Chapitre 13 - Paul Duez Cambrai

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Chapitre 13
La légitimité d’une intervention de l’État
La légitimité de l’intervention de l’État dans la vie économique d’un pays repose historiquement sur des
arguments juridiques et économiques, toujours invoqués en référence à la place occupée par le marché
comme instrument d’organisation des échanges dans une société. Tout d’abord, le premier rôle dévolu à
l’État a été de créer un cadre favorable au développement de l’activité économique à travers ses missions
régaliennes (A.). Ensuite, l’intervention croissante de l’État dans la sphère économique a été justifiée par
l’existence de défaillances du marché, qui rendent impossible la répartition efficace de certaines
ressources dans la société par des organisations marchandes, (B.) et par l’existence d’imperfections qui
viennent perturber le fonctionnement concurrentiel du marché (C.).
A. Une intervention de l’État pour créer un cadre favorable aux échanges
Historiquement, l’intervention de l’État a permis de créer un environnement institutionnel favorable à
l’activité économique à travers l’instauration de règles garantissant la protection des droits de propriété
et le respect des contrats, mais aussi la prise en charge de certaines missions assurant la stabilité
politique du pays. Cette conception du rôle de l’État renvoie à la notion de fonctions régaliennes qui a
contribué à délimiter le champ d’intervention de l’État (1.), le plus souvent a minima (2.).
1. Les fonctions régaliennes : une conception traditionnelle du rôle de l’État
On peut définir les fonctions régaliennes comme l’ensemble des missions fondamentales pour une société,
qui sont placées sous la responsabilité de l’État et ne peuvent, en principe, être déléguées à des acteurs
privés.
Traditionnellement, les missions régaliennes de l’État consistent à assurer la sécurité intérieure (police),
la sécurité extérieure (armée), à rendre la justice et à émettre la monnaie. Ces missions sont
amenées à évoluer au cours du temps, une preuve étant la perte du pouvoir que possédait l’État d’émettre
la monnaie, celui-ci ayant été transféré à des banques centrales devenues indépendantes du pouvoir
politique. Ces fonctions étaient censées fournir un environnement propice à l’essor des échanges.
2. Les fonctions régaliennes : une conception minimaliste du rôle de l’État
Les fonctions régaliennes renvoient à la conception d’un État neutre, ou « État gendarme », dont le
degré d’intervention dans l’économie est faible. Le rôle dévolu à l’État est dès lors de protéger la
concurrence et de chercher à supprimer les barrières aux échanges. Il correspond donc à une vision de
l’économie selon laquelle des relations marchandes libres permettent d’assurer le bien-être maximum de la
société. L’État doit se garder de trop s’immiscer dans la sphère économique car il risquerait d’entraver la
liberté des échanges. Cette conception minimaliste du rôle de l’État a été progressivement remise en
cause en raison de l’existence de situations dans lesquelles le libre fonctionnement du marché ne
conduisait pas à une production et une répartition efficace des ressources dans l’économie.
B. Une intervention de l’État pour lutter contre les défaillances du marché
Il existe certains phénomènes qui mettent en échec le fonctionnement du marché. Il s’agit principalement
de l’existence de biens collectifs, aussi appelés « biens publics » et d’effets externes, ou « externalités ».
1. L’existence de biens collectifs
Les biens collectifs sont des biens qui peuvent être consommés simultanément par plusieurs individus sans
que la consommation des uns ne réduise celle des autres, et sans que l’on puisse les en empêcher
(exemples : services comme l’éclairage public, la sécurité extérieure et l’éducation).
Ces biens doivent être fournis par l’État, qui les financera par l’impôt. En effet, ce type de biens n’est pas
individualisable puisqu’il est impossible d’empêcher les individus de les consommer même s’ils ne les payent
pas. Chacun aura donc tendance à se comporter en « passager clandestin », c’est-à-dire espérer que les
autres accepteront de financer la totalité du bien afin d’en bénéficier gratuitement : il ne serait donc pas
rentable pour une entreprise de produire ces biens.
2. La présence d’effets externes (ou externalités)
On parle d'externalités lorsque le comportement d'un agent économique affecte positivement
(externalités positives) ou négativement (externalités négatives) le bien-être d'au moins un autre agent
économique sans que celui-ci ne reçoive une compensation (exemples : la pollution, le tabagisme passif sont
à l’origine d’externalités négatives. À l'inverse, l'éducation et la vaccination sont à l'origine d'externalités
positives). Les externalités sont des défaillances du marché car si on laisse les individus libres de leur
comportement dans ces situations particulières, ils vont, soit produire trop d'externalités négatives, soit
engendrer trop peu d'externalités positives. L'État doit donc intervenir. Il dispose de trois instruments
principaux:
- la réglementation qui permet d'encadrer (interdire ou encourager) certains comportements ;
- l'usage de subventions pour encourager les externalités positives (ou de taxes pour décourager les
externalités négatives) ;
- l'instauration d'un marché spécifique à l'externalité en question afin de fixer un prix marchand
permettant aux agents économiques d'intégrer les effets secondaires de leur comportement sur autrui.
Parallèlement à l'existence de biens collectifs et d'externalités qui empêchent les mécanismes de marché
de conduire la société à son niveau de bien-être maximal, il existe d'autres situations où c'est le
fonctionnement concurrentiel du marché qui est remis en cause : on parle alors d'imperfections de
marché.
C. Une intervention de l’État pour lutter contre les imperfections du marché
Lorsqu'un marché est concurrentiel, le prix permet de coordonner les décisions des agents économiques
et le bien-être de la société est maximal. Dans certains cas, le mécanisme de la concurrence ne peut plus
fonctionner ce qui va se traduire par des prix trop élevés par rapport à ceux qui permettraient à la
société d'avoir un niveau de bien-être maximum.
On distingue principalement trois imperfections du marché : l'inégal accès à l'information, l'existence
de barrières à l'entrée sur le marché et un nombre restreint de concurrents sur le marché.
1. Un accès inégal à l’information
Dans certains cas, il existe une asymétrie d’information entre les agents économiques, c’est-à-dire que les
individus n’ont pas le même niveau d’information, les uns (les entreprises) y ayant un meilleur accès que les
autres (les consommateurs). Ces derniers éprouvent dès lors des difficultés pour mettre en concurrence
les entreprises et payent donc des prix plus élevés.
2. L’existence de barrières à l’entrée sur le marché
Le concept de barrières à l'entrée signifie qu'il existe des obstacles (juridiques, technologiques,
financiers...) empêchant les agents économiques qui le souhaitent de venir concurrencer ceux déjà en place
sur le marché (exemples : cas de la téléphonie mobile, de la distribution d'énergie, du transport
ferroviaire).
3. Un nombre restreint d’offreurs sur le marché
Lorsque le nombre d’entreprises est restreint sur un marché donné (souvent en raison de barrières à
l’entrée sur ce marché), le niveau de concurrence est faible et les consommateurs en pâtissent : prix plus
élevés, services après-vente de mauvaise qualité, gamme de services offerts plus faible… Il y a aussi un
risque que les producteurs sur ce marché s’entendent, ce qui aboutit aux mêmes conséquences qu’évoquées
précédemment. C’est le cas des marchés monopolistiques (un seul offreur) et oligopolistiques (un petit
nombre d’offreurs).
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