Bachaud Audrey Fiche Bibliographique : Titre : A qui profite le développement durable ? Auteur : Brunel Sylvie Editeur : Larousse Lieu de publication : France (Evreux) Année de publication : mai 2008 Nombre de pages : 157 Présentation/Résumé : Sylvie Brunel possède de nombreux diplômes (maitrîse de droit public, docteur en économie, agrégée de géographie et diplômée du Centre de formation des journalistes), a fait de l’humanitaire pendant quinze ans et a écrit plusieurs livres. Aujourd’hui elle est professeur de géographie à Paris-Sorbonne, spécialiste des questions de développement. Dans son dernier livre, celui que nous étudions aujourd’hui, elle se livre à une critique assez vive du développement durable, quelque fois nuancée, mais nous retenons surtout une impression négative. Le titre, A qui profite le développement durable?, est accrocheur même si un « je ne sais quoi » nous souffle la réponse : toujours les mêmes ! 1/5 Aujourd’hui le développement durable est partout : à la télé, dans les librairies, dans les cours d’économie et même à la maison pour ceux qui pratiquent le tri sélectif. Ce concept étant relativement nouveau, beaucoup d’opinions divergent et ce livre choisi parmi d’autres ne ralie surement pas tous les points de vue. La problématique posée par l’auteur trouvant rapidement une réponse, nous découperons ce résumé avec les trois principaux thèmes du livre : - Le développement durable : une nouvelle religion. - Le développement durable et le capitalisme. - Le développement durable et la Nature. I. Le développement durable : une nouvelle religion. Le parallèle entre développement durable et religion s’appuie en premier lieu sur le discours de peur et la culpabilisation qu’ils entretiennent. Dans le christianisme, c’est par peur de l’enfer que le fidèle veut s’amender de ses mauvaises actions. Aujourd’hui, notre mauvaise action c’est de participer à la société de consommation (qui a permis à une grande majorité de la population d’acquérir un bon niveau de vie après la fin de la guerre). Le discours du développement durable est schématiquement toujours le même : des images chocs et des interviews d’experts rappelant qu’il est trop tard, qu’il ne nous reste plus qu’à nous amender. Si ce terme d’amendement revient c’est parce que justement l’ « Eglise » du développement durable a aussi le pouvoir d’expier nos péchés. Ce sont les ONG (Organismes Non Gouvernementaux) qui se chargeront de cette tache, elles sont les « nouvelles lessiveuses de notre mauvaise conscience ». Et pour ce faire il suffit de donner notre argent à ces organismes, lesquels sauveront la planète. En poursuivant la comparaison avec la religion, nous notons que l’auteur emploie le terme de « catéchisme » pour caractériser toutes les actions que nous sommes amener à faire pour respecter l’environnement : se déplacer à vélo, ne pas acheter dans les grands supermarchés mais plutôt chez les petits producteurs locaux, utiliser des linges pour les couches et les mouchoirs… Et c’est avec une certaine ironie que Sylvie Brunel nous explique que s’il nous fallait appliquer tous ces principes, nous ferions non seulement un grand pas en arrière par rapport aux taches que nos ancêtres ont abandonné avec plaisir mais qu’en plus cela pourrait ne pas s’avérer très écologique (eau utilisée sans cesse pour le lavage des couches). Pour terminer sur cette idée, il fallait noter que cette nouvelle religion dispose aussi de figures charismatiques à sa tête. Des personnalités telles que Nicolas Hulot, Al Gore, vantent les mérites du développement durable. Qu’importe si pour cela ils peuvent se permettre ce qu’ils reprochent aux autres, c’est-à-dire se déplacer en 4x4, hélicoptère et autres gros engins pour nous montrer la beauté du monde à préserver. L’auteur nous dit que ces gens qui ont su surfer sur le bon filon affichent un culte de la personnalité en partie du au fait de leur discours d’auto-flagellation : j’admets avoir péché mais aujourd’hui je me repentis et vous avec moi grâce à l’argent que vous me donnez. Et pour clore la comparaison l’auteur met le doigt sur une curiosité assez piquante : le développement a aussi ses miracles. Je cite : « le trou de la couche d’ozone se serait rétréci depuis la fin de l’utilisation des CFC (gaz organofluorés) ». L’emploi du conditionnel est à noter dans cette dernière phrase. 