A qui profite l’intégration économique SADC : Une approche théorique et empirique.
Par Opara Opimba Lambert, doctorant rattaché à la Chaire Jean Monnet, l’Université
Montesquieu Bordeaux4.
Résumé : A partir d’un modèle de gravité inversé et réduit, nous montrons comment les
coopérations bilatérales (échanges commerciaux bilatéraux) affectent le bien-être social des
Etats membres d’une même zone à travers leur revenu par tête et le pourcentage de leur
population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Dans le cas de la SADC6, les relations
bilatérales privilégiées dans la régions ne contribuent pas significativement à améliorer le
bien-être des Etats coopérants.
1. Introduction.
L’un des grands défis auxquels les pays africains sont confrontés en ce vingt-et-unième
siècle est, à la fois, de réussir à créer des blocs économiques et monétaires pouvant leur
permettre de réduire le degré de marginalisation dont ils sont victimes à l’échelle mondiale,
et de promouvoir leur développement socio-économique et institutionnel durable. Dans une
certaine mesure, ce double objectif peut se rapporter en un seul, si l’on considère qu’une
bonne intégration économique accélère la dynamique de la productivité régionale. Une telle
ambition nécessite des mesures d’engagement fermes et une sérieuse prise de conscience en
matière de coopération entre les Etats africains. D’ailleurs, ces Etats ne sont pas en marge de
l’évolution actuelle du régionalisme. Mais la politique de régionalisation en Afrique souffre
d’un sérieux problème d’application des textes régissant les accords passés entre membres
d’une région. Si théoriquement il existe une franche volonté de la part des dirigeants africains
de vouloir transformer leurs gions respectives en zone de libre-échange et de coordonner
leurs politiques économiques, force est de constater que la réalité nous livre un autre scénario
très éloigné du cadre théorique défini. Les raisons à cela sont multiples. Parmi celles-ci il y a :
(i) la faible intensité d’échanges commerciaux formels intra-africains ; (ii) les structures
productives disproportionnées entre les Etats membres d’une même gion favorisent les
asymétries des gains considérables auxquels il est difficile de mettre en place un système de
compensation entre les gagnants et les perdants (P. et S. Guillaumont,1993); (iii) les conflits
politiques et les luttes de leadership entre les Etats d’un même ensemble économique tendent
à fragiliser l’optimalité de l’intégration de ces Etats; (iv) la faible incitation et la moindre
motivation administrative à faire appliquer les obligations coopératives régissant les accords.
Depuis la fin des années 80, les enjeux de l’intégration ont repris un regain d’intérêt en
Afrique, poussant ainsi la création de certains blocs comme la SADC (Southern African
Development Cooperation). La SADC, créée en 1992 en remplacement de la SADCC, est un
regroupement économique des 12 pays d’Afrique australe dont l’objet est de créer une zone
de libre échange entre les Etats membres d’ici 2015. Au même titre que les autres blocs
régionaux, elle s’engage à tirer vers le haut la productivité des économies très peu
complémentaires de ces pays. En effet, les structures économiques de ces différents pays
membres restent asymétriques : les pays relativement plus « avancés » (l’Afrique du sud et
l’Ile Maurice) s’intègrent avec les moins avancés ; d’où l’intérêt de ce papier de s’intéresser à
l’asymétrie des gains de coopération économique dans un tel cas d’intégration comme l’ont
fait Ph. Cour et F.Rupprech (1996) pour le cas de l’ALENA. La question principale est de
savoir à qui profite le plus cette intégration australe. Comment le bien-être des Etats à travers
l’indice de la population en dessous du seuil de la pauvreté (de chaque Etat)- se comporte t-il
face à certains facteurs ‘‘associés’’ à la création de la SADC (effet de création et / ou de
contournement du commerce, l’ouverture commerciale extérieure, l’apport des
investissements directs étrangers)?
Cette problématique s’inspire de l’hypothèse selon laquelle la finalité des effets de gains à
l’intégration doit s’observer sur le développement humain. Ce pourquoi, nous avons opté pour
l’indice de la population nationale vivant en dessous du seuil de pauvreté
1
dans la région
SADC pour apprécier les effets des coopérations économiques et commerciales sur le bien-
être social respectif de chaque Etat.
Nous avons pris un échantillon que nous qualifions de SADC-6 qui regroupe les six Etats des
douze de la SADC (Afrique du sud, Botswana, Lesotho, Namibie, Swaziland et Zimbabwe).
Après avoir montré que l’effet de création du commerce SADC6 ne découle pas de l’effet de
contournement de son commerce avec les régions hors SADC (partie 3), nous montrerons à
partir d’un modèle gravitationnel réduit
2
que, (i) s’il existe une relation économétrique entre
les PIB par tête des principaux partenaires bilatéraux de la région (sauf pour l’Afrique du
sud), en revanche, (ii) leur coopération respective -depuis la création de la SADC- ne semble
pas affecter, d’une manière positive et significative, le nombre de la population en dessous du
seuil de pauvreté de chaque Etat (partie 4). Mais avant, faisons une bref rappel des aspects
socioéconomiques de la SADC-6.
1
Nous nous référons ici aux données et à la définition du PNUD, en considérant le seuil de la pauvreté
monétaire, c’est-dire le pourcentage de la population annuel dans les ménages vivant avec moins d’un dollars
US par jour en parité de pouvoirs d’achat.
2
Nous empruntons l’approche gravitationnelle non pas pour expliquer les échanges commerciaux bilatéraux,
mais pour une démarche inversée. C’est-à-dire, voir dans quelle mesure les relations commerciales bilatérales
affectent les indices de la population en dessous du seuil de pauvreté de chaque Etat de l’échantillon.
