L`histoire de l`ESS à travers le prisme de la théorie de la régulation

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L'histoire de l'ESS à travers le prisme de la théorie de la régulation
ou : comment l'approche historique de l'ESS permet de rendre compte de sa transformation
dans les crises
Danièle DEMOUSTIER
SciencesPo Grenoble
[email protected]
RESUME.
Pour mettre en évidence que le capitalisme a pris plusieurs formes au cours de son histoire
passée, la théorie de la régulation a périodisé celle-ci à travers les grandes crises structurelles
traversées. Il semble tout à fait possible et pertinent d'y intégrer l'économie sociale (et solidaire)
qui, sous ses formes "modernes", a émergé avec la naissance du capitalisme et s'est transformée
avec lui tant dans sa nature (formes d'organisations), sa place (importance, secteurs d'activité) et
son rôle (correctif/gestionnaire/régulateur/innovateur/transformateur).
La période de crise structurelle profonde et longue qui questionne notre modèle socioéconomique ré interroge l'ESS dans toutes ses dimensions et plus précisément son rôle : simple
amortisseur de crise ? laboratoire de nouveaux marchés ? ou prisme et levier dans une perspective
de "sortie de crise" c'est à dire d'installation d'un nouveau mode de régulation ?
Une approche institutionnaliste permet de revisiter les grilles d'analyse généralement
appliquées à l'ESS, pour ouvrir sur une lecture plus fine et pertinente de ses transformations
actuelles, dans ses modes d'organisation, dans ses modèles économiques, dans ses formes
d'implication sectorielle et territoriale, dans sa capacité à agir comme "acteur collectif" sur les
déterminants du mode de développement.
Cette communication se propose donc
- de tirer les enseignements théoriques d'une approche historique de l' ESS française,
périodisée autour des grandes crises structurelles ;
- d'ouvrir le débat sur la manière de la définir en ce début de XXIème siècle, par rapport aux
définitions qui datent des années 1930, afin d'en analyser le rôle aux niveaux méso et macro
économiques.
Mots-clé: Economie sociale et solidaire, crise, cohésion, innovation, régulation
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INTRODUCTION
Depuis les années 80's, l'économie sociale (puis économie sociale et solidaire ESS) connait
un fort renouveau qui engendre des analyses contradictoires : pour certains, c'est une forme de
résistance de structures anciennes, parfois jugées "archaïques", dans une période troublée où les
repères sont brouillés; pour d'autres ce serait une simple réaction d'amortisseur de crises par la
prise en charge de groupes sociaux ou d'activités marginalisés par les mutations en cours, donc
transitoire; pour d'autres enfin, ce serait un levier de transformation sociale ou plus largement une
perspective alternative à un capitalisme devenu "moribond". Cette diversité d'appréciations
rejoint la variété des définitions de l'ESS : assimilée à l'économie domestique ou artisanale, aux
politiques sociales ou aux formes les plus récentes d'entrepreneuriat social.
Confronté à une réalité qui semble contradictoire, il est difficile de trancher. Le recours à
l'épaisseur historique peut permettre une analyse plus fine et distanciée car , si les formes
"modernes" de l'ESS sont bien nées au XIXème siècle, elles se sont fortement transformées au
cours du temps; leur place et leur rôle ont considérablement changé.
La périodisation du capitalisme proposée par la théorie de la régulation (Boyer, 1990) nous a
semblé un cadre pertinent pour lire ces transformations et interroger la nature, la place et le rôle
de l'ESS actuelle dans les mutations du capitalisme en cours.
La référence aux "cycles longs" qui structurent les évolutions technologiques, économiques
et sociales, ainsi qu'aux formes institutionnelles qui définissent le "régime d'accumulation" et le
"mode de régulation", permet de resituer l'ESS dans ce cadre, notamment dans ses rapports au
salariat, à la concurrence, à l'Etat et à la monnaie, le rapport aux relations internationales n'étant
qu'indirect, notamment via l'exposition à la concurrence internationale et au régime monétaire
La première partie permettra ainsi de repérer les principales transformations de l'ESS dans
les grandes phases de transformation du capitalisme (1800-1848; 1850-1892; 1892-1940; 19451975, en mettant l'accent en conclusion sur la période de "crise larvée" qui dure depuis les années
1970's.
La seconde partie examinera les germes de transformation qui apparaissent depuis ces
dernières années et questionnera le fait que cette transformation reste inachevée.
A. UNE HISTOIRE INTEGREE A CELLE DU CAPITALISME
En effet, l'histoire nous montre qu'à chaque période de forte transformation du capitalisme,
l'ESS, née avec lui sous ses formes modernes, voit sa nature, sa place et son rôle réintérrogés.
Ainsi nous pouvons distinguer quatre périodes de redéfinition de l'ESS antérieurement à la "crise
des années 1970" : de la Révolution française à 1848 (l'émergence); de 1860 à 1900 (la
reconnaissance); de 1900 à 1940 (la structuration); de 1945 à 1975 (la croissance dans l'ombre des
politiques publiques).
A.1. La Révolution française qui a libéré l'initiative individuelle, en affirmant la liberté du
travail, de l'industrie et du commerce - et donc la mise en concurrence "sauvage"- , a détruit les
solidarités professionnelles antérieures (interdiction des corporations) mais aussi les solidarités
villageoises et familiales (notamment par l'exode rural), sans parvenir à mettre en place le système
de protection sociale qui devait accompagner l'individu "du berceau jusqu'à la tombe". De ce fait,
l'individu s'est retrouvé seul face au marchand dans un contexte de précarité (travail journalier)
alimentant le "paupérisme". En réaction, de nouvelles formes de solidarité sont apparues, portées
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par des ouvriers qualifiés dont le métier était menacé par l'essor des manufactures : sociétés de
secours mutuel, associations ouvrières de production et de consommation, bibliothèques et
journaux ouvriers1, bazars d'échange....
