WS 2016
Alfred Noe
Littérature française
1857 1940
Noe: Littérature française 1857-1940
1
1. Introduction
La situation socio-historique :
À partir de 1855, la France voit s’affirmer sa position de puissance continentale dans une Europe
orientée vers le progrès industriel et social. Louis-Napoléon Bonaparte (1808-73, le fils de Louis
Bonaparte, roi de Hollande), en 1848 élu au suffrage universel masculin Président de la Deuxième
République, se transforme successivement en l’homme providentiel qui sera admiré quelques
décennies plus tard par Benito Mussolini. Son Coup d’État du 1er décembre 1851 et la constitution
du Second Empire le 2 décembre 1852 font de lui l’empereur Napoléon III. Alliée au royaume de
Piémont-Savoie contre l’Autriche dans les batailles de Magenta et Solférino 1859, la France s’érige
en protectrice de l’unité de l’Italie, ce qu’elle se fait payer par la cession de la Savoie occidentale et
le comté de Nice. C’est aussi l’époque de l’élargissement décisif des colonies en Afrique du Nord
(Algérie) et en Indochine (Vietnam, Cambodge).
L’initiative française qui voudrait, en 1864, placer l’archiduc Maximilien d’Autriche sur le trône du
Mexique échoue, mais prépare une coalition temporaire avec l’Autriche contre la Prusse qui sera
contrée par l’alliance italo-prussienne dans la guerre de 1866 (Königgrätz-Sadowa, Custozza,
Lissa). Avec l’industrialisation progressive s’accentue également la concurrence entre la France et la
Prusse qui culmine dans la guerre de 1870-71. Le conflit armé se solde par la capitulation de
l’Empire après que Napoléon III a été fait prisonnier de guerre à Sedan en septembre 1870, son
abdication conséquente, la cession de l’Alsace et de la Lorraine et des réparations de guerre de 5
milliards de francs.
Pendant le siège de Paris au printemps 1871 se forme la Commune, une sorte d’administration
révolutionnaire à l’intérieur de la ville, qui sera puis, deux mois plus tard, durement réprimée par le
gouvernement français sous Louis Adolphe Thiers qui avait déjà été ministre sous Louis-Philippe.
Les historiens ont calculé que, pendant la semaine sanglante de mai 1871, environ un quart de la
population ouvrière était victime des mesures brutales (exécutions sommaires, condamnations au
bagne etc.).
Sous ces tristes augures est fondée la Troisième République qui choisira la Tricolore pour drapeau
et la Marseillaise pour hymne national. Elle se distingue pourtant par sa politique de l’éducation,
avec l’introduction de la scolarisation obligatoire de tous les enfants par Jules Ferry, en 1880, et par
la continuation de la politique coloniale (surtout en Afrique centrale et occidentale) jusqu’aux
congrès de Berlin qui règlera toutes les disputes de frontières aux Balkans et partiellement en
Afrique. Les tensions persistantes avec l’Allemagne (le Reich de Bismarck) vont de pair avec un
rapprochement politique et financier avec la Russie, cimentés par les emprunts russes dans lesquels
investit la bourgeoisie française.
Noe: Littérature française 1857-1940
2
Le point culminant des troubles politiques vers la fin du siècle arrive en 1894 avec l’affaire
Dreyfus : accusé d’espionnage pour l’Allemagne, le capitaine Alfred Dreyfus (juif alsacien) est
publiquement dégradé et condamné au bagne dans l’Ile du Diable. L’antisémitisme latent de la
société (préparé par Arthur de Gobineau avec son Essai sur l’inégalité des races humaines, 1853-
55) et la discussion provoquée par les zones obscures dans l’instruction juridique nourrissent une
confrontation violente dans les médias et dans les salons. Émile Zola prend parti pour Dreyfus dans
sa lettre ouverte ou président de la République, publiée sous le titre « J’accuse » en 1898 dans
L’Aurore, et contribue à la révision du procès en 1899. Les répercussions littéraires les plus directes
de ces événements se manifestent p.ex. chez Roger Martin du Gard dans son roman Jean Barois
(1913).
