Le mouvement des nationalités en Europe

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Le mouvement des nationalités en Europe
Nationalité : LE mot du premier XIXème siècle.
Le sentiment de nationalité va s’exacerber. (On parle de nationalisme plutôt dans le 2éme XIXème siècle)
Idée de Nation plutôt à gauche dans le premier XIXème siècle, à droite dans le second.
Étymologiquement, nation -- naissance
Nation « nom collectif qui se dit d’un grand peuple habitant une grande étendue de terre » (1er dictionnaire)
« obéit au même gouvernement » (Encyclopédie de Diderot)
Littré : « intérêts assez communs pour qu’on les regarde comme appartenant à une même race »
Larousse : « se distinguant (…) par une origine commune »
 définition complexe du mot.
L’évolution de la notion de nation durant le premier XIX° siècle
4 influences ont joué pour faire du mot « nation » un mot central dans le vocabulaire politique du premier
XIXème siècle:
- Lumières, autour des révolutions américaine et française. En France et en Amérique, on entend par nation un
peuple, des droits naturels qu’il possède, et une représentation commune. La nationalité est citoyenneté. Contenu
émancipateur de la nation, ce qui place les mouvements des nationalités à gauche. Occupation des territoirex, or
les “missionaires armés” sont rarement aimés (Robespierre). On retrouve la même idée en Allemagne en 1813.
Sens émancipateur du mot, dont la France révolutionnaire s’est fait le porteur, en propageant les idées
révolutionnaires et l’idée moderne de Nation (qui se retourne contre elle), tout en conquérant, en Europe. Les
monarchies restaurées restent prudentes face à ce mot, justement à cause de sa portée émancipatrice.
-romantisme politique. Il s’oppose au cosmopolitisme des Lumières, selon lesquelles tous les hommes sont doués
de droits naturels. Le romantisme fonde la nation sur le particulier : peuple (le volk), sol, race, langue, culture,
religion, histoire particuliers. Role en Allemagne précoce et crucial essentiel, avec Herder, premier théoricien de
cette concetion, et Fichte, auteur d’un Discours à la nation allemande.
En France, Michelet et Quinet estiment que la nation française est faite de particularismes. Mazzini et Garibaldi
en Italie. Romantisme de droite : elements conservateurs et idéologie du territoire du sol du sang de la langue :
nation comme forteresse  nationalisme, un demi-siècle plus tard. / Romantisme de gauche : idée de nation
ancrée dans celle de gauche  idée révolutionnaire d’émancipation des peuples.
- libéralisme. Les questions essentielles sont celles des libertés individuelles, de la construction de l’État et de la
représentation de la nation par des organes parlementaires. La nation doit être représentée par des institutions
(mais ils ne sont pas démocrates) . Nation doit donc être conjuguée avec État et libertés. Pour les libéraux, nation
= État-Nation, fondé sur le consentement des peuples. Idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes :
apparition des premiers plébiscites, surtout sous la Seconde République et le Second Empire (Savoie, Nice). En
1870, l’Allemagne annexera l’Alsace-Lorraine sans consultation et contre la volonté des Alsaciens, ce qui sera
perçu en France comme la négation du principe du libéralisme. Foustel de Coulanges développe l’idée de
consentement : « l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours”; Ernest Renan s’oppose au droit du
sol allemand.
- pensée démocratique et sociale. Nation fondée sur la volonté du peuple. Nécessité de satisfaire les volontés
politiques et sociales du peuple. Pour les démocrates, la nation est fondée sur le suffrage universel, la démocratie,
avec l’alphabétisation, l’instruction, l’association, le droit au travail. La logique du romantisme de gauche est
donc poussée jusqu’au bout. Il existe pour les démocrates une utopie de la nation.
 Aspiration générale à l’émancipation des hommes. C’est pourquoi on parle de nationalité, non de
nationalisme.
L’Europe des nationalités en 1848
Cinq cas de figure :
- États-Nations anciennement constitués (coincidence entre nationalité et Etat) : modèle de la France ou de
l’Angleterre. On retrouve des nations anciennes mais souvent divisées au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas,
dans la péninsule ibérique. Le sentiment national y est ancien et vif, approfondissement et affirmation à l’age
romantique: l’idée de nation est triomphante et victorieuse en Angleterre, elle est plus douloureuse en France
suite aux défaites de Napoléon qui lui donnent des accents parfois cocardiers et chauvins.
- Nouveaux États-Nation. Ils n’ont pas de tradition ancienne, mais sont en train d’en acquérir. C’est le cas des
États-Unis, avec l’idée, chère aux Américains, que les États-Unis sont un pays d’avenir. C’est aussi le cas de la
Grèce, née en 1829, et qui se constitue une identité très forte, face à l’Empire ottoman. Cas original de la
Belgique, qui fait sa révolution en 1830, contre les Pays-Bas, à laquelle elle avait été réunie:monarchie
constitutionnele avec l’aide de la France et de la Grande-Bretagne. Les Belges étaient catholiques et libéraux,
alors que les Hollandais étaient protestants et vivaient sous une monarchie quasi-absolue. La révolution belge est
donc une alliance des catholiques et des libéraux, elle est relativement pacifique et aboutit à la naissance de la
Belgique actuelle. C’est le modèle d’une nation fondée sur l’institution parlementaire et sur l’unité religieuse. On
avait cependant ignoré un problème : celui de la langue, qui divise wallons et flamands. Cas de la Serbie qui
s’émancipe de l’empire ottoman. Immense mouvemnt de solidarité “mouvement philhénène”, enthousiasme de
l’Europe occidentale pour la Grèce.
