de la dite communauté. L'extension des échanges commerciaux passe par la suppression, non seulement des droits de douane, mais aussi des obstacles commerciaux non-tarifaires ainsi que par l'harmonisation des textes régissant la circulation routière et les investissements. Le renforcement des contacts sociaux exige une simplification des procédures de franchissement des frontières et une suppression de l'obligation de visa. De telles harmonisations et simplifications sont un préalable indispensable à l'application des décisions de politique économique prises au niveau ministériel ou présidentiel. Si les « petits rouages » sont grippés, les « grands rouages », ne peuvent pas tourner rond. Pour une communauté régionale géographiquement aussi vaste que la SADC, il est donc d'une importance capitale: que la circulation des personnes soit simplifiée et rendue moins coûteuse, que la circulation des marchandises par la route soit soumise à une réglementation commune et simplifiée, que le trafic ferroviaire de marchandises soit simplifié et que ses coûts soient abaissés (droits de transit), que les codes d'investissement soient uniformisés afin d'éviter une concurrence interne superflue, enfin que les autres lois et réglementations influant sur le climat des investissements soient harmonisées. Les Etats de la SADC n'ont toujours pas réussi, en 17 ans: à abolir l'obligation de visa; l'Afrique du Sud continue d'exiger un visa de tous les Etats n'appartenant pas à la SACU; le Malawi, le Mozambique et l'Angola appliquent une politique similaire; à introduire des formulaires uniques pour le passage des frontières. Chaque Etat de la SADC utilise encore ses propres formulaires d'entrée, de douane, ou de sortie du territoire; à appliquer, ne serait-ce que timidement, une politique d'investissement uniforme; le moindre investissement fait l'objet d'une concurrence active entre les différents Etats, même lorsqu'il est économiquement ou écologiquement peu judicieux; à imposer une politique régionale de naturalisation; 11 à developper, au-delà d'une première ébauche d'harmonisation, des directives applicables aux entreprises de toute la région, par exemple pour l'utilisation des réseaux routiers (nombre d'essieux, poids total autorisé, longueur du véhicule); à mettre sur pied, entre communes et districts, des structures facilitant des contacts transnationaux qui ne peuvent que consolider les fondations socioéconomiques de la SADC. Les lenteurs observées dans l'harmonisation et la simplication des modalités d'application tiennent pour une part à la faiblesse des structures administratives de nombreux pays de la SADC et des structures de coordination de la SADC elle-même, de l'autre à des réticences politiques. Beaucoup d'Etats de la SADC pratiquent encore une politique de conservation du pouvoir qui interdit largement tout esprit d'initiative à l'appareil administratif. De plus beaucoup de pays de la SADC situés au nord du fleuve Limpopo souffrent d'un exode des cerveaux vers l'outre-mer, l'Afrique du Sud et le Botswana qui se traduit souvent par un manque de cadres moyens compétents dans l'administration publique. Le Mozambique et l'Angola sont de surcroît confrontés aux séquelles de sanglantes guerres civiles. Problèmes Les réserves politiques émises sur la suppression des visas et la simplification des contrôles frontaliers dans la circulation des biens et des personnes sont en premier lieu le fait de l'Afrique du Sud. L'abrogation du visa obligatoire - c'est la crainte nourrie à Prétoria - conduirait à une augmentation fulgurante du nombre d'immigrants clandestins et attiserait les tensions qui existent déjà sur le marché de l'emploi en Afrique du Sud. Un débat sur une nouvelle politique d'immigration est actuellement en cours en Afrique du Sud. Les résultats ne sont toutefois pas à attendre avant 1999. D'ici là la réglementation sur les visas restera en vigueur pour les Etats septentrionaux de la SADC. Les services de police et de douane redoutent qu'une simplification des contrôles douaniers n'entraîne une forte augmentation du trafic de drogue, d'armes et de substances soumises à une autorisation. Le trafic de drogue en particulier est déjà devenu un problème dans la région. La Zambie, où une partie de la mafia de la drogue est étroitement mêlée à la direction politique du pays, est aujourd'hui la plaque tournante de ce trafic. Autre problème: celui posé par le maintien de la Southern Africa Custom Union (SACU), l'Union douanière de l'Afrique australe, qui regroupe le Botswana, le Lesotho, la Namibie, l'Afrique du Sud et le Swaziland. La survivance de cet espace économique uni au sein d'un marché commun plus vaste en voie de formation est un anachronisme qui empêchera l'évolution de la SADC vers une zone de libre-échange. 12 Alors que les Etats de la SADC ont adopté en 1995 une clause d'incompatibilité entre l'appartenance à la SADC et à la COMESA, clause qui entraîne une résiliation de l'appartenance à la Comesa, rien de comparable n'a encore été décidé à propos de la SACU. Pour les petits pays membres de la SACU les paiements effectués par l'Afrique du Sud pour compenser le manque à gagner dans les recettes fiscales et douanières représentent souvent le principal poste budgétaire dans les recettes de l'Etat, ils ne souhaitent donc pas la dissolution de la SACU. En résumé on retiendra que des progrès concrète vers l'intégration seront difficiles à accomplir sur la seule base d'accords ou de conventions si, parallèlement, les modalités d'application ne sont pas harmonisées. L'expérience enseigne que le processus législatif dure au minimum deux ans, après quoi il doit être encore entériné par les gouvernements nationaux. La SADC se doit donc d'axer plus fortement son travail sur l'action si elle ne veut pas se trouver prise dans un « bouchon décisionnel ». Il importe pour cela d'accélérer certains processus de décision et de mettre au point des mécanismes d'application. Mouvements migratoires La région de l'Afrique australe est marquée depuis l'époque coloniale par de forts mouvements migratoires. Les mines (et plus tard les plantations) de l'Afrique du Sud ainsi que les régimes coloniaux ayant précédé l'avènement d'Etats comme la Zambie, le Zimbabwe, la Namibie et le Botswana, avaient besoin d'une main d'oeuvre bon marché. Avec l'indépendance des Etats formant à présent la SADC les migrations de travailleurs ont généralement pris fin. L'exception était représentée par les mines et les plantations sud-africaines ainsi que les plantations de canne à sucre du Swaziland qui, même dans une moindre ampleur, ont continué à recruter de la main d'oeuvre étrangère (principalement du Lesotho et du Mozambique). En 1993 les mines sud-africaines employaient encore légalement 200 000 étrangers, alors que plus de 70 000 Mozambicains travaillaient illégalement dans les plantations de canne à sucre du Swaziland. Selon les estimations sud-africaines, il y a actuellement en Afrique du Sud entre 2,5 et 4,1 millions de travailleurs migrants clandestins. La fin de l'apartheid en Afrique du Sud et la reprise de relations diplomatiques et économiques (parfois étroites) avec les autres Etats de la SADC ont accru les migrations clandestines d'une main d'oeuvre en quête d'un travail et d'un revenu, principalement à partir de l'Angola, du Mozambique, du Zimbabwe, de la Zambie, de la République démocratique du Congo, du Malawi ainsi que de pays n'appartenant pas à la SADC (Rwanda, Burundi, Nigéria, etc.). Le gouvernement sud-africain se montre particulièrement dur envers les travailleurs migrants mozambicains et zimbabwéens qui sont régulièrement expulsés. Si le Botswana, le Swaziland, la Namibie et, dans une moindre mesure, le Zimbabwe sont également la 13 cible d'une immigration clandestine, l'Afrique du Sud reste le pays qui exerce le plus fort attrait. Bien que l'immigration clandestine ait sur le marché sud-africain de l'emploi une influence négative incontestable, l'Afrique du Sud ne peut moralement ni se soustraire à sa responsabilité historique pour ce qui est des répercussions de la migration de main d'oeuvre en provenance de ses voisins du nord, ni traiter plus mal que les touristes européens les ressortissants d'autres Etats de la SADC si elle veut préserver la cohésion de la communauté. Le gouvernement sud-africain est, officiellement du moins, conscient de cette responsabilité et a commencé à élaborer une politique d'immigration qui doit aussi tenir compte des intérêts des Etats de la SADC. Il est toutefois à prévoir que deux ans au moins stécouleront d'ici à l'adoption de cette nouvelle politique; en attendant 1'Afrique du Sud maintiendra sa politique restrictive aux frontières avec ses voisins. Les pays du nord de la SADC - principalement le Zimbabwe, le Malawi, le Mozambique et la Zambie - aspirent à une ouverture du marché sud-africain de l'emploi pour soulager leur propre marché du travail et s'assurer, par le biais des travailleurs migrants, d'importants transferts d'argent. D'un autre côté l'émigration d'une main d'oeuvre qualifiée affaiblit précisément l'administration, l'industrie et le secteur des services dans ces pays qui connaissent déjà des problèmes de qualification. Le sommet de la SADC réuni en septembre 1997 à Lilongwe, au Malawi, a donc recommandé, sur cette