Cet associationnisme ouvrier multifonctionnel et territorialisé (dans les faubourgs des
grandes villes) s'est manifesté politiquement lors de la Révolution de 1848 par la revendication
"du droit au travail par le droit à l'association", qui apparaissait comme une alternative global à
l'émergence du capitalisme. Les ouvriers associationnistes ont fait alliance avec les Républicains
qui réclamaient le suffrage universel. Mais l'écrasement par la force de ces initiatives (interdiction
et répression) a montré que la concurrence économique des manufactures n'était pas alors un
moyen suffisant pour arrêter la croissance de ces associations dont certains auteurs comme Louis
Blanc avait théorisé l'organisation générale (L'organisation du travail, 1839).
De cette période, l'ESS a hérité à la fois le principe de la démocratie économique
représentative (calquée sur la démocratie politique) et le souci d'intégration au travail (avec une
relation ambigue au salariat).
A.2. Après la période de répression et d'autoritarisme qui revient à l'interdiction des
associations ouvrières, (seule la mutualité est tolérée mais surveillée et détachée du volet de
résistance), l'ESS renait dans les années 1860 sous des formes plus réformistes : le terme
"association" est abandonné car il renvoie à l'action syndicale et politique (de l'Association
Internationale du Travail créée en 1864); c'est l'essor des coopératives de production et de
consommation qui se réorganisent mais aussi se confrontent entre courant socialiste (la Bourse
des coopératives) et neutre (l'Ecole de Nimes). La IIIème République, interventionniste mais non
étatiste, les reconnait (sur la base de la division du travail, de la scission entre revendication et
gestion, et au contraire de l'assimilation des coopératives aux sociétés de capitaux loi 1867) et les
soutient dans leurs secteurs d'activité respectifs (ex les SCOP du BTP dans les marchés publics
par le "quart coopératif"; les coopératives de consommation dans leur lutte contre la vie chère;
puis les coopératives agricoles et de crédit dans l'essor de la production....). De même, la
mutualité totalement reconnue par la Charte de la Mutualité est encouragée à élargir la couverture
sociale de ses membres.
Le projet de "République coopérative" qui devait couvrir toutes les activités économiques
(de la consommation à la production, puis à l'agriculture et au logement) est progressivement
abandonné par Charles Gide, au profit d'une approche plus réaliste des "institutions du progrès
social" concernant le travail, le confort, la prévoyance et l'indépendance (définition de l'économie
sociale, lors de la grande exposition universelle de Paris en 1900).
L'économie sociale est alors analysée par les économistes (dont Léon Walras) comme "un
complément redistributif" à l'économie pure, marchande (auquel on pourrait ajouter son rôle de
structuration de certaines activités individuelles, artisanales ou familiales : SCOP BTP, coop agri
en lien avec les politiques publiques et l'émergence d'outils de financement).
A.3. C'est pourquoi le concept d'économie sociale disparait au début du XXème siècle au
profit de l'intervention sociale croissante de l'Etat (droit du travail, protection sociale).
Néanmoins ces organisations privées mais collectives ne disparaissent pas : elles sont renforcées
par la reconnaissance de l'association non professionnelle en 1901, et se structurent en
fédérations statutaires et sectorielles (la mutualité dans la FNMF en 1902; les coopératives de
consommation dans la FNCC en 1912...). Avec l'amélioration de la condition salariale, les
coopératives de production ne se multiplient plus guère (hormis pendant la crise des années 30
du fait de leur accès privilégié aux marchés publics). Par contre, la coopération agricole et de
crédit se renforce : les caisses locales et régionales de Crédit Agricole sont chapeautées par un
1
dont le plus célèbre, L'Atelier, d'inspiration saint simonienne et buchézienne parut de 1840 à 1850.
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établissement public national pour transférer les aides de l'Etat; les banques des coopératives sont
regroupées dans la Caisse Centrale de Crédit Coopératif.
Le Front Populaire n'est pas particulièrement favorable à cette forme d'organisation
collective, hormis pour accompagner la loi des 40 heures de travail (grâce au rôle du ministère de
Léo Lagrange) en encourageant les associations de tourisme social et d'éducation populaire.
A.4. A la Libération, après des relations contradictoires avec le régime de Vichy (entre
adhésion à la Charte du travail et Résistance), les coopératives, mutuelles et associations se
développent et se concentrent, comme auxiliaires des politiques publiques dans une dynamique
de croissance : pour favoriser l'accès des ménages ouvriers à la consommation de masse et au
crédit (coopératives de consommation, coopératives et mutuelles bancaires) ; pour accompagner
la croissance de la productivité agricole (commercialisation, achat de matériel, crédit); pour
accompagner l'immigration, la mise au travail des femmes et l'urbanisation... (elles servent
d'aiguillon aux politiques sociales, culturelles et sportives). De fait, elles accompagnent la
dynamique de croissance par l'intégration aux marchés, tout en prenant en charge un certain
nombre de ses "coûts sociaux".
Les composantes de l'Economie sociale - non identifiée comme telle, c'est à dire comme un
ensemble revendiqué - sont intégrées dans la logique d'économie mixte (Etat - marché) qui
domine cette période dite "fordiste". Elles suivent le mode de croissance dominant basé sur la
concentration économique verticale, et la structuration fédérative ascendante pour négocier
directement avec les Pouvoirs Publics centraux.
