2. La conception contemporaine du sujet de l`activité

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LE SUJET DE L’ACTIVITE
Ou la théorie de l’activité selon S.L. Rubinshtein
К.А. Аbul’khanova
Introduction
Le présent article propose un commentaire (au sens large du terme) scientifique et
théorique des travaux de l’éminent psychologue russe Sergei Leonidovich Rubinshtein, qui
sont publiés aujourd’hui en France à l’aimable initiative de nos collègues français.
Cette édition offre un échantillon représentatif des travaux que Rubinshtein a produits
tout au long de sa carrière. Il nous a semblé indispensable de présenter au lecteur le concept
du sujet de l’activité dans sa continuité historique et logique, tel que l’auteur l’a développé et
enrichi, et d’en donner les grandes lignes à chaque étape clé de son élaboration. Toute
l’originalité et le paradoxe aussi de la théorie de Rubinshtein tient au fait que, contrairement à
ce qui est de mise d’ordinaire, il nous livre dès ses tout premiers travaux les fruits d’une
réflexion poussée et éprouvée. Philosophe de formation et dans son approche, Rubinshtein
était éminemment instruit en sciences humaines, ainsi qu’en sciences naturelles, en
mathématique et en physique. Il fut très tôt l’auteur d’une conception philosophique de
l’anthropologie et de l’ontologie entièrement nouvelle, qui compte aujourd’hui encore parmi
les plus fondamentales. A l’inverse de ce qui se pratique généralement dans le domaine du
savoir scientifique, Rubinshtein n’est pas parti du plus simple, du plus élémentaire, du plus
descriptif pour aller au plus complexe, au plus élaboré, au plus argumenté. Son cheminement
l’a conduit de la philosophie et de son abstraction constitutive à la psychologie et à son aspect
concret si complexe et multiforme. C’est ainsi que la théorie du sujet de l’activité a pu
prendre la dimension d’un système qui s’est enrichi de nouveaux éclairages et de nouvelles
perspectives de recherche. Le développement de cette théorie s’est articulé autour de quatre
axes :
1. l’axe de la méthodologie philosophique (celle-ci s’est d’abord appuyée sur Hegel
et Kant puis sur les premiers écrits de Marx concernant l’homme, avant d’intégrer
les idées de l’existentialisme, la phénoménologie de Husserl, les théories
philosophico-anthropologiques et éthiques faisant une critique des derniers
travaux de Marx et, enfin, une interprétation socio-philosophique personnelle de
la tragédie du « réel socialisme ») ;
2. l’axe logico-scientifique lié à la crise qu’ont traversée la psychologie
internationale puis la psychologie soviétique, confrontées aux difficultés de la
connaissance du psychisme ;
3. l’axe de la recherche empirique menée sous la direction de Rubinshtein ; et
4. l’axe de la synthèse qui lui a permis d’utiliser, sous une forme nouvelle, tous les
résultats de la psychologie internationale en les intégrant dans son nouveau
système.
On pourrait ajouter un cinquième axe, à la fois positif et négatif par sa portée. C’est le
pluralisme intellectuel et scientifique qui a toujours existé en Russie, malgré l’autoritarisme
du régime.
1
Héritier des théories et de la pensée de certains psychologues russes (А.F. Lazurskii,
N.N. Langе, I.М. Sechenov, М.Ia. Basov et autres), Rubinshtein a développé un consensus
scientifique et une relation de coopération avec notamment D.N. Uznadze, B.G. Аnan’ev,
V.N. Miasishchev, V.S. Merlin, et a objectivement orienté à travers ses idées les travaux de
personnalités telles que A.N. Leont’ev, A.V. Zaporozhets et A.A. Smirnov. C’est dans ce
contexte que Rubinshtein a proposé une élucidation du psychisme, de la personnalité et de
l’activité, se démarquant ainsi foncièrement de L.S. Vygotskii. Leont’ev a commencé à
travailler avec Rubinshtein sur cette dernière question, puis désireux d’acquérir une
indépendance scientifique, il s’est tourné vers les idées de Vygotskii, ce qui a débouché sur la
création et la confrontation de deux écoles. Aujourd’hui encore, on distingue
conceptuellement la théorie de l’activité de Vygotskii et de Leont’ev, entre autres, et celle de
« l’activité orientée sujet » de Rubinshtein, Uznadze et Anan’ev notamment, qui reposent sur
deux conceptions différentes de l’activité. (Ce débat, qui était à la fois ouvert et latent et dont
on doit reconnaître le mérite, reflète la liberté de pensée qui existait sous notre régime
totalitaire, tant que les questions en jeu n’avaient pas de caractère idéologique).
L’évolution récente nous permet et nous oblige même à présenter au lecteur la théorie
de Rubinshtein et à la mettre en regard de celles de Vygotskii et de Leont’ev. Il sera alors
possible de tirer des conclusions quant à leur contenu et d’avoir une vision globale de la
problématique de l’activité et du sujet de l’activité dans la psychologie soviétique et
contemporaine.
Il est important de souligner que la structure et la logique du présent article sont
dictées par le fait que la théorie de Rubinshtein a, peut-on dire, trois dimensions : 1. son
contenu propre, 2. les développements et les applications (c’est-à-dire le prolongement et la
concrétisation) qu’elle a trouvés au sein de son école et 3. ses répercussions sur l’élaboration
de la question de l’activité qui joue aujourd’hui un rôle paradigmatique central dans le
développement de la psychologie russe et dans ses perspectives (aspect que se propose
modestement de traiter la seconde partie de cet article).
1. Contexte historique
Rubinshtein est l’auteur d’une théorie du sujet de l’activité (de l’unité de la conscience
et de l’activité) enracinée dans la philosophie, que l’on peut qualifier de considérable du point
de vue de sa portée et de ses perspectives. Cette théorie a su tirer parti de ce que la
psychologie internationale offrait de mieux, elle a permis un développement systémique de la
psychologie russe et a réussi à conjuguer développements théoriques et développements
empiriques à une période critique de notre histoire, celle des années 30-40. Dans les
années 50, Rubinshtein a travaillé sur l’approche philosophique de l’homme en tant que
sujet ; cette approche, qui recèle un potentiel méthodologique considérable, a défini ce qui est
devenu aujourd’hui un nouveau paradigme de la psychologie (qu’il s’agisse de la psychologie
générale, sociale, de la personnalité, du travail, de l’ingénierie ou de la créativité)
(Abul’khanova, 1973, 2005 ; Anan’ev, 1968 ; Abul’khanova-Slavskaia, Brushlinskii, 1989 et
autres). Rubinshtein ayant développé le concept de sujet et le principe de l’unité de la
conscience et de l’activité tout au long de sa carrière scientifique, nous présenterons ici les
étapes clés et les principales articulations de ce développement.
Les années 20 - première étape
2
Partant de son approche originale du sujet, de l’anthropologie et de l’ontologie
philosophiques, Rubinshtein analyse la crise que connaît la psychologie internationale au
début du siècle et montre qu’elle découle de la rupture et de l’opposition entre conscience et
activité, avec d’un côté une absolutisation de la conscience par l’un des courants de la
psychologie et, de l’autre, une absolutisation du comportement de la part du behaviourisme
qui rompt avec la conscience1. Rubinshtein élabore alors le principe de l’unité de la
conscience et de l’activité, qui jouera un rôle crucial dans la résolution de cette crise. Voici ce
qu’il dit de cette unité :
« La conscience se manifeste et se développe dans l’activité », telle est la position
soutenue dans l’article intitulé « Le principe de l’activité du sujet dans sa dimension
créative », dont la formulation à elle seule suppose que le sujet possède une conscience et est
l’auteur de l’activité (Rubinshtein, 1922). On trouve déjà cette position dans quelques courts
extraits de manuscrits datant des années 20 qui n’ont jamais été publiés (Lomov, 1989).
Cet énoncé si lapidaire sous-entend :
1. une distinction qualitative dans ce qui fait la spécificité de la conscience et de
l’activité ;
2. une interprétation de l’activité en tant qu’activité pratique ;
3. une interaction entre la conscience et l’activité, c’est-à-dire une relation directe et
réciproque de l’une à l’autre. « Ne voir dans les actes que les manifestations du sujet, tout en
niant la rétroaction qu’ils exercent sur celui-ci, revient par conséquent à détruire l’unité de la
personnalité… En effet, par ses actes - ceux de son activité considérée dans sa dimension
créative, le sujet non seulement se révèle et se manifeste, mais encore il se crée et se
détermine. » (Rubinshtein, 1997, p. 438)2 ;
4. un rôle distinct pour la conscience et pour l’activité qui ont chacune une fonction
propre ;
5. la manifestation de la conscience dans l’activité et le rôle de l’activité dans le
développement de la conscience, c’est-à-dire un principe de développement en rapport direct
avec les idées de Piaget et Janet.
Il faut toutefois remarquer qu’à ce stade de son élaboration, le principe de l’unité de la
conscience et de l’activité visait essentiellement à trouver une issue à la crise que traversait la
psychologie.
Les années 30 - deuxième étape
Parmi les principaux travaux de cette période, il convient de citer l’article «Problemy
psikhologii v trudakh Karla Marksa » (Questions relevant de la psychologie dans les travaux
de Karl Marx) (Rubinshtein, 1934) et la monographie « Osnovy psikhologii » (Les
fondements de la psychologie) (Rubinshtein, 1935). Les idées qu’ils développent peuvent se
résumer ainsi :
1) Rubinshtein fait de la personnalité le maillon qui unit concrètement la conscience
et l’activité. Il concrétise et complexifie son tout premier modèle et pose le
problème de la relation de la conscience avec la personnalité et de la personnalité
avec l’activité.
2) La formule de l’unité de la conscience et de l’activité devient le principe de l’unité
de la personnalité (celle-ci ayant une conscience, des capacités, des besoins et des
1
Dans son article « Istoricheskii smysl psikhologicheskogo crizisa » (Réflexion historique sur la crise de la
psychologie) rédigé en 1924 et publié en 1981, Vygotskii émet l’hypothèse que cette crise résulte non pas d’une
contradiction interne à la psychologie mais au lien entre théorie et pratique. (Vygotskii, 1981, Т.1, p. 291 à 436).
2
. Les travaux de Rubinshtein sont référencés en fonction de l’année de leur parution, mais les citations sont
tirées des éditions les plus récentes.
3
3)
4)
5)
6)
7)
8)
ambitions) et de l’activité. Dans cette nouvelle conceptualisation, Rubinshtein pose
le sujet comme celui qui réalise cette unité. Il écrit : « L’homme devient
véritablement un sujet et donc une personnalité en devenant sujet de la pratique
dans sa relation à l’objet de l’activité qui est toujours une relation sociale
médiatisée par sa relation aux autres, » (Rubinshtein, 1935, p. 132).3
Rubinshtein concrétise le concept général d’activité en passant au concept de
« travail » (s’appuyant, de toute évidence, pour cela sur la théorie de Marx) ; il
définit ce concept à la fois comme la production d’objets et comme les relations
sociales entre les individus4.