- Nations divisées : ensembles d’États où le sentiment de la nationalité est très fort. C’est le cas des ensembles
italien et allemand. La langue, la culture communes leur font sentir une identité commune, à laquelle s’ajoute
l’idée de nation exportée par la France de Napoléon. Mais ces pays sont dominés par un ensemble d’États de
monarchies absolues. On en compte une trentaine dans l’ensemble allemand, 7 ou 8 en Italie. Se pose la question
de la façon de créer un État-Nation sur la base du sentiment de nationalité, aspiration portée par les libéraux, les
démocates. Il faut des conditions politiques et militaires pour détruire l’ordre ancien.
- Empires multinationaux dominés par une nation principale, au nombre de trois :
L’Empire d’Autriche est dirigée par la dynastie des Habsbourg, princes allemands catholiques, qui dominent des
nationalités très nombreuses et diverses : Hongrois, Tchèques, Slovaques, Slovènes, Croates, une partie de la
Pologne au sud et de la Roumanie actuelle (Transylvanie), une partie de l’Italie (Milan, Venise), Rutènes et forte
minorité juive, discriminée, mal intégrée, qui aspire à former une nation. L’allemand, langue des élites et de
l’administration, est la langue obligatoire. Néanmoins, la tolérance religieuse règne. Mais le sentiment de
nationalité s’affirme fortement dans les nationalités dominées, particulièrement en Hongrie et parmi les
nationalités slaves. Les terres italiennes connaissent également un sentiment de nationalité. Il y a donc dans cet
Empire une ébullition extraordinaire de sentiments nationaux, d’autant plus vive que l’Autriche est une
monarchie absolue.
-La Russie connaît une expansion formidable au XIXème siècle : elle s’empare de la région du Caucase, elle
colonise définitivement l’immense Sibérie et en fait une partie intégrante de son territoire. Cette Russie est fondée
sur la dynastie des Romanov - dynastie moscovite et orthodoxe. Empereurs Alexandre Ier (vainqueur de
Napoléon) et Nicolas Ier ont une obsession : l’ouverture aux mers libres (qui permettent la navigation toute
l’année) : Mer Noire, Mer Baltique. Le Tsar se définit comme « l’autocrate de toutes les Russies ». Il gouverne
avec une administration immense. Toute la noblesse russe est fonctionnarisée et forme les cadres du
gouvernement. L’armée joue également un rôle majeur, de même que l’Église orthodoxe, organisée autour d’un
Saint Synode, dont le président est le Tsar. Celui-ci est aussi appelé « petit père des peuples » : il domine des
populations qui ne sont pas toutes russes, les Biélorusses et les Ukrainiens, qui restent relativement proches des
Russes. L’expansion de Pierre le Grand vers l’Ouest a agrandi l’empire vers l’Ouest: l’Empire russe occupe la
Finlande, les États Baltes, une grande partie de la Pologne avec Varsovie, le Caucase vers le Sud, avec déjà des
révoltes des Tchétchènes. Vers l’Est, il y a encore des peuples d’Asie centrale, des peuples de Sibérie, et des Juifs
très présents et mal intégrés. L’Empire s’organise dans l’autocratie, sans qu’il soit question de réforme. Un coup
d’État qui voulait libéraliser échoue.
-L’Empire ottoman a possédé, au XVIème siècle, une très grande partie de l’Europe, s’étendant sur l’ensemble
des Balkans. Au XIXème siècle, il a déjà beaucoup reculé, il a perdu la Hongrie et une partie de la Roumanie, puis
la Grèce, la Serbie, le Monténégro. Il reste néanmoins solidement installé dans les Balkans (Albanie, Bulgarie,
etc.). Cet Empire a plusieurs particularités : il y a une forte unité politique et religieuse. Le Sultan est à la fois chef
politique et chef religieux de tous les Musulmans (Calife). L’Empire ottoman respecte néanmoins la liberté
religieuse de ses sujets. L’Empire est étendu sur plusieurs continents : en Afrique du Nord, au Proche-Orient. Or
il recule de toutes parts : Maroc, Algérie conquise par la France à partir de 1830, Égypte. L’Empire est donc en
crise, c’est « l’homme malade de l’Europe » comme l’appellent les Anglais, faible et mal administré mais capable
d’intervenir militairement,. Cela pose des problèmes : les nationalités sont nombreuses et mêlées. Des pans
entiers lui échappent: la Grèce en 1829, la Serbie et le Monténegro dans les années 1830 et 1840. L’Egypte prend
de plus en plus d’autonomie. La doctrine anglaise veut qu’on respecte l’Empire ottoman, car de sa survie dépend
un certain équilibre en Europe. Mais la Russie le menace, afin d’essayer de libérer la population orthodoxe à ses
profits. Les grandes puissances (GB, Autriche, France) s’accordent pour préserver cet Empire.
- Les nationalités niées ou asservies, qui ont une forte identité mais n’ont aucune existence politique, et parfois
même culturelle et religieuse. C’est le cas de la Pologne et de l’Irlande. La Pologne n’existe pas à cette époque,
elle est partagée entre Prusse protestante à l’Ouest, Autriche, et surtout Russie orthodoxe (qui possède notamment
Varsovie). Les Polonais ont du mal à conserver leurs traditions, en particulier à cause de la russification dans la
partie russe, avec des tentatives relatives à la langue et la religion. La langue polonaise et le catholicisme sont
parties du nationalisme polonais. En 1841, la première insurrection polonaise est écrasée dans le sang. Tentative
de germanisation dans la Pologne prussienne, avec une offensive protestante. Le sentiment de nationalité
polonais grandit et se fonde sur la langue et la religion - le catholicisme. L’Irlande, quant à elle, est colonisée par
l’Angleterre depuis la fin du Moyen-Age, et de façon aggravée sous Cromwell et Guillaume d’Orange. L’Irlande
a perdu son Parlement en 1800. Le nationalisme irlandais se développe autour du catholicisme, ce qui pose des
problèmes avec la minorité protestante de l’Ulster. Mais la Grande famine de 1846 frappe durement la
population, qui émigre aux États-Unis et en Angleterre, et règle provisoirement la question, qui reste pendante.
Dimensions de la question nationale :
- dimension géographique : les idées de sol de territoire et de race sont unies. Chaque nation a des frontières
naturelles, qui correspondent aux peuples. Cette idée a surtout des allures religieuses : c’est Dieu, la providence
qui a posé ces frontières. Le mythe des frontières naturelles est dangereus, en ce qu’il ne s’intéresse pas au
consentement des peuples. Pour les Français, le Rhin est la frontière naturelle, ce qui entraînerait l’annexion de la
Belgique, du Luxembourg, de la hétaïre, alors que les Allemands perçoivent le Rhin comme un fleuve allemand.
Querrelle du Rhin oppose la France et l’Allemagne. Y Lacoste “la géographie sert à faire la guerre”.
- dimension historique. Age d’or des histoires nationales, considérées comme des patrimoines, constitutifs d’une
identité. Des grandes figures sont exaltées, par exemple Jeanne d’Arc en France. Ranke, Carlyle, Thierry et
Michelet sont des grands historiens nationaux.
- dimension linguistique. L’idée de nationalité se fonde sur l’unité linguistique, et on exalte la langue de la nation
particulièrement dans la conception allemande. Parmi les langues possibles pour la nation, une s’impose et
devient nationale. Or, les patois divisent les nationalités et la résistance linguistique est un moyen de résistance.
- dimension culturelle. Au XIXème siècle s’invente la notion de patrimoine, la culture des ancêtres. La culture
nationale devient donc une identité nationale, receuil des contes populaires avec les frères Grimm. On exalte les
grands poètes, le génie de la culture, de la langue. Cela passe aussi par la musique, et par l’art total et très
populaire qu’est l’opéra, avec Wagner, Verdi, auteurs d’opéras nationaux.
- dimension religieuse. La religion devient parfois le ciment national, par exemple dans la Russie orthodoxe, dans
la Prusse protestante, dans l’Angleterre anglicane, ou dans certaines nationalités opprimées comme la Pologne et
l’Irlande catholiques. Se pose la question des minorités religieuses, nombreuses et qui réclament des droits au
nom de l’idéologie libérale. La France puis l’Angleterre renonceront à fonder la nation sur la religion.
Protestantisme en Finlande, Orthodoxie en Grèce.
- dimension sociale, qui correspond à l’idée très forte mais ambiguë de peuple, dans laquelle on veut rassembler
toutes les classes sociales contre l’ordre ancien. Le sentiment de nationalité ignore les tensions sociales.
- dimension économique. Exigence de créer un marché national, particulièrement en Allemagne. Comme l’écrira
Cavour, « l’économie politique est la science de l’amour de la patrie ». Sans développement économique, la
nation ne peut pas être forte. Les grandes nations répondent aussi à des questions économiques, industrielles
surtout.
- dimension internationale. Se créent en effet des notions de solidarité entre les nations, par la culture et la
religion. La France, comme grande nation, encourage les autres nations à la liberté. Ce mythe fait partie de la
croyance des démocrates français, et Paris accueille des exilés de toutes les nations. Existe aussi une solidarité par
la race ou la religion, par exemple avec les Slaves, les Polonais, les Tchèques, Croates, Slovaques. La Russie
orthodoxe encourage les orthodoxes de l’Empire ottoman.
 La question nationale est d’une très grande complexité, elle va aboutir aux grandes révolutions nationales.
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