ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE Richard LE GOFF Ecole Nationale Supérieure de Techniques Avancées MATISSE - UMR 8595 CNRS Université Paris 1 [email protected] Résumé : Il existe des formes de déterminisme technico-économique de « l’économie numérique » lié aux conditions de déploiement des accès haut débit, nécessitant la réalisation et l’exploitation de réseaux (infrastructures et services) de télécommunications. Le champ stratégique des firmes privées, des pouvoirs publics et des collectivités territoriales est modifié. Les relations inter - entreprises verticales ont été transformées en imposant et en généralisant la coopération comme lieu de coordination entre la firme et le marché, le long de la chaîne de valeur de « l’économie numérique », mais de nombreux degrés de liberté existent y compris pour les pouvoirs publics (y compris les collectivités territoriales) pour lutter contre la « fracture numérique ». Il semble aussi que les relations Etat - Entreprises qui étaient la plupart du temps verticales, dans le cadre de marchés publics, seraient caractérisées par un ensemble de situations hybrides de coopération entre les secteurs public et privé, désignée sous le terme de Partenariat Public Privé (PPP). Toutefois, ces degrés de liberté stratégiques et politiques existants dans ce contexte de déterminismes techniques et économiques, soulèvent de nombreux problèmes d’ordre éthique, et juridiques, liés à la difficulté d’établir une frontière entre ce qui relève du public et du privé, essentiellement à cause des effets externes de l’information, bien économique mixte. Si les défaillances du marché sont palliées, celles de l’Etat et en particulier des PPP risqueraient bien d’apparaître. Abstract : There are forms of technico-economic determinism of "the numerical economy" related to conditions of deployment of the broadband access, requiring the realization and the exploitation of telecommunications networks (infrastructures and services). The strategic field of private firms, the authorities (including the local authorities) is modified. Thus, relations inter - vertical companies were transformed while imposing and by generalizing the cooperation like place of coordination between the “firm” and the “market”, along the chain of value of "the numerical economy". But many “degrees of freedom” exist including for the authorities fighting against the "numerical fracture". It also seems that the relations between State and companies which were most of the time vertical, within the framework of public markets, would be characterized by a whole of hybrid situations, with a co-operation between the public and private sectors, indicated under the term of Private Public Partnership (PPP). However, these existing “degrees of freedom” strategic and political in this context of determinisms, technical and economic, raise many problems of order ethical, and legal, related to the difficulty in primarily establishing a border between what concerns the public and the private one, because of the external effects of information, quite mixed. If the failures of the market are mitigated, those of the State and in particular PPP would be likely well to appear. Mots clés : économie numérique, fracture numérique, aménagement du territoire, télécommunications, haut débit, politiques publiques, stratégies industrielles. 1 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE INTRODUCTION ...................................................................................................................... 3 I. LES DETERMINISMES TECHNICO-ECONOMIQUES DU HAUT DEBIT ................ 4 1. Marché de détail d’accès haut débit par ADSL.................................................................. 5 2. Marché du dégroupage ....................................................................................................... 6 3. Marché de gros d’accès haut débit collectés au niveau régional en ATM ou IP ............. 11 4. Marché de gros d’accès haut débit collectés au niveau national ...................................... 13 II. LES ESPACES STRATEGIQUES ET POLITIQUES A L’ERE DE « L’ECONOMIE NUMERIQUE » ....................................................................................................................... 14 1. Une infinité d’espaces stratégiques pour les plus grandes entreprises situées le long de la chaîne de valeur de « l’économie numérique » .................................................................... 14 2. De la réduction des écarts dans l’équipement et l’accès aux infrastructures à l’égale disponibilité des services ...................................................................................................... 19 3. Développement économique et « Economie de la Connaissance » : une affaire de connexions… ........................................................................................................................ 20 4. Les moyens institutionnels à la disposition des collectivités territoriales et des opérateurs de télécommunications pour « réduire la fracture numérique » ........................................... 21 CONCLUSION ........................................................................................................................ 23 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 24 GLOSSAIRE ............................................................................................................................ 26 2 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE INTRODUCTION D’un point de vue stratégique, l’ensemble des acteurs de « l’économie numérique » dispose de nombreux degrés de liberté. Ainsi les opérateurs de télécommunications étendent leurs activités, sur toutes les couches du modèle de l’OSI1, les Fournisseurs d’Accès Internet (F.A.I.) se concentrent sur les couches hautes, les opérateurs du Génie Civil sur les couches basses et enfin, les fournisseurs de services et de contenus, publics ou privés (santé, éducation, formation, musique en ligne, télévision numérique, commerce électronique, infomédiation…) proposent leurs prestations payantes ou gratuites, qui viennent se positionner au-dessus des dernières couches du modèle de l’OSI. En terme d’économie industrielle, l’existence des couches les plus basses, est une « condition de base » qui détermine le développement des usages qu’il est maintenant convenu d’appeler de « l’économie numérique ». Il s’agit de l’ensemble des activités qui s’appuient sur l’existence de services de télécommunications performants et d’accès « haut débit » (ou « large bande » ou « Broadband »)2. Les stratégies d’aménagement du territoire à l’heure de l’économie de la connaissance reposent également sur cette « condition de base » qui est d’ordre technique et économique. En effet, l’accès haut débit se fait essentiellement grâce à la technologie DSL en France puisqu’à partir des chiffres de l’ART et des principaux opérateurs, il est possible d’estimer que sur les 4,5 millions d’accès haut débit opérés à la fin du premier trimestre de 2004, plus de 90% l’étaient avec des technologies DSL, 9% grâce au câble et 1% avec les autres technologies d’accès (RNIS, fibre otique, BLR, WiFi, WiMax, Câble, satellite, CPL, ou UMTS dans un avenir proche). Aussi, force est de constater que l’accès haut débit est parfois insuffisamment développé voire totalement absent sur certains micro-territoires au sein d’un quartier, d’une ville, d’un département, d’une région ou d’un espace national voire supra-national. Ces infrastructures et services d’accès haut débit peuvent être fournis à l’initiative exclusive du secteur privé, lorsque