Dans la personnalité entrent non seulement la conscience mais aussi deux forces
motrices essentielles, les besoins (ambitions) et les capacités.
La conscience de même que la personnalité se développent dans l’activité.
Rubinshtein considère que la conscience et l’activité ont plusieurs niveaux : « le
niveau de la conscience peut dépasser le niveau de l’activité. » (Rubinshtein, 1997,
p. 52).
La nature du travail est déterminée non seulement par les relations sociales, mais
également par la personnalité qui met en jeu sa propre relation à l’activité, cette
relation se développant tout au long de la vie de la personnalité.
La personnalité n’est pas déterminée de manière univoque par les relations
sociales ; elle les médiatise par son propre rapport aux autres individus.
Si, dans les années 20, Rubinshtein écrit dans « Le principe de l’activité du sujet dans
sa dimension créative » que la conscience se manifeste et se développe dans l’activité, il
s’intéresse dans les années 30 à la façon dont la personnalité douée de conscience se
manifeste et se développe dans l’activité. La personnalité s’exprime soi-même dans l’activité,
elle est véritablement sujet. « La conscientisation de l’activité – c’est-à-dire des conditions
dans lesquelles elle se déroule et des buts que la personnalité se fixe – modifie les conditions
de son déroulement ainsi que le cours et la nature de cette activité ». (Rubinshtein, 1997,
p. 57)5. On assiste à une complexification des éléments de ce modèle et de leurs liens, ainsi
qu’à un élargissement de leur contexte : l’activité en tant que travail s’inscrit dans les rapports
sociaux et la personnalité, c’est-à-dire dans tout l’itinéraire de la vie dans lequel l’activité
occupe une place définie.
Ce modèle très abouti intègre et synthétise une masse considérable de données
théoriques et empiriques de la psychologie et révèle tout leur apport. Dans son premier
ouvrage, « Les fondements de la psychologie », Rubinshtein écrit : « Notre travail consiste à
passer tout un matériel psychologique existant au crible d’une méthodologie unique et à ne la
présenter que sur la base de résultats concrets. » Les travaux de Rubinshtein constituent un
laboratoire, un atelier de réflexion scientifique et théorique. Le principe de l’unité de la
Citation extraite du premier ouvrage de Rubinshtein, qui n’a jamais été réédité.
Cette concrétisation a une importance fondamentale : elle montre le caractère objectif et socialement
indispensable de l’activité en tant que travail, dans laquelle la personnalité doit s’inclure pour réaliser son
activité individuelle. Il faut souligner l’audace dont a fait preuve Rubinshtein en conservant le concept d’activité
en tant que travail, alors qu’au milieu des années 30, l’interdiction de la psychotechnique et de la psychologie du
travail signifiait l’arrêt de l’étude de l’activité du travail (que de nombreux psychologues soviétiques avaient
commencé à analyser) (Umrikhin, 1989). Le fait de considérer l’activité comme travail a revêtu en soi une
grande importance, car la majorité des psychologues qui s’étaient tournés vers l’étude de l’activité de l’enfant et
du jeu avaient abandonné les caractéristiques liées à la catégorie marxiste du travail .
5
Les première et deuxième éditions (1973 et 1976) de « L’homme et le monde », qui font partie des œuvres
complètes de Rubinshtein, contiennent des articles uniques d’un point de vue bibliographique et sont devenues
introuvables. Les citations sont donc extraites de la troisième édition (celle de 1997) publiée en un seul volume.
3
4
4
conscience et de l’activité a été d’une grande valeur opérationnelle pour la conduite des
recherches expérimentales. Le fait de modifier les conditions de l’activité et de faire varier les
tâches au cours des expériences a permis de mettre en évidence la régularité des phénomènes
psychiques et de voir ces phénomènes changer de nature et développer une qualité nouvelle.
Les collaborateurs de Rubinshtein et de nombreux autres psychologues ont étudié les
principes de fonctionnement de la sensorialité, de la mémoire, du langage et des capacités
(Rubinshtein, 1940).
Dans les années 30, malgré la pression idéologique exercée sur la psychologie et les
psychologues, Rubinshtein a pu – grâce au principe de l’unité de la conscience et de l’activité
– faire une synthèse de tout le système de connaissances de la psychologie et a ouvert de
nouvelles perspectives pour les recherches théoriques et expérimentales.
Cependant, on assiste à la même époque à une opposition, en apparence
insurmontable, entre les deux grandes théories alors en vigueur, celle de Rubinshtein et celle
de Vygotskii, opposition qui marqua la psychologie pendant de nombreuses années. Avec le
recul, nous pouvons analyser et comparer ces deux théories à la lumière des idées de la
psychologie contemporaine. Vygotskii a fondé sa théorie sur une comparaison du psychisme
humain et animal en mettant l’accent, d’une part, sur le développement ontogénétique du
psychisme, d’autre part, sur le rôle de la culture dans son développement. Cette théorie avait
initialement pour but de définir l’objet de la psychologie (Vygotskii, 1956). La théorie de
Rubinshtein visait pour sa part une intégration de tous les niveaux de la psychologie –
théorique, empirique et pratique – et cherchait avant tout à élucider le système complexe de la
psychologie. Elle voulait enfin proposer une stratégie (une méthodologie au sens large et des
méthodes concrètes) d’étude scientifique (Аbul’kanova-Slavskaia, 1980b ; Аbul’khanovaSlavskaia, Brushlinskii, 1989).
La première question soulevée par ce débat – qui reste d’actualité – était de savoir si la
théorie de Vygotskii était effectivement une théorie de l’activité (comme l’ont soutenu
A.N. Leont’ev ainsi que ses collaborateurs et successeurs) et quelle était dans ce cas la théorie
de Rubinshtein.
La seconde était de savoir si Vygotskii était un expérimentateur et Rubinshtein, un
théoricien et méthodologiste.
Vygotskii a été considéré comme le tenant de la théorie de l’activité pour deux
raisons. Fondant l’origine du psychisme sur la culture, il a fait du concept de signe l’outil
spécifique permettant le passage des fonctions inférieures aux fonctions supérieures du
psychisme. Parce que Vygotskii avait qualifié d’« activité » l’usage que l’animal fait de
l’outil, ses successeurs en sont venus à affirmer que cette représentation incluait aussi
l’activité humaine. La seconde raison tient au fait que Leont’ev, dans la théorie qu’il a
développée, a placé l’activité en lieu et place de la culture. Leont’ev est effectivement un
auteur de la théorie de l’activité. Sa théorie, nous le verrons, se rapproche dans sa première
partie (première phase) de celle de Rubinshtein, mais s’en écarte par la suite.
Comparaison des modèles de Vygotskii et de Rubinshtein :
5
Rubinshtein




Dans ce modèle :
Il y a interaction entre la personnalité
adulte et l’activité (le travail)
(Rubinshtein, 1940).
La personnalité a non seulement une
conscience, mais aussi des besoins (des
motifs), des ambitions et des capacités,
c’est-à-dire des qualités qui assurent la
réalisation de l’activité et qui se
développent dans l’activité. Cela
englobe les incitations (ou mobiles) de
la personnalité, les mécanismes et les
moyens d’effectuer l’activité.
La personnalité est tournée vers
l’activité, et l’activité ne détermine pas
à elle seule la personnalité.
Le rapport de la personnalité à
l’activité et le développement de la
personnalité dans l’activité sont
déterminés par l’itinéraire de toute une
vie.
Vygotskii





Dans ce modèle :
L’usage du signe, par analogie avec l’outil
chez l’animal, assure le développement des
fonctions supérieures du psychisme, le
passage
des
fonctions
inférieures
(naturelles) aux fonctions supérieures.
Le psychisme résulte non pas de l’activité,
mais de la culture et de son intériorisation6.
Il n’y a pas d’interaction, de relation
rétroactive entre le psychisme et la culture.
L’outil est analogue à un signe, à un une
activation mentale, mais n’est pas
constitutif de l’activité.
La préoccupation majeure de Vygotskii est
de définir l’objet de la psychologie et
l’origine du psychisme et non l’activité de
la personnalité.
Rubinshtein estimait que la théorie de Vygotskii portait sur l’origine du psychisme ou
le développement de l’intelligence chez l’enfant par la transformation d’un psychisme naturel
en un psychisme culturel. L’outil était dès lors assimilé à un signe (au langage), non à un
élément constitutif de l’activité.7
En 1940, A.R. Luriia et Leont’ev saluèrent la contribution de Vygotskii aux
recherches expérimentales menées dans le domaine de la mémoire, de la pensée et du langage
hors du champ de l’activité8. Ils portèrent encore la même appréciation en 1956 (Luriia,
Leont’ev, 1956). Néanmoins, naquit plus tard la légende selon laquelle Vygotskii aurait été
l’auteur d’une théorie de l’activité9.
Rubinshtein développe un système structuro-fonctionnel complexe dans lequel la
personnalité – qui a une conscience, des besoins et des capacités – est en interaction avec
l’activité. La personnalité réalise une activité dans laquelle elle se développe en fonction du
rapport qu’elle entretient avec celle-ci et qui s’est constitué tout au long de sa vie. S’agissant
de l’objet de la psychologie et du développement psychique chez l’enfant, Vygotskii met lui
en évidence l’origine culturelle du psychisme (la nature de signe pour ce dernier) (Vygotskii,
1956, 1982).
Le concept d’intériorisation est resté une espèce de métaphore au sein de l’école de Vygotskii, nul n’ayant
défini, ni étudié les mécanismes associés.
7
« Rubinshtein souligne à juste titre que l’absolutisation du mot, du signe en tant que force motrice, démiurge du
développement historique et en particulier psychique de l’homme, est largement répandue dans les travaux de
E. Cassirer, V. Stern, K. Bühler, H. Delacroix et E. Tolman. » (К.А. Аbul’khanova-Slavskaia, А.V. Brushlinskii.
1989, p. 101)
8
Psikhologiia. BSE. М. 1940. Livre 47, p. 541 à 548.
9
Cela peut s’expliquer par le fait que Leont’ev, qui fut le successeur de Vygotskii, placera l’activité à la place de
la culture et qu’il s’intéressera à la structure psychologique de l’activité.
6
6
Qualifier Vygotskii de tenant de la psychologie expérimentale et Rubinshtein de pur
théoricien ne résiste pas à l’épreuve des faits. La théorie de Vygotskii repose exclusivement
sur les expériences de Sakharov, et on ne peut vraiment pas comparer ces élaborations
empiriques mineures (expérimentations du reste artificielles) avec les séries d’études
expérimentales menées des années durant sous la direction de Rubinshtein.
Les années 40 - troisième étape
A cette époque, la question et la catégorie de l’activité prennent une dimension
proprement psychologique. L’implication de la personnalité dans l’activité en tant que travail,
en tant qu’activité sociale et la façon dont la personnalité exécute cette activité n’est plus ce
qui prime. L’intérêt se porte sur ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui le mode de
réalisation de l’activité lié à l’organisation des mouvements, des actions et des opérations et
associé à la structure motrice et corporelle de la personnalité.
En collaboration avec Leont’ev, Rubinshtein met au point un modèle de la structure
psychologique de l’activité. Toutefois, ces hommes de science vont emprunter des voies
différentes pour accomplir la tâche qu’ils se sont fixée.
Rubinshtein cherche à découvrir les relations complexes, à plusieurs niveaux et
fonctionnellement évolutives entre les composantes de l’activité dans le processus de son
déroulement. Il concrétise de manière complète un modèle dynamique de l’activité. Son
analyse se déploie dans plusieurs directions et combine plusieurs échelles : la nature de
l’activité à l’échelle de l’itinéraire d’une vie, au cours duquel différentes formes d’activité se
déroulent ; plus concrètement, l’échelle des tâches que se fixe la personnalité dans l’activité
ou qui apparaissent dans la vie et se résolvent dans l’activité ; l’échelle des opérations
correspondant aux moyens utilisés pour résoudre les tâches ; et l’échelle de l’organisation de
la personnalité dans l’activité, c’est-à-dire des motifs, des buts, des capacités ainsi que des
mouvements et des actions.
Le modèle de Rubinshtein se présente ainsi :
1. Différentes formes d’activité jalonnent tout l’itinéraire d’une vie et la personnalité
résout différentes tâches.
2. La structure de l’activité fait intervenir des actions de différents types et de
différents niveaux qui, par les mouvements et les opérations, assurent l’exécution
des tâches.
3. La tâche est la conjonction des buts, des conditions et des exigences de l’activité.
4. L’activité se compose d’un ensemble de tâches résolues par la personnalité au
moyen d’actions10.
Il faut préciser que Rubinshtein a essayé non seulement de bâtir un système fonctionnel de l’activité (avec ses
dimensions et ses échelles différentes), mais aussi de trouver la « molécule » matérialisant ce système, son
« mécanisme » en quelque sorte. Il appelait cette molécule « l’unité » de l’activité et considérait qu’il s’agissait
de l’action. Toutefois, comme le montre le développement ultérieur de sa théorie de l’activité, Rubinshtein a
totalement abandonné ce principe d’analyse pour les raisons suivantes : le concept même d’« unité » suppose une
approche analytique et exclut le système dans son intégralité ; l’action ne rend absolument pas compte de la
diversité ni de la complexité de tous les éléments du système, ni – ce qui est plus important - des différentes
échelles auxquelles sont examinées l’activité. Nous pensons que cette démarche était effectivement peu
constructive, même si la constitution d’un tout à partir d’un élément est apparue appropriée à un certain nombre
10
7
5. Les tâches et leur nature dépendent des ambitions de la personnalité, de ses motifs
et du jugement qu’elle porte sur ses réalisations, ses réussites et ses échecs
(Rubinshtein, 1940, p. 469 à 474) ; elles dépendent également de la multiplicité
des conditions (le devoir, l’affirmation de soi, les valeurs morales, etc. font partie
des motifs de la personnalité et sont liés à ses ambitions).
Dans « Les fondements de la psychologie générale » (1940), Rubinshtein introduit un
concept nouveau et véritablement constructif, « l’acte », ce qui mérite d’être souligné. L’acte
n’est pas une unité de l’ordre du comportement ou de l’activité. L’acte est la réalisation d’une
position de la personnalité dans sa vie et de sa relation aux autres (individus et situations)
ainsi qu’un changement radical de cette personnalité. Le concept d’acte renvoie
essentiellement à la relation active de la personnalité aux autres, et pas seulement à la relation
aux objets (produits, etc.) de l’activité. L’acte est à l’initiative du sujet, il reflète la volonté,
l’audace, la liberté de la personnalité par rapport aux conditions, il change objectivement la
« répartition des forces vitales ».
Pour Rubinshtein, l’élément déterminant de l’activité est la personnalité. Pour
Leont’ev, c’est l’objet qui définit la nature de l’activité. Avec la mise en avant de l’objet,
Leont’ev (à la suite des philosophes) insiste sur la transformabilité de la nature par l’homme
et non sur sa réalité, sa naturalité (Leont’ev, 1965).
Comparaison des modèles de Rubinshtein et de Leont’ev
Rubinshtein
Construction d’un système fonctionnellement
dynamique, avec :
 Diversité des ambitions de la
personnalité ;
 Influence des ambitions sur la diversité
des motifs ;
 Enchaînements de mouvements,
d’actions, d’opérations, de tâches ;
 Variabilité des conditions et, comme
résultat de leur combinaison avec les
buts, multiplicité des tâches dans
Leont’ev
Description de la structure de l’activité
soulignant :
 Son orientation objet (predmetnost’) et le
caractère incitatif des motifs11;
 La non-implication de la personnalité
dans les buts, donc l’absence du sujet ;
 La rigidité du schéma (la structure de
l’activité s’articulant autour du but, du
moyen et du résultat).
de psychologues et a été associée à ce que Pavlov présentait comme « l’unité » de toute sa théorie, à savoir le
réflexe conditionné, et à ce que Marx a appelé la marchandise.
11
Leont’ev en vient à assimiler le motif et l’objet de l’activité. Il écrit : « dans la terminologie que je propose,
l’objet de l’activité est son motif réel » (Leont’ev, 1975, p. 102-103.. Cette assimilation manifeste, à notre avis,
une incompréhension de la part de Leont’ev qui ne distingue pas l’orientation objet, qui est une propriété de
l’activité humaine et sociale, et le motif qui est un élément constitutif de l’organisation de la personnalité, une
faculté qui donne à la personnalité son caractère actif. Les caractéristiques psychologique et socio-philosophique
de l’activité sont ici mêlées. Les motifs sont d’une telle diversité qu’il est impossible de les corréler avec des
objets (le motif « acheter » ne dit rien de l’objet visé par l’achat, sans parler de motifs tels que « se venger »,
« progresser », etc.). Cette assimilation montre également à l’évidence que Leont’ev ne lie pas l’activité aux
relations entre les individus, ce sur quoi Rubinshtein n’a cessé d’insister (même si dans « Essai sur le
développement du psychisme », Leont’ev utilise le concept de « division du travail » pour caractériser les
relations sociales. Cf. Leont’ev, 1947). Il a confirmé cette position des années plus tard, affirmant que la
communication a la même structure que l’activité. Comme l’a montré Lomov, la communication est
effectivement liée à l’activité par des relations des plus complexes et d’un type différent. (Lomov, 1981, 1984).
8
l’activité.
Il est particulièrement notable que pour Rubinshtein, la personnalité n’est pas fermée
sur soi ; elle est ouverte sur l’activité à travers ses motifs, ses buts et ses orientations (de
jugement, de réussite, etc.), de même que l’activité est ouverte sur la personnalité. Il met ainsi
en lumière le système personnalité-activité.
La question qui se pose alors est de savoir quelle est la place du sujet dans ce système.
La multiplicité des relations fonctionnelles et l’introduction dans ce modèle du concept de
tâche résolue par la personnalité permettent de parler du sujet comme un moyen de réalisation
de l’activité (ou, pour employer la terminologie actuelle, un moyen d’organisation de
l’activité en tant que qualité nouvelle de la personnalité dans l’activité). La personnalité
devient sujet lorsqu’elle résout plusieurs tâches. Elle ordonne la hiérarchie, la succession des
tâches selon leur importance, leur niveau, etc., de sorte que l’activité acquiert son intégrité,
devient un système en développement. L’unité de la personnalité et de l’activité se manifeste
ainsi dans les multiples liens et l’interaction qu’assure le sujet entre l’une et l’autre.
Les années 50 - quatrième étape
Si dans les années 20 et 30 Rubinshtein s’interroge essentiellement sur la façon dont
se manifestent et se développent le psychisme puis la personnalité dans l’activité, il les
considère à partir des années 40 comme des éléments à part entière de l’unité de la
conscience et de l’activité. Comment expliquer alors que l’accent ait été mis au départ sur
l’activité en tant que le psychisme et la personnalité ne feraient que s’y manifester ? Cela
correspond à un temps plus ancien de la psychologie où l’on considérait naïvement, au regard
des connaissances de l’époque, que le psychique comme le subjectif ne pouvaient s’étudier
qu’à partir de quelque chose d’objectif dans leur manifestation, et que donc l’activité humaine
n’était que l’une de ces manifestations objectives.12
On peut penser que l’élucidation du psychisme, de la conscience n’avait pas encore
totalement résolu la question du subjectivisme et que leur nature ontologique, leur essence
n’avaient pas été découvertes. De cette nature ontologique on ne pouvait juger, semble-t-il,
qu’à travers les manifestations de quelque chose de plus objectif, soit dans l’activité soit en
référence aux processus physiologiques.
Dans les années 50, Rubinshtein pose le problème de l’objectivité du psychisme, c’està-dire de son essence propre. Il le résout dans un premier temps en proposant une nouvelle
conception du principe du déterminisme (nouvelle par rapport à l’interprétation que donne la
philosophie du déterminisme, c’est-à-dire une relation de cause à effet). Nous sommes
désormais à la fin de la décennie (Rubinshtein, 1957). Selon cette conception, les causes
extérieures se médiatisent dans les conditions internes spécifiques, les lois de tel corps ou tel
phénomène sur lequel elles exercent une influence. En d’autres termes, les conditions internes
(Rubinshtein entendant par conditions internes l’organisation psychique) modifient
12
A partir des années 30, la psychologie se pose très clairement la question de la méthode de connaissance des
phénomènes psychiques. Même Teplov, l’un des psychologues russes faisant à l’époque autorité, estime que
l’objectivité de la méthode d’étude du psychisme est possible à condition de se limiter aux phénomènes
physiologiques qui sont les plus objectifs, les mieux observables et mesurables en situation d’expérience
(Teplov, 1953). C’est pourquoi à la fin des années 40 (sous l’influence de la théorie pavlovienne), certains ont
tenté de remplacer la psychologie par une physiologie de l’activité nerveuse supérieure favorable, elle, à une
étude objective.
9
objectivement ce qui exerce une influence sur elles de l’extérieur. Les conditions internes
deviennent à leur tour des causes qui modifient les conditions extérieures.
De cette conception du déterminisme il s’ensuit que le psychisme, la conscience sont
actifs et possèdent une sélectivité propre ; ils ne se contentent pas de se manifester dans
l’activité, ils en changent le cours et la nature. Les phénomènes psychiques opèrent en tant
qu’ils sont conditionnés (par exemple, par des causes ou des phénomènes physiologiques ou
sociaux) mais aussi en tant qu’ils conditionnent, c’est-à-dire en tant qu’ils interviennent
activement et objectivement comme causes d’autres phénomènes (Rubinshtein, 1957). C’est
peu de temps après que Rubinshtein apportera une réponse philosophique au problème de
l’objectivité du psychisme. Dans « L’homme et le monde » (1973), il développe une
conception originale de l’anthropologie philosophique qui met en lumière la nature et la
spécificité ontologique et donc objective de l’être de l’homme. Il affirme ainsi que toutes les
sphères de l’être ont une nature interne spécifique propre (Rubinshtein, 1973).
Cette conception du déterminisme qu’expose Rubinshtein dans « L’homme et le
monde » trouve son fondement dans la philosophie : sont objectifs à la fois les choses, les
objets et la nature – considérés comme objectifs et matériels par le marxisme – mais aussi tout
ce qui est de l’ordre de l’esprit, du psychisme, de la conscience, c’est-à-dire du subjectif. Pour
Rubinshtein, la multiplicité des manifestations de l’homme, toutes ses qualités, y compris ses
qualités subjectives et psychiques sont objectives. L’activité pratique se distingue de l’activité
idéelle ou théorique de la conscience, mais toutes deux ont une essence ontologique objective.
Parce qu’elle modifie la réalité, la pratique était la seule à être jugée objective. Rubinshtein
étend donc le concept d’objectivité à l’activité à la fois théorique, psychique et pratique.
L’activité idéelle (théorique) et pratique sont deux capacités de l’homme en tant que sujet. Cet
éclairage de la philosophie a permis à Rubinshtein de démontrer qu’en psychologie, le
psychisme, la conscience se manifestent dans l’activité en la régulant, mais ont aussi une
essence propre et précieuse en soi. Le paradoxe de cette démonstration tient à ce que
Rubinshtein a prouvé l’objectivité du subjectif et de l’idéel en se fondant sur sa théorie
ontologique et philosophique. Dans « L’homme et le monde », il démontre l’objectivité de
l’être de l’homme en tant que niveau supérieur de l’organisation de l’être dans son ensemble.
L’homme à qui jusqu’ici l’on substituait la conscience et que l’on opposait à l’objet, fait
désormais partie de l’être.
On peut comparer les théories de Rubinshtein et de Leont’ev des années 50 à partir de
la représentation schématique suivante :
Rubinshtein
Leont’ev
Il maintient le principe de l’interaction de
la conscience et de l’activité, c’est-à-dire
leur fonctionnement et leur rôle distinct.
 La conscience (ou le psychisme) et
l’activité sont définies comme deux
capacités du sujet.
 La conscience (ou le psychisme) est
tout aussi objective que l’activité
pratique, mais a une autre qualité,
d’autres fonctions et possède un
caractère actif.
La théorie de Leont’ev remonte aux années 50.
Elle se présente en deux volets :
 Le premier présente l’origine du psychisme,
de la conscience qui est extérieure, qui
découle de l’activité sociale : l’individu est
au départ une « feuille vierge » (tabula rasa).
 Dans le second, l’activité sociale devient
idéelle et est assimilée à l’activité réelle.
Mais à cette époque, il n’y a pas chez
Leont’ev de relation allant en sens inverse :
du psychisme à la pratique. L’activité est
10
orientée uniquement vers l’objet et n’a pas
de sujet13.
La théorie de l’activité de Leont’ev comporte une contradiction qui n’a toujours pas
été mise au jour et qui mérite d’être soulignée. Désireux d’appliquer l’approche marxiste à la
psychologie, Leont’ev souligne le rôle crucial et décisif des déterminants sociaux et de
l’activité sociale dans l’origine du psychisme, allant même jusqu’à identifier le psychisme (et
plus tard la personnalité) avec l’activité sociale. Or, si le psychisme est effectivement cette
activité (uniquement idéelle et intérieure), son implication, son rôle dans l’activité sociale qui
l’a généré ne sont pas clairs. Ayant généré le psychisme, l’activité sociale s’efface en tant que
réalité, ce qui annule son rôle.
Notre analyse permet de tirer les conclusions suivantes :
1. Dans la phase initiale d’élaboration du principe de l’unité de la conscience et de
l’activité, cette unité visait un but précis, comme Rubinshtein l’a lui-même fait remarquer ;
elle posait un postulat bien avant de rendre compte d’une démonstration ou d’une découverte.
Sa finalité était de trouver une élucidation et une sortie à la crise que traversait la psychologie
mondiale, confrontée à la rupture entre conscience et activité. Ce postulat était toutefois
implicitement sous-tendu par la conception que se faisait philosophiquement Rubinshtein du
sujet, du lien entre conscience et activité. Cette conception est développée dans « Le principe
de l’activité du sujet dans sa dimension créative », article paru en 1922 dont le titre annonce à
lui seul la présence du sujet (Rubinshtein, 1922). Toutefois, il était impossible à l’époque de
recourir au concept de sujet, puisqu’il était même interdit d’employer les concepts de
personnalité et d’homme dans le domaine de la philosophie et dans une société où le
prolétariat et les masses régnaient en maîtres. En outre, Rubinshtein devait encore passer de la
catégorie philosophique du sujet à sa concrétisation dans la psychologie.
2. Chaque étape ultérieure fut l’occasion pour Rubinshtein de continuer à concrétiser
sa conception des fonctions de la conscience (ses rôles de régulation et de reflet et ses qualités
en tant qu’idéelle et subjective) et de l’activité en tant que travail (travail du scientifique, de
l’inventeur, etc., c’est-à-dire les différentes formes d’activité professionnelle). Ce travail de
concrétisation était toutefois encore insuffisant pour découvrir plus avant la relation entre
conscience et activité. Cette relation n’a été mise au jour que lorsque la conscience a été
considérée comme appartenant à la personnalité (sa capacité) et l’activité comme pouvant
être réalisée par la conscience. La personnalité est alors devenue le fondement de la relation
entre conscience et activité, prises non pas comme deux substances, mais comme différentes
formes de la manifestation du caractère actif de la personnalité, à savoir la forme subjective,
idéelle (conscience) et la forme pratique. Ce sont deux types différents de relations et
d’interactions entre l’homme et le monde. Comme nous l’avons déjà souligné, ce travail de
concrétisation a permis à la psychologie soviétique de devenir une discipline véritablement
scientifique. Se basant sur le principe de l’unité de la conscience et de l’activité, de
nombreuses recherches ont été menées pour étudier le rôle de l’activité (de ses
En 1975, Leont’ev a « complété » sa théorie avec l’« extériorisation » qui désigne la relation réciproque entre
la conscience et l’activité, l’influence exercée par la première sur la seconde, la manifestation de la conscience
dans l’activité (Leont’ev, 1975). Dès les années 20, Rubinshtein a affirmé la manifestation, l’objectivisation,
c’est-à-dire l’« extériorisation » du psychisme dans l’activité. C’est précisément ce que fait remarquer avec
humour Brushlinskii, élève de Rubinshtein, en disant : Leont’ev a « complété » Rubinshtein…et de concert ( !)
avec Rubinshtein, il a complété ainsi sa propre conception des idées de Rubinshtein. (Brushlinskii), 1994).
13
11
transformations et de ses tâches) dans son influence sur le psychisme (langage, mémoire,
pensée, etc.) et sur le développement de ce dernier.14
3. La comparaison des théories de Rubinshtein avec celles de Vygotskii et de son
successeur, Leont’ev, montre que :
 Vygotskii n’a pas développé une théorie de l’activité. Il a analysé l’origine du
psychisme (par le biais de son intériorisation) qu’il a localisée dans la culture, dans
le cadre d’une réflexion sur l’objet de la psychologie et sur le développement du
psychisme de l’enfant. Le concept d’outil a pour lui valeur de signe dans la
structure de la conscience.
 Leont’ev, à l’inverse, a défini et souligné le rôle déterminant de l’activité sociale
dans l’origine de l’activité psychique, idéelle et intérieure, proposant comme
composantes de la structure de l’activité, le but, le moyen et le résultat.15
Cependant, il n’a pas entrevu l’interaction entre l’activité extérieure (pratique) et
l’activité intérieure (psychique, idéelle), puisqu’il a identifié la conscience avec
l’activité, et n’a pas mis au jour le sujet, qui leur était si précisément associé. Nous
en voulons pour preuve l’analyse de contenu que nous avons conduite sur l’emploi
du terme « sujet » dans le livre de Leont’ev « Activité, conscience et
personnalité » (1975). Cette analyse montre que pour cet auteur, le sujet est : 1) le
sujet de la pensée, 2) le sujet de la pratique, 3) le sujet matériel, 4) ce qui est
intérieur, 5) le sujet dans son appartenance à une classe, 6) le sujet biologique, etc.
On ne trouve pas le concept psychologique général de sujet, ni les critères le
définissant, pas plus que la notion de sujet de la conscience et de l’activité
(Abul’khanova-Slavsakaia, 1980a). L’intérieur est semblable à l’extérieur (« une
copie »), n’est que son « appropriation » (de l’expression même de Leont’ev) ; il
est donc fermé sur lui-même (Leont’ev, 1975). Leont’ev ne s’est pas intéressé au
rôle du psychisme, de la conscience dans l’activité pratique réelle. Celle-ci
« engendre » le psychisme puis « disparaît ». Cette conception de l’activité est
donc restée abstraite. A la différence de Rubinshtein, Leont’ev considère, d’une
part, que l’activité sociale, l’activité pratique réelle, est initialement dépourvue de
toute composante psychique, d’autre part, que l’activité psychique une fois
apparue, là encore n’intervient nullement dans la réalisation de l’activité
pratique16.
Le principe de l’unité de la conscience et de l’activité a eu une valeur opérationnelle et non abstraite, à la fois
pour la théorie et pour l’expérimentation. Partant des principes de la méthode dite d’expérience naturelle mise au
point par Lazurskii (1911), Rubinshtein a organisé les recherches de son équipe de sorte que les chercheurs
mettent en évidence non seulement les particularités des processus et des fonctions psychiques en conditions
naturelles, mais aussi les conditions et les tâches de l’activité effectivement réalisée qu’ils avaient pour tâche de
contrôler. Malheureusement, cette méthode a longtemps été négligée (pendant plusieurs décennies) et n’a pas été
utilisée en psychologie. Même dans les cas où il fallait vérifier des connaissances dans des situations concrètes,
les données étaient d’abord recueillies en laboratoire, puis « appliquées » dans une activité. Il a fallu attendre ces
dernières années pour voir des projets dans lesquels l’expérience et ses résultats sont directement « intégrés » à
l’activité réelle, ce qui exige des modèles expérimentaux de haut niveau et de grande efficience (cf., par
exemple, Lahlou, Nosulenko et Samoylenko, 2000).
15
Il faut préciser que la structure de l’activité proposée par Leont’ev est en fait empruntée à la philosophie ; il
n’a fait que lui adjoindre le motif.
16
Dans le livre « Deiatel’nost’ i psikhologiia lichnosti » (« L’activité et la psychologie de la personnalité »)
datant de 1980 (Аbul’khanova-Slavskaia, 1980а), nous avons analysé la théorie de l’activité de Leont’ev à la
lumière de l’approche systémique alors utilisée en psychologie (dont Lomov était le promoteur). Nous pouvons
dire en résumé que Leont’ev est parti d’un principe monocentrique de construction des catégories
psychologiques pour définir l’activité, la conscience, la personnalité et la communication, tandis que Lomov,
14
12

Rubinshtein a développé une théorie du sujet de l’activité, riche par la multiplicité
de ses facettes, de ses plans et de ses niveaux (tout en examinant l’activité à
différentes échelles). Avec cette théorie - et là est son grand mérite -, Rubinshtein
a su articuler harmonieusement l’activité sociale (avec ses caractéristiques en
termes de travail), sa place dans la vie de la personnalité et l’activité individuelle
dans l’organisation du psychisme et de la personnalité (dans son mode de
réalisation), en recourant à la catégorie du sujet. Il s’agit ici du sujet que devient la
personnalité lorsqu’elle intègre ses ambitions, ses motifs, ses capacités, ses buts et
ses ressources (possibilités) dans les tâches et lorsqu’elle les résout par ses actions
et ses actes. La personnalité en tant que sujet de l’activité est douée de capacités et
de cette faculté d’être active qui lui permettent de se développer en tant que sujet
en améliorant (objectivement) l’activité. Mais grâce à la capacité de conscience, la
personnalité est aussi à l’origine d’une complexification des activités (et pas
seulement de la production d’objets) ; ce n’est pas simplement un consommateur,
c’est également l’auteur (comme l’on dit aujourd’hui) d’innovations, de créations
d’œuvres et d’objets nouveaux et de son propre mode d’interaction finalisée avec
le monde et autrui.
4. Les théories de Rubinshtein et de Leont’ev ont été confrontées dans le cadre du
premier Congrès de la Société des psychologues de l’U.R.S.S. qui s’est tenu en 1957 et qui
avait pour thème les capacités (Rubinshtein, 1960). La divergence de vues concernant les
capacités reposait sur la différence fondamentale sous-tendant les théories de l’activité et
l’évaluation du rôle de la détermination sociale dans ces théories. Rubinshtein a considéré
l’origine naturelle des capacités et a soutenu que celles-ci appartenaient à la personnalité, au
sujet. Leont’ev a réfuté, quant à lui, l’idée de conditions préalables naturelles, biologiques et a
avancé que la conscience découle des moyens sociaux de l’activité orientée vers l’objet, donc
de l’extérieur, en les mettant sur un même plan que les opérations (Leont’ev, 1965). Tous
deux ont reconnu l’orientation objet (predmetnost’) de l’activité ainsi que le rôle du social.
Rubinshtein, en revanche, a mis l’accent sur le rôle de la personnalité, de ses capacités et de
ses dispositions. Leont’ev lui a totalement rejeté les capacités, comme on peut le voir dans
l’ouvrage « Activité, conscience et personnalité » publié plus de dix ans après la mort de
Rubinshtein où il n’en est nulle part question (Leont’ev, 1975). Rubinshtein a, pour sa part,
mis en évidence les conditions préalables naturelles et les mécanismes de fonctionnement des
capacités liés à la généralisation, dans son livre « L’être et la conscience » (1957).
Traditionnellement, la généralisation est considérée comme un mécanisme d’acquisition de
connaissance, de pensée. Or selon Rubinshtein, elle est inhérente aux capacités : c’est un
mécanisme, un moyen dont se sert la personnalité pour révéler ce qui est pertinent pour elle.
On comprend par conséquent qu’à l’image de la conscience qui détermine l’orientation
essentielle de l’activité (en premier lieu le but), les capacités sont pour la personnalité un
moyen essentiel et optimal de réaliser l’activité. Et ce moyen est individuel.
poursuivant les idées de Rubinshtein, a choisi une pluralité de catégories et a mis en évidence leur spécificité,
appliquant ainsi un principe polycentrique (Lomov, 1984).
13
Les années 1957-1959 - cinquième étape17
En incluant l’homme dans le monde et en mettant en évidence son être, sa vie,
Rubinshtein a soutenu une affirmation paradoxale, celle de l’objectivité du subjectif, du sujet,
lequel était jusqu’alors opposé à l’objet dans l’idéologie marxiste et échappait à la réalité
objective.
Considérer l’être du sujet, c’est le considérer dans le processus temporel de sa vie. On
voit ici le point d’appui sur l’existentialisme et, en même temps, le point d’achoppement.
Toutefois, l’idée même de l’existence – et chez Rubinshtein du moyen d’être – a été
indubitablement impulsée par l’existentialisme (Sartre, Heidegger, etc.). Exister, c’est vivre,
c’est être, c’est donc se réaliser objectivement. Mais la vie pour Rubinshtein n’est pas
seulement l’existence, c’est aussi la réalisation par l’homme de son essence dans la vie
(Rubinshtein, 1973).
La catégorie du sujet est ainsi liée au moyen et à la dimension propres à l’homme de
se réaliser, ce qui est plus global que l’activité. Elle est liée à l’être, à la vie dans laquelle
l’activité occupe telle ou telle place. Le sujet, au sens de sujet d’un moyen d’être, occupe un
rang « plus élevé » que les concepts plus concrets de sujet de l’activité, sujet de la
communication ou sujet de la connaissance. On peut dire schématiquement que le sujet se
trouvait sur un seul plan, avec la conscience et l’activité. Il est désormais placé à un niveau
supérieur. Le sujet est une catégorie philosophique et une catégorie psychologique, par sa
concrétisation : la personnalité est le sujet de tout l’itinéraire de sa vie, sujet auquel sont reliés
de manière définie le sujet de l’activité, le sujet de la connaissance (de la pensée) et le sujet de
la communication. Ces derniers sont des concepts de sujet différentiels. Ils possèdent non
seulement cette faculté d’être actif inhérente au sujet, mais se distinguent aussi par leurs
qualités (Abul’khanova, 1973, Abul’khanova-Slavskaia, 1980a).
Il se produit ainsi un changement de paradigme tant dans la philosophie que dans la
psychologie : on passe de « conscience et activité (travail) » à un autre paradigme : « le sujet
(l’homme, la personnalité) doué de conscience qui réalise une activité, laquelle fait à son tour
partie de son moyen d’être ». La catégorie de l’activité s’étend philosophiquement au concept
de « la pratique en tant que moyen d’être de l’homme », elle se développe psychologiquement
et se concrétise théoriquement dans le concept du sujet de l’activité, l’activité occupant une
place définie dans la vie de la personnalité, laquelle devient à son tour un sujet par rapport à
l’itinéraire de sa vie.
Parce que la vie est soumise à des lois objectives (sociales, etc.) et que s’y mêlent des
conditions dépendantes et indépendantes de l’homme, elle ne peut pas être totalement régie
par les buts et les aspirations du sujet. Pour reprendre l’expression de Pierre Rabardel, la vie
en tant qu’objet « résiste » au sujet (Rabardel, 1995, 2005, 2006). A leur tour, l’activité (le
travail et d’autres formes d’activité), la communication et la connaissance « s’instaurent »
dans la vie selon des rapports variables (en volume, en temps, en importance, en quantité de
S’agissant de la dernière étape du travail d’élaboration scientifique de Rubinshtein, il est difficile d’établir une
comparaison entre les idées de cet auteur et celles de Leont’ev. En effet, la théorie développée par Rubinshtein
dans ses écrits de 1959 n’a été publiée qu’en 1973 sous le titre « L’homme et le monde » (ouvrage préparé par
nos soins), et le livre de Leont’ev, « Activité, conscience et activité », est paru en 1975 alors que Rubinshtein
n’était plus de ce monde. Il aurait été possible, comme l’a fait Leont’ev, de prendre les idées de Rubinshtein pour
« retoucher » et étoffer la théorie de Leont’ev, ce qui n’aurait pas manqué de déformer et d’affaiblir la pensée de
Rubinshtein. Qui aurait pu y voir une objection ?…Nous avons choisi en conséquence d’éclairer les derniers
travaux de Rubinshtein sans les mettre en parallèle avec la théorie de Leont’ev.
17
14
travail). Toutefois, la personnalité en tant que sujet de l’itinéraire de sa vie n’accumule pas
simplement ces « formes » d’activité, elle n’est pas juste prise dans le tourbillon des
événements et des situations de la vie qui exigent des actions ; elle est aussi capable, en
adoptant une position donnée, d’organiser sa vie, c’est-à-dire de structurer les tâches, les
projets et les initiatives de premier et de second plan. La personnalité réagit donc d’une
certaine façon par rapport aux circonstances de la vie ; elle les accepte, les rejette ou les
modifie. Si antérieurement Rubinshtein (avec V.N. Miasishchev, 1960) soulignait le rôle de la
relation de la personnalité à l’activité (intérêt, indifférence, etc.), il met désormais en jeu son
précédent principe de l’activité du sujet. Il considère que la personnalité est l’artisan de sa vie
et responsable de tout ce qu’elle « commet et manque » (Rubinshtein, 1957). Critiquant l’idée
d’une activité sans sujet comme abstraction, Rubinshtein écrit : « Il y a l’activité, le but, les
moyens et les outils de l’activité, et il n’y aurait pas d’acteur ou plutôt d’acteurs ! »
(Rubinshtein, 1997, p. 60.)
La lecture de Rubinshtein peut faire émerger une question, même si elle ne se formule
pas d’emblée. N’a-t-il pas réfuté le principe de l’unité de la conscience et de l’activité en lui
substituant le principe du déterminisme, puis l’approche ontologique de la question de
l’homme, du sujet ? Dans « L’être et la conscience » (1957), Rubinshtein utilise les concepts
d’« extérieur » et d’« intérieur », en mettant clairement l’accent sur le dernier. Dans
« L’homme et le monde » (1973), apparaissent des concepts tels que « pâtir de », ce qui veut
dire être assujetti à des influences, et « agir », (être pour autrui la cause de ses actions) et
« être pour soi-même la cause de ». Même d’un point de vue purement terminologique, la
catégorie du sujet de l’activité est formulée en des termes et par des concepts de causalité, de
détermination. Autrement dit, le principe de l’unité de la conscience et de l’activité est
organiquement combiné et se développe avec le principe du déterminisme et la catégorie du
sujet. Le sujet est représenté par trois relations au monde, celles de la connaissance, de la
contemplation et de l’action pratique. Ne craignant pas la critique marxiste du matérialisme
contemplatif, Rubinshtein inclut dans la contemplation, la relation éthique et esthétique aux
autres et à tout ce qui existe (Rubinshtein, 1973).
L’analyse des relations éthiques entre les individus est un des axes majeurs des
derniers travaux de Rubinshtein. Les relations éthiques sont les relations du sujet à l’autre en
tant que sujet, ce qui suppose de reconnaître la spécificité et l’essence de cet autre sujet (c’est
pourquoi Lomov les a désignées comme étant des relations sujet-sujet). Rubinshtein oppose
parfois les relations éthiques aux relations sociales. Dans les relations sociales, les individus
(dans certaines sociétés) apparaissent sous couvert de « masques », de fonctions, ils sont
coupés de leur essence humaine. Cela leur ferme toute possibilité de se réaliser en tant que
personnalité à travers ces relations, le comportement et l’activité. En outre, dans le cadre de
relations sociales de cette nature, un homme peut être utilisé par un autre comme moyen (pour
la réalisation d’un but), comme « outil ». Rubinshtein s’oppose catégoriquement à ce type de
relation qui réduit l’homme à sa fonction, au « masque », niant et récusant par là l’humanité,
l’essence humaine de l’autre (en la ramenant à une espèce d’utilité). Il s’agit là d’une question
centrale non seulement sur le plan éthique et psychologique, mais aussi sur le plan social, à
savoir ce que permettent d’accomplir des relations interhumaines respectant humanité, justice
et bien. Rubinshtein soutient ici non pas l’activité au sens restrictif du terme, mais la
« défense » d’un régime social dans lequel ces valeurs deviendraient réalité ; c’est pourquoi
derrière la contemplation se dissimulent la force morale, la bravoure et le combat en faveur de
l’homme et de l’humanité. Là est la clé pour découvrir l’essence de l’activité et du sujet de
l’activité.
15
Dans les années 20, Rubinshtein a commencé à réfléchir à l’activité du sujet en se
plaçant sous l’angle de la liberté et de la création. Cet esprit de liberté, il l’a puisé dans sa
famille, en Europe occidentale et même dans sa vision optimiste et romantique de la
révolution russe. Les conclusions auxquelles il est parvenu au terme de sa vie s’éclairent de la
dure réalité des relations sociales instaurées par le socialisme. Cette réalité aurait pu le
conduire à nier le sujet, à nier aussi la liberté et la création dans l’activité, négation dont il a
eu lui-même à faire l’expérience. Cependant, il est resté fidèle au principe du sujet, non
seulement en tant qu’idéal abstrait, mais aussi en tant que moyen d’être de l’homme en dépit
de conditions lui niant sa liberté. Ainsi, l’objet résiste à l’activité, aux conditions du sujet, et
le sujet russe résiste aux conditions sociales qui nient sa liberté, ses buts et sa création. Ce
paradigme de sujet, si abstrait en apparence, renferme en fait tout l’aspect concret et réel de sa
propre vie dans la société et a permis aux psychologues et à tout un chacun de trouver une
réponse à la question de savoir comment résoudre le conflit entre liberté et coercition, entre
création, d’une part, et ce qui la nie, d’autre part, à savoir la réglementation, la normativité.
Cette réponse, c’est le sujet.
2. La conception contemporaine du sujet de l’activité
Le concept de sujet a connu un réel essor dans la psychologie (et au-delà) grâce aux
idées de Rubinshtein et à la conception du monde renouvelée par la démocratisation de la
société russe (Anan’ev, 1968 ; Brushlinskii, 1989, 1994, 1996, 2002, 2003 ; Barabanshchikov,
2002, 2005 ; Petrovskii, 1996; Selivanov, 2000; Selivanova, 2001 ; Slobodnikov, 1994 ;
Slavskaia, 2002; Tatenko, 1996 et autres). La psychologie russe n’a cessé d’étudier l’activité
dans des domaines différents tels que l’apprentissage, le travail, la gestion, etc., et ces études
se sont fortement appuyées sur une approche de sujet. (Markova, 1996 ; Ponomarenko, 1997 ;
Anokhin, Rubakhin, Eds., 1976). Cette approche a ouvert des perspectives pour concrétiser
l’activité, ses formes et les différents aspects de son étude (Lomov, 1984). Elle a commencé à
se développer même dans des branches telles que la psychophysique, la psychologie de
l’ingénierie et l’ergonomie (cf., par exemple, Bardin, 1976 ; Golikov, Kostin, 1999 ;
Nosulenko, 2004 ; Nosulenko et Samoylenko, 2000). Une nouvelle question s’est alors posée :
selon quels critères distinguer les divers concepts de sujet (le sujet collectif et individuel, le
sujet de l’activité et le sujet de la communication, le sujet de la connaissance et le sujet dans
l’itinéraire de sa vie). Cette question doit être abordée sous trois angles, méthodologique,
théorique et empirique.
La nécessité de faire ressortir les qualités spécifiques du sujet par une mise en
corrélation des « concepts de sujet » et de « personnalité » nous semble constituer l’aspect
essentiel de la question du sujet.
Nous considérons le sujet de l’activité comme une qualité spécifique de la
personnalité que celle-ci acquiert en réalisant, dans l’itinéraire de sa vie, une activité (un
travail) conforme aux normes professionnelles, sociales, etc. Les propriétés, les capacités, les
possibilités initiales que possède la personnalité évoluent et se transforment à mesure qu’elle
acquiert une dimension professionnelle, qu’elle devient l’acteur de sa vie, l’auteur de
créations scientifiques ou artistiques. Des qualités professionnellement importantes (QPI) se
développent dans l’activité : on voit apparaître un ensemble de qualités psychologiques
individuelles de la personnalité et de caractéristiques professionnelles liées à l’activité
(Shadrikov, 1994). Le sujet est le régulateur, le coordinateur de deux systèmes dynamiques
16
qualitativement différents : d’un côté, la personnalité avec sa conscience et ses
caractéristiques psychiques, naturelles et psychophysiologiques, de l’autre, l’activité sociale,
pratique (professionnelle, théorique, etc.) avec ses exigences, ses normes et ses situations.
Le sujet résout les conflits entre, d’une part, les exigences et les conditions de toute
activité pratique et professionnelle et, d’autre part, ses possibilités (limitations) et ses
ambitions personnelles. Le caractère normatif d’une activité comme le travail présente des
exigences pour la personnalité en général auxquelles une personnalité donnée peut ne pas être
en mesure de répondre. La personnalité ne se contente pas de s’adapter à ces exigences. En
qualité de sujet, elle résout le conflit qui se présente.
Le caractère actif, qui consiste à résoudre les conflits par la conciliation, la
coordination de deux systèmes distincts, celui de la personnalité et celui de l’activité, est la
première qualité et le premier critère qui caractérisent le sujet de l’activité. Cette faculté
d’être actif constitue un « troisième » axe de conciliation des possibilités de la personnalité et
des caractéristiques de l’activité pratique. Si Rubinshtein a commencé par considérer l’activité
dans sa dimension créative, celle qui est réalisée uniquement à l’initiative du sujet,
l’introduction du concept de « travail » dans « Les fondements de la psychologie générale »
(1940) et la prise en compte des différentes formes de travail l’ont conduit à s’intéresser à la
notion de la nécessité sociale du travail et à la réalité du travail. Ses successeurs ont posé une
limite à sa thèse du développement de la conscience (et de la personnalité dans son ensemble)
à travers l’activité (Abul’khanova, 1991 ; 1997 ; 2005). Toutes les formes de travail (par
exemple, les travaux de routine et d’exécution) ne développent pas l’être humain. C’est la
raison pour laquelle nous avons voulu définir plus concrètement encore l’activité : si l’on
considère l’activité comme un système (et pas seulement comme une structure !), il faut,
d’une part, tenir compte des conditions de l’activité, de ses circonstances, etc., d’autre part,
mettre en évidence les exigences propres à cette activité qui concernent tout exécutant et que
sont globalement les normes (Abul’khanova-Slavskaia, 1980а). Dans cette approche, on voit
que le sujet met en rapport, met en relation deux systèmes, la personnalité et l’activité, qui à
l’origine ne coïncident pas et sont même contradictoires.
Les formes de manifestation de cette contradiction sont diverses, comme le sont les
voies et les moyens permettant de la résoudre. L’une de ces voies est l’auto-organisation de la
personnalité et la transformation des ses qualités de base.
Prenons l’exemple d’une personnalité mélancolique dite de type introverti. Elle pourra
néanmoins choisir une profession dans l’enseignement ou le journalisme qui exige des
qualités en communication et d’autres capacités plus spécifiques. Généralement, la question
de savoir par quels moyens la personnalité surmonte ses propres limites pour devenir un bon
professionnel ne se pose même pas. Ceux qui le deviennent ne possèdent pas nécessairement
les capacités naturelles ou personnelles, les « dispositions » requises. Certaines personnalités
y parviennent en compensant des propriétés « faibles », d’autres en combinant, en ajustant au
mieux leurs différentes qualités et d’autres encore au prix d’une surtension qui se paye d’un
lourd tribut psychologiquement. Sachant que l’activité est le résultat non pas d’une propriété
psychique ou même d’une capacité particulière mais de toute une personnalité, c’est le sujet
même qui, grâce à la faculté de la personnalité d’être active, organise, ordonne et structure
l’activité selon des paramètres définis.
Le premier critère définissant le sujet de l’activité est donc la résolution des
contradictions par la mise en accord de deux systèmes, la personnalité et l’activité. La qualité
17
spécifique de la personnalité en tant que sujet de l’activité est sa faculté d’être active (faculté
d’agir, paternité, initiative et responsabilité). Cette faculté est une capacité fonctionnelle du
sujet de l’activité, liée au besoin général de la personnalité de se réaliser. Ce besoin et les
motifs qui en sont l’expression ne sont pas tant un besoin axé sur l’objet (comme l’a maintes
fois souligné Leont’ev, assimilant le motif et l’objet de l’activité), mais un besoin qui se porte
sur une activité, une activité initiée par le sujet, un besoin de réalisation du sujet
(Abul’khanova, 1991).
Ce besoin de se réaliser s’exprime dans les ambitions de la personnalité. La possibilité
de s’accomplir dans une activité, dans une profession constitue le besoin fondamental de la
personnalité (ce que A. Maslow appelle self-actualization, 1954, 1994), lequel se distingue
des motifs concrets particuliers. Ce besoin est beaucoup plus élevé et plus complexe que ne le
supposait Leont’ev quand il désignait comme motif et but principal de l’activité l’obtention
(ou la création) d’un objet, d’un résultat. Rubinshtein a mis particulièrement l’accent sur le
rôle des ambitions et la tendance à réussir ou à échouer comme manifestations de la
personnalité, en se référant aux recherches expérimentales de l’école de Kurt Lewin (Dembo,
Hoppe et autres) (Rubinshtein, 1940 p. 469 à 474). Dans les ambitions, on trouve le jugement
que porte le sujet sur ses possibilités d’accomplir quelque chose de difficile, la façon de se
représenter son individualité, son autonomie (réaliser quelque chose par ses propres moyens).
Ce qui caractérise la personnalité en tant que sujet est sa prise de conscience d’être la cause de
changements possibles, de l’importance de ces changements et de la valeur de ses
accomplissements (ou du vécu correspondant). Le sujet est l’acteur, pas nécessairement un
acteur de la scène politique ou culturelle, mais l’acteur de sa propre vie. Il détermine
l’importance des différentes formes d’activité et des différentes tâches ainsi que leur
succession ; il définit la qualité de l’activité (Abul’khanova-Slavskaia, 1980а ; Аbul’khanova,
1991, 1997).
Les ambitions prennent en compte la complexité (difficulté) de l’activité, la qualité de
sa réalisation, les efforts et la tension requis, l’équilibre entre ce qui est souhaité et ce qui est
nécessaire. Elles incluent l’appréciation personnelle et sociale du résultat, ainsi que les
moyens individuels ou collectifs nécessaires à la réalisation de l’activité (moyens propres,
soutien des autres ou les deux à la fois).
Par sa faculté d’être actif, le sujet coordonne deux systèmes : d’une part, il construit
par autorégulation le système de la personnalité avec ses ambitions, ses intérêts, ses motifs,
ses capacités, sa volonté et ses particularités, propriétés et processus psychiques, d’autre part,
il organise les caractéristiques de l’activité – normes, situations, durées, qualités, etc. - dans le
système des tâches. Selon les professions, les particularités et les exigences objectives sont
plus ou moins strictes (dans un travail à la chaîne, par exemple, le temps d’exécution et la
précision des opérations à effectuer à un rythme donné ou leur séquence sont strictement
imposés, alors que pour une activité scientifique, les exigences en matière de recherche et de
conceptualisation doivent être fixées par le chercheur lui-même ou existent de manière
implicite dans la branche considérée). Moins ces normes et ces exigences sont strictes, plus il
est intéressant pour le sujet de structurer les tâches, de définir leur hiérarchie en fonction de
leur importance et de leur enchaînement.
La coordination de ces systèmes constitue le moyen de résoudre leurs contradictions
(leurs discordances) ainsi que le deuxième critère applicable au sujet de l’activité.
18
La faculté d’être actif, qui a un rôle centralisateur et directeur pour la personnalité en
tant que sujet de l’auto-organisation, est assurée par le mécanisme d’autorégulation
(Konopkin, qui a étudié le mécanisme d’autorégulation de l’activité sensorimotrice, a
introduit ce concept dans le domaine de la psychologie en 1997). L’autorégulation consiste à
intégrer et à concilier des motifs différents - et parfois contradictoires de notre point de vue
(une rémunération élevée pouvant compenser le manque de prestige d’un travail), ainsi que
des motifs et des capacités ou encore des besoins et des capacités. Elle permet une
optimisation des possibilités psychiques et personnelles, une compensation des manques et
une régulation des états psychiques par la volonté. Elle permet aussi au psychisme de rester
continuellement actif dans la conduite d’une activité personnellement importante.
L’autorégulation est la capacité d’associer de manière cohérente et optimale tous les niveaux
de régulation de l’activité : niveau purement psychique (émotionnel, etc.), niveau de la
personnalité et niveau professionnel. Elle est optimale en fonction de deux critères : 1) celui
de la personnalité proprement dite et 2) celui de la qualité du processus et des résultats de
l’activité. Cependant, l’autorégulation n’aboutit pas toujours à l’optimisation nécessaire.
Fatigue, ennui, surtension sont les manifestations d’une autorégulation qui n’est pas optimale.
Lorsque le sujet doit surmonter des difficultés, la volonté et la motivation peuvent s’épuiser et
ne plus soutenir le but, d’où un effondrement du système de l’activité. Si la personnalité fait
preuve d’une autorégulation qui n’est pas optimale (l’anxiété conduit à la précipitation, à
l’incapacité de mesurer ses forces, de faire face à l’imprévu, etc.), le sujet de l’activité, grâce à
une réflexion sur ses erreurs et ses particularités individuelles, s’efforce d’optimiser son
régime d’activité en palliant ses manques. Il résout alors des tâches spécifiques en dépassant
ces états négatifs – passivité, impulsivité des actions, lutte des motifs, etc. La conscience
représente le niveau le plus élevé de l’organisation interne du sujet, niveau où l’intention, la
projection et la finalité sont assurées. Hormis l’autocontrôle (niveau supérieur de
l’autorégulation), la conscience remplit une fonction d’interaction indispensable à la
coordination. Elle reflète les exigences et les conditions objectives de l’activité et exprime
celles qui sont internes. C’est elle qui parvient à un « équilibre », à un « consensus » entre
l’extérieur et l’intérieur, ce qui a véritablement de la valeur pour la personnalité en tant que
sujet de l’activité. Si les valeurs s’avèrent en contradiction avec la motivation de la
personnalité, l’activité perd son caractère défini et n’est pas soutenue par un sentiment de
confiance. La personnalité devient sujet, ce qui signifie que tout le système de l’activité est
unifié, si elle résout consciemment cette contradiction en développant une relation appropriée
avec l’activité, en lui accordant une place définie dans sa vie.
La coordination opérée par le sujet entre le système de la personnalité (avec sa
capacité d’autorégulation et de conscience) et le système de l’activité s’effectue dans le temps
en fonction du déroulement du processus de l’activité. Prenons l’exemple de l’activité
consistant à donner un cours : au motif ou à l’intérêt initial (qui est précisément de faire
cours) succèdent le développement cognitif de la thématique, le suivi du plan et enfin les
efforts de volonté nécessaires pour surmonter la fatigue. Dans d’autres formes d’activité, le
motif peut s’appuyer au départ sur une capacité et être relayé ensuite par le professionnalisme,
ce qui inclut la pratique acquise et les connaissances.
Prendre part à une activité exige du sujet qu’il évalue, rationnellement ou
intuitivement, les forces requises pendant toute la durée de l’activité (un cours ou une
négociation de deux heures, une journée ou une semaine de travail), en tenant compte des
possibles obstacles ou difficultés imprévus (dans le cas d’un cours, il est utile de garder des
forces pour répondre à des questions). Selon les activités, le sujet doit déterminer de manière
opportune le pic d’activation, de tension qui se produira soit au début, soit au milieu, soit à la
19
fin de l’activité. Par l’autorégulation, la personnalité stabilise, si nécessaire, sa faculté
d’activation, indépendamment de la variation des états psychiques à tel ou tel stade de
l’activité. Si la tâche revêt une importance vitale, la régulation des états courants (fatigue,
stress, etc.) ne mobilise pas les forces de la volonté qui sont employées à d’autres fins plus
importantes. Certaines formes d’activité sollicitent au maximum la faculté d’être actif à des
moments imprévus (c’est le cas des opérations militaires). Dans ce cas, la question qui se pose
est de savoir comment la personnalité peut maintenir durablement cette faculté au plus haut
pour se préparer à ces imprévus. Le sujet organise simultanément l’activité sur deux niveaux,
le concret et le général (le tout pris dans sa globalité), ou sur deux échelles, celui du présent
et, à partir des caractéristiques générales de l’activité, celui de l’expérience du passé ou de la
prévision de sa vie future. Par conséquent, la corrélation entre le concret (le particulier) et le
général (le système de l’activité dans son ensemble) suppose chez le sujet des capacités telles
que la représentation mentale des actions futures, la planification, la prévision, etc. En qualité
de sujet, la personnalité organise son activité : elle détermine, à l’avance ou dans le cours
même de l’activité, les opérations, les actions et les échanges (contacts, etc.) nécessaires à la
réalisation de l’activité en question. Elle sélectionne le système de critères permettant
d’établir la qualité de cette réalisation, ce qui inclut en somme les critères personnels,
professionnels et sociaux.
La psychologie russe a développé tout un ensemble de concepts qui rendent
effectivement compte des mécanismes de coordination que le caractère actif du sujet met en
jeu : la disponibilité à agir, le choix du principe d’action ou la prise de décision,
l’autocontrôle et enfin le « coût » de l’activité (Barabanshchikov, 2002 ; Zhuravliev, 1999 ;
Lomov, 1984 ; Mukhametzianova, 2004 ; Ponomarenko, 1997 ; Karpov, 2000 ; Sajko, 2001 et
al.). Le principe d’action, les moyens choisis individuellement et la prise de décision
représentent un système optimal que le sujet élabore au cours de l’activité et qui caractérise sa
position par rapport à cette activité. La prise de décision modifie le rapport entre les étapes
antérieures et ultérieures de l’activité, elle définit le moment critique (décisif) et le pic
d’activation ou les périodes de stabilisation (automatisation, stéréotypisation). La capacité de
déterminer le moment décisif de l’activité est l’opportunité, c’est-à-dire le choix du moment
où les efforts du sujet et le déroulement de l’activité coïncident au mieux.
La notion de « coût » de l’activité, qui est d’abord apparue dans le domaine de la
psychologie de l’ingénierie, est d’une importance capitale pour définir le sujet de l’activité. Le
« coût » de l’activité est la proportionnalité (ou la disproportion) que fixe la personnalité entre
les efforts consentis et le résultat de l’activité ; c’est une évaluation sociale ou personnelle,
comme quand on dit : « ça valait (ou ne) valait (pas) la peine ». Le coût de l’activité est un
facteur qui est souvent latent pour la personnalité (ou la société). L’homme fait
consciencieusement son travail et fournit avec succès un travail de qualité, mais c’est au prix
chaque jour d’une forte tension psychique et nerveuse. Le résultat est un état de fatigue
permanent ou la perte subite de sa capacité d’agir.
Le sujet de l’activité est donc le régulateur, le coordinateur de deux systèmes
dynamiques qualitativement différents : l’organisation psychique et naturelle de sa
personnalité (ce qui inclut son organisation interne et son autorégulation) et le système de
l’activité (pratique, théorique, professionnelle, etc.).
Le caractère actif du sujet, comme nous l’avons souligné, se manifeste dans la
résolution du conflit (de la discordance) entre ces deux systèmes. La conciliation, c’est-à-dire
la coordination, se manifeste dans la résolution des tâches ainsi que dans les tâches et les
20
problèmes spécifiques posés par le sujet, ce qui inclut les conditions objectives et subjectives
de l’activité. Comme nous l’avons également signalé, le sujet organise l’activité comme un
tout qui englobe les différents aspects de l’activité (le psychologique, la personnalité, le
professionnel, l’économique, la production, la communication, etc.).
Sachant que le système intégrant l’activité et la personnalité comprend les motifs (les
besoins), les ambitions, la volonté, les intérêts, les capacités, etc., la tâche consistant à
coordonner ce système avec celui qui regroupe les situations, les conditions, la durée et les
exigences de l’activité en vue de trouver le moyen de réaliser l’activité et d’en assurer la
qualité, est un critère caractéristique du sujet. Le sujet réalise l’activité avec diligence ou
virtuosité. Il détermine lui-même le niveau de complexité, la qualité de l’activité. Il développe
un professionnalisme, acquiert une compétence, mais peut toujours faire preuve de créativité
dans sa façon d’aborder la tâche centrale de l’activité.