L’industrialisation montante mène à un regroupement politique des ouvriers dans les syndicats et
dans le Parti socialiste dont l’organe officiel, L’Humanité, est fondé en 1902. Avec l’abolition de
l’enseignement religieux dans les écoles publiques en 1904 et la séparation stricte des Églises et de
l’État en 1905 se profile une laïcisation rigoureuse de la République, un triomphe du libéralisme et
de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (S. F. I. O.). Mais la position des socialistes sera
fatalement affaiblie, le 31 juillet 1914, par l’assassinat de Jean Jaurès, son dirigeant incontesté qui
se prononce toujours pour un pacifisme qui parait utopistes aux autres factions politiques.
La Première Guerre mondiale, la Grande Guerre, se prépare dès 1904 avec le pacte de l’Entente
(Royaume Uni, France et Russie) contre l’Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie). Après
que la France a été contrainte à se retirer du Congo en 1911, des hommes politiques comme
Raymond Poincaré, Président depuis 1913, s’engagent dans une propagande militariste contre les
pays voisins. La France entre officiellement en guerre contre l’Axe en août 1914, et se trouve
directement attaquée par l’invasion allemande en Belgique et la pénétration successive des troupes
dans le Nord (offensive des Ardennes jusqu’à la Somme et à la Marne), et dans l’Est à travers les
Vosges et la Meuse. Quelques rares victoires ponctuelles dans cette guerre des tranchées, comme
p.ex. à Verdun en été 1916 par Philippe Pétain, réclament un nombre colossal de victimes
(probablement 360.000 morts français, dont beaucoup de soldats coloniaux, les Tirailleurs
sénégalais).
Après l’armistice du 11 novembre 1918 et les traités de paix de Versailles (Allemagne) et Saint-
Germain (Autriche-Hongrie) en 1919, la politique française sous Georges Clemenceau se concentre
sur la vengeance économique en demandant à l’Allemagne des réparations astronomiques et en
occupant des territoires stratégiques comme garanties. La fondation de la Société des Nations à
Genève ne réussit pas vraiment à dissiper les tensions qui mènent finalement, après la politique de
l’armement des national-socialistes, à la Deuxième Guerre mondiale.
Noe: Littérature française 1857-1940
3
En France, le gouvernement du Front populaire sous Léon Blum en 1936-37 crée un climat de
l’optimisme provisoire qui se dissipera avec la conférence de Munich en 1938, l’annexion de
l’Autriche et de la Tchécoslovaquie, l’invasion de la Pologne et la déclaration de guerre de la France
en septembre 1940. L’occupation de la plus grande partie du territoire français par les Allemands de
1940 à 1944 cause la constitution de l’État français sous le maréchal Pétain, avec son programme
décidément fasciste (Travail famille patrie) et ses mesures contre la population juive (la rafle du
Vélodrome d’Hiver en 1942).
Le 18 juin 1940, le général Charles De Gaulle lance son appel à la résistance via radio de Londres.
Les différentes organisations de la lutte contre l’occupation se forment, parmi lesquels les FTP
(Francs Tireurs Partisans) et les FFI (Forces Françaises Indépendantes) sont les plus connues. Le
Parti communiste qui s’engage dans la résistance, sera appelé Parti des fusillés (Rol Tanguy), après
la libération de Paris en 1944, par les divisions du général Leclerc auxquelles les Américains cèdent
la priorité symbolique.
Population :
On constate une augmentation très faible de la population française de 36 millions en 1840, 38
millions en 1870 jusqu’à 40 millions en 1911. Par comparaison, le Royaume-Uni croît, dans la
même période, de 23 à 38 millions d’habitants. L’évolution démographique se transforme pendant
la deuxième moitié du 19e siècle en problème qui sera réglé progressivement par des vagues
d’immigration (les années 30 les Italiens dans le Midi et les Polonais dans le Nord; ensuite des
colonies). L’exode rural et le dépeuplement causent d’énormes difficultés pour la modernisation de
l’infrastructure du pays qui retombe, dans ce domaine (chemins de fer, routes etc.) derrière les
autres pays européens.
