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connaissances affrontent, en effet, un problème constant : la nécessité de réguler leur taille
afin d’arbitrer entre l’effet club et l’effet congestion. Un tel arbitrage intègre une pluralité
complexe de choix de régulation. Quelle doit être l’amplitude de l’ouverture aux nouveaux
entrants ? Selon quelle proportion répartir, pour chaque développeur, le temps consacré à
sélectionner ou auditionner les candidats et le temps passé à envoyer un conseil à la
communauté ? Selon le statut ou l’ancienneté d'un membre, comment celui-ci doit-il répartir
son effort entre l’assistance aux novices et la coopération avec les autres experts ? L’article
teste l’hypothèse que les modalités de la régulation diffèrent selon le contenu cognitif des flux
d’idées, à partir de l’analyse sociologique d’une communauté complexe (la communauté
Debian) ;
dans l'article "Communautés épistémiques : Organisation du travail et efficacité" : Nicolas
Curien, Gilbert Laffond, Jean Lainé, François Moreau (CNAM) s’intéressent aux modes de
collaboration au sein d'un collectif épistémique (par exemple, une communauté de
développeurs de logiciel libre). Les auteurs distinguent une phase de conception, au cours de
laquelle les rendements sont croissants en raison d’une externalité de club propre aux tâches
créatives ; puis une phase d’implémentation, au cours de laquelle les rendements d’échelle
sont au contraire décroissants, en raison d’une exigence d’intégration des contributions
individuelles en un projet global cohérent. Selon les valeurs des paramètres du modèle
(intensité de l'externalité de club, degré d’intégration du système, difficulté intrinsèque du
projet, l'arbitrage entre capacité et interopérabilité), une communauté efficace peut être, selon
les cas, (i) dégénérée en un singleton, (ii) étendue à l’ensemble de la population, (iii) bornée
en taille. Toutefois, l’optimum ne peut pas être atteint de manière complètement décentralisée
et le dilemme stabilité / efficacité n'est pas résolu par l’adoption d’une règle d’allocation des
gains communs : l’exercice d’une autorité contrôlant les entrées s’avère nécessaire (résultat
conforme à l’observation empirique des communautés de logiciel libre).
S'agissant des communautés épistémiques de production, deux articles évoquent en quoi les
processus productifs pourraient être transformés par l'émergence de collectifs d'entreprises et/ou
d'employés :
dans l'article "Relations inter-entreprises et communautés: une analyse préliminaire", Richard
Arena (LATAPSES) s'interroge sur la notion de communauté, et singulièrement de communauté
médiatée, dans le cas d'entreprises en interaction (par exemple sur une place de marché
électronique). Dans un premier temps, l'auteur s'appuie sur les travaux déjà substantiels qui
ont été réalisés sur les thèmes de l’émergence et du fonctionnement des communautés
médiatées d’individus, pour en déduire une caractérisation générale de la notion de
communauté virtuelle dans une économie fondée sur la connaissance. Il examine ensuite si
les analyses existantes de la relation inter-entreprise sont susceptibles de contenir des
matériaux mobilisables en vue d’appréhender de possibles communautés d'entreprises
comme l’une des formes de ces relations. Dans une dernière partie, l'auteur cherche à
déterminer si les conditions mises en évidence dans la première partie sont réalisées dans le
cas des communautés médiatées d’entreprises ; le résultat principal est que ces
communautés peuvent être effectivement mises en évidence et explicitées dans certaines
formes précises de coopération entre firmes.
dans l'article "Sous le régime des commmunautés : Interactions cognitives et collectifs en
ligne", Claire Charbit et Valérie Fernandez (ENST) s'intéressent aux usages communautaires
des internautes. Les auteurs reviennent sur deux courants de la littérature, le marketing et le
Knowledge Management (KM), qui ont, dès les années quatre vingt dix, traité de la portée
cognitive des communautés. Reprenant certains résultats de ces travaux, elles proposent un
modèle d’analyse du comportement communautaire en ligne. A partir d'une étude concrète
concernant les comportements communautaires d’internautes avertis, membres d’un collectif
hors ligne, les auteurs dégagent différents résultats. Ceux-ci concernent principalement les
aspects structurants des réseaux techniques et sociaux, les formes hybrides des pratiques
communautaires sur Internet, les dynamiques d’apprentissage associées aux communautés
électroniques, l’identification du rôle important joué par les "acteurs frontières" de ces
communautés et, enfin, une caractérisation de deux types de collectifs en ligne dont les
propriétés semblent correspondre à deux idéaux-types de "communautés médiatées".
Les papiers présentés dans ce numéro ne constituent pas un exposé complet sur les communautés
virtuelles ; il s'agit plutôt d'un échantillon d'analyses théoriques et d'observations empiriques qui
permettent de mieux saisir l'originalité des échanges économiques qui sont induits par Internet (même