2. Un mot sur la SADC6
Graphique1.
Source : élaborés à partir des données de IMF international financial statistic
Le tableau 1 montre une évolution différenciée des certains taux de croissance des Etats de la
SADC6 qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs tant structurels que conjoncturels. Ces
facteurs sont regroupés pour chaque Etat dans le tableau sommaire ci-dessous.
évolution des taux de croissance SADC6
-10
-5
0
5
10
15
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
années
taux
Afrique du Sud
Bostwana
Lesotho
Namibie
Swaziland
Zimbabwe
Tableau 1. Les caractéristiques générales de la SADC-6.
SADC6
Natures
Principaux partenaires
Particularités et enjeux
exportations
importations
exportations
importations
Botswana
Objectif : profiter au
maximum des profits
de la mondialisation
Diamants
Cuivre
Nickel
soda
Machine,
équipement de
transport
Nourriture,
boissons
(beverage)
EU
SACU
Zimbabwe
SACU
EU
Zimbabwe
Les institutions existent, reste à savoir leur efficacité.
Un des plus faibles taux d’imposition de la région (15% sur les
compagnies manufacturières)
Bénéficie des effets industriels de l’AGOA act (système de
préférences généralisées qui lui permet d’accroître son champ
d’exportation aux USA
Lesotho
Une économie tenue
par la forme fragile de
la manufacture et des
aides internationales
Biens manufacturés
Machines,
équipements de
transport,
nourriture et
animaux
Amérique du
Nord
SACU
EU
Asie
SACU
Asie
EU
Amérique du
Nord
Le pays dépend énormément des aides internationales.
Le pays possède un gros potentiel de minerais faiblement
exploités faute des investisseurs.
Le gouvernement encourage les sociétés privées à s’intéresser à
l’industrie minière.
Les institutions accompagnent les firmes nouvellement installées
(comme la LNDL qui a aidé 21 firmes entre 2000 et 2001)
3ème exportateur des textiles aux USA (grâce à l’AGOA act)
Ascendant du secteur manufacturier
Namibie
L’avantage comparatif
semble se jouer sur
l’agriculture, colonne
vertébrale de
l’économie
Diamants
Métaux
Uranium
Biens manufacturés
poissons
(2000)
Royaume-Uni
Afrique du Sud
Espagne
France
Suisse
Belgique
Italie
Allemagne
Japon
(2000)
Afrique du
Sud
Allemagne
U.S.A.
France
Russie
L’agriculture et les mines tiennent l’économie.
Contrairement aux autres Etats, l’avantage comparatif namibien
provient beaucoup plus de la diversité du secteur agricole.
70% de la population vit avec des revenus tirés de l’activité
agricole [mais leur contribution ne représente que 6,7 % du PIB
(2002)]
L’agriculture a une structure dualiste : 41% des terres nationales
sont utilisées par le secteur communal alors que 44% sont détenues
par le secteur commercial qui domine sur la production nationale.
Afrique duSud
Priorité
gouvernementale :
lutter contre la
pauvreté et les
inégalités
Bijouteries et
pierres précieuses
Machines et
équipements de
transport
Métaux de base
(métallurgie)
Machines et
équipements de
transport
Produits
chimiques
Minerais
Textile
(2002)
U.S.A.
Royaume-Uni.
Allemagne
Japon
Pays bas
Belgique
(2002)
Allemagne
U.S.A.
U.K.
Arabie
Saoudite
Japon
Est l’économie la plus avancée en Afrique noire.
Son système financier (marché boursier) fait partie du Top 15
mondial.
Considérée comme une économie émergente au monde, l’Afrique
du Sud est mondialement compétitive dans l’exportation des biens
et la production des biens à forte valeur ajoutée.
La recherche et développement a une place de plus en plus
Minerais
Produits chimiques
Nourriture,
beverage et tabac
Produits végétaux
Métallurgies
Italie
Zimbabwe
Mozambique
Chine
France
Iran
Italie
significative dans les budgets annuels de l’Etat. L’accent est mis
sur la recherche en santé, en industries biotechnologiques etc…
D’importants moyens sont mis en place pour attirer des
investissements étrangers. D’ailleurs l’Afrique du sud est la
première destination en Afrique des capitaux étrangers.
Le développement des PME est l’un des objectifs de la politique
économique. L’Etat accorde certains avantages fiscaux à leur
émergence.
Swaziland
Objectif : tout faire
pour attirer les IDE.
Une économie tournée
largement vers
l’exportation = 70%
PIB
Biens manufacturés
(textile, sucres, …)
Produits chimiques
et dérivés
Tabac
Machines et
équipements de
transport
Biens
manufacturés
Food et
Produits
chimiques
Carburant
Articles
manufacturés
Afrique du Sud
Mozambique
Reste de la
SADC
U.S.A.
Royaume-Uni.
France
Afrique du
Sud
Japon
Royaume-Uni
Singapour
U.S.A.
Une petite économie largement dépendante de l’économie
mondiale.
L’agriculture reste la principale ressource d’exportation.
AGOA act contribue à développer l’industrie textile.
Durant les années 80, l’économie a connu un boom d’IDE qui a
eu des effets positifs sur la croissance économique. Cet afflux des
IDE dans les années 80 a été favorisé par des sanctions
internationales contre l’Afrique du Sud.
Mais depuis la fin de l’apartheid, le taux de croissance connaît
une diminution de sa tendance, à cause d’un effet de réallocation
d’investissement en Afrique du Sud.
Déficit public accru.
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