la densité de population et d’activité laisse augurer des retours sur investissements suffisants. Dans le cas contraire, les pouvoirs publics locaux, nationaux ou européens, disposent de degrés de liberté pour éviter une « fracture numérique ». Ils peuvent conjuguer leurs efforts financiers, y compris avec les opérateurs de télécommunications, afin de constituer ces couches basses, nécessaires au développement des services publics et privés de « l’économie numérique ». Dans la première partie, les marchés d’accès haut débit en France sont analysés en termes techniques et économiques en respectant la typologie des « marchés pertinents » proposée par l’ART, afin de dresser le tableau des déterminismes techniques et économiques. Dans la seconde partie, les stratégies des opérateurs agissant sur les différentes couches du modèle de l’OSI sont exposées. Dans le contexte de « l’économie de la connaissance », les choix qui s’offrent aux pouvoirs publics, à la fois en termes d’aménagement du territoire et de développement des accès haut débit, dans le cadre législatif et réglementaire français des communications électroniques (récemment renouvelé), sont analysés. Il est souvent fait référence au modèle de l’OSI pour analyser les systèmes d’information et de télécommunications. Ces derniers sont découpés en couches partant de celles dites basses (les infrastructures) et en allant jusqu’aux couches dites hautes (les services). 2 Il est communément admis que l’accès « haut débit » ou « large bande » ou « Broadband » concerne en France tous les accès à Internet dont le débit offert au client final est au mois de 128 Kbit.s-1, même s’il n’existe pas de définition « officielle » émanant par exemple de l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART). 1 3 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE I. LES DETERMINISMES TECHNICO-ECONOMIQUES DU HAUT DEBIT L’accès « haut débit » ou « large bande » ou « Broadband » (dont le débit offert au client final est au mois de 128 Kbit.s-1) se fait essentiellement grâce à la technologie DSL (plus de 90% des accès haut débit). Les marchés de gros et de détail d’accès haut débit sont caractérisés par une très forte imbrication des dimensions techniques, juridique, économique et territoriale. Cette complexité associée à l’importance considérable des moyens à mobiliser, aussi bien en termes financiers qu’en terme de connaissances, de savoir-faire scientifiques et techniques implique la possession de très nombreuses ressources en personnels très qualifiés, non seulement pour les fonctions techniques mais aussi commerciales et administratives. Aussi, sur ces marchés d’accès haut débit, les très grands acteurs occupent une place prépondérante. Dans le cadre de la consultation publique lancée au début de l’été 2004 à propos du haut débit, l’ART a distingué quatre marchés pertinents de l’accès haut débit conformément à la loi relative aux communications électroniques et dite de « transposition du paquet telecom ». Cette transposition des directives européennes s’est faite en prenant en compte les dimensions techniques, économique et géographique ou territoriales. En effet, les directives européennes en faisant en référence aux concepts de l’Economie Industrielle que sont les « marchés pertinents » et « l’acteur dominant », impliquent d’analyser les marchés d’abord en termes techniques parce que les services d’accès haut débit possèdent des caractéristiques technologiques précises qu’il convient de parfaitement décrire afin d’en délimiter le périmètre et surtout de déterminer la substituabilité qui peut exister du coté de l’offre et de la demande entre des services proches. Ensuite, alors que cette délimitation des marchés pertinents a eu lieu en termes techniques et fonctionnels, il convient d’examiner les implications géographiques et économiques de ces caractéristiques parce que l’existence d’une offre de services de télécommunications ou d’accès haut débit est conditionnée par les réseaux de télécommunications pour le transport, la collecte des communications électroniques et l’accès aux abonnés ou clients, directement dépendants de la géographie des territoires concernés et finalement des capacités de financement des acteurs publics et privés présents sur les marchés de l’accès haut débit ainsi que sur l’ensemble de la filière haut débit. C’est l’imbrication très étroite de l’ensemble de ces dimensions qui est synthétisée dans les tableaux et cartes suivantes, à partir de la typologie des marchés pertinents établie par l’ART. 4 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE 1. Marché de détail d’accès haut débit par ADSL Le tableau suivant propose une synthèse des principales caractéristiques des marchés de détail d’accès haut débit par ADSL. Caractéristiques principales Acteurs rang Seules les offres émanant de FAI disposant de leurs propres DSLAM (i.e. FT et ceux qui achètent l’offre de dégroupage de FT) proposent en plus des accès à l’Internet des offres Multiple Play (Internet, téléphone et télévision). AOL Club-Internet Cegetel Free Neuf Telecom Tele2 Telecom Italia France Tiscali Wanadoo Calixo Cario Easyconnect Freesurf Frontier Gamboo HR Net La Poste Nerim Netultra Nordnet Oreka Marché professionnel Ce marché impose de pouvoir techniquement proposer des offres à débit garanti i.e. basée sur l’exploitation de ses propres DSLAM voire sur l’achat en gros d’accès collectés en ATM, au niveau régional. Cegetel COLT Neuf Telecom Transpac (FT) vendu aussi sous la marque Oléane Claranet Easynet Magic On Line Nerim Oreka Tiscali 5 de 1er Acteurs de 2nd rang Marchés de détail d’accès haut débit par ADSL Marché résidentiel Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE 2. Marché du dégroupage La boucle locale cuivre est quasiment exclusivement la propriété de France Telecom. Le dégroupage consiste pour France Telecom à mettre à la disposition des opérateurs qui en font la demande, la « boucle locale », i.e. : - une paire de fils de cuivre (nouvelle ou pré-existante), dite « paire torsadée », qui relie l’abonné au central téléphonique (répartiteurs, sous répartiteurs, NRA ou URA), soit totalement (« dégroupage total ») en mettant directement le support cuivre à disposition, soit partiellement (« dégroupage partiel »), en ne mettant à disposition qu’une gamme de fréquence grâce à l’installation d’un filtre permettant à France Telecom de continuer à fournir le service téléphonique et à l’opérateur demandeur de fournir le service d’accès haut débit DSL ; - un local indépendant, sécurisé et alimenté en électricité permettant aux opérateurs d’installer leurs équipements électroniques (notamment les DSLAM nécessaires à la fourniture d’un service d’accès haut débit grâce à une technologie DSL) et de se raccorder à leurs réseaux de collecte et de transport des communications électroniques. Le schéma suivant permet de situer d’un point de vue topologique les différents éléments du réseau et la position relative du dégroupage (situé à gauche du segment de transport ATM) par rapports aux marchés de gros (situés à droite du segment accès)3. 3 6 Source du schéma : ART Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE Le tableau suivant propose une synthèse des principales caractéristiques du dégroupage et recense à la fois les acteurs de l’offre et de la demande. Marché de gros d’accès haut débit 1er marché de gros d’accès haut débit : le dégroupage Caractéristiques principales Acteurs de Acteurs de l’offre demande Seuls les opérateurs du France Telecom Neuf Telecom dégroupage peuvent proposer Cegetel des offres « Multiple Play », Free associant accès à Internet, Telecom Italia téléphonie et bouquets de COLT (sur télévision. marché professionnel Le parc des accès ADSL haut uniquement) débit vendus sur le marché de détail à partir d’accès achetés sur le marché de gros du dégroupage représentait fin 2003 environ 35 % du marché de gros de l’accès ADSL haut débit (mais seulement 8,5 % des accès vendus sur le marché de détail) et 50 % à la fin 2004. Les opérateurs exploitaient plus de 300 DSLAM installés dans les répartiteurs de France Telecom à la fin 2003 et devraient en exploiter 270 supplémentaires à la fin 2004. 7 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris la le ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE En termes géographiques, s’il parait essentiel de relever que les 570 répartiteurs de FT dégroupés sur les 12000 existants permettront de toucher à la fin 2004 plus de 50 % de la population, il n’en demeure pas moins que la couverture territoriale reste très lacunaire comme l’illustre la carte du dégroupage. Cette carte signifie que l’immense majorité des territoires français n’a pas accès aux offres « Multiple Play » (i.e. combinant accès à Internet, téléphonie et télévision numérique) des concurrents de France Telecom (Wanadoo). C’est la très faible capillarité des réseaux de transport et de collecte des opérateurs alternatifs et/ou du dégroupage pour les particuliers (Cegetel, Neuf Telecom, Free, Telecom Italia) par rapport à celle des réseaux de France Telecom, comme le mettent en évidence les deux cartes produites par ORTEL (cf ci-dessous), qui explique cette situation territoriale particulière, due aux caractéristiques géographiques de l’espace national (densité moyenne faible et grande disparités entre les densités urbaines et rurales) et aux caractéristiques économiques de l’industrie des télécommunications qui demeure, quelques soient les technologies nouvelles utilisées, une industrie de réseau avec des rendements d’échelle croissants en raison de l’importance relative des coûts fixes par rapport aux coûts variables, des rendements croissants d’adoption et des effets de club. 8 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE 9 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE Toutefois, en termes économiques, cette situation n’est pas forcément pénalisante, au moins à court et moyen terme, pour ni pour les consommateurs ni pour l’industrie des contenus (télévision, média, musique etc.) puisque : - 50 % de la population est couverte en offre « Multiple Play » par les opérateurs du dégroupage avec 570 DSLAM installés à mi 2004, - 80 % de la population est couverte par France Telecom (Wanadoo) en offre « Multiple Play » avec 3600 DSLAM installés au 1er mars 2004 (sur les 12000 NRA du réseau de FT), - 96 % de la population devrait être couverte par France Telecom (Wanadoo) en offre « Multiple Play » à la fin 2005, - tous les NRA seront équipés de DSLAM4 par France Telecom à la fin 2006. De plus, ce sont les populations les plus éloignées d’un point de vue socio-culturel et économique de la cible marketing des industries du contenus qui ne seront accessibles qu’en un dernier temps et probablement uniquement par France Telecom (Wanadoo). Il faut noter ceci ne signifie probablement pas que les tarifs seront plus élevés en raison d’une péréquation nationale pratiquée par France Telecom sur les offres de Wanadoo, dès lors qu’une concurrence réelle continuera de s’exercera sur les NRA dégroupés. En revanche, en termes politiques et d’aménagement du territoire, notamment lorsqu’un raisonnement en termes d’accès à des services y compris de loisirs est pratiqué, il n’en est pas de même. Le risque de « fracture numérique » est alors avéré entre les territoires urbains et les territoires ruraux puisque les services à forte valeur ajoutée de la filière haut débit, ceux situés le plus en aval des infrastructures de télécommunications i.e. au dessus des couches les plus hautes du modèle de l’OSI ne sont accessibles pour le moment que sur une infime partie du territoire. De plus, il est fort possible qu’à long terme, la diffusion des technologies permettant d’augmenter les débits de manière continue comme c’est le cas depuis des années, continuera de s’effectuer de manière centrifuge, à partir des NRA et des centres urbains. Ainsi, la carte du dégroupage pourrait-elle bien devenir de manière durable celle de l’accessibilité aux contenus à forte valeur ajoutée. En effet, il apparaît plausible que les territoires ne bénéficiant pas d’une réelle concurrence entre opérateurs, bénéficieront toujours avec retard des innovations tant en termes techniques que marketing. 4 Source : ART, France Telecom – Conférence de presse pour le lancement du plan ZAE 10 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET DYNAMIQUES TERRITORIALES EN FRANCE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE 3. Marché de gros d’accès haut débit collectés au niveau régional en ATM ou IP Sur le schéma précédent, il est possible de situer d’un point de vue topologique les différents éléments du réseau et la position relative du 2nd marché de gros d’accès haut débit (situé à droite du segment accès), à la fois sur les segments Transport ATM et Transport IP 5, correspondant ainsi essentiellement à « l’option 3 » (faisant référence au Code des Postes et Télécommunications avant qu’il ne soit modifié par la loi dite de « transposition du paquet telecom ») qui se limitait à une collecte en ATM alors que la collecte en IP se faisait en un point national et relevait donc de l’option 5. Le tableau suivant propose une synthèse des principales caractéristiques de ce 2nd marché de gros d’accès haut débit collectés à des niveaux régionaux au sens géographique du terme et recense à la fois les acteurs de l’offre et de la demande, en distinguant les acteurs de 1er et 2nd rang. Marché de gros d’accès haut débit 2ème marché de gros d’accès haut débit : accès collectés au niveau régional Caractéristiques principales Acteurs de l’offre Le parc des accès ADSL haut débit vendus sur le marché de détail à partir d’accès achetés sur le marché de gros en livraison au niveau régional représentait fin 2003 environ 175 000 accès livrés en ATM au niveau des 135 Brasseurs ATM régionaux de FT, permettant de toucher entre 100 000 et 1 000 000 de lignes réparties sur le territoire national soit environ 5,5% des accès ADSL haut débit. Acteur de 1er Tous les rang : FAI y compris France Telecom Wanadoo Il existe désormais des offres collectées par FT au niveau régional en IP au niveau des 41 « Broadbandband Acces Server » (BAS) ainsi que d’autres offres concurrentes de l’offre « ADSL Connect ATM » (ACA) de FT, émanant des opérateurs présents sur le marchés du dégroupage (Neuf Telecom, Cegetel, Free, Telecom Italia et COLT), livrés à des niveaux régionaux en ATM ou en IP. 5 Acteurs de la demande Acteurs de 2nd rang : Neuf Telecom, Cegetel, Free essentiellement Et potentiellement Telecom Italia et COLT. Source du schéma : ART 11 Colloque « TIC et inégalités, les fractures numériques » : 18 et 19 novembre 2004, Carré des Sciences, Paris ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE D’un point de vue économique, l’intérêt de ce marché avec une collecte à un niveau régional est qu’il permet aux FAI de toucher potentiellement des millions d’internautes dès lors qu’ils sont capables de se raccorder à quelques dizaines de brasseurs ATM ou mieux encore à quelques BAS (Broadband Access Servers). Disposant en propre d’un réseau de transport pour le dégroupage, ces FAI peuvent l’utiliser et le rentabiliser en s’en servant pour leurs propres offres de détail lorsqu’il s’agit d’accès simples (pas de « Multiple Play »), voire en