2/5 II. Le développement durable et le capitalisme. Le développement durable est le produit de la mondialisation. C’est à la fin de la guerre froide que le modèle capitaliste s’étend au monde entier et avec lui la liberté d’entreprendre. Les nouvelles technologies d’information et de communication permettent aux ONG de s’organiser à l’échelle planétaire. Par le biais de l’humanitaire, la nouvelle religion du développement durable se déverse au Sud grâce au droit d’ingérence humanitaire autoproclamé par les pays du Nord et essaye d’assurer un développement qui ne menace pas les ressources de la planète (ni les vieux pays riches). Avec le « Sommet de la Terre » à Rio, en 1992, l’auteur souligne le fait que les problèmes du monde sont maintenant d’ordre naturel et non plus d’ordre social. Le développement durable s’inscrit dans une logique capitaliste, l’écologie fait recette. Le gouvernement français a promulgué en 2002 la loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques) qui oblige les grandes entreprises à rendre un rapport sur leurs actions en faveur de développement durable. D’ailleurs elles profitent de cette image d‘«amies» de l’écologie car en terme de marketing le label « vert » est très prisé aujourd’hui par les consommateurs. Ceux-là même qui sont encouragés à prendre en charge une partie des frais qui incombaient auparavant à l’entreprise (sacs plastiques, factures) et à remplacer leurs anciennes voitures. Un nouveau marché s’est donc ouvert avec le développement durable et au nom de la planète nous sommes poussés à consommer toujours plus. D’autres problèmes sont à signaler : le développement durable peut se révéler couteux (ampoules basses consommation), inesthétique (éolienne) et peu pratique (voitures hybrides avec un coffre réduit). Pour que le poids du recyclage ne repose pas entièrement sur le consommateur mais que les entreprises ne s’en déchargent pas en prenant le Sud pour une poubelle, il convient de réfléchir à la règle des 3R (réduire les déchets dans le processus de fabrication, réutiliser et recycler). Le développement durable correspond donc plus à une ambition qu’à une réalité. Le développement durable se caractérise dans ce livre par l’idée qu’il instaurerait une nouvelle frontière riche/pauvre. En 1968 parait un rapport alarmiste sur la croissance de la population mondiale La bombe P (P pour population). De plus, on assiste dans les années 1970 à l’explosion démographique dans le Tiers-Monde. Cela réveille en nous la peur de manquer. En effet d’après les Nations Unies nous atteindrions 700 milliards d’hommes sur Terre en 2100. Il s’avère que ce chiffre a été surestimé, aujourd’hui on parle de 9 à 10 milliards d’hommes pour 2100. De plus les politiques natalistes défendues n’ont pas vraiment eu d’effet car aujourd’hui la Chine pratique la politique de l’enfant unique et la population des pays du Sud, voyant le risque de perdre son enfant diminuer, s’est autorégulée. Par une « coïncidence étrange » on voit aujourd’hui les vieux pays développés remettre en question la société de consommation au moment où le Sud émerge et prétend à son entrée dans celle-ci. En 1972, le Club de Rome rédige le rapport Halte à la croissance dans lequel les premières simulations chiffrées par ordinateur prévoit l’épuisement des ressources vers les années 1990. Le choc pétrolier de 1973 va justifier la peur car si les prix augmentent c’est que l’on ne va pas tarder à manquer. Une autre ressource pose aussi beaucoup de questions, c’est l’alimentation. Selon l’auteur nous assistons à une résurgence du malthusianisme qui consiste à dire que si les pauvres ont faim, c’est parce qu’ils sont trop nombreux. Or il a été démontré que la nourriture produite aujourd’hui suffirait à nourrir toute l’humanité. La question est de savoir comment répartir cette production. L’auteur rappelle que les Etats-Unis et l’Europe payent certains paysans pour qu’ils ne cultivent pas leurs terres. 3/5 Pour finir, nous allons aborder un thème important pour l’auteur, « L’Afrique, laboratoire du développement durable ». L’Afrique fait le lien entre les différents thèmes du livre. Comme d’autres en d’autres temps, l’Afrique est la terre à conquérir, c’est là que les missionnaires de l’humanitaire viennent comme les missionnaires religieux avant eux. La majorité du monde voit l’Afrique comme une terre à protéger de l’irresponsabilité de ses pauvres, de la méchanceté des braconniers et de la corruption des élites. L’homme blanc vient en seigneur et maître, protéger cette immense zone de biodiversité. Du point de vue capitaliste, humain et écologiste, on constate que de plus en plus d’espaces sont classés et protégés. Ils rapportent aux dirigeants de ces pays la « rente verte » dont les habitants voient rarement la couleur, contraints de se déplacer vers les villes, n’ayant plus leur place sur ces terres protégées. Les animaux prévalent sur les hommes en temps qu’espèce protégées et ce sont leurs déplacements qu’on protège plutôt que les déplacements humains. Si l’argent investit dans les balises Argos allait aux populations locales, on verrait certainement moins d’enfants atteints de maladie et souffrant de la faim. « L’Afrique n’est pas notre zoo » nous rappelle l’auteur et si au lieu de jouer aux petits explorateurs nous prenions exemple sur leur capacité de recyclage, nous aurions beaucoup à apprendre. III. Le développement durable et la Nature Le thème principal de ce livre est le lien entre Nature et développement durable. Le terme développement durable a été crée par des ONG environnementales (WWF, UICN et PNUE) en 1980 dans un document nommé La stratégie mondiale de la conservation avec pour sous-titre Pour une conservation de la nature au service du développement durable. Etudions la notion de durabilité et la fracture conceptuelle entre durabilité forte et faible (François Mancebo). La durabilité forte concerne les ressources qu’il faut à tout prix conserver et la durabilité faible correspond aux ressources facilement renouvelables. La fracture conceptuelle se situe au niveau de la confiance portée dans les nouvelles technologies. Pour les partisans de la durabilité faible l’homme peut tout faire, y compris reconstruire ou recréer ce qu’il a détruit : la Terre est le produit de l’homme. Et pour les partisans de la durabilité forte (les écologistes), la Terre doit primer sur l’homme car celui-ci la menace par son activité frénétique; il faudrait pratiquer la décroissance. Ce deuxième point de vue se fonde en partie sur le mythe de la « Nature naturelle » selon lequel la Nature s’en sortirait beaucoup mieux sans les hommes. Cette théorie est réfutée par l’auteur. En sa qualité de géographe, elle nous explique qu’il est important qu’un milieu évolue car livré à lui-même il est envahit par des espèces nuisibles. Pour qu’un milieu évolue, l’action de l’homme semble indispensable. Il n’existe pas d’espace naturel, tout est façonné selon l’image que l’homme se fait de la Nature et cette image change selon les sociétés (les jardins qu’ils soient japonais, anglais, français ou allemand changent du tout au tout). Le mythe de la Nature bienveillante se révèle assez erroné lui aussi car c’est la loi du plus fort qui prévaut. Tout n’est pas bon pour l’homme dans la Nature (microbes, poisons). Cette idée émane souvent de ceux qui vivent en ville, protégés des aléas de la Nature que nos ancêtres ont justement voulu quitter. L’homme est la seule espèce qui se préoccupe de son prochain et gageons que la plante verte ne se soucierait pas de préserver notre biodiversité. 4/5 Le réchauffement climatique fait couler beaucoup d’encre : on est passé de la peur du communisme à la peur du CO2. Et pourtant l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie a montré qu’à partir de 1850 il y a un réchauffement climatique mais à cette époque la révolution industrielle vient à peine de commencer alors nous ne pouvons pas la nommer responsable de ce fait. Oui les glaciers reculent, mais ils ont commencé depuis plus d’un siècle toujours selon les travaux de cet historien. Le réchauffement a des effets positifs : il y a plus de terres cultivables en haute latitude, de nouvelles routes circumpolaires pour éviter le contour des continents par le Sud, la période propice à la croissance des végétaux augmente les récoltes et l’héliotropisme est profitable au tourisme. Et pourtant le réchauffement climatique est dramatisé par le GIEC (Groupement d’Experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat), lequel rend des rapports simplifiés au maximum pour avoir un plus grand impact médiatique. Conclusion : Nous nous devons d’insister sur les points positifs du développement durable, largement oubliés dans cet ouvrage. Malgré ses lacunes le développement durable nous a permis de prendre conscience que nous n’avions pas de planète de rechange. Si les ONG forcent le trait pour obtenir des crédits, un certain nombre de leurs actions aboutissent. Aujourd’hui le « principe de précaution » prévaut et la démocratie participative permet de se poser davantage de questions sur ce qui sera bon ou pas pour les futurs êtres humains. Sylvie Brunel insiste cependant pour que nous ne pensions pas développement durable seulement dans notre coin en oubliant ceux qui profitent à peine du développement. Il faut agir ensemble pour trouver une solution commune et non pas garder jalousement ses technologies pour des questions de part de marché. 5/5