Au moment des indépendances africaines, la stratégie de
développement appliquée en Afrique visait notamment à transformer
profondément le système productif et l’appareil administratif. Cette
stratégie avait alors conduit à la mise en place, au plan de l’équipement et
de l’infrastructure sociale, de politiques coûteuses d’investissement qui se
sont révélées, par la suite, massifs, peu réalistes et d’une faible efficacité.
Dans le même temps, la grave rupture survenue entre les structures de
production – alimentaires en l’occurrence – et les structures de
consommation, a fondamentalement contribué à opérer une double
extraversion : celle de la production et celle de la consommation. Il en est
résulté un approfondissement du déséquilibre entre la production
intérieure et la demande globale au sein de laquelle prédominait une
consommation finale excessive et, conséquemment, un accroissement du
déficit en ressources. Celui-ci sera artificiellement entretenu et financé
par l’aide publique et l’endettement extérieur.
Le boom pétrolier avait favorisé des emprunts publics à des taux
relativement faibles. A la faveur de l'augmentation de la dette publique
des Etats dans les années 1980, les marchés financiers sont arrivés aux
commandes. Cela s'est traduit par une augmentation des taux d'intérêt,
dont le niveau a dépassé non seulement l'inflation, mais la croissance. Les
Etats qui avaient un fort niveau d'endettement sans être producteurs de
pétrole ont alors eu de plus en plus de mal à clore leurs exercices
budgétaires. Il a fallu emprunter, pour rembourser les emprunts passés, à
des taux qui promettaient d'engendrer de nouvelles difficultés. Faute de
remèdes radicaux, cette situation vouait irrémédiablement le pays à la
faillite. S’y ajoutait dans le cas du Sénégal, une énorme distorsion entre
l’affectation théorique et l’utilisation effective de la dette extérieure qui
n’a pas favorisé la création de conditions adéquates d’extorsion de surplus
nécessaires à l’amortissement régulier du service de la dette (principal et
intérêts échus). Assurément, cette situation risquait de constituer le
fondement d’une crise de paiements dont la perpétuation, si rien n’était
entrepris, pouvait déboucher sur une crise sérieuse de solvabilité. La
cessation de paiements se traduirait alors par un retrait des financements
extérieurs et un effondrement des importations qui aurait des incidences
sur la production par le biais des nombreux secteurs qui recourent à des
biens d'équipement importés.
Ces difficultés n'ont pas été le propre du Sénégal, mais de la
majorité des Etats qui avaient financé leur croissance sur l'endettement.
Naturellement, elles ont été plus aiguës au Sud, mais les problèmes n'ont
pas épargné le Nord, où l'Etat Providence a subi de nombreuses attaques,
tandis que les politiques d'offre se sont partout substituées à la régulation
par la demande. Cette montée des déséquilibres, de l’endettement et la
stagnation de la production a rendu inéluctable les politiques de
stabilisation et l'ajustement structurel. Aussi a-t-elle fait durement
ressentir ses conséquences, du fait de la compression drastique des
dépenses en vue d’une réduction des créances futures. Le choix, à
l'époque, n'était pas entre le refus d'une telle politique et son acceptation
passive, mais entre la possibilité d'entrevoir, au prix de sacrifices, un
avenir meilleur, et la certitude de s'enfoncer dans la voie du déclin.
La conjugaison de toutes ces situations a conduit progressivement
tous les Etats africains à adopter des programmes de stabilisation et