L'économie sociale de marché Lors des élections du Parlement fédéral de RFA en 1949, la majorité des électeurs vote pour un parti favorable à l'économie sociale de marché. Le nouveau système économique connaît pendant les années 50 un succès inattendu : on parle de miracle économique. Cette économie sociale de marché résulte de la mise en œuvre par Ludwig Erhardt, ministre de l’économie du Chancelier Adenauer, des principes développés par l’école de Freiburg ou école ordolibérale. Pour cette école fondée en 1933 le rôle de l’État est d’assurer un ordre économique tel que la concurrence puisse s’exercer librement + il doit y avoir un lien étroit entre le droit et l'économie. Ce système est une 3ème voie entre laisser-faire traditionnel et le dirigisme étatique. Il associe la responsabilité individuelle, la justice sociale, la subsidiarité au service du progrès social avec en toile de fond la sauvegarde de l'environnement 1. Les principes de l'économie sociale de marché Le refus des monopoles publics ou privés On cherche à mettre en place une vaste politique de concurrence. La concurrence n’a pas besoin d’être parfaite mais elle doit être suffisante, effective et praticable 2 types de monopoles : - Ceux obtenus par la créativité, l’invention, la productivité, la qualité et l’investissement + apportent un supplément de richesse à l’ensemble de la population. Ils sont généralement fragiles. - Ceux obtenus par un abus de position financière ou par du lobbying patronal ou syndical. => La loi devra protéger les produits et les services innovants pour inciter les entrepreneurs à faire des progrès ainsi qu’éliminer et sanctionner toutes les autres méthodes utilisées pour construire des monopoles, on ne rejette que le deuxième type de monopoles. Mais néanmoins assurer le maintien de la libre concurrence. Souhaitable que l’ensemble des relations économiques puisse être couvert par la loi et par le contrat Existe une hiérarchie des normes dans le cadre juridique : la loi, le contrat et, seulement en dernier recours, l’intervention de la puissance publique. En effet : - L’intervention dans l’économie est généralement très mal réalisée par l’État car ni le personnel de l’État ni sa formation ne sont adaptés à cette tâche ; - L’État court le risque de ne plus être représentatif de la société - Toute démarche visant l’organisation de la société doit satisfaire un objectif de justice. Or la fonction de l’État n’est pas de satisfaire la justice mais de gérer et d’organiser en fonction des lois votées par le pouvoir législatif. > Le rôle de l’État doit donc être un rôle subsidiaire en matière d’intervention économique. > Mais il conserve un rôle essentiel dans la mise en place des instruments de régulation. La finalité de l'entreprise est de procurer des services aux membres ou à la collectivité plutôt que de rechercher du profit. L'entreprise dispose d'une autonomie de gestion. Les décisions au sein de l'entreprise sont prises selon un processus démocratique. L'entreprise accorde la primauté aux personnes et au travail sur le capital dans la répartition des revenus 2. Les facteurs de la réussite L’économie sociale de marché en Allemagne a assuré au pays le record mondial de l’exportation durant de longues années et a réuni la prospérité économique et la justice sociale Les clefs de la réussite allemande : Ordnungspolitik (politique de régulation), Friedenspflicht (obligation de paix), Sozialgesetzbuch (code social), Einheitsgewerkschaft (syndicat unique), Mittelstand (PME), Tarifautonomie (autonomie tarifaire), Mitbestimmung (cogestion), Kartellamt (Office des cartels), Beitragsbemessungsgrenze (plafond de calcul des cotisations). Le slogan d'Erhardt: «La prospérité pour tous.» > État doit veiller à ce que chacun trouve son bonheur > Tradition allemande : Otto von Bismarck posa la 1° pierre de l'économie sociale de marché avec le système des assurances obligatoires Les syndicats constituent un facteur majeur de la réussite car sont engagés dans le conflit de répartition de la VA : > Recours à la négociation salariale > Empêché que les entreprises prospères ne se reposent sur leurs lauriers car pression salariale exigeait des investissements et des innovations > Stimulation de la productivité, ils obligent les entreprises à produire de plus en plus L'interdépendance des partenaires sociaux permet de désamorcer les conflits, de plus, une politique sociale très active de l'Etat permet de renforcer l'aspect social de l'économie de marché. Au cœur de l’économie sociale de marché se trouve donc la notion de productivité > Son augmentation est un désir partagé par les entreprises, les syndicats et les hommes politiques. > L’économie allemande doit son succès sur le marché mondial précisément à cette orientation vers la productivité. Plus l’économie de marché est productive, plus elle pourra être sociale. Car, comme le disait déjà Ludwig Erhard: «Il ne s’agit pas de diviser le produit national, mais de le multiplier.» Autre pilier de l'économie sociale de marché = « l’Ordnungspolitik» ou politique de régulation C'est un intermédiaire entre l’économie d’Etat et le capitalisme gardien > La politique veille à ce que l’économie fasse en sorte que les gens puissent bien manger, boire et se loger. La politique commence par créer les conditions permettant à la dynamique économique de se développer, après quoi l’économie entre en jeu. Le marché, lui, n’est ni bon ni mauvais. Ce sont les règles qui le gouvernent qui le rendent bon ou mauvais, efficace ou improductif. Or c’est la politique qui fait les règles. > Ludwig Erhardt :«C’est à la politique, à la société qu’il incombe de donner à l’économie une orientation spirituelle, morale et matérielle.» Enfin autre facteur de réussite: le degré élevé de flexibilité et d'adaptabilité > vise à une recherche permanente de la combinaison entre une performance optimale qu'on veut atteindre grâce aux mécanismes du marché d'une part et la sécurité et la justice sociale d'autre part. > accorde la même importance aux 2 grandes tâches que la société a le devoir de remplir : l'ordre d'économie de marché et la protection sociale des plus faibles. 3. Les limites de cette économie sociale de marché Elle prend de l’âge: 125 ans depuis Bismarck, 55 ans depuis Erhardt Il ne reste plus grand-chose du dynamisme qui a distingué pendant longtemps l’économie allemande, la prétention de garantir des conditions de vie égales dans toute l’Allemagne n’est plus finançable si le produit national stagne. Pour Gerhard Schröder, le chancelier fédéral : « La restructuration de l’Etat social et son réaménagement sont devenus incontournables. Il ne s’agit pas de lui donner le coup de grâce, mais de préserver la substance de l’Etat social » En plus mondialisation + déstabilisation engendrée par l'unification L'économie sociale de marché risque de se transformer, à court terme, comme partout ailleurs, en économie - purement libérale - de marché. Chez le plus puissant membre de l'Union européenne, ce tournant a de quoi inquiéter, d'autant qu'il donne le ton de la logique économique de l'Union, celle du marché et de la monnaie uniques Mais en pratique, cela n'arrivera pas car en Allemagne, la propension à la solidarité, la foi dans le «pour tous» sont trop fortes.