question des mouvements migratoires, l'élaboration d'une politique commune qui tienne compte à la fois des intérêts des pays d'immigration et des pays d'émigration. Un protocole de la SADC sur la « Libre mobilité des personnes dans la région » est actuellement en discussion mais ne pourra entrer en vigueur que s'il est ratifié par deux tiers au moins des membres de la SADC. A la lumière des problèmes décrits plus haut et des conflits d'intérêts entre patronat et syndicats, cela semble plutôt improbable. Le dossier des travailleurs migrants à l'intérieur de la SADC recèle une dangereuse bombe politique et sociale pour la communauté régionale. Il n'existe pas de solution « simple ». La SADC devra bien plutôt trouver une réglementation qui prenne en compte les exigences de développement économique. Réorientation de la SADC Le passage de la SADCC à la SADC a inauguré une prudente transition entre une communauté essentiellement défensive et une communauté régionale se forgeant et s'intégrant activement par le biais du commerce. Cette nouvelle orientation, de même que l'accueil de nouveaux membres, ont non seulement élargi 14 la gamme des domaines de coopération (ont été ajoutés: les finances et les investissements) mais ont aussi modifié le mode de travail de la SADC. Cela s'est clairement exprimé dans la formulation des premiers protocoles adoptés en juillet 1996 après de longs débats internes. Le morcellement des compétences en points de contact sous-sectoriels (en particulier dans le secteur agricole dont 3 Etats se partagent la responsabilité) a fait monter au sein de la SADC l'aspiration à une réorientation. Une étude commandée en 1996 par la SADC propose deux options à la réflexion. Option 1: rationalisation du statu quo La SADC conserve la même forme de coopération, avec des compétences sectorielles par pays, mais elle la rationalise conformément à la volonté de privilégier l'intégration sur une coopération strictement fonctionnelle: les points centraux de la réforme s'articulent autour de la définition des secteurs et la répartition des compétences entre les pays membres. L'extension des aires de coopération à pratiquement tous les aspects de l'activité gouvernementale a conduit à un chevauchement des compétences et à la concentration, entre les mains des mêmes fonctionnaires nationaux, de la responsabilité de plusieurs secteurs. De là une surcharge du système et de ses ressources humaines limitées. Le fractionnement des compétences en secteurs de plus en plus petits doit être stoppée et les compétences regroupées en 12 grands secteurs. Les nouveaux secteurs ne seraient plus attribués aux pays suivant des considérations politiques mais sur la base d'avantages comparatifs et des ressources disponibles. Conformément à ce principe la responsabilité du secteur touristique a déjà été transférée du Lesotho à Maurice. Compte tenu des ressources nécessaires, le secteur « agriculture », ne pourrait sans doute être coordonné, dans toute son étendue, que par l'Afrique du Sud. il est recommandé de tenir compte de nouveaux développements, de réduire les compétences matérielles des gouvernements nationaux au profit de groupes de la société civile et d'autres groupements d'intérêts et d'étendre ainsi les compétences pour des institutions régionales. Le passage d'une économie dirigiste à diverses formes d'une économie de marché libéralisée exige aussi un changement de mentalité dans la coordination de la SADC: les ministères responsables des différents secteurs ne peuvent plus se contenter de donner des ordres mais doivent coopérer avec les représentants d'autres groupes d'intérêts. Ils devraient en outre se 15 concentrer, non pas sur la planification et la réalisation de projets ponctuels, mais sur l'amélioration des conditions d'ensemble. Option 2: regroupement des compétences La SADC opterait pour une concentration encore plus forte de ses activités et mettrait en place de nouvelles structures de compétences purement régionales. Les conséquences en seraient les suivantes: Il y aurait d'une part une séparation entre compétences régionales et nationales, de l'autre un regroupement encore plus serré des secteurs. Au lieu d'agir exclusivement, comme jusqu'à présent, sur la base de compétences sectorielles rationales, cette approche prévoit de créer de nouvelles structures vouées spécifiquement à des questions d'intérêt régional (directions de la planification et de la coordination) pour confier ensuite, au niveau national, la coordination de ces seules compétences à des comités nationaux de la SADC. La SADC devrait s'écarter d'un fonctionnement axé sur des projets et des secteurs, avec un appareil administratif réduit, pour se réorienter vers une approche pluridisciplinaire centrée sur des programmes de développement. La condition préalable en est que l'intégration régionale soit perçue non pas comme un but à atteindre, mais comme un processus. Cela exige une structure institutionnelle plus large qui puisse à la fois opérer au niveau stratégique et coordonner les modalités d'application (directions de la planification et de la coordination). Conjointement avec les directions de la planification et de la coordination, le secrétariat serait appelé à jouer un rôle plus important que jusqu'à maintenant dans le regroupement et la gestion des activités régionales. Au niveau national tous les intérêts majeurs seraient rassemblés dans des comités nationaux de la SADC. Le morcellement sectoriel pourrait être ainsi surmonté. La SADC n'a pas encore fait son choix entre les deux options. Compte tenu des expériences du passé, on peut néanmoins supposer que l'option n°1 l'emportera. C'est en effet celle qui modifie le moins les structures traditionnelles et qui est donc la plus facile à imposer. Il est toutefois à prévoir que la consolidation des secteurs et l'attribution de leur coordination suivant des critères d'efficacité et de ressources se heurtera tout particulièrement à la résistance des Etats « moyens » de la SADC, comme la Zambie, le Zimbabwe et le Botswana, ces derniers ayant à redouter un renforcement de la domination sud-africaine. La plus forte intégration du secteur 16 privé et des ONG dans le processus de décision au niveau de la SADC renforcera également le poids de l'Afrique du Sud, ses milieux d'affaires étant organisés d'une manière infiniment plus efficace que ceux des autres pays de la SADC. Synthèse et perspectives La SADC a décidé dès 1992 de se transformer en une communauté régionale s'intégrant par le commerce et le développement. Elle a accompli jusqu'à présent des progrès importants dans cette direction (accueil de nouveaux membres plus fortement orientés vers l'économie de marché; signature de protocoles; ouverture au secteur privé). Il lui reste néanmoins à prendre des décisions infiniment plus lourdes de conséquences qui détermineront dans une large mesure sa capacité à affronter la dynamique d'une intégration économique centrée sur le commerce. L'un des problèmes majeurs est posé ici par la juste répartition des coûts et des bénéfices de la SADC entre les pays membres, aucun d'entre eux ne devant être privilégié par rapport aux autres. La controverse porte tout spécialement sur la position de l'Afrique du Sud qui, du fait de sa puissance politique et économique, exerce déjà aux yeux de ses voisins une domination excessive. La SADC aura besoin d'un mécanisme de compensation économique qui garantisse aux Etats plus faibles de tirer également profit de leur participation à la SADC. La difficulté à mesurer les coûts et les bénéfices rend leur perception particulièrement problématique. Dans le passé l'agressivité de la politique sudafricaine dans la région et ses réticences à ouvrir ses marchés aux importations (limitées) en provenance d'autres pays de la SADC ont nourri les soupçons de certains Etats de la SADC envers une Afrique du Sud suspectée de ne pas prendre au sérieux l'édification d'un véritable partenariat. La mise en place d'un fonds compensatoire, calqué sur le modèle du budget de l'UE ou de la SACU, serait une option. Une autre possibilité résiderait dans la protection sélective de certains secteurs industrials des petits pays de la SADC contre la domination sudafricaine. L'une et l'autre options n'ont cependant guère de chances de se traduire dans les faits: la première (fonds compensatoire) est impossible à financer; la seconde s'oppose à l'objectif de créer une zone de libre-échange et de libéralisation économique. On pourrait alors imaginer une solution politique: l'Afrique du Sud ouvre de préférence son marché aux importations en provenance d'autres pays de la SADC et renonce à toute hégémonie politique au sein de la SADC. Les relations extérieures de la SADC, marquées par des divergences d'intérêts entre l'Afrique du Sud d'une part, les autres pays de la 17 SADC de l'autre, principalement vis-à-vis de l'UE, sont une autre source de problèmes. Son statut de « pays industriel émergent » et de « grande puissance régionale » vaut à l'Afrique du Sud un intérêt politique et économique infiniment plus grand, de la part des pays industriels, que pour les autres pays de la SADC. La tentative sudafricaine d'obtenir un traitement préférentiel dans le commerce avec l'UE, son premier partenaire commercial, s'est déjà heurtée à la résistance d'autres Etats de la SADC (Zambie et Zimbabwe) qui y voient l'accord d'un privilège inconvenant dans l'attribution de quotas d'importation par l'UE. L'engagement de l'Afrique du Sud en faveur de la démocratie et des droits de l'homme, y compris dans les pays de la SADC, n'a suscité que peu d'enthousiasme dans la mesure où rares sont les autres pays de la SADC à pouvoir faire figure d'élèves modèles en matière de démocratie. Pour désarmorcer le potentiel de conflit qui couve ici, il importe que l'Afrique du Sud et les autres pays de la SADC renforcent entre eux la concertation et l'information. Le fait est par ailleurs que les gouvernements dotés d'une faible légitimation démocratique rechignent à déléguer des compétences rationales à des structures régionales de décision. Jusqu'à présent le renforcement du secrétariat général de la SADC et de la SADC ellemême a toujours buté sur le refus des gouvernements d'abandonner leur autorité sur les secteurs économiques. Dans les Etats aux structures politiques encore fragiles, le transfert de prérogatives nationales à une institution régionale est actuellement difficile à imaginer. L'idée de renoncer à un pouvoir politique hérité de fraîche date des puissances coloniales exige une rationalité et une vision qui est pour l'instant inexistante. Dans le sillage de l'intégration par le commerce, une telle renonciation sera néanmoins inévitable puisqu'il faudra harmoniser les législations, les réglementations et les modalités d'application, uniformiser les tarifs et les taxes et simplifier les contrôles douaniers. La prise en compte accrue du secteur privé dans les choix économiques de la SADC conduira également à un affaiblissement de la souveraineté nationale et devrait donc se heurter à la résistance de certains Etats de la SADC. Même si le processus est laborieux, la modification des structures de décision devra done passer par des stratégies « souples » et graduelles, fondées sur la concertation. Enfin la SADC ne pourra échapper à une réforme de ses structures si elle veut satisfaire aux impératifs d'une intégration économique. Une telle réforme implique la réorganisation des secteurs et des responsabilités par secteur, la création d'instruments 18 supplémentaires de coordination et l'abandon idéologique de « l'organisation active du marché » (économie dirigiste). Compte tenu de la multitude d'intérêts impliqués, cette réforme des structures ne pourra sans doute être imposée que de manière graduelle, elle prendra donc du temps et cela risque d'engendrer des problèmes dans la mise en oeuvre de la zone de libre-échange. Les mêmes lenteurs sont à attendre dans l'application d'un guidage économique qui, bien que régulièrement invoqué, n'est jamais pratiqué de manière conséquente. Les chefs de gouvernements de la SADC sont appelés ici à prendre rapidement des décisions sur les nécessaires regroupements de compétences et de ressources dans les ministères nationaux. Pour conclure: La SADC n'est animée que d'une volonté politique limitée de maîtriser le passage d'une communauté basée sur une coopération sélective et fonctionnelle à une communauté régionale reposant sur le commerce; à sa décharge il faut reconnaître qu'elle ne réunit encore pour cela que des conditions économiques insuffisantes (faiblesse du volume commercial intracommunautaire, déséquilibres commerciaux, domination économique de l'Afrique du Sud). La réussite, d'ici au milieu du siècle prochain, de cette transition visée dans le protocole commercial dépend essentiellement du succès des réformes allant dans le sens de l'économie de marché, de l'harmonisation des réglementations concernant le commerce et les transports et de la solution des déséquilibres commerciaux entre la Zambie, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud. Au plan de 1'organisation la SADC doit viser plus fortement l'action et se débarrasser du poids des susceptibilités nationales si elle veut que sa transformation en zone de libre-échange soit un succès. Les problèmes faisant obstacle à la création de la zone de libreéchange doivent être réglés. Il faut citer ici: les différents aspects de la domination sudafricaine (déséquilibres commerciaux, leadership politique), la juste répartition des coûts et des bénéfices de l'intégration commerciale (migration de main d'oeuvre, mécanisme compensatoire, SACU) ainsi que l'harmonisation des lois, directives et réglementations (transports, régimes frontaliers, code d'investissement). La SADC doit tenir compte, dans se structures d'organisation, de l'évolution de l'environnement global (participation du secteur privé, abandon de l'économie planifiée) et