Les réactions d’oxydoréduction. Introduction. On débutera l’étude des caractéristiques des transformations chimiques en s’intéressant à la vitesse de déroulement d’une réaction. Pour illustrer cet aspect, on utilisera très largement un grand « type » de réactions chimiques : les réactions d’oxydoréduction. Dans ce chapitre on caractérisera précisément les réactions d’oxydoréduction, en leur attachant notamment un vocabulaire spécifique. I. Etude d’un exemple : Réaction en solution aqueuse entre les ions iodure I-(aq) et les ions fer (III) Fe3+(aq). 1. Expérience. On dispose de deux solutions : - une solution d’iodure de potassium (K+(aq) + I-(aq)) (incolore) - une solution de sulfate de fer III (2 Fe3+(aq) + 3 SO42-(aq)) (incolore) Test préliminaire. Lorsque l’on verse quelques gouttes de soude (Na+(aq) + OH-(aq)) dans une solution de sulfate de fer III on observe la formation d’un précipité rouille, caractéristique de la présence en solution aqueuse des ions fer III Fe3+(aq). Fe3+(aq)+ 3 OH-(aq) = Fe(OH)3 (s) hydroxyde ferrique (précipité rouille) Remarque importante : Pour des raisons qui seront justifiées ultérieurement, on remplacera cette année dans l’écriture des équation chimique la notation « → » par la notation « = ». On effectue le mélange des deux solutions dans un tube à essai. 2. Observations et interprétation. Après mélange on fait les observations suivantes : (I) (II) (III) 1 - Le mélange prend une coloration brune (I). Cette coloration est caractéristique de la présence en solution aqueuse de diode I2. Le diode est donc un des produits de la réaction étudiée. - On rajoute du cyclohexane, solvant organique incolore, dans le tube à essai. Celui-ci, non miscible avec l’eau et moins dense, forme une phase organique supérieure. Après agitation et décantation, on observe une phase aqueuse inférieure de coloration jaune et une phase organique supérieure de coloration violette (II). La coloration violette de la phase organique est due au diode, beaucoup plus soluble dans le cyclohexane que dans l’eau et qui ait donc « passé » de la phase aqueuse à la phase organique (on a effectué une extraction par solvant). Ceci confirme la présence de diode. - On introduit ensuite quelques gouttes de soude dans la phase aqueuse de couleur jaune. On observe alors la formation d’un précipité vert (III). Ce précipité est caractéristique de la présence en solution aqueuse des ions fer II Fe2+. Fe2+(aq) + 2 OH-(aq) = Fe(OH)2 (s) hydroxyde ferreux (précipité vert) Les ions fer (II) Fe2+ sont donc produits par la réaction étudiée. 3. Equation chimique (équation bilan) de la réaction. Les produits de la réaction sont le diode I2 et les ions fer II Fe2+. Compte tenu de la loi de conservation des éléments chimiques, les réactifs sont donc les ions iodures I- et les ions fer III Fe3+ ( les ions K+ et SO42- sont « spectateurs ») . On en déduit l’équation bilan de la réaction chimique : 2 I- (aq)+ 2 Fe3+(aq) = I2 (aq)+ 2 Fe2+(aq) 4. La réaction d’oxydoréduction. 4.a. Les demi équations d’oxydoréduction. - Le « passage » de l’ion Fe3+(aq) à l’ion Fe2+(aq) peut s’interpréter par le gain d’un électron par l’ion Fe3+ : Fe3+(aq) + e- = Fe2+(aq) Cette écriture correspond à une demi réaction d’oxydoréduction. L’ion Fe3+ peut capter (gagner) un électron, c’est un oxydant. Inversement l’ion Fe2+ peut perdre un électron (en se transformant en ion Fe3+), c’est un réducteur. Les ions Fe3+ et Fe2+ forment un couple oxydoréducteur, que l’on écrit sous la forme Fe3+(aq)/Fe2+(aq), en plaçant l’oxydant (Fe3+) « en premier ». 2 La demi équation électronique Fe3+(aq) + e- = Fe2+(aq) correspond au passage de l’oxydant (Fe3+) au réducteur (Fe2+) : c’est une réduction. - Le « passage » de l’ion iodure I-(aq) à la molécule de diode I2(aq) peut s’interpréter par une perte d’électrons par l’ion I- : 2 I-(aq) = I2 (aq)+2 eCette écriture correspond de nouveau à une demi équation électronique. L’ion iodure peut perdre des électrons, c’est un réducteur. Inversement le diode est un oxydant. Ces deux espèces chimiques forment le couple oxydoréducteur I2 (aq)/I-(aq). La demi équation électronique 2 I-(aq) = I2 (aq) +2 e- correspond au passage du réducteur (I-) à l’oxydant (I2) : c’est une oxydation. 4.b. L’équation bilan. La réaction chimique entre les ions iodures et les ions fer III peut donc s’interpréter par « l’intervention » de deux couples oxydoréducteurs : les couples Fe3+/Fe2+ et I2/I-. Cependant ces deux couples ne peuvent intervenir indépendamment l’un de l’autre, une réduction ou une oxydation ne peuvent se produire « seule », il n’y a pas d’électron en solution aqueuse ! En fait il y a transfert d’électrons de l’oxydant Fe3+ vers le réducteur I-. On a donc simultanément : Fe3+ + e- = Fe2+ 2 I- = I2 +2 e- x2 Réduction Oxydation On doit « multiplier par 2 » la première demi équation d’oxydoréduction, car dans un même temps il doit avoir autant d’électrons (ici 2) céder par le réducteur qu’il y en a se capter par l’oxydant. L’équation bilan de la réaction est alors simplement obtenue en « additionnant membre à membre » les deux demi équations d’oxydoréduction (les électrons disparaissant toujours de l’équation bilan) : Réduction 2 Fe3+(aq) + 2 I-(aq) = 2 Fe2+(aq) + I2 (aq) Oxydation Il s’est donc produit simultanément une oxydation et une réduction, il s’agit d’une réaction d’oxydoréduction. 3 II. Généralisation. 1. Oxydant ; réducteur ; couple oxydoréducteur. - - Un oxydant est une espèce chimique susceptible de gagner un ou plusieurs électrons. Un réducteur est une espèce chimique susceptible de perdre un ou plusieurs électrons. Un oxydant et son réducteur « associé » forme un couple oxydoréducteur, noté Ox/Red. Le passage d’une forme (Ox ou Red) à l’autre se traduit par une demi équation d’oxydoréduction : Ox + n e- = Red (n correspond au nombre d’électrons capté par l’oxydant) Ici l’oxydant passe sous la forme de réducteur : c’est une réduction. Red = Ox + n e(n correspond au nombre d’électrons cédé par le réducteur) Ici le réducteur passe sous la forme d’oxydant : c’est une oxydation. 2. La réaction d’oxydoréduction. Une réaction d’oxydoréduction met toujours en jeu deux couples oxydoréducteur : Ox1/Red1 et Ox2/Red2. La réaction d’oxydoréduction se traduit par un échange d’électrons entre l’oxydant du 1er couple (Ox1) et le réducteur du second (Red2) ; On a symboliquement : Réduction « Oxydant 1 + Réducteur 2 = Réducteur 1 + Oxydant 2 » Oxydation Attention : Ceci est « le schéma de principe » de la réaction d’oxydoréduction, ce n’est pas l’équation bilan qui devra être équilibrée suivant les règles précisées dans le paragraphe suivant. 3. Comment « équilibrer » les demi équations d’oxydoréduction et l’équation bilan de la réaction d’oxydoréduction. 3.a. Expérience : réaction entre les ions permanganate MnO4-(aq) et les ions fer II Fe2+(aq) en milieu acide. On dispose : 4 - d’une solution de permanganate de potassium (MnO4-(aq) + K+(aq)) acidifiée (présence d’ions oxonium H3O+(aq)). La coloration violette de cette solution est caractéristique de la présence des ions permanganate en solution aqueuse. - D’une solution de sulfate de fer II (Fe2+(aq) + SO42-(aq)) Lorsque l’on verse progressivement dans la solution de sulfate de fer II la solution de permanganate de potassium, celle-ci « se décolore », les ions permanganate MnO4sont donc consommés par la réaction. 3.b. Les couples oxydoréducteurs. La réaction qui se produit ici met en jeu les deux couples oxydoréducteurs : - MnO4-(aq) / Mn2+(aq) ion manganèse incolore en solution aqueuse - Fe3+(aq)/Fe2+(aq) 3.c. Les demi équations d’oxydoréduction. L’ion MnO4- étant consommé par la réaction, il joue le rôle d’oxydant (Oxydant 1), l’ion Fe2+ va jouer le rôle de réducteur (Réducteur 2). - demi équation relative au couple Fe3+/Fe2+ L’ion Fe2+ jouant le rôle de réducteur, on a la demi équation d’oxydoréduction : Fe2+(aq) = Fe3+(aq) + e- Oxydation demi équation relative au couple MnO4-/Mn2+ L’ion MnO4- jouant le rôle d’oxydant, « commençons » à écrire la demi équation d’oxydoréduction : MnO4- = Mn2+ Cette écriture ne respecte pour l’instant ni la conservation des éléments chimiques ni la conservation de la charge totale ! 5 On commence par « équilibrer les éléments chimiques », en prenant tout d’abord les éléments autres que l’oxygène et l’hydrogène (absent dans cet exemple). Ici l’élément manganèse Mn est « directement » équilibré. On équilibre ensuite l’élément oxygène en introduisant si nécessaire des molécules d’eau H2O, qui seront toujours présentes car on étudiera uniquement cette année les réactions d’oxydoréduction se produisant en solution aqueuse. Ici, pour « équilibrer » les 4 éléments O apportés par l’ion MnO4-, il faut introduire, « côté Mn2+ », 4 molécules d’eau. MnO4- = Mn2+ + 4 H2O On équilibre enfin l’élément hydrogène en introduisant si nécessaire des ions H+ (on suppose que l’on est en milieu acide). Remarque : l’ion H+ étant solvaté, l’écriture « correct » en solution aqueuse est H3O+. On préfère cependant noter H+ dans les réactions d’oxydoréduction, afin de simplifier les écritures. Il est toujours possible de revenir à l’écriture correct en rajoutant des molécules d’eau dans les deux membre d’une équation puisque H+ + H2O = H3O+ ; voir exemple plus bas. Ici il faut introduire 8 H+ « côté MnO4- » pour équilibrer les 8 éléments H apportés par 4 H2O. MnO4- + 8 H+ = Mn2+ + 4 H2O Les éléments chimiques étant équilibrés ; on équilibre « en charge » (conservation de la charge totale), en introduisant des électrons e-, qui doivent évidemment toujours apparaître « côté oxydant ». Pour l’instant, dans l’écriture ci-dessus, il y a 8 – 1 = 7 « charges positives » « côté MnO4- » et « 2 charges positives » « coté Mn2+ », il faut donc introduire 5 e- « côté MnO4- », c'est-à-dire effectivement « côté oxydant ». MnO4- + 8 H+ + 5 e- = Mn2+ + 4 H2O Réduction. La demi équation d’oxydoréduction est maintenant équilibrée. 3.d. L’équation bilan. On a les deux demi équation d’oxydoréduction : Fe2+ = Fe3+ + eMnO4- + 8 H+ + 5 e- = Mn2+ + 4 H2O 6 Dans un même temps, le même nombre d’électrons doit être gagné par l’oxydant et perdu par le réducteur (c'est-à-dire qu’il ne doit pas apparaître d’électrons dans l’équation bilan). Pour tenir compte de ce fait il faut « multiplier par 5 » la première demi équation : Fe2+ = Fe3+ + e- x5 MnO4- + 8 H+ + 5 e- = Mn2+ + 4 H2O On obtient alors simplement l’équation bilan de la réaction chimique en « additionnant membre à membre » les deux demi équation d’oxydoréduction : Oxydation 5 Fe2+(aq) + MnO4-(aq) + 8 H+(aq) = 5 Fe3+(aq) + Mn2+(aq) + 4 H2O Réduction Remarque importante: il est souvent pratiquement impossible d’équilibrer une réaction d’oxydoréduction sans passer par les demi équations d’oxydoréduction! On retrouve dans cette équation bilan qu’il est nécessaire que le milieu soit acidifié pour que la réaction se produise (8 H+) et que le mélange se décolore (MnO4- coloration violet en solution aqueuse, Mn2+ incolore). On peut introduire, mais cela n’est pas toujours utile, l’écriture H3O+ « en ajoutant » 8 molécules d’eau H2O dans chacun des membre de la réaction. On a alors : 5 Fe2+(aq) + MnO4-(aq) + 8 H3O+(aq) = 5 Fe3+(aq) + Mn2+(aq) + 12 H2O III. Dosage d’oxydoréduction 1. Définition. Titrer (ou doser) une solution c’est déterminer sa concentration. 2. Expérience. On dispose de deux solutions : Une solution S1 de sulfate de fer II (Fe2+(aq) + SO42-(aq)) de concentration C1 inconnue. On en a introduit un volume connu V1 = 20 mL dans un erlenmeyer (voir schéma). On acidifie le milieu en ajoutant quelques gouttes d’une solution d’acide sulfurique (2 H+(aq) + SO42-(aq)) de concentration 1,0 mol. L-1 dans l’erlenmeyer. - 7 - une solution S2 de permanganate de potassium (K+(aq) + MnO4-(aq)) de concentration connue C2 = 0,020 mol. L-1. Cette solution est placée dans une burette graduée (voir schéma). On verse progressivement la solution S2 dans la solution S1, le volume V2 de solution S2 versé augmente donc progressivement. 3. Observations. On distingue deux situations : - V2 < 16 mL. La solution de permanganate de potassium « se décolore » au fur et à mesure qu’elle est versée dans l’erlenmeyer; le mélange contenu dans l’erlenmeyer est quasiment incolore. - V2 > 16 mL. Le contenu de l’erlenmeyer prend une coloration violette persistante. 4. Interprétation. Lorsque l’on commence à verser la solution S2 dans la solution S1, il se produit la réaction d’oxydoréduction étudiée au II.3., ayant pour équation bilan : 5 Fe2+(aq) + MnO4-(aq) + 8 H+(aq) = 5 Fe3+(aq) + Mn2+(aq) + 4 H2O - Si V2 < 16 mL. Au fur et à mesure que les ions MnO4- sont introduits dans l’erlenmeyer, ils sont « consommés » par la réaction en réagissant avec les ions Fe2+ (la solution reste incolore). La réaction chimique avance. Le réactif limitant est alors l’ion MnO4- (on supposera que les ions + H sont toujours en excès). 8 - Si V2 > 16 mL. Tous les ions Fe2+ initialement présents dans le bécher ont été consommés par la réaction. Les ions MnO4- qui sont maintenant introduits en solution s’y accumulent ; ils sont en excès. Ces ions donnent une coloration violette à la solution. 5. L’équivalence. le volume V2 = 16 mL de la solution S2 correspond au volume exactement nécessaire pour consommer tous les ions Fe2+ initialement présents dans le becher, on dit que l’on a atteint l’équivalence. L’équivalence correspond donc au volume V2 versé pour lequel les réactifs (Fe et MnO4-) sont dans les proportions stœchiométriques. 2+ Avant l’équivalence le réactif limitant est l’ion MnO4-. Après l’équivalence le réactif limitant est l’ion Fe2+. A l’équivalence, il y a changement de réactif limitant. Le volume V2 = 16 mL pour lequel l’équivalence est obtenue est appelé le volume équivalent ; il est noté V2eq. 6. Détermination de la concentration C1 de la solution S1. A l’équivalence, les réactifs ont été introduits dans les proportions stoechiométriques, on a donc la relation : n Fe2 int roduit 5 = n MnO 4 int roduit 1 relation (1) Où nFe2+introduit et nMnO4-introduit représentent les nombres de moles d’ions Fe2+ et d’ions MnO4- introduits dans le bécher à l’équivalence. Les ions Fe2+ provenant de la solution S1 de concentration C1 dont on a prélevé un volume V1, on a la relation : nFe2+ introduit = C1 V1 De même les ions MnO4- provenant de la solution S2 de concentration C2 dont on a versé un volume V2eq, on a la relation : nMnO4-introduit = C2 V2eq On a donc à l’équivalence d’après la relation (1) : C 2 V2 eq C1 V1 = , d’où : 1 5 9 C1 = 5 C 2 V2eq V1 Soit numériquement : C1 = 5 x 0,020 x 16 = 0,080 mol.L-1 20 C2 et V1 étant connus et V2eq ayant été déterminé,on en a déduit la valeur de la concentration C1 de la solution titrée. 7. Généralisation. On pourra utiliser une réaction d’oxydoréduction pour titrée une solution de concentration inconnue à chaque fois que le volume équivalent sera aisément détectable expérimentalement (changement de couleur par exemple). 10