Développement économique :
Avec le Second Empire initie une période d’excellente conjoncture économique, basée cependant
sur l’endettement de l’État (en 17 ans une augmentation de 100% des dettes publiques). Grâce à ces
initiatives fleurissent les banques (fondation de la Société Générale et du Crédit Lyonnais p.ex.), et
des sociétés par action (la valeur boursière des sociétés triple de 1850 à 1869). L’importance du
capital mobile et de la main d’œuvre flexible se fait sentir de plus en plus dans le développement
économique. Les investissements les plus hauts se font dans les réseaux de transports (de 1852 à
1859 8 milliards de francs sont consacrés aux chemins de fer) ce qui se répercute dans la
distribution plus rapide des produits (évolution décisive de la haute cuisine française qui culmine
dans l’activité de Paul Escoffier vers 1900) ; restructuration massive de l’industrie textile (la
Noe: Littérature française 1857-1940
4
production de coton s’élève à 2,5 kg/habitant en 1860 et à 6 kg/hab. en 1916 ce qui favorise
l’industrie de la mode vers le début du 20e siècle) et de l’industrie lourde (la France extrait 5
millions de tonnes de charbon en 1850 et 40 millions en 1913).
Par contre, la valeur de la terre labourable chute, une tendance renforcée par une augmentation de la
productivité dans une agriculture toujours mécanisée que les fermiers (qui ne sont pas propriétaires
de la terre) ne peuvent plus financer. L’exode rural dépeuple d’entières contrées (de 1856 à 1866 la
population rurale tombe de 3%). Ces gens cherchent du travail dans les villes, dans les industries et
se transforment en prolétariat déraciné : en 1866 les personnes actives dans le secteur primaire
représentent 49% de la population, l’industrie déjà 30%, et le tertiaire 21%.
Les villes explosent (Paris p.ex. de 1,2 millions en 1846 à 2 millions en 1870) avec toutes les
conséquences néfastes constructions de quartiers populaires mal intégrés dans le réseau urbain,
une large partie de la population se sent dépaysé (seul un tiers de Parisiens de cette époque est né
dans la capitale). Cette évolution fait s’envoler la demande des produits de consommation (sucre,
lait etc.) et accélère la nécessité d’une distribution plus organisée. Même le commerce des livres
abandonne l’ancien système du colportage pour diffuser la marchandise dans des magasins en ville.
Un facteur toujours plus important dans cette évolution économique est l’instruction, domaine dans
lequel les pays germaniques sont beaucoup plus modernes que les pays romains : en 1851 la France
compte encore 39% d’analphabètes, en 1881 encore 16%. Le niveau de l’instruction est plus haut
dans les grandes villes et dans les zones industrielles tandis que la plupart des habitants de la
campagne se contentent d’un minimum d’instruction – les écarts se creusent.
A cause des divergences régionales, les différences s’accentuent : en 1864, p.ex. le revenu annuel
moyen s’élève à 380 francs dans le Massif central, et à 560 en Ile-de-France. L’industrie s’implante
massivement dans le Nord et dans l’Est, pour des raisons de gisements (charbon) et de position
stratégique. La relance de la conjoncture tourne autour des investissements dans l’industrie lourde et
dans l’infrastructure : le métro parisien se construit à partir de 1899, le tunnel du Simplon sera
inauguré en 1906. Les deux piliers de l’économie française de cette époque sont les travaux publics
et l’industrie lourde qui produit pour l’armée et pour les colonies. En 1900 commence l’ère de
l’industrie des armements et de l’automobile (Renault) ; celle-ci, avec l’industrie électrique, sera le
moteur du boom entre les deux guerres. Mais la concentration trop longue sur l’économie basée sur
l’existence de colonies empêchera la modernisation nécessaire que prend forcément l’Allemagne
p.ex. Les premières crises structurales se manifestent au début de la 3e République parce que
l’économie française reste encore trop longtemps basée sur l’agriculture : en 1910, au Royaume-Uni
6% de la population travaillent dans l’agriculture, en Allemagne 18%, et en France 42%. De 1860 à
1910, la France sera doublée comme puissance économique par l’Allemagne.
1 / 9 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !