1
LES ENSEIGNEMENTS DES PLANS DE
DEVELOPPEMENT POUR L’AFRIQUE : DU PLAN
D’ACTION DE LAGOS AU NOUVEAU PARTENARIAT POUR
LE DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE
Par
Moustapha KASSE, Doyen de la Faculté des
Sciences Economiques et de Gestion de l’UCAD.
INTRODUCTION
La décennie des années 80 a été, pour l’Afrique, marquée par de graves difficultés
sociales et économiques. Entre 1980 et 1989, il y a eu un déclin constant et général de l’activité
économique, du bien-être social et des niveaux de vie en Afrique.
La crise grave qui a traversé l’Afrique au cours des années 80 s’est manifestée sous trois formes
à savoir :
- la détérioration générale des indicateurs macro-économiques principaux ;
- la désintégration des structures de production et des infrastructures ;
- et la dégradation rapide du bien-être social, notamment l’éducation, la santé publique
et le logement ainsi qu’une détérioration écologique accélérée.
La genèse de la nouvelle politique de l’OUA, consignée dans le Plan d’Action de Lagos
(PAL) pour le développement économique de l’Afrique 1980-2000, remonte à la XVIème
session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, tenue à Monrovia en
juillet 1979, précédée par des travaux d’experts économistes, et clôturée par «une déclaration sur
les principes directeurs à respecter et les mesures à prendre pour réaliser
l’autosuffisance nationale et collective dans le domaine économique et social, en vue de
l’instauration d’un nouvel ordre économique international».
Par cette déclaration, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA «s’engageaient, au
nom de leurs gouvernements et de leurs peuples à promouvoir le développement économique et
social et l’intégration de leurs économies en vue d’accroître l’auto dépendance et favoriser un
développement endogène et auto-entretenu» pour faciliter et renforcer leurs rapports sociaux et
économiques ; pour l’édification aux niveaux national, sous-régional et régional d’une économie
africaine dynamique et interdépendante, pour l’établissement, chaque année, de programmes
spécifiques pour matérialiser cette coopération économique sous-régionale, régionale et
continentale.
2
La mise en œuvre de cette déclaration a été faite en avril 1980, est consignée dans un
Plan d’Action, dont l’ambition est à la mesure du retard dramatique constaté par tous, embrasse
des domaines aussi variés que :
- l’agriculture et l’alimentation dont le plan de développement a été approuvé à Arusha
et adopté dans la déclaration de Monrovia de juillet 1979 ;
- l’industrialisation du continent par la poursuite d’objectifs à long, moyen et court
terme, visant à atteindre en l’an 2000 au moins 2% de la production industrielle du monde,
conformément aux objectifs de la conférence de Lima ;
- l’exercice de la souveraineté totale des pays africains sur leurs ressources naturelles,
en s’appuyant sur la formation des hommes capables de maîtriser les technologies appropriées ;
- le développement et l’utilisation rationnels des ressources humaines nécessaires à ce
plan d’action ;
- la mise de la science et de la technologie au service du développement du continent
aux niveaux national, sous-régional et régional ;
- l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie nérale en matière de transports et de
communications ;
- la promotion et l’intensification des échanges commerciaux et financiers sur le plan
national inter-africains.
Cette énumération non exhaustive montre, si besoin en était encore, l’ampleur qui a été donnée à
ce PAL, ainsi que les grands espoirs qu’il a suscités à l’occasion de son adoption et de sa
promulgation. Malgré cela les 90 vont montrer de maigres résultats dans la réalisation des
objectifs du PAL. Quelles en sont les raisons ?
II- LES EVALUATIONS CRITIQUES
- Pourquoi le PAL et la forte détermination qui l’a inspirée n’ont-ils pas réussi à
pousser l’Afrique sur la voie de la croissance et du développement économique et social ?
- Le PAL a t-il été abandonné au profit :
o du Programme d’Ajustement Structurel (1981)?
o du Programme Prioritaire Africain pour le Rétablissement Economique
(APPER) élaboré en vue de la Session Spéciale ?
o ou du Programme d’Action des Nations Unies pour le Développement de
l’Afrique(1986) ?
Cette énumération n’est point exhaustive car il faut y ajouter bien d’autres programmes
qui ont avorté comme les diverses décennies par exemple du «développement industriel», des
«Transports et des télécommunications» et également le CARPAS qui était sensé être un Cadre
Africain de Référence pour les Programmes d’Ajustement Structurel en vue du redressement et
de la transformation socio-économique du Continent.
Au bout du compte les résultats ont été bien en de ça des espérances, ce qui a justifié les
évaluations sévères comme «la décennie gâchée», «la décennie des espoirs déçus» ou plus
fréquemment «la décennie perdue». En effet, qu’il s’agisse de la croissance économique, de la
résorption du double déficit structurel de la balance commerciale et des finances publiques, de la
dette extérieure et intérieure, des niveaux de pauvreté, de la nutrition, de la santé, de l’éducation
en un mot de l’amélioration du bien-être social les performances sont extrêmement médiocres
voir insignifiantes.