des exigences placées 19 dans les prestations de la communauté (efficacité des processus de décision, consolidation de la coordination des secteurs, élargissement du rôle du secrétariat général). Une réforme s'avère nécessaire, mais sans doute sera-t-elle politiquement plus longue à imposer qu'il ne faudrait le souhaiter. III- Analyse comparative UEMOA CEDEAO L'intégration est un Processus par lequel deux ou plusieurs pays cherchent à éliminer les barrières discriminatoires existant entre eux pour établir un espace économique unique. Devant les changements profonds qui affectent l'économie mondiale, l'intégration apparaît comme la réponse adéquate au phénomène de globalisation. La constitution des blocs telles que l'union Européenne, l'Accord de libre Échange Nord Américain (ALENA), témoigne de la nécessité des pays à cheminer en groupe. Le Burkina Faso, à l'instar des pays de la sous région appartient aux organisations d'intégration économique suivantes : La Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) L'union Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) Dans le cadre de ce travail, nous présenterons d'abord dans le tableau ci dessous les deux communautés, ensuite les avantages et les coûts de l'intégration et enfin les mesures prises pour remédier aux conséquences négatives de l'intégration Présentation de deux organisations d'intégration économique Communauté Union Économique et Monétaire Économique des États Ouest africaine de l'Afrique de l'Ouest 1- Nom (sigle) Communauté économique des États Union économique et de l'Afrique de l'Ouest Ouest africain (UEMOA) (CEDEAO) Monétaire 2- Date et lieu de 28 Mai 1975 à Lagos 10 Janvier 1994 à Dakar (Sénégal) création (Nigeria) 3- États membres Bénin, Burkina, Cap vert, Côte d'ivoire, Bénin, Burkina, côte d'ivoire, Guinée Gambie, Ghana, Bissau(,12 Mai 1997) Mali, Niger, Guinée, Guinée Bissau, Sénégal, Togo Mali, Mauritanie, 20 Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Léone, Togo 4- population Superficie - 240 Millions d'hts - 6 67 Millions d'hts - 3 509 125 km2 194 000km2 Promouvoir la coopération et l'intégration afin d'améliorer le niveau de vie de ses populations Maintenir et renforcer la stabilité économique Favoriser les relations entre ses membres, contribuer au progrès et 5Principaux au développement du objectifs continent africain Harmoniser et coordonner les politiques nationales Créer un marché commun et une union économique Participer à la création de la communauté économique africaine Renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des États membres dans le cadre d'un marché ouvert et concurrentiel et d'un environnement juridique, rationalisé et harmoniser Assurer la convergence des performances et des politiques économiques des États membres par l'institution d'une surveillance multilatérale Créer entre les États membres commun basé sur la libre circulation des personnes et des biens , des services et des capitaux et sur le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune Harmoniser les législations des Etats membres et particulièrement le régime de la fiscalité Instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise en œuvre d'action commune et éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines des ressources humaines de l'aménagement du territoire, des transports et télécommunication, de l'environnement, de l'agriculture de l'énergie, de l'industrie et des mines. La conférence des La conférence des chefs d'Etat et de 6 Instances chefs d'Etat et de Gouvernement dirigeantes Gouvernement Le conseil des ministres Le conseil des La commission 21 ministres La cour de Justice Les commissions techniques spécialisées Le secrétariat exécutif Le conseil économique et social Le parlement de la communauté Le secrétaire exécutif est assisté de deux adjoints; (S.E.A) Le secrétaire exécutif adjoint chargé de l'administration et des finances est responsable des sections suivantes : Affaires juridiques Affaires sociales et culturelles Administration et finance 7 - Organigramme L'autre chargé des affaires économiques est responsable des sections Commerce, Douane, Immigration, Questions monétaires et paiements Transport, communication, énergie Industrie, Agriculture et ressources naturelles Recherche et statistiques La cour de justice La cour des comptes Le comité inter-parlementaire La chambre consulaire régionale La commission commission comprend huit membres et est dirigé par un président élu pour quatre ans. La présidence qui est renouvelable est assurée par chaque État membre à tour de rôle. Les commissaires sont chargés de la direction des départements ci-dessous : Le