leurs capacités éducatives ou relationnelles sont porteurs d’une résultante qui s’inscrit dans ce que
leurs familles ont connu comme épreuves, déstabilisation et remise en cause de ce qui constituait leur
sécurité, mais également de ce que la société leur renvoie comme jugement, comme image. Tous les
adolescents engagés dans des conduites à risque sont confrontés à des images extrêmement
éprouvantes qui ont à voir avec la question de leur place dans la société. Si ces adolescents n’ont pas
une bonne image, c’est parce qu’ils n’ont pas de place. Au lieu de se reconnaître comme destinés à
occuper une place dans le corps social, ils expriment le sentiment que rien n’a été prévu pour cela, que
tout va à l’encontre de l’idée qu’ils pourront y trouver leur place.
Derrière la question de la place, il y a celle de la reconnaissance, c’est-à-dire une question de relation,
notamment à l’adulte. Ce dernier est-il en capacité de reconnaître ce que ces adolescents sont amenés
à rechercher, à mettre à l’épreuve et à construire ? Très souvent, les déficits s’alimentent du sentiment
que les conditions sociales de base pour être dans cette relation n’existent pas.
Les processus qui accompagnent la précarisation alimentent cette question de la reconnaissance, que
ce soient l’isolement, la ségrégation, la discrimination, autant de logiques sociales productrices de
vulnérabilités. Les personnes qui vivent ces vulnérabilités résistent à l’idée d’y être identifiées, et il y a
dans cette fabrique de précarité des conditions extrêmement inégalitaires d’expression et de
manifestation de l’estime de soi. Les enfants et les adolescents sont plus particulièrement concernés
car en plus de la précarisation et des vulnérabilités sociales, ils connaissent des vulnérabilités propres à
leur âge, qui se trouvent ici amplifiées, surdéterminées par les conditions sociales. Pour ces jeunes,
l’injonction d’avoir une bonne estime de soi est vécue comme une stigmatisation et une injustice de
plus.
LA SPECIFICITE DE L’ESTIME DE SOI À L’ADOLESCENCE
A l’adolescence, ce qui construisait l’estime de soi des sujets est tout d’un coup mis à mal
. Ils se
posent alors énormément de questions sur eux-mêmes, se demandent s’ils sont normaux de faire telle
ou telle chose, d’être totalement envahis par des pensées un peu bizarres. Il y a une mutation très
importante du narcissisme au moment de l’adolescence, qui concerne aussi bien les transformations du
corps que les transformations psychiques. Pour l’immense majorité, cela ne se passe pas trop mal,
mais il y a parfois des ratés dans ce remaniement du narcissisme. Comment pouvoir s’aimer soi-même
quand on a une nouvelle peau et qu’on sait que cette peau n’est pas forcément aimable aux yeux des
autres ou qu’on ne se trouve pas aimable, c'est-à-dire digne d’être aimé aux yeux des autres ? Cette
question est essentielle parce qu’elle détermine une attitude dans la vie, une attitude par rapport aux
autres. Les adolescents deviennent hyper sensibles, leur narcissisme est à fleur de peau, c’est-à-dire
que la moindre parole qui leur est adressée peut être perçue comme une attaque. Le narcissisme
révèle alors sa fonction défensive. Enfin, un adolescent peut passer par des fluctuations importantes de
son estime de soi.
Les filles tendent à avoir une estime d’elles-mêmes bien plus basse que celle des garçons, y compris
dans les domaines comme la scolarité, les conduites ou les relations sociales, où elles obtiennent
objectivement de meilleurs résultats
. Aspiration idéale trop élevée chez les filles, influence néfaste de
l’environnement, importance attachée à l’apparence physique, valeurs culturelles favorables aux
hommes, toutes les hypothèses ont été émises sans conclusion définitive. Cependant, on constate que
si l’estime de soi tend à s’exprimer comme un facteur unique chez les filles, elle se divise chez les
garçons en deux dimensions principales : soi-même face aux adultes et soi-même face aux pairs. Les
garçons parviendraient ainsi plus facilement que les filles à préserver des zones d’estime de soi élevée,
tandis que les filles atteintes dans une seule dimension de l’estime de soi tendraient à se juger
globalement de façon négative.
A l’adolescence, le remaniement du narcissisme va de pair avec la bascule des identifications
. Durant
l’enfance, les parents sont vécus comme des personnes protectrices, aimantes, gentilles, donc de bons
parents, alors que l’adolescent se retrouve face à des parents qu’il trouve insipides, voire banals, et