Kwashiorkor
Au Cameroun, en 1929, un médecin de brousse, écrit : "Je fus frappé de rencontrer presque
constamment [des enfants] dont l’aspect très particulier m’était jusqu’alors inconnu (et) que je prenais
d’abord pour des anomalies congénitales de pigmentation. L’enfant est "rouge et blond". Il a deux à cinq
ans, il est souffreteux et hébété; en raison d’un oedéme des joues et des paupières, sa tête paraît plus
volumineuse; l’abdomen, distendu par une ascite contraste lui aussi avec des membres graciles; la peau
est amincie, vernissée, craquelée ou saignotante, la diarrhée fréquente, etc...". Le médecin élimine une
cause parasitaire mais ne trouve pas l’explication de ces "enfants rouges du Cameroun". Il vient de faire
une description clinique parfaite d’une maladie qui, quelques années plus tard, au Ghana est
dénommée d’un terme local "kwashiorkor" (l’enfant rouge) et dont la cause est une carence protidique
consécutive au sevrage.
Le kwashiorkor est un syndrome de malnutrition protéino-calorique sévère de la première enfance,
cette pathologie touche chaque année des millions d'enfants, essentiellement africains. Le kwashiorkor
touche principalement le jeune enfant qui, âgé de 10 mois à trois ans, à l'arrivée d'un second enfant, est
brutalement sevré et passe à une alimentation trop pauvre en protéines.
Cette pathologie résulte d'une alimentation hypoprotéique — n'apportant pas les quelque 50 grammes
par jour recommandés — alors même que l'apport calorique global peut être suffisant. Le kwashiorkor
touche les enfants quelques mois après un sevrage brutal. Contrairement au lait maternel, riche en
protéines, le régime adulte ne couvre plus les besoins en protéines de l'enfant. En effet, dans les pays
touchés, l'alimentation des jeunes enfants est essentiellement constituée de bouillie de céréales comme
le manioc, le mil, le maïs ou le riz. Ces repas sont insuffisamment riches en protéine, surtout par rapport
aux besoins importants de l'enfant à cet âge. La maladie est due à une insuffisance de certains acides
aminés essentiels dont la lysine, la méthionine et le tryptophane.
Les symptômes précoces sont très généraux : anémie, apathie, fatigue, irritabilité, léthargie. Si la
carence perdure, on constate une hypoprotéinémie et de nombreux troubles surviennent :
croissance retardée ou arrêtée ;
diminution de la masse musculaire, amaigrissement ;
œdème de l’abdomen (grand ventre protubérant) et des extrémités ;
atteinte des cheveux et de la peau (éclaircissement ou rubéfaction, fragilisation, desquamation,
dermatite, lésions) ;
troubles digestifs (diarrhée, gastro-entérites) ;
atteinte du foie (hépatomégalie) ;
atteinte de la fonction rénale ;
immunodéficience ;
troubles mentaux.
À un état avancé, les fonctions vitales sont atteintes, ce qui entraîne un état de choc, le coma puis la
mort.
Les troubles disparaissent habituellement après un traitement précoce. Si le traitement est tardif, la
santé générale de l'enfant est améliorée mais des séquelles physiques (taille réduite) et intellectuelles
(incapacités mentales) sont à craindre. Afin d'éviter des problèmes, l’organisme doit être réadapté avec
des rations petites mais fréquentes, données toutes les deux à quatre heures. Durant une semaine,
l'alimentation, hyperglucidique, est progressivement enrichie en protéines ainsi qu'en éléments
essentiels : lait sucré avec sels minéraux et vitamines. Le régime peut comporter des lactases — pour
que les enfants ayant développé une intolérance au lactose puissent ingérer des produits laitiers — et
des antibiotiques — pour compenser l'immunodéficience. Après deux à trois semaines, le lait est
remplacé par des bouillies de céréales enrichies en minéraux et vitamines, jusqu'à ce que sa masse
atteigne au moins 80 % de la masse normale. La nourriture traditionnelle peut alors être réintroduite.
L’enfant est considéré guéri lorsque sa masse atteint 85 % de la normale.