l’offrant à des FAI qui n’en disposent pas, même si cette offre émanant d’opérateurs FAI alternatifs à France Telecom (Wanadoo) reste marginale puisqu’à l’automne 2004, France Telecom possède toujours environ 80 % des parts de marché sur les offres de gros d’accès haut débit collecté au niveau régional que ce soit avec l’offre « ADSL Connect ATM – ACA » ou l’offre « IP ADSL régionale ». Pourtant force est de constater que ce marché est peu développé puisque seulement 5,5 % de l’ensemble des accès haut débit vendus en France le sont à partir d’une collecte régionale à la fin 2003. Les FAI ne pouvant à partir de ces offres de gros proposer aux clients finaux des offres « Multiple Play », le coût de conquête de ces clients n’est pas compensé par les profits transférés depuis les niveaux de la filière haut débit les plus rentables puisque les partenariats avec l’industrie du contenu, en particulier télévisuelle ne peuvent être noués et les transferts de valeur ne peuvent donc pas s’effectuer de l’aval (bouquet de télévision numérique) vers l’amont (FAI, opérateurs), à la différence du dégroupage. La grande majorité des FAI qui souhaitent simplement proposer des accès haut débit simples (non « Multiple Play ») préfèrent alors s’adresser au marché de gros d’accès haut débit collecté en un point national parce que les barrières à l’entrée constituées par la nécessité de posséder un réseau de transport tombent. Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 12 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE 4. Marché de gros d’accès haut débit collectés au niveau national Sur les schémas ci-dessous, le marché de gros d’accès haut débit collectés au niveau national s’étend de l’abonné jusqu’au segment de transport IP, au sein duquel, le FAI peut se raccorder en un BAS unique, national. Le tableau suivant propose une synthèse des principales caractéristiques de ce 3ème marché de gros d’accès haut débit collectés au niveau national et recense à la fois les acteurs de l’offre et de la demande, en distinguant les acteurs de 1er et 2nd rang. Marchés de gros d’accès haut débit 3ème marché de gros d’accès haut débit : accès collectés au niveau national Caractéristiques principales Acteurs de l’offre Acteurs de la demande La collecte au niveau national ne Acteur de 1er rang : Tous les s’effectue pas à débit garanti, limitant FAI ainsi la demande à celle émanant des France Telecom FAI s’adressant essentiellement à une clientèle résidentielle. avec 90% de part de marché à la fin 2003 et Le parc des accès ADSL haut débit moins de 80% estimé à la vendus sur le marché de détail à partir fin 2004 selon l’ART. d’accès achetés sur le marché de gros en livraison en un point national représentait à la mi 2004 selon l’ART Acteurs de second rang : environ 80% des accès ADSL et 70% des accès haut débit, toutes technologies Cegetel, Neuf Telecom et confondues (satellite, câble, BLR, WiFi Free essentiellement etc.). Potentiellement les opérateurs disposant d’une collecte au niveau régional. D’un point de vue économique, l’intérêt de ce marché avec une collecte à un niveau national est qu’il permet théoriquement à tous les FAI, à partir d’un simple raccordement en un point national, de proposer une offre d’accès Internet haut débit à tous les clients potentiels de France Telecom et des FAI du dégroupage (Neuf Telecom, Cegetel, Free, Telecom Italia voire COLT pour les professionnels) en ADSL (à la mi 2004, 80 % des accès haut débit ADSL sont vendus sur le marché de détail à partir de ce marché de gros). Ce marché de gros permet également aux opérateurs du dégroupage d’offrir des accès « simple » (non Multiple Play) partout où ils ne sont pas encore présents. En terme commercial, l’intérêt n’est pas négligeable. Encore faut-il que l’ART continue d’exercer une régulation efficace, i.e. permettant à tous les FAI, en particulier, l’ensemble des FAI de 2nd rand d’entrer sur ce marché et c’est la raison pour laquelle l’ART propose à l’Union européenne de réguler ce marché. Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 13 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE II. LES ESPACES STRATEGIQUES ET POLITIQUES A L’ERE DE « L’ECONOMIE NUMERIQUE » Il existe une infinité d’espaces stratégiques pour les plus grandes entreprises de « l’économie numérique », liés aux caractéristiques paradoxales de l’information, bien public et privé. Dans ce contexte, les politiques publiques d’aménagement du territoire et de développement économique s’efforcent de rendre accessible un ensemble de services de « proximité informationnelle » et non pas uniquement géographique, grâce au développement des TIC. Elles réunissent également les conditions favorables à la consommation et à la production de connaissances, sorte d’input-output central dans les processus actuels de croissance économique. Enfin, elles disposent de moyens institutionnels comme les différentes formes de Partenariats Publics Privés (PPP). 1. Une infinité d’espaces stratégiques pour les plus grandes entreprises situées le long de la chaîne de valeur de « l’économie numérique » Le modèle dit de l'OSI (Open System Interconnection ) mis au point par l'ISO (International Standard Organisation) est utilisé pour décrire les différents types de réseaux informatiques et de télécommunications. Ce modèle abstrait régissant les règles formelles de communication entre deux systèmes est construit autour de sept couches indépendantes classées par ordre croissant d'abstraction des niveaux les plus physiques aux niveaux les plus logiques (GOULVESTRE [1996, p. 416]). Ces sept couches sont la couche physique, la couche liaison de données, la couche réseau, la couche transports, la couche cession, la couche application et la couche présentation. Il est communément fait référence à ce modèle pour décrire et analyser les télécommunications tant d’un point de vue technique, économique que juridique, par exemple en cas de litige entre opérateurs de télécommunications, pour déterminer les responsabilités respectives. La chaîne de valeur de l’économie des télécommunications s’étend sur ces couches et si un opérateur de télécommunications (par exemple un opérateur « historique ») peut se positionner sur chaque couche en étant à la fois client de la couche « n + 1 » et fournisseur de la couche « n », ce n’est pas systématiquement le cas, notamment pour les opérateurs entrant qui choisissent souvent un positionnement plus étroit et plus compétitif, tentant ainsi de capturer une part de la valeur aux opérateurs installés sur toute la chaîne de la valeur, i.e. sur l’ensemble des couches. Mais l’économie numérique ne se limite pas à l’économie des télécommunications, étendue uniquement sur les couches du modèle de l’OSI. En effet, la chaîne de valeur se poursuit et nous proposons par souci didactique de compléter ce modèle par des couches venant se superposer sur les dernières couches et que appelons « modèle élargi de l’OSI ». Ce « modèle élargi de l’OSI » permet de décrire de manière organisée l’ensemble des activités qui s’appuient sur l’existence des télécommunications ainsi que les développements économiques des opérateurs de télécommunications, qui étendent leurs activités seuls ou en partenariat et se positionnement le long d’une chaîne de valeur débordant largement le modèle de l’OSI dans son acception classique. Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 14 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE Ainsi, à côté des opérateurs de télécommunications présents sur quasiment toutes les couches de ce « modèle élargi de l’OSI », des Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) concentrés sur les couches hautes, des opérateurs du Génie Civil fournisseurs des couches basses, les fournisseurs de services et de contenus, publics ou privés, proposent leurs prestations payantes ou gratuites, qui viennent se positionner au-dessus des dernières couches du « modèle élargi de l’OSI ». Enfin, jouant un rôle central, à côté de celui des régulateurs (autorités de régulation des télécommunications et de l’audio-visuel, instances internationales de commerce etc.), les concepteurs de systèmes d’exploitation, de logiciels (dont MICROSOFT paraît incontournable) et les fabricants de terminaux professionnels ou domestiques voire de « passerelle » (Cf. Figure 1) (LEQUEUX, F., RALLET, A., [2004]), viennent prolonger la chaîne de la valeur, en vendant leurs produits (décodeurs, téléphones, modems, télévision, ordinateurs, systèmes d’exploitation et logiciels) directement aux clients finaux (particuliers, professionnels, entreprises ou organisations diverses) ou indirectement par le biais d’accords commerciaux avec des agents économiques situés le long de la chaîne de valeur à autre niveau, amont ou aval, dépendant de leurs pouvoirs économiques respectifs (Cf. Figure n°2). Figure n°1: « Schéma du multimédia en ligne », (LEQUEUX, F., RALLET, A., [2004]). Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 15 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE Figure n°2: Les acteurs des TIC, un monde complexe gravitant autour de Microsoft (LANTNER [2004]) Source : LANTNER, R., [2004], « Tendances et mutations : Information, savoir, innovation, pôles de compétitivité, proximité, réseaux », Journée Prospective pour l'aménagement numérique des territoires : services, réseaux, compétitivité, DATAR, 3 juin, Paris. Les caractéristiques intrinsèques de l'information qui en font un bien collectif, sont soulignées dans de nombreux travaux : indivisibilité, intangibilité, non rivalité, non excluabilité, production d’effets externes et incertitude sur la valeur (THEPAUT [2003]). Elles sont également celles de « l’économie numérique ». Mais ces mêmes caractéristiques de l’information n’empêchent pas de définir l’information comme un bien privé, notamment parce que certaines techniques ou pratiques le permettent (décodage à péage, services en ligne accessibles par mots de passe, etc.). Ces caractéristiques font donc de l’information un bien économique paradoxal, notamment parce que l’information est à la fois bien public et bien privé et aussi parce que la production et la consommation d’information se font souvent dans des conditions particulières : incertitudes asymétriques ou non quant à la valeur de l’information, économies d’échelles considérables pour la production d’information (surtout lorsqu’il s’agit d’information sur support électronique), rendements d’échelle croissant dans la consommation d’inputs informationnels, Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 16 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE incertitude élevée quant à la rente informationnelle liée à la production d’une information et à son exploitation, tout le long de la chaîne de la valeur de « l’économie numérique » et développement d’une apparente gratuité de l’information (y compris celle protégée par le droit de la propriété intellectuelle voire industrielle). Pour illustrer les mécanismes à l’œuvre au sein de cette « économie numérique » qui devient apparemment gratuite et « paradoxale » à son tour (CURRIEN N., MUET P.-A., [2004], p 3738), il suffit de se référer à l’existence désormais ancienne et fréquente sur Internet d’une double clientèle, faite d’utilisateurs finals consommant de l’information ou des services d’une part et d’annonceurs ou d’entreprises achetant de l’information sur les utilisateurs finals d’autre part. En effet, le développement massif à la fin des années 1990 des FAI gratuits marque probablement un tournant décisif, sur certains marchés, les plus informationnels, en accentuant une tendance apparue avec le développement des télévisions commerciales gratuites pour le « consommateur – téléspectateur », déjà fondée sur l’existence d’une double clientèle, grâce à la possibilité d’identifier de manière univoque le consommateur d’information et de s’adresser à lui de manière personnalisée, grâce à la généralisation des « cookies », sortes de marqueurs logiciels, combinés notamment aux « spams », messages publicitaires engendrés automatiquement par les serveurs Internet. En Grande Bretagne, FREESERVE, le premier fournisseur d’accès gratuit à Internet comptait dès 1998, 1,3 million d’utilisateurs, dépassant les fournisseurs d’accès payant comme AOL par exemple ! INTECO estime que 40 à 50 % du marché britannique de l’accès à l’Internet est « gratuit » dès la fin 1999 ! L’équilibre économique est atteint premièrement parce que l’opérateur de téléphone reverse une partie du coût de la communication téléphonique locale aux fournisseurs de services gratuits d’accès à l’Internet, ces derniers lui apportant du trafic téléphonique supplémentaire. Deuxièmement, les fichiers clients constitués par ces opérateurs intéressent les publicitaires. Il y a dans ce cas un transfert de la valeur crée le long de la chaîne entre quatre agents économiques différents et une triple clientèle ! En France, jusqu’en 2002 avec les premières opérations significatives de dégroupage, la chaîne de la valeur est moins longue puisque l’opérateur France Télécom contrôle la boucle locale et ne reverse aucune partie du trafic engendré par les six nouveaux opérateurs de services gratuits d’accès à l’Internet. Malgré le caractère plus hasardeux de l’opération, qui repose uniquement sur les revenus issus des fichiers clients et de la publicité, World Online (contrôlé par Bouygues Telecom et l’américain World Online International), Libertysurf (contrôlé par le groupe de distribution britannique Kingsfisher et LVMH), VNUnet Online (filiale du groupe d’édition néerlandais VNU), Freesurf (britannique), Lokace Online (filiale d’Infonie) et Free (filiale du groupe de télématique français Iliad) se sont lancés en comptant sur le fait que les clients conquis seront des « internautes de deuxième génération », se livrant plus volontiers au commerce électronique et donc valant plus cher aux yeux des publicitaires à la recherche de contacts clients « qualifiés ». Dans la continuité de ces offres d’accès gratuit à Internet, permises par le caractère paradoxal de l’information, mais quelque peu mis à mal par le décollage très modéré du commerce électronique (aux USA, le commerce électronique ne représente que 1,1 % du commerce de Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 17 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE détail en 2001 ; 1,3 % en 2002 ; 1,6 % en 20036), on constate le lancement récent en France par exemple, d’offres forfaitaires pré-payées, dites offres « Multiple Play », combinant des services téléphoniques classiques (9 Telecom, France Telecom), d’accès à Internet (9 On Line, Wanadoo) et des abonnements à des services de télévision numérique (Canal Satellite, TPS) ou de musique à la demande (Sony Music). Ces offres fondées sur des stratégies industrielles de coopération entre agents situés à des niveaux différents le long de la chaîne de la valeur de « l’économie numérique », sont basées sur le partage ex-ante des profits réalisés alors que dans l’exemple des FAI gratuits, celui-ci se faisait ex-post, n’était pas le fruit d’une stratégie concertée mais relevait d’arbitrages intertemporels très risqués puisque dépendant exclusivement des recettes provenant des annonceurs, elles-mêmes déterminées par le décollage du commerce électronique. Le