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POUR COMPRENDRE L’EXODE
DES CERVEAUX
Capsule d’information pour les parlementaires
TIPS-5F
Bibliothèque du Parlement
Le 17 novembre 2000
A
u cours des années 90, un nombre croissant de travailleurs qualifiés dans certaines
professions clés – notamment la médecine, la gestion et la programmation informatique –
ont quitté le Canada pour les États-Unis, phénomène qu’on appelle l’« exode des cerveaux ».
Certains estiment que la lourdeur de l’impôt canadien
sur le revenu des particuliers en est la cause. C’est
également un sujet de préoccupation pour certains
employeurs qui craignent de ne pas pouvoir obtenir et
conserver les travailleurs dont ils ont besoin. On peut
se poser quatre questions à ce sujet :
Quels sont les faits?
Quelles sont les causes probables?
Jusqu’à quel point le problème est-il sérieux?
Que risque-t-il de se produire à long terme?
Quels sont les faits?
La population du Canada compte parmi les mieux
instruites au monde. Environ 17 p. 100 des personnes
âgées de 25 à 64 ans sont titulaires d’un diplôme
universitaire contre une moyenne de 14 p. 100 pour
l’OCDE. On peut en conclure que, généralement
parlant, le Canada ne souffre pas d’une pénurie
importante de compétences. Il ne s’ensuit pas pour
autant qu’il n’y a pas de pénuries de travailleurs dans
certains secteurs de l’économie. Selon une étude du
Conseil des ressources humaines du logiciel, par
exemple, les entreprises canadiennes auraient eu
besoin, au milieu des années 90, de 20 000
programmeurs de plus : ils n’étaient tout simplement
pas là. Le problème n’est pas du tout particulier au
Canada. Les États-Unis aussi souffrent d’une pénurie
chronique de programmeurs, ce qui porte à croire que
les deux pays se disputent les mêmes personnes.
C’est là le problème sous-jacent au débat sur l’exode
des cerveaux.
Le graphique 1 (tiré d’une étude de Statistique
Canada) traite de l’émigration canadienne vers les
États-Unis de 1986 à 1991 et de 1991 à 1996. Il en
ressort deux choses : d’abord, que l’émigration vers
les États-Unis – à la fois permanente et temporaire – a
augmenté depuis les années 80; ensuite, que le gros de
cette augmentation provient de l’accroissement du
nombre des départs temporaires, dont le nombre a
presque doublé pendant la deuxième période. Qui
sont ceux qui quittent le Canada? Le graphique 2
montre que le gros des émigrants proviennent de huit
professions, la profession médicale – et en particulier
les médecins – accusant proportionnellement les
pertes les plus fortes. Environ 450 (0,78 p. 100, soit
légèrement moins de 1 p. 100) des médecins
canadiens sont allés s’installer aux États-Unis en
1996-1997. Par comparaison, la profession médicale
a accueilli au Canada environ 1 700 nouveaux
médecins en 1995.
C’est la profession de la gestion qui accuse
l’émigration la plus importante en termes absolus, le
nombre de ses membres partis aux États-Unis
s’élevant à 2 263. Cependant, comme le Canada
compte beaucoup plus de gestionnaires que de
médecins, il s’agit là seulement de 0,12 p. 100
(environ un dixième de 1 p. 100) de tous les
gestionnaires. Pour l’ensemble des travailleurs de
toutes les professions, les pourcentages sont beaucoup
moins élevés. En moyenne, seulement 0,07 p. 100
(moins de un dixième de 1 p. 100) des travailleurs
toutes professions confondues se sont installés aux
États-Unis pendant cette période. En tout, environ un
dixième de 1 p. 100 de tous les contribuables (entre
22 000 et 35 000 personnes par an) ont quitté le
Canada chaque année pour les États-Unis pendant les
années 90.
Ce document est la version papier d’une capsule d’information Web consultable en ligne à
http://intraparl/36/map_sv_lib-f.htm
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Cependant, ces données ne montrent qu’un côté de la
médaille puisqu’elles ne comprennent pas le nombre
de personnes qui entrent au Canada et qui viennent
d’un peu partout dans le monde. Selon l’étude déjà
citée de Statistique Canada, pour chaque diplômé
d’université qui part pour les États-Unis, quatre
personnes ayant une formation semblable immigrent
au Canada. Par exemple, la profession de la gestion a
accueilli près de 27 000 nouveaux membres entre
1996 à 1997, ce qui est beaucoup plus que les
2 263 qu’elle a perdus au profit des États-Unis. Pour
les médecins, les chiffres ne sont pas aussi
convaincants, mais cela est peut-être dû à la baisse de
la demande de médecins consécutive à la compression
des budgets de la santé. Il n’empêche que le Canada a
gagné 611 médecins entre 1996 et 1997
comparativement aux 450 qu’il a perdus. En résumé,
le Canada a été un bénéficiaire net de « cerveaux »
tout au long des années 90 – à condition de ne pas
considérer que les États-Unis dans l’équation.
Quelles sont les causes probables?
La plupart de ceux qui participent au débat attribuent
carrément l’exode des cerveaux vers les États-Unis
aux taux marginaux d’imposition plus élevés au
Canada. Cependant, il y a tout lieu de croire que ce
n’est pas la seule raison – ni même la plus importante
– de l’augmentation de l’émigration vers les ÉtatsUnis. Par exemple, l’exode des cerveaux a coïncidé
avec l’entrée en vigueur de l’Accord nord-américain
de libre-échange (ALENA), ce qui facilite l’obtention
de permis de travail d’un an. De même, à cause de
l’ALENA – et de la force globale de l’économie
américaine –, un nombre croissant d’entreprises
canadiennes ont dû étendre leurs opérations aux ÉtatsUnis, emmenant avec elles beaucoup de travailleurs
canadiens.
Il faut également rappeler que le taux de chômage a
été beaucoup plus élevé au Canada qu’aux États-Unis
pendant les années 90. La recherche indique que,
historiquement, c’est là la principale cause de
l’émigration vers les États-Unis. En outre, un grand
nombre des meilleurs cerveaux du monde sont déjà
attirés vers les États-Unis à cause non seulement des
salaires plus élevés, ce qui est normal dans le pays le
plus riche du monde, mais aussi des avantages qu’il y
a à travailler avec les gens les plus doués et avec
l’équipement le plus moderne. Cela est aussi vrai
aujourd’hui que dans les années 50 et 60, période
pendant laquelle plusieurs pays dont le Canada se
préoccupaient d’une émigration vers les États-Unis
qui dépassait de beaucoup celle des années 90, malgré
des taux d’imposition beaucoup plus semblables.
Enfin, il ne faut pas oublier que le dollar canadien
valait 90 cents par rapport au dollar américain et qu’il
est passé à environ 67 cents au cours des années 90. Il
devient alors d’autant plus intéressant de travailler aux
États-Unis pour les nouveaux diplômés dont
l’endettement en dollars canadiens est parfois lourd,
ce qui est souvent vrai des diplômés des écoles de
médecine. Ces faits historiques suggèrent que l’exode
des cerveaux résulte d’un ensemble complexe de
facteurs et non seulement de différences de régime
fiscal.
Jusqu’à quel point le problème est-il sérieux?
Cela dépend. Bien que le nombre de ceux qui quittent
le pays reste assez petit et soit amplement compensé
par le nombre des nouveaux arrivants, l’exode des
cerveaux pourrait devenir un problème si la tendance
s’accélère ou si le Canada cesse de recevoir de
nouveaux immigrants hautement qualifiés. Il en est
ainsi parce que l’aptitude d’un pays à produire des
biens et des services dépend, en partie au moins, du
savoir-faire de ses travailleurs, de ce qu’on appelle le
capital humain.
Que risque-t-il de se produire à long terme?
Cependant, une perspective à long terme donne à
penser que l’exode des cerveaux pourrait être un
avantage net pourvu qu’une bonne partie de ceux qui
émigrent aux États-Unis reviennent un jour au Canada
pour lancer des entreprises, enseigner ou autrement
contribuer au bien-être de la société et à l’aptitude du
pays à croître. Selon les données de Statistique
Canada, environ 30 p. 100 en moyenne de ceux qui
émigrent aux États-Unis tous les ans ont l’intention de
rentrer au pays. Il faut également rappeler que l’exode
des cerveaux vers les États-Unis s’est produit pendant
une période où un grand nombre de fonctionnaires ont
été licenciés, où les budgets de la santé ont été
sévèrement comprimés (d’où une réduction de la
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demande de médecins et d’infirmières), où la
croissance économique était beaucoup plus faible
qu’aux États-Unis et où il y avait un grand écart entre
les taux de chômage canadien et américain. Toutes
ces tendances semblent s’inverser. Dans la mesure où
ces facteurs liés à la demande ont joué un rôle
important dans l’exode des cerveaux et qu’ils sont
actuellement en régression, il est permis de penser que
le problème de l’exode des cerveaux disparaîtra du
débat public, comme il l’a fait au milieu et à la fin des
années 60.
préparé par
Marc-André Pigeon
Direction de la recherche parlementaire
Pour en savoir plus…
Voir la bibliographie ainsi que les hyperliens internes et externes
de la version Web du présent document à :
http://intraparl/36/map_sv_lib-f.htm
ou composer le (613) 996-3942
Graphique 1 : Émigrants du Canada vers les États-Unis, 1986-1991 et 1991-1996
140 000
1986-1991
1991-1996
120 000
Nombre d'émigrants
100 000
80 000
60 000
40 000
20 000
0
Permanents
Source : Statistique Canada
Temporaires
Graphique 2 : Émigration annuelle vers les États-Unis en pourcentage de la population active du
Canada dans certaines professions axées sur le savoir, 1996-1997
0.8
0.6
0.4
0.2
Moyenne de tous les
travailleurs : 0,07 %
0
Source : Statistique Canada
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