département de l'amenagement du territoire et des infrastructures, des transports et des communications ; Le département des ressources ; Le département de l'énergie, des mines, de l'industrie et de l'artisanat ; Le département des politiques commerciales et douanières ; Le département des politiques économiques ; Le département du développement rural et de l'environnement ; Le département des politiques financières 8 Institutions Agence monétaire de Banque centrale des Etats spécialisées l'Afrique de l'Ouest l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) 22 de (AMAO) Banque Ouest africaine Fonds de coopération, développement (BOAD) de compensation et de développement de Avantages Les principaux avantages découlant de l'intégration sont : La baisse des coûts de production à l'intérieur de la région grâce aux économies d'échelle due à la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, La substitution du commerce légal au commerce transfrontalier illégal généralement associé aux activités improductives et onéreuses encouragées par des différences de prix découlant des politiques diverses ; L'accélération du rythme des investissements attirés par un marché élargi et un code communautaire des investissements plus libéral. La baisse des prix due à la réduction des tarifs et à la concurrence et l'élargissement de la gamme de choix pour les consommateurs. Au delà de ces avantages considérés comme globalement positifs pour la zone, l'intégration, entraîne des coûts. Les coûts Le schéma de libéralisation préconisé dans le cadre de l'UEMOA et de la CEDEAO entraîne, au moins dans l'immédiat des moins values budgétaires, et une inégalité dans la répartition des avantages et des coûts de l'intégration pour les différents pays. Les moins values budgétaires La fiscalité de l'ensemble des pays de la sous région se caractérise essentiellement par l'importance de la fiscalité de porte dans le montant total des recettes budgétaires des Etats. Dans un tel contexte, toute diminution ou suppression des droits de douane entraîne des moins values budgétaires importantes pour les différents pays. Surtout pour des pays en proie à de graves difficultés financières, toute perte de recettes est lourde de conséquences. Mais au delà de ces moins values budgétaires, on note une inégalité des avantages et des coûts pour les pays. Une inégalité des avantages et des coûts 23 Celle-ci résulte des écarts de développement existant entre les différents pays, en particulier sui- le plan industriel. Les pays dotés de tissus industriels plus développés et de circuits de distribution plus élaborés profitent plus des effets de l'intégration que les pays moins avancés à tissus industriels peu étoffés. Ceci s'explique par le jeu des .avantages comparatifs généralement défavorables à ces derniers. A l'intérieur de l'UEMOA, la Côte d'Ivoire constitue l'économie dominante avec 34,7%, du PIB de l'Union. Elle est suivie du Sénégal (22,1% du PIB) et ensuite les autres pays qui représentent chacun environ 8,5% du PIB de l'Union. C'est la disparité des niveaux de développement des économies que semble attester la liste des produits et des entreprises agréés à la taxe préférentielle communautaire ; A la date du ler septembre 1997, sur les 211 entreprises dont les produits sont agréées., on note., la répartition suivante : 98 pour la Côte d'Ivoire 56 pour le Sénégal 18 pour le Mali 15 pour le Burkina Faso 9 pour le Togo 8 pour le Niger 6 pour le Bénin D'autre part, l'hétérogéinité des mesures tarifaires et non tarifaires, notamment sur le plan du droit des affaires, sur le plan de la fiscalité et dans le domaine des règles de concurrence fausse le jeu de la libre concurrence. De telle hétérogénité viennent, le plus souvent aggraver entre les pays l'inégalité dans la répartition des avantages et des coûts pour les différents pays. Face à toutes ces conséquences on note un effort de mise en place de mécanismes de compensation pour y remédier. Les mécanismes de compensation aux moins values budgétaires et aux inégalités et disparités Ces compensations peuvent être regroupées en deux catégories : la compensation par les fonds la compensation par le droit La compensation par les fonds comprend : Le fonds de compensation financière provisoire pour pertes de recettes de l'UEMOA , Le fonds de coopération, de compensation et de développement (FCCD) de la CEDEAO; 24 Les fonds structurels pour l'aménagement équilibré du territoire communautaire La compensation des disparités par le droit comprend d'une part l'harmonisation des fiscalités et des législations et, d'autre part, l'adoption de règles garantissant la libre concurrence 25