raisonnement microéconomique peut être expliqué de la façon suivante. Pour recruter le maximum de clients sur un Marché 1 (accès à l’Internet), les FAI gratuit fixent un prix nul pour le produit qu’ils offrent. La demande d’accès à l’Internet est alors maximale (aux effets d’éviction près, dus à la suspicion généralement engendrée sur la qualité du produit par la pratique d’un prix trop bas). L’offre d’accès à l’Internet est alors maximale aussi. Le FAI gratuit se situe alors sur un autre marché (Marché 2), celui des informations sur les clients qu’il possède sur le Marché 1. La détermination du prix du produit vendu (un fichier client) sur le Marché 2 est alors conforme aux pratiques classiques (les courbes d’offres et de demande ont des sens de variation opposés et se croisent en un point qui correspond à un prix non-nul). Il y a ensuite subvention croisée entre les deux produits vendus sur les marchés 2 et 1. On pourrait tout à fait imaginer que ce mécanisme de subvention croisée, déjà existant par exemple en France dans la grande distribution (qui vend de l’essence avec des marges quasiment nulles pour attirer des clients dans les grandes surfaces), soit exacerbé au point d’enchaîner n marchés et donc de créer (n-1) marchés sur lesquels la politique de fixation des prix ne serait pas conforme aux situations traditionnelles de concurrence (prix de vente au coût marginal) ou de monopoles par exemple (prix de vente au coût moyen) et témoigne de la mise en place d’une « Nouvelle Logique d’Organisation Economique » (LE GOFF R., [2000]). Il est trivial de dire que le risque systémique pesant sur l’ensemble des agents économiques situés le long de la chaîne de la valeur de « l’économie numérique », devient très élevé. C’est certainement une explication plausible de la crise boursière ressentie en 2000 sur l’ensemble des places financières mondiales et déclenchée par l’effondrement de quelques valeurs phares de la « Nouvelle Economie » s’étant développées sur ce principe de double clientèle et de subventions croisées. C’est probablement l’un des paradoxes de cette « économie numérique » apparemment gratuite : pour réduire le risque systémique global les plus grands groupes des média, des télécommunications, du logiciel, de l’informatique et de l’électronique, déterminent, grâce à des stratégies de coopération parfaitement coordonnées, les structures de la concurrence en recomposant les marchés existants et façonnent à long terme, les conditions de base de l’économie dans son ensemble, en contrôlant les innovations technologiques et la répartition de la valeur le long de la chaîne de « l’économie numérique » ! 6 US Bureau of the Census, http://www.census.gov/mrts/www/current.html (2003) Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 18 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE Un autre paradoxe de cette « économie numérique » réside dans le fait ce ne sont pas les services et les usages publics escomptés en matière de télé-médecine, -éducation, -formation, d’administration électronique, ni le décollage du commerce électronique qui caractérisent cette économie mais la captation essentiellement par les plus grands groupes industriels, de la rente informationnelle procurée par les infrastructures de télécommunications mais dont l’activité engendre dans un premier temps, à défaut d’un aménagement du territoire au sens d’une meilleure accessibilité aux services publics, le développement économique des territoires les plus en phase avec l’économie de la connaissance et « l’économie numérique », grâce à la vente de services et à l’émergence d’usages presque exclusivement marchands. 2. De la réduction des écarts dans l’équipement et l’accès aux infrastructures à l’égale disponibilité des services La logique dominante en matière d’aménagement du territoire a longtemps consisté à déployer de la manière la plus égale au sein d’un territoire, l’ensemble des infrastructures de transport (rail, route, ports, aéroports), d’électrification, de télécommunications, d’adduction d’eau, l’ensemble des équipements administratifs, hospitaliers, d’enseignement, de recherche etc. Cette logique a prévalu jusqu’à la fin des années 1990, par exemple à la DATAR en France, puis avec les « Schémas de Services Collectifs », un changement de paradigme a été opéré au niveau politique. Le problème essentiel est devenu celui de l’accessibilité aux services qui fut alors discuté localement, notamment à l’occasion des contrats de plan Etat-Région 2000-2006 et de la constitution des Pays, fondés sur l’adoption d’une charte de Pays, impliquant en France, tous les niveaux de collectivités territoriales et l’Etat (GUIGOU J-L, [1997]). De nombreuses innovations territoriales ont été pratiquées avec deux grandes tendances que nous lions au développement de « l’économie numérique ». Premièrement, il s’est agi de raisonner en termes de bassin de vie et de services publics et privés nécessaires au développement économique et social local. Les Maisons de Services Publics ou les Maisons de Pays par exemple se sont développées et ont ainsi accueilli en un même lieu des prestataires de services privés, publics (administrations territoriales ou services déconcentrés de l’Etat). Deuxièmement, les collectivités territoriales les plus excentrées ont envisagé de réduire les écarts d’accessibilité aux services publics essentiellement en dotant des lieux publics des équipements terminaux de télécommunications nécessaires à la consommation et la production de téléservices éducatifs, médicaux et administratifs notamment, permis par l’existence d’un réseau de télécommunications à bas débit (RTC ou RNIS) couvrant à tarif unique après péréquation, l’ensemble du territoire national français. Mais, fondamentalement, la compétitivité globale de ces territoires innovateurs et expérimentateurs ne s’est pas vu significativement améliorée, même si, comme dans le département de la Manche par exemple, de nombreux projets de développement économique, fondés sur la mise en réseau des acteurs y sont nés (LE GOFF, R. [2000]). Ce changement de paradigme en matière d’aménagement du territoire, impulsé par la DATAR en France avec les « schémas de services collectifs » et amplifié par le dynamisme des Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 19 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE pouvoirs publics locaux à la recherche de degrés de liberté, a fait naître certes des espoirs mais pour le moment pas de réelles poches de croissance, qui semble plutôt fondée sur l’accessibilité aux connaissances et au capital. 3. Développement économique et « Economie de la Connaissance » : une affaire de connexions… S’il est établi que la croissance économique européenne globale est fondée sur la connaissance (BASLE M., RENAULT M., [2004]), celle des régions est pour le moins contrastée (DATAR, [2004]), notamment parce que les différents « Systèmes Productifs Locaux » présents au sein de l’espace européen ne semblent pas être en mesure de s’inscrire avec un succès homogène dans cette économie fondée sur la connaissance (BOURDON J., [2004]). Une conception évolutionniste de l’innovation et particulièrement du passage de la science à l'économie, qui pose l’existence de feed-backs ou rétroactions transformant la séquence Science - Technologie – Economie en un système (ROSENBERG, [1982]), combinée avec l’analyse des Systèmes Productifs Locaux (CARLUER F., LE GOFF R., [2002]), qui sont le théâtre des interactions Science - Technologie – Economie et des phénomènes d’apprentissage, est une hypothèse pour expliquer cette disparité des régions européennes. En effet, il nous semble qu’il se développe au sein des SPL les plus dynamiques et fondés sur la science et la technologie (Technopoles, Districts Technologiques) des comportements en matière de recherche et développement basés sur le « learning by commuting » ou « l’apprentissage par le réseau » (LE GOFF R., [2000]), grâce au développement d'une proximité entre chercheurs et ingénieurs, malgré l’existence de distances géographiques ou temporelles parfois importantes, grâce à l’existence de connexions (entre les réseaux informatiques et sociaux) et à la généralisation d’un travail en réseau tant d’un point de vue technique qu’organisationnel. Les critères stratégiques de recherche et développement deviennent alors discriminants et prévalant par rapport aux critères géographiques, au sein de l'entreprise pour décider d’une collaboration avec un laboratoire universitaire ou privé. De plus, lorsque ces connexions socio-techniques existent, il est d'autant plus facile pour l’entreprise technologique, emblème de l’Economie fondée sur la connaissance et des technopoles et districts technologiques, d'externaliser une partie de la recherche scientifique et technologique, que la standardisation des TIC entraîne une plus grande facilité d’intégration de la recherche produite dans la base de connaissances de l’entreprise. On comprend alors pourquoi cette capacité des régions, grâce à l’existence et au développement de ces connexions, à profiter de la croissance européenne globale, devient pour les élus locaux, nationaux et européens, un véritable enjeu politique en termes de taille critique, de croissance et donc d’emploi (Cf. rapport BUSQUIN). En effet, le développement économique futur des SPL régionaux est le produit de la différenciation présente et passée des territoires au sein de l’espace économique européen et mondial, notamment fondée sur la présence d’un capital humain capable de tirer partie de l’économie de la connaissance et connecté, d’un point de vue technique et social, aux réseaux de la recherche mondiale. Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 20 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE 4. Les moyens institutionnels à la disposition des collectivités territoriales et des opérateurs de télécommunications pour « réduire la fracture numérique » Lorsque les infrastructures de télécommunications à haut débit sont insuffisamment développées par le Marché (voire totalement absentes sur certains micro-territoires au sein d’un quartier, d’une ville, d’un département, d’une région ou d’un espace national voire supra-national), les pouvoirs publics locaux, nationaux et européens peuvent conjuguer leurs efforts financiers, seuls ou avec les opérateurs privés, notamment de télécommunications, en instaurant un « Partenariat Public Privé » afin de pallier cette carence en constituant les infrastructures nécessaires à l’existence des usages et services, publics et privés, de l’économie informationnelle (santé, éducation, formation, administration, musique en ligne, télévision numérique ; vidéo en ligne, commerce électronique, infomédiation, communication, jeux, etc.). La « Loi pour la confiance dans l’économie numérique » a été adoptée le 13 mai 2004 en France et a précisé la possibilité, pour les collectivités territoriales, d'exercer l'activité d'opérateur (avec l’abrogation de l’article L1511-6 du CGCT et l’adoption du L1425-1). En effet, les collectivités territoriales pouvaient conformément à l’article L1511-6 du CGGT « après une consultation publique destinée à recenser les besoins des opérateurs ou utilisateurs, créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications [et les mettre] à la disposition d’opérateurs ou d’utilisateurs par voie conventionnelle, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et à des tarifs assurant la couverture des coûts correspondants (…) » ; elles peuvent désormais, conformément à l’article L1425-1, fournir également des services en matière de télécommunications ou de communications électroniques, y compris sur les marchés de détails et de gros de l’accès haut débit, sous certaines réserves, notamment en constatant une « insuffisance de l’initiative privée ». Il faut noter tout de même que la jurisprudence précisera in fine les modalités d’intervention des collectivités territoriales et notamment la notion d’ « insuffisance de l’initiative privée ». Les collectivités territoriales ont recours aux outils de l’économie mixte pour réduire la « fracture numérique » : marchés publics, régie, délégation de service public. En effet, pour exercer cette compétence (conférée par le CGCT), en simplifiant, trois possibilités s’offrent aux collectivités territoriales : - construire des infrastructures et les exploiter en régie directe, avec ou non sous-traitance partielle ou totale de la construction et de l’exploitation grâce au passage de marchés publics de travaux et de services ; - construire des infrastructures et lancer une Délégation de Service Public pour exploiter les infrastructures et signer un contrat d’affermage avec l’opérateur retenu ; - lancer une Délégation de Service Public pour construire et exploiter les infrastructures et signer un contrat de concession avec l’opérateur retenu. Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 21 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE Certaines collectivités territoriales ont déjà saisi ces opportunités comme en témoigne la carte suivante : De l’exploitation des infrastructures réalisées naissent des recettes, aussi la question qui se pose aux collectivités, aux pouvoirs publics en général et aux opérateurs candidats aux DSP lancées, est celle de la clé de répartition au sein des PPP, entre le Public et le Privé des contributions et des recettes. Là également, une jurisprudence doit s’établir mais les moyens institutionnels existent d’ores et déjà. Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 22 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE CONCLUSION Il existe des formes de déterminisme technico-économique de « l’économie numérique » lié aux conditions de déploiement des accès haut débit, nécessitant la réalisation et l’exploitation de réseaux (infrastructures et services) de télécommunications. Ces formes de déterminisme constituent une « fracture numérique » et modifient le champ stratégique des firmes privées, des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Ainsi, les relations inter - entreprises verticales ont été transformées en imposant et en généralisant la coopération comme lieu de coordination entre la firme et le marché, le long de la chaîne de valeur de « l’économie numérique », mais de nombreux degrés de liberté existent y compris pour les pouvoirs publics (y compris les collectivités territoriales). Il semble aussi que les relations Etat7 - Entreprises qui étaient la plupart du temps verticales, dans le cadre de marchés publics, seraient caractérisées par un ensemble de situations hybrides de coopération entre les secteurs public et privé, ne passant pas par un marché public classique. En effet, si le pendant du dipôle « Hiérarchie versus Marché » est pour l’aménagement du territoire et les politiques publiques, le dipôle « Etat versus Marché », il existe entre ces deux situations, un continuum de possibilités organisationnelles regroupées sous le terme de Partenariat Public Privé (PPP). Toutefois, ces degrés de liberté stratégiques et politiques existants dans ce contexte de déterminismes techniques et économiques, soulèvent de nombreux problèmes d’ordre éthique, et juridiques qui ne sont pas réglés comme en témoignent par exemple l’existence de difficultés pour l’intervention des fonds structurels européens liée à la difficulté d’établir une frontière entre ce qui relève du public et du privé, essentiellement à cause des effets externes de l’information, bien mixte. Si les défaillances du marché sont palliées, celles de l’Etat et en particulier des PPP risqueraient bien d’apparaître. L’Etat est considéré dans l’acception désignant les services centraux, déconcentrés et les collectivités territoriales. 7 Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 23 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE BIBLIOGRAPHIE Ouvrages et articles BASLE M., RENAULT M., [2004], L’économie fondée sur la connaissance, Economica, Paris. 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Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 24 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE THEPAUT Y., LE GOFF R. [2002], « Services publics informationnels et collectivités territoriales : l’exemple manchois », in Concurrence et services publics enjeux et perspectives, Presses Universitaires de Rennes, p 193-210. WOLFELSPERGER A., [1995], Economie Publique, Thémis Economie, PUF, Paris. Sites web : http://www.art-telecom.fr http://www.ortel.fr Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 25 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE GLOSSAIRE8 - - - - - - - ADSL : Asymmetrical Digital Subscriber Line. ACA : Cet acronyme désigne l’offre ADSL Connect ATM (ACA) de France Télécom. ATM : Asynchronous Transfer Mode est un protocole de transport de données. ART : Autorité de Régulation des Télécommunications. Bande passante : Désigne la capacité de transmission d'une liaison de transmission. BAS (Broadband Access Server) : Equipement chargé de gérer le trafic ATM issu de l'ensemble des DSLAMs qui lui sont connectés. La zone de couverture d'un BAS correspond à la « plaque DSL » sur le réseau de France Télécom. C'est notamment au niveau du BAS que sont gérés les contrôles d'accès de l'abonné ainsi que son authentification IP. Boucle locale : Ensemble des liens filaires ou radioélectriques existant entre le poste de l’abonné et l’équipement de répartition auquel il est rattaché. La boucle locale est ainsi la partie du réseau d’un opérateur qui lui permet d’accéder directement à l’abonné. Boucle locale cuivre : boucle locale dont le support physique est la paire de cuivre. C’est le réseau local utilisé historiquement pour le service téléphonique. Brasseur ATM : Équipement de commutation propre au mode de transfert ATM. Ces brasseurs permettent de définir des conduits (VP ou VC) dans lesquels transitent plusieurs voies. Ces brasseurs sont notamment les équipements auxquels se raccordent les opérateurs alternatifs pour bénéficier des offres de gros d’accès large bande de France Télécom. Dégroupage de la boucle locale : L’accès dégroupé au réseau local permet aux opérateurs alternatifs d’utiliser le réseau local de l’opérateur historique, constitué de paires de cuivre, pour desservir directement leurs abonnés. Dans cette hypothèse, l’usage du réseau local de l’opérateur historique est naturellement rémunéré par l’opérateur nouvel entrant. Cette définition générique recouvre plusieurs options possibles. Dégroupage partiel ou accès partagé à la boucle locale : Dans le cas du dégroupage partiel, France Télécom met à disposition de l’opérateur alternatifs les fréquences hautes de la paire de cuivre. Les fréquences basses correspondant au service téléphonique continuent d’être gérées par France Télécom. Dégroupage total : Dans le dégroupage total, France Télécom met à disposition de l’opérateur alternatifs l’intégralité de la paire de cuivre. Le client final n'est alors plus abonné de France Télécom. DSLAM (Digital Subscriber Line Multiplexer) : Equipement contenant les modems-opérateurs DSL et les équipements de concentration des trames ATM situés en vis à vis de l'ensemble des modems DSL des utilisateurs qui lui sont relié. Il est situé au niveau du répartiteur. Équipements terminaux : Matériel qui permet à l’utilisateur de transmettre, de traiter ou de recevoir des informations (téléphone, fax, modem, etc.). FAI : Fournisseur d’Accès à Internet (en anglais ISP : Internet Service Provider). IP (Internet Protocol) : Protocole de communication utilisé sur les réseaux qui servent de support à l’Internet. Ce glossaire est constitué à partir de celui réalisé par l’ART pour la consultation publique destinée à définir les marchés pertinents d’accès haut débit. 8 Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 26 ACCES HAUT DEBIT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : DETERMINISMES ET DEGRES DE LIBERTE - - - - - - - - - Liaison louée : Sur le plan technique, une liaison louée se définit comme une liaison permanente constituée par un ou plusieurs tronçons d’un réseau et réservée à l’usage exclusif d’un utilisateur. Elle s’oppose ainsi à la liaison commutée, qui est temporaire. NRA : Noeud de raccordement d’abonnés (voir aussi Répartiteur et URA). Option 1 : dégroupage de la boucle locale. Option 3 : Offre de gros d’accès et de collecte de trafic haut débit, livré à un niveau régional. Historiquement, ce terme désignait plutôt l’offre ADSL Connect ATM (ACA) de France Télécom. Option 5 : Offre de gros d’accès et de collecte de trafic haut débit, livré en un point national. Historiquement, ce terme désignait plutôt l’offre IP/ADSL nationale de France Télécom. PoP : Point de Présence Opérateur Répartiteur : Dispositif permettant de répartir les fils de cuivre composant les lignes d'abonnés entre les câbles reliés au commutateur d'abonnés et dont la fonction est de regrouper plusieurs lignes sur un même câble. Il héberge les DSLAM, reliés à l’extrémité de la boucle locale. RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Services) : Réseaux de télécommunications entièrement numérisés, capables de transporter simultanément des informations représentant des images, des sons et du texte. RTC : Réseau téléphonique commuté SDH (Synchronus Digital Hierarchy) : Système de transmission synchrone garantissant une protection optimale des liaisons grâce à une topologie en anneaux, permettant de passer automatiquement d'un circuit à un autre en cas de problème. SDSL (Symetrical Digital Subscriber Line) : Technologie qui permet de transmettre des signaux numériques haut débit de manière symétrique, avec un débit maximum de 2,3 Mbt/s, modulaire. Téléphonie sur IP : Service de communication vocale utilisant le protocole de télécommunications créé pour l'Internet appelé "IP", ou Internet Protocol. URA (Unité de Raccordement d’Abonné) : voir NRA VDSL (Very high bit rate DSL) : Technologie de la famille xDSL qui perme d’offrir des débits élevés, symétriques ou asymétriques, sur de courtes distances. WiFi (Wireless Fidelity) : Ce label atteste la conformité des produits au standard 802.11b. Le Wi-Fi permet de créer des réseaux locaux sans fil à haut débit. Wimax : Technologie de transmission sans fil permettant d’atteindre des débits de 70 Mbt/s sur une portée de 50km. xDSL (x-Digital Subscriber Line) : technologie permettant d'obtenir des hauts débits de transmission de signaux numériques, de l'ordre de plusieurs mégabits par seconde, sur les câbles traditionnellement utilisés pour la téléphonie analogique. ll existe plusieurs technologies, auxquelles fait référence le sigle anglais xDSL, qui permettent d'atteindre des hauts débits de données sur les lignes téléphoniques traditionnelles. Chacune d'entre elles peut être identifiée en décodant la ou les lettres qui peuvent être mises à la place de x devant DSL : ADSL, HDSL, SDSL, RADSL, VDSL, etc. Colloque de l’ADIS – 18 et 19 novembre 2004 27