Ces Plans et Programmes et notamment le PAL ont suscité des critiques à la fois internes
et internationales, notamment sur le plan de la stratégie globale de développement qu’ils
préconisaient.
3
1) les critiques internes
Bien que, d’une manière générale, les plans de développement national soient conformes
au Plan d’Action de Lagos, il est établi que l’Afrique dans son ensemble n’a pu atteindre les
objectifs fixés, en matière de performances socio-économiques, dans le Plan d’Action de Lagos
aux niveaux sectoriel et macro-économique.
Par rapport aux objectifs macro-économiques fixés pour les années 80 dans le Plan
d’Action de Lagos, en 1988, le taux de croissance du PIB par habitant a atteint le chiffre
médiocre de 0,88%, l’agriculture a enregistré une croissance de 2,3%, l’industrie 4,9%, les
industries extractives 4,7% tandis que la part de l’investissement dans le PIB passait de 25,2% en
1978 à 15,8% en 1988, et les taux de croissance des exportations et des importations n’étaient
que de 3,8 et 0,3% respectivement, ce qui était très en deçà des taux enregistrés en 1978. Il se
pose donc la question suivante : pourquoi la performance effective des indicateurs économiques
et la situation sociale n’ont pu être à la mesure des espérances suscitées par le Plan d’Action de
Lagos ?
L’écart entre les intentions et la réalité pourraient être imputables aux raisons suivantes :
o l’incapacité chronique des pays africains à traduire les principes directeurs
adoptés au niveau continental en politiques, programmes et projets nationaux ;
le manque d’une détermination à poursuivre sans relâche les stratégies et
politiques convenues, avec pour corollaire, la non-applicationn de ces
politiques et programmes. Les plans nationaux de développement et les
budgets annuels ont plutôt eu tendance à perpétuer, voire renforcer les
structures économiques que l’Afrique a héritées de l’ère coloniale ;
o la différence de conception et de perspective entre l’Afrique, d’une part et les
donateurs et institutions multilatérales, d’autre part, quant à la voie à suivre en
Afrique ; le manque d’enthousiasme des partenaires de l’Afrique en matière
de développement à aider le continent à atteindre les buts et objectifs qu’il
s’est fixé ;
o l’illusion entretenue dans certains pays que chaque pays peut s’en tirer seul,
que chaque pays, agissant à titre individuel, peut surmonter les énormes
difficultés de la transformation socio-économique. En traitant , chaque pays
concerné comme une île sans tenir compte de ses voisins, les programmes
d’ajustement structurel classiques ont renforcé cette illusion d’un
développement national indépendant, portant ainsi préjudice à la notion de
coopération régionale, d’entraide et d’autosuffisance collective ;
o la détérioration de l’environnement économique international et la
marginalisation continue de l’Afrique ;
o le fait que les pays se préoccupent des crises à court terme, notamment, la
gestion des déséquilibres financiers extérieurs et intérieurs et la dette
extérieure. Dans de nombreux pays, l’ensemble des services des départements
de planification, de prévision, de statistique sont détournés de leur fonction de
formulation et de conception de plans de développement socio-économique à
long terme pour entreprendre des tâches de routine quotidiennes consistant à
formuler et appliquer des programmes d’ajustement structurel. En outre, les
autorités sont sans cesse occupées à gocier des restructurations de dette qui
n’ont jamais véritablement résolu la crise de la dette nationale ;
o le rôle croissant des «experts» et cadres étrangers qui participent directement
ou indirectement à la prise de décisions économiques nationales et la perte de
4
souveraineté économique des pays africains qui s’ensuit au fur et à mesure
que les programmes d’ajustement structurel parrainés par la Banque Mondiale
et le FMI devenaient la pierre angulaire de la politique économique ;
o les effets de la sécheresse et de la désertification, des cyclones (dans les Etats
côtiers et insulaires de l’Océan indien), les acridiens et autres prédateurs ;
l’extrême vulnérabilité de l’agriculture africaine aux aléas climatiques ;
o les guerres civiles de plusieurs décennies dans certains pays et la
déstabilisation par l’Afrique du Sud des Etats de première ligne qui ont
perturbé les activités économiques normales, détruite l’infrastructure, entraîné
le déplacement de millions de personnes et obligé les gouvernements à
détourner les rares ressources des activités de développement.
2) au niveau international
Dans cette optique une institution comme la Banque Mondiale a à trois reprises, publié
des rapports qui sont de véritables contre-propositions au PAL :
- Le premier est paru en 1981 sous le titre «le développement accéléré en Afrique au
sud du Sahara : programme indicatif d’action». Plus connu sous le Plan BERG, du
nom de son principal rapporteur, ce plan d’action allait directement à l’encontre du
PAL (qui rappelons-le privilégiait le développement endogène, auto-entretenu et
auto-centré) recommander une orientation de la stratégie du développement vers la
dynamique des exportations, donc vers une plus grande insertion des économies
africaines aux marchés internationaux.
- Le deuxième rapport, paru en 1983, est intitulé «rapport intérimaire sur les
perspectives et programme du développement». Tout en adoptant l’essentiel du
rapport BERG, il tient compte d’une part de la place qu’occupe l’environnement
commercial et financier international dans les résultats des économies africaines et
d’autre part des mesures que certains gouvernements africains ont prises dans les
domaines aussi importants que la politique des prix, la valorisation des produits de
l’agriculture locale, l’utilisation plus rationnelle des ressources nationales dans le
secteur public.
- Le troisième et dernier rapport de la Banque Mondiale daté de 1984 sous le titre «un
programme d’action concertée pour le développement stable de l’Afrique au Sud
du Sahara». Ce rapport, tout en reprenant le thème fondamental des deux précédents,
s’en distingue par son insistance sur le caractère capital des changements politiques
institutionnels des pays africains concernés, sur un emploi plus rationnel des
ressources d’investissements intérieures et extérieures, sur l’endettement de plus en
plus lourd pour les pays africains par rapport au volume global de leurs ressources en
devises et sur les contraintes imposées par la forte croissance démographique, le
faible développement des ressources humaines et de la technologie ainsi que sur
l’épuisement inquiétant des ressources naturelles du continent.
La succession de ces trois Rapports de la Banque Mondiale en l’espace de trois ans,
traduisait en réalité une évolution de la pensée de cette institution et une incertitude évidente sur
les solutions proposées, qui d’ailleurs butaient sur un problème essentiel : les moyens financiers
et non financiers exigés par les objectifs que le programme de Lagos s’assigne.
5
III - LES AUTRES INITIATIVES AFRICAINES DES ANNEES 8O :
L’ECHEC DES DECENNIES
Suite aux modestes performances du PAL, d’autres expériences ont été entreprises
souvent en relation avec la Communauté internationale, cela a été le cas de certaines initiatives
comme les décennies du développement industriel et celle relative aux transports et aux
communications en Afrique.
1°) la décennie du développement industriel
Dans la décennie du développement industriel de l’Afrique, 1980-1990, un certain
nombre d’objectifs à long, moyen et court terme ont été définies et des mesures concrètes
recommandées pour leur réalisation, dans la poursuite des objectifs du Plan d’Action. C’est ainsi
qu’en 1985, il était escompté que l’Afrique aurait jeté les fondements du développement des
industries de base ; c’est-à-dire des industries métallurgiques, mécaniques, électriques et
chimiques et, qu’à tout le moins, elle aurait porté sa part de la production industrielle mondiale à
1%. Les mesures qui auraient permis au continent de réaliser l’autosuffisance dans le traitement
des produits alimentaires, en matière de produits industriels, d’habillement et d’énergie en 1990
ont été également définies. La décennie préconisait le renforcement de la coopération industrielle
intra-africaine par la définition, la préparation et l’exécution de projets industriels multinationaux
viables (sous-régionaux et multinationaux).
Plusieurs pays africains se sont lancés dans le renforcement des institutions nationales
existantes ou la création de comités de coordination nationaux et de centres de liaison
opérationnels pour la décennie. Nombre de pays se sont également efforcés d’incorporer les
principes directeurs et les orientations de la décennie dans les volets industriels de leurs plans
nationaux de développement. Dans certains pays, des objectifs ont été fixés pour accroître la part
en pourcentage de l’industrie dans le PIB, et dans d’autres un accent particulier a été mis sur
l’établissement et le renforcement de liens entre l’agriculture et l’industrie. Dans quelques pays,
le développement des petites et moyennes industries a été intensifié en vue de parvenir à un
développement autosuffisant et autonome conformément aux principes du Plan de Lagos.
En dépit des progrès réalisés dans la mise en œuvre du programme de la décennie, le secteur
industriel en Afrique est demeuré exigu et fragmenté, pratiquement sans relation intra-
sectorielles et inter-sectorielles. Pour le continent tout entier, la valeur ajoutée moyenne dans la
production manufacturière par habitant a peu progressé entre 1980 et 1990 pour passer à 61,7
dollars des Etats-Unis. En outre, le grand nombre d’industries de substitution aux importations
existant en Afrique se sont avérées comme d’importantes sources de fuites de devises en raison
des importants croissantes de matières premières, de pièces de rechange et, parfois aussi, de
main-d’œuvre spécialisée étrangère.
2°) la décennie des transports et des communications
Dans le cadre des transports et communications, l’accent dans le Plan d’Action de Lagos
est mis sur l’importance de la Décennie des Nations Unies pour les transports et les
communications en Afrique, 1978-1988. Dans le cadre du programme de cette décennie, les
projets nationaux, sous-régionaux et régionaux qui permettraient la mise en place d’une
infrastructure intégrée et diversifiée de transports et communications en Afrique avant l’an 2000
ainsi que le désenclavement des pays sans littoral et des régions isolées de l’Afrique ont été
également définis.
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !