CONSEIL PERMANENT DE OEA/Ser.G
L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS CE/AM-67/09
7 janvier 2009
COMMISSION SPÉCIALE SUR LES QUESTIONS MIGRATOIRES Original: anglais
“EXODE DES CERVEAUX”
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
(Document présenté par la présidence)
Considérations de portée générale concernant les coûts et les avantages de l’“Exode des
cerveaux”
La mondialisation a facilité la mobilité de la main d’œuvre et le déplacement du capital humain
composé de travailleurs professionnels et d’ouvriers hautement qualifiés. Cependant l’attraction des
marchés développés offrant des possibilités plus nombreuses et plus diversifiées en matière d’emplois et
de formation date de plusieurs années. L’expression “Exode de cerveauxa été consacrée par la Société
royale de Londres lors de l’émigration du capital humain scientifique vers l’Amérique du Nord après la
Guerre. Ce mouvement fut perçu comme l’un des coûts les plus graves de la migration. Aujourd’hui, le
phénomène est considéré comme un fait beaucoup plus complexe et doit être examiné dans une
perspective globale.
Lorsqu’il s’agit d’évaluer les répercussions et l’impact éventuel de l’exode des cerveaux, il faut
prendre en compte beaucoup de facteurs qui entrainent des coûts et des avantages à la fois pour les pays
d’origine aussi bien que pour les pays d’accueil. De surcroît, les tendances observées dans les Amériques
diffèrent de celles qui sont relevées en Asie et en Afrique et même varient à travers le Continent
américain d’un pays à l’autre. De ce fait, toute conclusion généralisée au sujet de l’impact de l « exode
des cerveaux » sur la croissance économique et le développement devient non seulement un élément de
controverse, mais s’avère même dangereuse pour l’élaboration de solutions de politique.
Pourquoi les travailleurs qualifiés décident-il d’émigrer?
Tout un éventail de raisons et de conditions porte des travailleurs professionnels et hautement
qualifiés dans les pays en développement à prendre l’initiative d’émigrer vers des pays développés. En
général, le vaste problème des débouchés à l’extérieur tel qu’il se manifeste sous diverses formes alimente
l’exode des cerveaux. Les conditions qui prévalent dans les pays développés, à savoir un climat
économique favorable à l’entrepreneuriat, un marché de l’emploi plus diversifié, de plus nombreuses
positions pour les travailleurs formés et compétents, ainsi que l’accès à plusieurs institutions
d’enseignement supérieur offrent des incitations spéciales qui ont un effet magnétique sur les talents dans
les pays en développement.
Le désir d’émigrer reflète souvent la frustration des travailleurs causée par les restrictions qu’ils
connaissent dans leur pays d’origine. La présence de disparités substantielles de revenus contribuant au
manque de mobilité ascendante peut aussi encourager la migration. Parmi d’autres facteurs qui favorisent
« l’exode des cerveaux », il faut citer la recherche de niveaux plus élevés de spécialisation qui peuvent
être atteints dans les universités de pays développés. Plusieurs migrants cherchent à obtenir leur licence
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ou même une maitrise ou un doctorat aux États-Unis, au Canada et ou en Europe occidentale. Il a été
démontré que l’obtention d’un diplôme dans le pays d’accueil accroit les chances des migrants de se
maintenir sur le marché étranger du travail, ce qui lui donne plus d’encouragement à étudier à l’étranger.
Sur le plan individuel, la migration s’avère presque toujours positive pour l’immigrant qui est
souvent capable de mettre à profit sa formation et ses capacités, ou d’acquérir de nouvelles connaissances
et compétences dans le pays d’accueil, ce qui lui permet de percevoir un salaire plus élevé que chez lui et
d’économiser du capital.
Impact sur le pays d’origine
La perte de travailleurs professionnels et hautement qualités pour les pays d’origine constitue un
important aspect des rapports entre la migration et le développement économique. Dans plusieurs pays en
développement, le capital humain hautement qualifié est déjà bien réduit. Ainsi, cette perte entraine donc
des coûts divers, à savoir notamment: le coût de la formation elle-même (qui équivaut à une subvention
des pays en développement de l’Amérique latine et de la Caraïbe en faveur des pays d’accueil développés
choisis par les immigrants); un coût fiscal découlant de la perte de revenus au titre des impôts et une perte
systémique qui peut avoir des incidences sur la base institutionnelle de l’économie. De surcroît, les pertes
économiques peuvent augmenter si le flux de travailleurs qualifiés entraine une baisse de la productivité
de ceux qui restent, comme cela peut se produire avec les ingénieurs et les professionnels du secteur de la
santé.
D’autre part, le phénomène connu sous le vocable “exportation des cerveaux” (une perspective
plus positive de l’exode des cerveaux) signifie que l’exportation d’individus talentueux vers les pays
développés se traduit en fait par un gain net pour le pays d’origine. À travers les remises aux familles, les
travailleurs professionnels et hautement qualifiés excèdent souvent le flux d’investissement étranger
direct vers leurs pays d’origine. Au nombre des gains économiques apportés par les travailleurs
compétents à l’étranger, figurent les suivants: les investissements étrangers directs d’immigrants dans
leurs pays d’origine; l’acquisition d’importations par les immigrants de biens et services provenant de
leurs pays d’origine, créant ainsi des marchés pour ces produits à l’étranger; le don de biens et services
par les immigrants à travers des activités philanthropiques à l’intention de communautés locales dans
leurs pays.
Impact sur le pays d’accueil
Les États-Unis représentent le pays de choix des immigrants des Amériques détenteurs de
diplômes universitaires et de compétences professionnelles ; viennent ensuite le Canada et l’Angleterre
(ce dernier pays reçoit surtout les immigrés provenant de la Caraïbe). Ces pays recueillent les avantages
économiques de l’immigration de travailleurs compétents qui viennent compléter le marché du travail. Ils
travaillent dans des endroits il est difficile de placer des travailleurs compétents (comme par exemple
dans les régions rurales), ils créent aussi plus de compétition et donnent plus de rendement. Cependant,
même si des analystes estiment que limpact économique sur les pays d’accueil est positif en général,
l’immigration a provoqué de la méfiance parmi la population locale et a entrainé des restrictions qui ont
entravé la mobilité ouvrière, même parmi les travailleurs compétents.
Tendances et statistiques à travers la région
Selon les experts de la migration, la région asiatique accuse une relation linéaire complètement
ascendante entre le niveau d’éducation du travailleur et son désir d’immigrer. D’autre part, dans les
régions africaine, latino-américaine et antillaise, c’est la tendance curviligne qui prévaut entre ces deux
variables, indiquant un déclin du désir d’immigrer chez certains travailleurs après l’obtention d’une
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licence universitaire. Cette observation est particulièrement vraie au sein des sociétés les plus peuplées
d’Amérique latine, ce qui suggère que le phénomène de «l’exode des cerveaux» n’est pas un facteur
critique de migration pour ces pays.
Les tendances varient également dans le Continent américain. La situation est plus critique dans
les pays antillais dans lesquels on relève un pourcentage plus élevé de travailleurs qui ont lintention
d’immigrer ou émigrent fait. Cette anxiété qui porte des professionnels hautement formés à quitter leurs
pays, font de «l’exode de cerveaux» dans la Caraïbe un phénomène particulièrement préoccupant. Selon
le FMI, les pays antillais ont perdu près de la moitié de leur population dotée d’une formation
universitaire et environ 80% des personnes ayant reçu une formation universitaire nés dans des pays
antillais comme Haïti et la Jamaïque, résident actuellement aux États-Unis. Suivent les pays d’Amérique
centrale, notamment El Salvador, le Honduras, le Guatemala et le Nicaragua, avec près de 30% de leurs
travailleurs diplômés d’université et résidant aux États-Unis. Plusieurs pays plus peuplés des Amériques
n’ont cependant pas vécu ce phénomène avec la même acuité. Selon les études menées par la Banque
mondiale, les élites professionnelles préfèrent rester chez elles au Mexique, au Brésil, au Chili et en
Argentine. Il semblerait donc qu’il existe une corrélation directe entre la taille de l’économie du pays, les
débouchés sur le marché local du travail et les aspirations des travailleurs professionnels et hautement
qualifiés. Le seul petit pays qui fasse exception à cette tendance semblerait être le Costa Rica, où il existe
une plus grande disponibilité d’emplois pour les professionnels éduqués.
“Gaspillage des cerveaux
Le “gaspillage des cerveaux” constitue l’une des conséquences de la migration professionnelle
qui est souvent ignorée. Lorsque les immigrants sont trop qualifiés pour les emplois disponibles dans les
pays d’accueil, il se produit un gaspillage de talents et une perte de rendement. Le «gaspillage de
cerveaux” représente une perte souvent plus importante pour le pays d’origine, en raison des ressources
(souvent publiques) investies dans ces individus qualifiés. Comparativement aux émigrés asiatiques, ceux
d’Amérique latine (surtout d’Amérique centrale) sont plus enclins à devenir victimes du «gaspillage de
cerveaux » aux États-Unis, en raison en partie de leur statut de sans-papier et des conditions dans
lesquelles ils sont arrivés dans le pays. Ce genre d’admission n’est pas aussi facile pour les Asiatiques,
compte tenu de leur situation géographique.
Des facteurs tels que le secteur de l’économie dans lequel les migrants détiennent leurs aptitudes
jouent un rôle important dans leur capacité à trouver un emploi qui leur convient. Les compétences
technologiques se transmettent facilement à travers les frontières et par conséquent, les ingénieurs et les
techniciens affrontent peu d’obstacles sur les marchés étrangers du travail. D’autres professionnels
hautement spécialisés peuvent cependant faire face à des difficultés de taille, comme par exemple une
nouvelle demande de certification professionnelle, ou encore l’exigence qu’ils suivent des cours de
recyclage professionnel requis par les règlements en vigueur dans les pays d’accueil. Cet état de choses a
une incidence sur les médecins, les avocats, etc. La non-reconnaissance de qualifications équivalentes
pose un lourd obstacle pour l’emploi professionnel et débouche souvent sur le « gaspillage de cerveaux ».
Les obstacles linguistiques peuvent également avoir un impact sur les aspirations de professionnels
hautement qualifiés. Si les professionnels migrants ne peuvent pas communiquer dans la langue du pays
d’accueil, leurs compétences peuvent être minimisées et même devenir virtuellement inutiles; ils sont
alors engagés pour exercer des fonctions pour lesquelles ils détiennent trop de qualifications et pour
lesquelles le besoin de capacités de communication est négligeable.
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Politiques visant à promouvoir les aspects avantageux de l’exportation/importation de talents
Bien que l’impact global de l’exode des cerveaux soit difficile à jauger, certaines politiques
pourraient être encouragées pour tirer adéquatement profit des avantages de l’importation/exportation de
talents. Citons par exemple les mesures suivantes:
i) l’autorisation de la double nationalité et du droit de vote pour les expatriés, ce
qui faciliterait la circulation à long terme de talents en habiltant les migrants à
maintenir un attachement personnel substantiel et/ou politique à la fois au
pays d’origine et d’accueil;
ii) la création de programmes gouvernementaux appelés à rétablir les contacts
avec des émigrés hautement qualifiés et l’offre d’exonération d’impôts et
d’autres incitations à ceux qui sont désireux de rentrer chez eux;
iii) la promotion de la “circulation de cerveaux”, permettant aux personnes
d’émigrer temporairement et d’être exposées à de nouvelles technologies et de
techniques, tout en les autorisant à retourner dans leurs pays pour les mettre en
œuvre;
iv) l’application de programmes régionaux d’échange de compétences et de
qualifications professionnelles;
v) l’appui à des programmes éducatifs en ligne habilitant des futurs immigrants à
poursuivre en ligne la formation dispensée par des institutions réputées de
pays développés;
vi) La réduction des frais de transfert de remises de fonds en veillant à ce que ces
frais demeurent transparents et compétitifs.
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