A.5. Ce n'est que dans les années 1970 - 80, avec la crise de ce modèle fordiste et
l'impuissance des politiques keynésiennes à relancer la croissance et l'emploi, que l'on assiste
d'une part à la réaffirmation, d'autre part à l'autonomisation de cette Economie sociale envers
l'économie publique. En 1970, quelques responsables fédératifs nationaux, coopératifs,
mutualistes puis associatifs (GNC, FNMF, CCOMCEN puis UNIOPSS), en grande partie issus
de la grande fonction publique d'Etat, se rencontrent pour mettre en commun leurs perspectives
et leurs convergences . Ainsi se crée le Comité National de Liaison des Activités mutualistes,
coopératives et associatives (CNLAMCA) qui rédige une première Charte de l'Economie sociale
en 19802. Sa reconnaissance par la nouvelle Délégation Interministérielle à l'ES en 1981 ne suffit
pas à enrayer les faillites des plus grosses structures (notamment des coopératives de
consommation et de grandes SCOP du BTP). La politique de rigueur conduit à la mise en
concurrence des banques coopératives (loi bancaire 1983), des mutuelles (réforme de 1985) puis
des associations (lois Sapin notamment). Mais dans le même temps, la dynamique associative
locale connait un essor considérable; de nouvelles structures émergent mais elles sont de moins
en moins fédérées au niveau national; la gestion d'établissements est remplacée par la gestion de
services à la population. A coté de leur capacité à accompagner les publics en difficulté, ces
nouvelles structures sont valorisées pour leur capacité d'innovation en terme de service, de
processus et de forme d'organisation. Elles alimentent ce qui est alors appelée l'Economie
solidaire. Après quelques débats houleux entre les deux approches de l'Economie sociale et de
l'Economie solidaire, leur rencontre est institutionnalisée sous l'égide de la DIES en 1999,
conduisant à l'utilisation croissante du terme commun d'Economie sociale et solidaire.
La (re) territorialisation de l'ESS valorise les instances de représentation régionales : les
GRCMA se transforment alors en CRES(S); des comités territoriaux se créent; des politiques
publiques territoriales émergent.
2
Il se transformera en CEGES en 2000, lui-même devenu la Chambre Française de l'Economie Sociale en 2014
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D'abord définie par ses activités (ni marchandes, ni publiques) puis comme ensemble
d'entreprises régies par des règles communes (reconnues par une nouvelle loi en 2014), l'ESS
cherche encore son positionnement sociétal. L'histoire nous a effectivement montré que l'ESS
oscille, selon les périodes, entre contestation-alternative et intégration au capitalisme; et dans ce
deuxième cas, entre intégration dans l'économie publique ou dans l'économie marchande.
On peut se demander si cette période (1970 - 2010) n'est pas une période indécise de "crise
larvée" car sans cesse atténuée par des "amortisseurs" (publics et privés collectifs), chaque
solution ouvrant de nouvelles conditions d'instabilité. S'il s'agit au contraire du nouveau régime
d'accumulation qui serait en lui-même instable donc cyclique, l'ESS resterait dans ce rôle
marginal, dépendant et sous tensions : entre amortisseur de "coûts sociaux" et innovateur de
nouveaux marchés; ce qui empêcherait son affirmation unitaire.
Si l'on retient au contraire l'hypothèse de crise "larvée", l'avenir de l'ESS reste en suspend :
ou bien simple transition nécessaire pour maintenir une certaine cohésion sociale et certaines
activités économiques en ces années de turbulence, ou bien période de mutation nécessaire de
cette même ESS qui ouvrirait sur une nouvelle capacité à s'intégrer dans, voire à influencer le
nouveau modèle de développement.
Plusieurs éléments nous poussent à choisir la seconde option : débats sur le salariat et la
monnaie, redéfinition de l'entreprise, enjeux territoriaux et économie de la proximité, maîtrise
d'usage et économie relationnelle, destruction par la concurrence et régulation coopérative; ce qui
impose une redéfinition des modes d'action et d'organisation de l'ESS, aujourd'hui traversée par
des forces très contradictoires.
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B. UN AVENIR OUVERT DANS UN NOUVEAU MODE DE REGULATION
Célébrée pour son rôle sur les territoires pour ses actions de préservation (de certaines
activités, d'une certaine cohésion sociale) et d'innovation de services, l'ESS est rarement explorée
dans son organisation propre et dans ses relations à son environnement. Or, de nombreuses
mutations sont en cours, souvent de façon presque imperceptibles, non pas tant dans ses résultats
mais dans ses processus, à la fois au sein de l'entreprise mais aussi extérieurement.
B.1. - Au sein des entreprises, les rapports, modelés par le fordisme, sont de plus en plus
questionnés, qu'il s'agisse du rapport au travail généralement scindé entre bénévolat et salariat, du
rapport à l'argent où la non lucrativité était largement garanti par les financements publics, et,
plus structurellement, le rapport à l'organisation qui reproduisait, avec ses spécificités, la
distinction entre fonctions politique et technique.
B.1.1. Vue au XIXème siècle comme une économie du travail associé puis de l'indépendance
(1900), l'ESS est devenue au XXème siècle une économie d'intégration au salariat (notamment
des femmes qui représentent toujours 70% de ses salariés). Mais l'ESS est souvent accusée de
développer des emplois de mauvaise qualité (temps partiel subi, émiettement des temps de travail,
faibles salaires....) même si de nombreuses structures ont consolidé le statut du travail par des
contrats à durée indéterminée3. Cette situation est attribuée soit au déficit de professionnalisation
de l'employeur associatif bénévole, soit aux conditions de reconnaissance des secteurs d'activité
concernés (aide à domicile, sport, culture, loisirs), soit encore à la faiblesse des financements
privés et publics qui leur sont accordés. Mais, parallèlement, émergent de nouvelles formes de
travail qui dépassent la dichotomie entre bénévolat et salariat, entre salariat et entrepreneuriat,
alors que la coopération de travail retrouve de l'attrait.
Ainsi le statut du volontaire (qui permet à un jeune d'effectuer un service civique dans une
association) a été longtemps débattu : superbénévolat ou sous salariat ? il semble, qu'à travers ce
statut temporaire, se manifeste un réel engagement formateur des jeunes envers une activité
d'utilité sociale, avec une rémunération supérieure à celle d'un stagiaire. Les expériences
effectuées, les compétences acquises en font un véritable tremplin pour un emploi associatif
ultérieur. Certaines universités (telle Evry) s'attachent à valider ces "acquis buissonniers" car il
s'agit bien de les inscrire dans l'ensemble des "marchés transitionnels de travail" (Gazier,) si on ne
veut pas les enfermer dans un statut de sous salariat.
Une autre innovation professionnelle concerne le nouveau statut d'entrepreneur-salarié porté
par les coopératives d'activité et d'emploi (CAE). Ces coopératives, nées dans les années 1990,
pour lutter contre la fragilité du statut d'auto-entrepreneur, tentent de concilier l'autonomie
professionnelle de l'entrepreneur, dont la rémunération dépend de son activité commerciale
individuelle, la protection sociale du salarié, et les capacités de mutualisation (de moyens
administratifs comme d'accompagnement) de la coopérative. Pour réduire la dépendance
commerciale de l'entrepreneur, et augmenter son revenu, quelques grandes CAE s'allient pour
créer une "mutuelle de travail" qui mutualise davantage les activités et les risques.
De ces deux exemples, nés sous la pression de deux contraintes : d'une part le chômage des
jeunes, d'autre part l'externalisation du risque professionnel sur les individus, on peut retenir une
avancée et une limite : avancée par un mixage entre l'engagement et la subordination; limite dans
leur grande dépendance soit au financement public soit aux marchés locaux; ils restent de ce fait
3
depuis quelques années (notamment 2010) on remarque à la fois une baisse de l'emploi associatif et une montée des Equivalents Temps Plein, ce
qui traduit à la fois une perte d'emplois précaires et une consolidation des emplois conservés.
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des statuts attractifs individuellement mais peu valorisés socialement (notamment par le niveau
des revenus distribués et l'absence de réelle sécurisation des parcours professionnels).
Plus valorisé est aujourd'hui le statut du travail associé dans les coopératives à participation
salariale (SCOP et SCIC) car il formalise l'engagement par le contrat d'association et il mutualise
les productivités au sein de la coopérative. Il semble tout à fait adapté à une économie plus
relationnelle (services à la personne) et à une économie plus immatérielle (bureaux d'étude...) où
la relation au client et la coopération entre salariés sont des vecteurs d'efficacité et de qualité.
Depuis les années 1970, il a gagné en souplesse, en conjuguant des caractéristiques du salariat et
de l'entrepreneuriat collectif notamment par l'arbitrage entre distribution des hausses de salaires
et distribution des excédents sous forme de participation (travail) et d'intérêts (parts sociales).
A travers ces trois exemples, nous voyons comment l'ESS tente de concilier quatre
dimensions du statut du travail qui paraissent contradictoires : l'engagement (moteur de
l'implication) et la subordination (à l'employeur ou au marché), le rapport marchand (vécu
individuellement ou collectivement) et la protection (sociale et collective). Cette spécificité est très
peu défendue par les employeurs de l'ESS (et leur représentation professionnelle, l'UDES) car le
modèle du salariat reste très prégnant et le cadre institutionnel peu adapté à ces innovations
professionnelles.
B.1.2. Concernant le rapport à l'argent, l'ESS a toujours montré qu'il n'était qu'un moyen et
non une finalité, d'où les règles de réserves impartageables, de non valorisation des parts sociales
et de rémunération limitée du capital investi (dans les coopératives). Néanmoins, la
monétarisation, la marchandisation puis la financiarisation de l'économie n'ont pas épargné ces
entreprises collectives : passage du bénévolat au salariat, de l'apport en nature à la cotisation
monétaire, de la subvention au marché public, de la satisfaction des usagers à la prestation de
services aux clients... sans parler de la création de filiales lucratives pour capter ou valoriser des
ressources financières par certaines banques coopératives et mutuelles d'assurance. Aujourd'hui
ces pratiques "déviantes" sont questionnées (par exemple par l'association pour une économie
équitable), et d'autres relations monétaires sont expérimentées : monnaies locales, financements
solidaires, participatifs....
Les systèmes d'échange locaux ont, dès les années 1980, réactualisé les échanges sur la base
d'une monnaie alternative (étalon de mesure et moyen de paiement). Ces échanges concernent
surtout des services de proximité et peu des biens, échappant ainsi à la contrainte de la
productivité (qui avait fait l'échec des "bazars d'échange" au XIXème siècle).
Plus récemment, des monnaies locales tentent d'encourager la production et la
consommation de proximité (dans l'optique de relocaliser une partie de l'économie) en
encourageant la circulation de la monnaie (non réserve de valeur car fongible) dans une relation
plus ou moins étroite à la monnaie légale. Dans ces deux cas, la confiance dans la monnaie est
garantie par la proximité géographique des co échangistes, ce qui limite le développement des
échanges, d'autant plus que les populations solvables gardent leur confiance dans la monnaie
légale.
C'est également sur cette base de la proximité (cette fois entre épargnants et emprunteurs)
que ce sont créés les premiers modèles de financement solidaire : les CIGALES comme les
premières coopératives de capital risque détenues par des particuliers se sont construites autour
d'un fort sentiment d'appartenance à une communauté.
Pour dépasser cette contrainte, de nouvelles formes plus institutionnelles se sont construites,
que ce soient la nouvelle banque éthique (La Nef qui rend transparente l'information sur les
emprunts), les plateformes de finances solidaires (dont les engagements financiers sont en partie
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garantis par la puissance publique) ou les réseaux de financement participatif dont les règles
garantissent l'utilisation des fonds mobilisés.
Dans tous ces exemples d'échanges monétaires ou financiers, on est bien dans l'économie
réelle et non lucrative, voire spéculative; l'échange est basé sur l'adhésion, le lien et la confiance :
adhésion à l'utilité sociale du projet ou du service rendu; lien entre des particuliers, peu intermédié
et transparent quand une institution s'interpose dans l'échange; confiance dans la fiabilité du co
échangiste (apporteur de service ou emprunteur d'argent).
Au delà de la nature de ces échanges d'argent, ce sont les modèles économiques des
entreprises d'ESS qui sont renouvelés. Jadis basés sur le couple cotisations-financements publics
(via la subvention ou le marché public), puis sur le couple financements publics-prestation de
services (par l'ouverture de la concurrence et la pression à la marchandisation), on peut se
demander si les nouveaux modèles économiques qui émergent ne sont pas plus complexes,
reflétant le niveau d'engagement et de solidarité que la société et ses membres sont prêts à
mobiliser : engagement des parties prenantes, solidarité obligatoire et volontaire, nationale et
locale.
B.2.3. Ces deux rapports (au travail comme à l'argent) sont ainsi structurés dans des
organisations spécifiques qui associent, mutualisent et font coopérer. Même si la
désintermédiation est valorisée (autour de l'idée de circuits courts), les réseaux ne suffisent pas à
pérenniser et clarifier les relations entre les acteurs, mais les organisations sont appelées à se
transformer. Traditionnellement basées sur le "mono sociétariat" : adhérents mutualistes,
agriculteurs associés dans une coopérative agricole; salariés dans une SCOP; épargnants dans une
banque coopérative, usagers et bénévoles dans une association... elles regroupent aujourd'hui de
plus en plus de "parties prenantes" plus diversifiées. Une ouverture a commencé à s'opérer dans
les années 80-90, avec la possibilité aux salariés d'entrer dans la gouvernance des coopératives
agricoles, les investisseurs non salariés dans les SCOP... A l'inverse les associations censées être
gérées par des bénévoles ont exclu la participation des salariés en 1971, la loi 1901 ne précisant
nullement la nature des associés réunis dans ces groupements de personnes. Plus que pour toute
autre entreprise, l'élargissement à diverses parties prenantes et à leur engagement (au delà du
rapport "principal-agent") apparait néanmoins indispensable pour rendre compte de la réalité
d'aujourd'hui (salariés, investisseurs, voire usagers dans les SCOP, multi sociétariat dans les SCIC,
diversification des adhérents associatifs...).
Ce qui oblige à sortir des définitions des années 30's où ont été définies à la fois l'entreprise
(Coase, 1937) et la coopérative (Fauquet, 1935) dont la définition a été étendue à l'entreprise
d'économie sociale (Vienney, 1994).
En 1937, R. Coase définit la firme comme un "noeud de contrats" qui, contrairement au
marché, demande une coordination hors prix (administrative, hiérarchique, autoritaire). Elle
suppose néanmoins que les transactions sont de nature commerciale (pour le client comme le
salarié) et que la rationalité reste individuelle. Les débats sur la nature de l'entreprise ont
largement contesté cette analyse (Coriat, Ollivestein ?) : l'entreprise est une organisation (de
rapports sociaux) et une institution (inscrite dans des normes et productrice de normes).
En 1935, Fauquet a le souci d'unifier le "secteur coopératif" en but à des dissensions
multiples et à le distinguer de "l'association populaire" sans activité économique. Il définit
l'entreprise coopérative comme "une association qui gère une entreprise" avec la caractéristique
de la "double qualité" : les associés sont les usagers et non des investisseurs, mais ils agissent
comme s'ils détenaient des "droits de propriété". Dans les années 1980-90, H. Desroche et C.
Vienney étendent le concept à l'ensemble de l'économie sociale, consacrant ainsi la dichotomie
entre une association gérée par des bénévoles et définissant une stratégie "politique" et une
entreprise gérée par des salariés professionnels selon des critères supposés "techniques". C.
Vienney a montré le "retournement possible" entre la période d'instrumentalisation de l'entreprise
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et la phase d'autonomisation et donc de "dépolitisation" de l'entreprise. Cette dichotomie est
devenue une fiction (qui structure encore tous les discours sur l'économie sociale) alors que des
conseils d'administration sont moribonds, qu'on valorise le couple président-directeur, et qu'une
partie des salariés détient le réel pouvoir de décision.
Il s'agit alors de considérer l'entreprise d'ESS comme une "entreprise collective sociomarchande", répondant à des aspirations sociales, inscrite dans des rapports sociaux et répondant
à des besoins sociaux liés au système socio-productif. L'analyse conventionnaliste permet
d'analyser les logiques d'acteurs et les modes de régulation sociale (Reynaud) à l'oeuvre au sein
des organisations ; l'analyse régulationniste permet de les resituer comme institutions
(productrices de valeurs et de nouvelles normes) et d'examiner leur potentielle participation à un
nouveau mode de régulation.
Ainsi, il semble important aujourd'hui de considérer l'ESS pas seulement comme une
manière d'entreprendre à coté de l'économie lucrative soit par réorganisation d'une économie
artisanale menacée, soit comme auxilaire d'une économie publique trop normative, dans une
économie dite "plurielle", ce qui risque de masquer sa dépendance envers l'économie lucrative. Il
s'agit de l'appréhender non comme une simple réponse (provisoire) à "la défaillance du marché et
de l'Etat" (comme mode de réorganisation des activités nécessaires mais non suffisamment
rentables (ou normatives) selon certaines règles propres de pouvoir et d'argent (Vienney, 1980,
1994) mais comme un réel levier pour un nouveau mode de régulation.
B.2. - Cette approche entrepreneuriale a été renforcée par l'accent mis sur le "poids" de
l'économie sociale et solidaire, soutenu par l'effort statistique de l'INSEE pour identifier ce type
d'entreprise. Mais cela ne dit rien sur "l'influence" de l'ESS sur son environnement, qu'il soit
territorial ou macro-économique : dans ses rapports à la concurrence, à la puissance publique, au
mode de croissance.
B.2.1. Le rapport au territoire : l'ESS est actuellement présentée essentiellement comme une
économie territorialisée. Après la phase de concentration verticale liée au fordisme, son
renouveau s'est opéré par l'essor des organisations locales (d'abord associatives puis coopératives,
et peut-être mutualiste avec la création de mutuelles de villages).
Dans une économie de plus en plus basée sur la mise en concurrence des territoires par des
entreprises mondialisées, l'ESS apparait comme un facteur de régulation territoriale du fait de ce
(ré)ancrage dans la proximité. Non seulement elle valorise des ressources, humaines, cognitives,
matérielles et financières, pour créer des activités qui accroissent l'attractivité des territoires mais,
comme acteur collectif, elle s'affirme de plus en plus comme porteur d'un mode de
développement territorial plus durable. En effet, comme l'a bien montré la DATAR (2010), le
développement territorial bénéficie de moins en moins du processus de "ruissellement" (selon
lequel le développement économique produit la richesse marchande qui, mécaniquement ou via
l'impôt, selon l' analyse libérale ou keynésienne, se transforme en développement social). Un
développement territorial durable nécessite donc l'internalisation du social au sein même de
l'activité économique (via l'économie sociale, voire l'entrepreneuriat social ou la responsabilité
sociale des entreprises).
L'ESS n'est cependant pas condamnée à rester "locale"; elle peut étendre son action au delà
du territoire d'origine, mais, pour maintenir le lien de confiance du sociétariat, elle est amenée à
redéfinir les rapports entre organisation territoriale et verticale (déconcentration, décentralisation,
mise en réseau...). La question de l'internationalisation des entreprises de l'ESS est plus complexe
: elles ont souvent utilisé la filialisation lucrative pour s'assurer soit un retour d'investissement soit
un contrôle collectif de la maison mère dans des pays sans tradition coopérative ou mutualiste.
Alors que les formes d'ESS sont reconnues dans un nombre croissant de pays, de nouvelles
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relations se cherchent (comme l'adhésion des membres de la filiale directement à la maisonmère).
B.2.2. Le rapport à la concurrence : Après avoir valorisé principalement ses modes de
coopération interne (pour limiter la sélectivité des marchés envers ses salariés, ses financeurs et
ses usagers), l'ESS redécouvre les atouts de l'intercoopération (forte dans les années 60 mais
déclinante dans les années 80 du fait de la mise en concurrence : réforme bancaire, réforme du
code de la mutualité, passage de la subvention à la convention puis au marché public pour les
associations).
Après une période d'émiettement des uns (associations, SCOP) et de concentration des
autres (coopératives bancaires et agricoles, mutuelles), la mutualisation de moyens et de projets
apparaissent comme des alternatives susceptibles de respecter l'autonomie des acteurs. .
Deux autres exemples concernent plutot les échanges (et relations) économiques entre
OESS et leurs partenaires extérieurs (fournisseurs, clients, financeurs...) : les circuits courts et les
Pôles Territoriaux de Coopération Economique (PTCE).
Nés à la fois des crises (alimentaire, climatique...) et de la promotion des réseaux
interpersonnels, les circuits courts tendent non seulement à rapprocher les producteurs des
consommateurs (avec au maximum un intermédiaire) mais de ce fait, à redéfinir les relations
économiques : ainsi dans les Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne (AMAP),
le prix et la qualité sont négociés, les consommateurs font des avances de trésorerie et acceptent
de partager avec l'agriculteur les risques saisonniers et climatiques, et éventuellement apportent
du temps de travail sur l'exploitation.
Inspirés par l'intercoopération et par les pôles de développement (Perroux) et de
compétitivité, les PTCE regroupent des entreprises de l'ESS "associées à d'autres entreprises, en
lien avec des organismes de formation et de recherche et des institutions publiques " (article 9 de
la loi sur l'ESS, 2014) pour susciter l'innovation et participer au développement territorial durable.
Leur objectif est donc moins la compétitivité que la consolidation des membres et le
développement territorial; ils s'appuient sur la mise en réseau des différents acteurs, la
construction de relations bilatérales et multilatérales et sur la promotion de nouvelles activités
engendrant des nouveaux emplois et compétences.
Ainsi se redéfinissent les relations marchandes sur la base d'interactions non marchandes,
alliant la confiance liée à la proximité, la mise en réseau et la coordination d'acteurs divers.
La régulation coopérative permet ainsi de mettre en synergie les forces, de redistribuer la
valeur dans un but commun (le bien commun ?) tout en pondérant les éléments centrifuges des
régulations concurrentielle (sélective) et publique (normative).
B.2.3. Le rapport à la puissance publique : Historiquement ce rapport de l'ESS à la puissance
publique a été très fluctuant : après les périodes de répression, tolérance puis reconnaissance au
XIXème siècle, le XXè a plutôt vu l'absorption de l'ESS dans les politiques publiques soit pour
structurer des activités trop émiettées, soit pour intégrer des groupes sociaux trop marginalisés.
Depuis les années 1980, la puissance publique oscille encore entre instrumentalisation et
autonomisation en ouvrant de multiples secteurs d'activité à la concurrence et en les
encourageant à recourir à des financements privés (cotisations des membres, prestations de
services puis mécénat d'entreprises) (Courvoisier, 2012). Si les relations se sont territorialisées du
fait de la décentralisation et du retrait progressif de l'Etat (les politiques territoriales envers l'ESS
se sont beaucoup renforcé depuis les années 2000, Richez-Battesti et alii, 2013), elles restent
empreintes d'ambiguité du fait de la proximité entre élus associatifs et élus politiques et du
rapport à l'intérêt général (construction sociale ou attribut des représentants "du peuple" ?). Si on
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ne peut plus parler, comme dans les années 1960, d'une réelle "cogestion" de certaines politiques
publiques sectorielles (telles l'action sociale ou l'agriculture), on ne peut pas non plus parler de
simple substitution de l'économie sociale à l'économie publique (Hély, 2009). On peut par contre
se demander si, à l'instar des autres entreprises, l'économie sociale et solidaire n'est pas en train de
définir un nouveau rapport basé d'une part sur la co construction de nouvelles politiques
publiques (soit transversales soit thématiques) et d'autre part sur la création de services semi
publics plus participatifs. Ainsi certaines sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC)
mobilisent à la fois des habitants, des entreprises locales et des collectivités territoriales pour
maintenir ou développer des services à la population ou aux acteurs économiques, par une co
définition des besoins et des solutions. Ce peut être l'amorce d'un service local plus démocratique
que le service public traditionnel.
B.2.4. Le rapport au mode de croissance/développement : De toutes ces caractéristiques,
émane un rapport différent à la croissance qui, malgré les discours gestionnaires, n'est pas la
finalité absolue des entreprises de l'ESS, même si elle semble parfois une condition de survie;
c'est pourquoi nous pouvons raisonner en terme de développement, même si l'ESS ne se réfère
guère explicitement à la dimension environnementale du développement "durable".
Le suivi national de l'évolution de l'emploi dans l'ESS montre que depuis 2008, l'ESS joue un
rôle amortisseur, avec un taux d'évolution inversé par rapport à celui de l'ensemble de l'économie.
Plus précisément, le suivi des courbes de croissance de certaines grandes entreprises de
l'ESS, comparées à leurs concurrentes lucratives montre une évolution beaucoup moins cyclique
à la baisse comme à la hausse : elle est sans doute équilibrée par la démocratie, la finance patiente
et la redistribution interne. Ce rôle contra cylique (envers la dépression comme la reprise) ne
saurait occulter la question du rapport au développement plus durable ; si l'ESS a été précurseur
dans l'économie circulaire (du recyclage des déchets au réemploi des objets), elle a encore de
grandes perspectives à explorer car elle ne peut pas affronter la concurrence des éco organismes à
l'échelle nationale ou internationale. Par contre, l'approche en terme d'économie de la
fonctionnalité lui offre de larges possibilités : l'ESS est en effet une économie relationnelle basée
sur la maitrise de l'usage plutôt que sur la propriété individuelle. Elle peut donc jouer un rôle actif
dans la reconfiguration du modèle économique, en partenariat avec des entreprises industrielles.
Ainsi à Grenoble, un groupement d'insertion s'allie avec une grande entreprise de matériel
électrique pour accompagner des foyers précarisés à la maitrise de leur consommation d'énergie :
des personnes en insertion apportent le diagnostic et le conseil nécessaires, alors que l'entreprise
redéfinit ses équipements pour les rendre moins couteux et plus efficaces afin d'encourager les
économies d'énergie.
Dans un environnement aux ressources limitées, mais où la population ne veut pas sacrifier
son bien-être à la préservation à long terme de la nature, l'ESS opère de fait un arbitrage instable :
entre satisfaction des besoins individuels et solidarité collective volontaire; entre réponses rapides
et investissement à long terme;; entre relation d'appropriation et d'usage.
Alors qu'au XIXème, l'ESS a été stimulée par des utopies de société idéale (du phalanstère
fouriériste à la République coopérative gidienne), elle s'inscrit dans le XXIème siècle avec des
ambitions plus modestes, d'une société meilleure qui se doit d'abord être durable. Pour cela, elle
porte en elle des questionnements et des expérimentations sur le travail, l'argent, le pouvoir,
l'échange, les rapports aux territoires et à l'action publique... qui peuvent ouvrir des horizons
nouveaux au delà des représentations - souvent binaires - que véhiculent les modèles
économiques traditionnels. Ces nouvelles dynamiques sont appelées soit à "travailler la société",
quitte à subir quelques déformations, soit à rester marginalisées et sans lendemain.
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Période
1800 - 1848
1850 - 1892
1892 - 1940
1945-1975
1975-2010
Depuis 2010
Institu-
Crise 1847
Crise 1875-1892
Crise 1930's
Crise 1970's
Crise larvée
Amorce de sortie de
crise ?
travail associé et
droit au travail/
Promotion
l'indépendance
contre
constitution
progressive
salariat et
chômage
Accompagnement du
salariat
Participation au
salariat
Insertion
Réflexion
l'engagement/
- protection sociale
féminin
tions
Salariat
précarité du travail
journalier
de
la
du
du
accès
à
consommation
la
Profession
Subordination
nalisation des
Distinction
entre salariés et
bénévoles
sur
Mutuelle de travail?
bénévoles
Multi sociétariat
Entrepreneurs
Salariés/ EI
Fonction
employeur
Concurrence
Face
à
concurrence
la
sauvage
- coopération entre
travailleurs
Division du
Fédérations
Travail
Structuration de
Industrialisation
certaines activités
St simonisme
- coopération entre
associations
ouvrières
Etat
Répression
Progressive
tolérance
Contre
- 1850 SSM
-l'association
-1867
coopératives
- la propriété
collective
Mon-
Moyen
paiement sur
naie
de
Echecs
- Crédit au
la base de la valeur
travail
Travail
Caisse
d'escompte
échec de la banque
du Peuple
Organisation de
Intégration
dans l'économie
Mixte
Concentration
Emiettement
d'associations
locales
Mise
concurrence
certains marchés
Banalisation
Structuration
collective
de
la
protection sociale et
de la consommation
des ménages
Entrepreneuriat
Valorisation
coopération
de
externe ?
en
promotion
régulation
de
base territoriale
social
Aiguillon/
Décentralisa
Co construction
Statutaire
instrument des
politiques
publiques
et
des
marchés
publics
tion
des politiques
Dérégulation
Publiques ?
Relais
de
l'intervention publique
Soutien de l'Etat aux
banques
des
coopératives
Caisses
agricoles
locales
la
coopérative ?
Reconnaissance
Financière
la
mise
concurrence
en
Clauses sociales
et environnemen
- mise en cause
des financements
publics
tales
Spécialisation
bancaire dans
une économie
d'endette
Banques
Reterritorialisa
Universelles
tion
et
appropriation
bancaire
ment
Financiari
bancarisa
Puis structuration CA
et CCCC
tion
ménages
des
sous l'égide de l'Etat
financement de
certaines
activités
Groupes bancaires
sation
filiales
par
les
ré
Monnaies locales
Exclusion
bancaire
Finances
Financement
participatif
solidaires
Nature
globale
l'ESS
de
Association-
Coopération
Institutions du
nisme ouvrier
+ Mutualité
Progrès social :
multidimen-
= "école
Travail,
confort,
prévoyance,
indépendance
sionnel
territorialisé
et
nouvelle"
Associations
qui gèrent des
entreprises
Entreprises (pas
tout à fait) comme
les autres dans une
économie
Entreprises
sociomarchandes,
organisations
et
institutions
"plurielle"
solidariste
Rôle de
Alternative
Emancipation
Accompagnement
l'ESS
globale
du salariat par
de l'amélioration de la
condition salariale et
du travail indépendant
structuration
d'activités
artisanales
Auxiliaire
l'économie
de
mixte
pour
l'ntégration
aux marchés
Amortisseur
de
crise et innovateur
d'activités
Prisme et levier
d'un nouveau
modèle de
développement
socio-économique?
Danièle Demoustier - 2015
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CONCLUSION
Cette communication a cherché à montrer la pertinence de la périodisation des
transformations de l'ESS (dans sa nature et son rôle) à chaque phase de transformation
structurelle du capitalisme : après la phase "alternative" de l'associationnisme ouvrier face à un
artisanat morcelé, l'essor des manufactures industrielles a redéfini la place des coopératives et
mutuelles sur la base de la division du travail et de statuts autonomes à la fin du XIXème siècle;
d'acteur économique, l'économie sociale a davantage été reconnue pour sa participation au
progrès social, puis à l'intégration des populations aux marchés et comme auxiliaires des
politiques publiques dans les trois premiers tiers du XXème siècle. Depuis les années 1970-80,
elle est vécue soit comme un amortisseur de crise tourné vers les groupes sociaux, les activités et
les territoires marginalisés par les mutations en cours soit comme un laboratoire d'activités
défrichant de nouveaux marchés. Mais une analyse plus fine montre que de multiples évolutions
sont en cours en son sein et dans ses relations externes pour faire émerger de nouvelles
problématiques sur le travail, l'argent, l'entreprise, l'échange... qui, sans fonder une nouvelle
alternative autonome, peuvent porter les germes d'un nouveau modèle de développement plus
inclusif et durable.
Encore faudrait-il que les acteurs de l'ESS en prennent conscience et soient capables de
mettre en débat leurs différentes représentations de l'ESS afin d'en formuler l'expression
politique, non seulement pour "resocialiser l'économie " (lui redonner sa finalité de bien être
social) mais aussi la "repolitiser" par l'explicitation des rapports sociaux économiques (démocratie
et solidarité/ploutocratie et intérêt individuel) à travers la maîtrise des actes de la vie quotidienne
(travail, logement, alimentation, santé...).
Pour ce faire, il semble nécessaire de clarifier les courants de pensée qui traversent l'ESS
française aujourd'hui, en reprenant et rénovant le débat entre économie sociale et économie
politique du XIXè siècle qui distinguait les "quatre écoles d'économie sociale" (Genève, 1889) :
libérale, conservatrice, étatiste et solidariste.
Cela conduirait probablement à une reconfiguration des réseaux nationaux et internationaux
sur leur projet politique plutôt que sur des bases statutaires ou sectorielles.
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200 words), keywords.
Tables and figures are included in the text. Titles are in bold type.
Table 1. Exemple
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Source: authors
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Note: Notes and source are in Arial 8 pt and sources appear in italics.
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Figure 1. Exemple
Source: SFER
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A.1. TITLE SUB-SECTION
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B. RULES FOR CITATIONS AND REFERENCING
All references cited in the text [Author : date, page] – not as a footnote– should be
detailed in the « References cited » section at the end of your paper.
C. REFERENCES CITED
Author F. N. [date] « title of the paper », Review title, vol.X, n°X, pp.xx-yy.
Author F. N. [date] Book title, Paris : publisher.
Author F. N. [date] « title of the paper », in Author ed, Book title, Paris : publisher, pp.xx-yy.
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