Chaque personnalité, en sa qualité de sujet, ajuste, réorganise d’une manière précise
ses caractéristiques selon la nature de l’activité. D’une manière qui individuellement lui
convient, le sujet actualise, transforme et oriente le système de qualités qu’il possède en tant
que personnalité, dans un sens subjectivement intéressant. Il utilise les possibilités, les
capacités psychiques, individuelles et naturelles de la personnalité comme moyens
d’organisation, de réalisation de l’activité. C’est le troisième critère caractérisant le sujet.
Les capacités sont, parmi les qualités, celles qui occupent le premier plan. Ce sont
elles qui garantissent une réalisation optimale de l’activité. Toutefois, cet optimum ne doit pas
se définir uniquement en termes de productivité, c’est-à-dire par rapport à un résultat
socialement significatif (ce qu’a longtemps fait la psychologie russe en matière de capacités).
L’optimum, c’est aussi la facilité, l’aisance subjective qui caractérise la réalisation de
l’activité, sa qualité élevée et la satisfaction du sujet (la satisfaction subjective que procurent
le processus et le résultat) (Abul’khanova-Slavskaia, 1980; Shadrikov, 1994).
Nous possédons tous un intellect, une capacité de penser. Mais, si l’on nous demande
dans quelle mesure nous utilisons consciemment notre pensée, nous serons pour la plupart
bien en peine de répondre ! Notre pensée vagabonde, elle nous traverse, mais ce n’est pas
nous qui pensons. En sa qualité de sujet, la personnalité est réflexive : elle bâtit consciemment
la cohérence de son raisonnement, parfois en se concentrant le plus possible sur le problème
posé, en le résolvant avec détermination ; parfois aussi elle élargit son approche du problème
en s’efforçant de considérer tous les aspects (Rubinshtein, 1958, p. 98-99), et organise ainsi sa
réflexion. Cela vaut également pour les autres capacités psychiques.
Le quatrième critère distinctif du sujet est la responsabilité, en tant que capacité de la
personnalité de conjuguer sa liberté, son initiative et la nécessité (les exigences) de l’activité,
la normativité de l’activité. Il n’existe pas de personnes totalement irresponsables, mais la
responsabilité peut revêtir un aspect de passivité, d’exécution qui nous empêche alors de nous
référer à la qualité de sujet de l’activité. La responsabilité du sujet est la nécessité d’organiser
de manière autonome tout le canevas de l’activité et d’intégrer ses composantes ; c’est aussi
la garantie, en cas de difficultés imprévues, d’obtenir un résultat correspondant au niveau de
qualité que s’est fixé le sujet. Une personnalité responsable garantit par avance de pouvoir
obtenir, avec ses ressources propres, le résultat, la qualité escomptés. En ce sens, la
responsabilité n’a pas pour fonction d’endosser des conséquences négatives (comme on le
pense d’ordinaire), c’est une ressource et une réserve de la personnalité (Dementii, 2005).
Cela n’exclut pas de se tourner vers d’autres et de collaborer à plusieurs pour mener à bien
21
une activité, mais la personnalité demeure juste la personne responsable18. Il est paradoxal
qu’au lieu de limiter, de paralyser la personnalité, la responsabilité lui donne confiance en soi
du fait même de cette capacité d’affronter les difficultés et d’être autonome. Avant toute
chose, la personnalité doit donc connaître ses capacités, ses ressources et ses limites et avoir
une idée de la nature des difficultés qui l’attendent (même si elles sont souvent inattendues et
peuvent ne ressembler à rien de connu). Le fait d’aspirer à l’autonomie est un motif
supplémentaire pour la personnalité responsable, il soutient l’initiative. La réalisation de cette
aspiration est source de satisfaction.
Cette responsabilité et ce qui lui est associé, à savoir une indépendance par rapport à
un contrôle extérieur, une autosuffisance et une maîtrise de tout le canevas de l’activité,
donnent au sujet une marge de manœuvre qui lui est propre, c’est-à-dire la possibilité
d’élaborer différentes stratégies. La stratégie renvoie à la capacité de combiner avec souplesse
les différentes composantes, étapes, tâches, etc. de l’activité et de les faire varier dans le
temps et dans l’espace de ladite activité, en fonction de l’évolution des événements extérieurs,
de la position du sujet dans la vie et du sens qu’il donne à sa vie. Le sujet dispose du canevas
de l’activité pour combiner avec flexibilité toutes ses composantes, toutes ses conditions (en
termes d’économie, de production, d’organisation, de personnel ou de collaborateurs). La
stratégie est une capacité de compensation et de composition optimale, et c’est en même
temps la mise en avant de son point de vue et la mise en œuvre du moyen qui lui est propre
pour réaliser l’activité. La stratégie garantit la qualité de la réalisation de l’activité qui
correspond, d’une part, aux ambitions de la personnalité et à sa conception de « soi », d’autre
part, à l’anticipation de la faisabilité des résultats et aux exigences de la société. Lorsqu’il
élabore une stratégie, le sujet détermine non seulement la séquence des tâches et des étapes,
l’ampleur et les difficultés de l’activité, mais aussi le rapport de cette activité avec son
individualité, son « coût » psychologique, c’est-à-dire le rapport entre les efforts et la
satisfaction tirée du résultat. Maîtriser le canevas de l’activité répond à un besoin
d’autonomie, au besoin du sujet d’être actif et aussi à la nécessité de limiter au minimum le
contrôle extérieur (Abul’khanova-Slavaskaia, 1980b).
Le sujet peut se fier à lui seul ou se faire aider et, pour cela, recourir à d’autres ou
utiliser les contacts et les relations dont il dispose, mais le choix lui appartient. La stratégie
suppose d’organiser et d’alterner les phases de l’état actif du sujet (bref ou prolongé) qui est
normatif et optimal, d’avoir à sa disposition les ressources nécessaires (personnelles,
professionnelles, liées à son statut dans la société, etc.), d’intégrer toutes les conditions et
exigences, de tenir compte des conditions nouvelles, d’assurer la qualité de l’activité à
réaliser, etc. Comme dans le cas de la responsabilité, la pratique de la stratégie améliore la
compétence globale du sujet de l’activité sur le plan professionnel et social ; la personnalité
prend ainsi davantage confiance dans ses possibilités, dans sa valeur et dans ses chances de
réussite. La stratégie confère par conséquent une liberté de manœuvre dans l’activité qui
s’inscrit à la fois dans l’espace et le temps de la vie du sujet et dans le temps imparti par
l’extérieur ou par le sujet lui-même à l’exécution et l’accomplissement de cette activité. Tel
un chef d’orchestre, le sujet fait une composition de morceaux différents qu’il agence à sa
Les critères présentés jusqu’ici et dans la suite du document concernent le sujet individuel de l’activité, notre
propos étant celui de la personnalité. Rubinshtein s’est lui aussi (principalement) intéressé à l’activité du sujet
individuel. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, le lien entre l’organisation psychique et la réalisation des
mouvements, des actions, des opérations, etc. est plus directement opérante dans ce type d’activité. Ensuite, la
question du sujet collectif ou de l’activité conjointe relève, strictement parlant, de la psychologie sociale. Enfin,
Rubinshtein a toujours souligné dans son approche du sujet de l’activité individuelle, du sujet du travail, le
caractère social de cette activité et le rôle des relations avec les autres comme moyen de réalisation de cette
activité.
18
22
façon : il n’est pas un simple exécutant, mais bel et bien l’auteur de l’œuvre exécutée. Là est
la valeur subjective de la réalisation de l’activité.
Le moyen choisi pour surmonter les difficultés liées à la place d’une profession
donnée dans la société, à sa place dans l’existence du sujet et à sa place et son statut au sein
d’une communauté professionnelle, joue un rôle déterminant dans la stratégie. Vivre pour
travailler, travailler dur pour gagner de l’argent ou travailler et gagner de l’argent pour avoir
une vie intéressante relève de stratégies, de principes de vie et de décisions conscientes
différents. Ne pas ménager sa peine, consacrer sa vie à une cause au prix de privations
personnelles (par exemple, en sacrifiant sa famille, tout son temps libre et les relations avec
ses amis) est une stratégie que suivent bon nombre de représentants de l’ancienne génération
de la société russe. La stratégie et la position professionnelle sont guidées par des principes
éthiques. Sinon trouverait-on aujourd’hui encore autant de médecins payés une misère, qui
travaillent dans des conditions difficiles et sans compter leurs heures pour venir en aide aux
malades et accomplir leur devoir.
Grâce à la stratégie qu’il met en place, le sujet résout la contradiction entre la nécessité
de l’activité (ses exigences, ses normes, ses conditions) et son initiative (sa liberté). Certains
acceptent les exigences en jeu, qu’elles que soient les conditions, tandis que d’autres posent
leurs exigences et leurs conditions (à l’égard de l’entreprise, de la société). Toutefois, cela
n’est possible que si la personne concernée a atteint un certain statut (sans doute même à la
fois dans sa profession et dans la société). Rubinshtein présente ainsi la stratégie de son
existence : lorsque les conditions sociales et idéologiques ont fait obstacle à son travail de
création, il « a battu en retraite mais n’a pas abandonné » (Rubinshtein, 1957). Il a fait son
entrée dans la science en qualité de philosophe. Alors qu’on lui mettait des bâtons dans les
roues, il est devenu psychologue. Bien qu’établi dans ce domaine, il a poursuivi sa réflexion
philosophique. Et lorsque vers la fin de sa vie, il a joui d’un peu plus de liberté, il a endossé à
nouveau l’habit du philosophe. Ce n’est en réalité qu’une seule et même route qu’il a réussi à
suivre en dépit des circonstances. Cela montre clairement que la stratégie de l’activité, placée
dans le contexte de la vie du sujet, suppose que celui-ci maintienne sa position même dans les
situations les plus difficiles. Cette singularité du sujet est un trait caractéristique de la
personnalité appartenant à la société russe, de la mentalité russe. La dureté des conditions
sociales (servage, révolution et totalitarisme) et la violence n’ont pas eu raison de l’âme, du
talent, de l’esprit de la personnalité russe, grâce précisément aux différentes stratégies (lutte
ouverte, non-violence, dissidence, etc.) qu’elle a su mettre en œuvre.
Le cinquième et dernier critère caractérisant le sujet est l’amélioration, ce qui veut
dire améliorer la qualité, le moyen et le niveau de l’activité, ainsi que la personnalité, ces deux
aspects étant liés. Comme nous l’avons indiqué, la faculté du sujet d’être actif ne répond pas
(ou pas seulement) à un besoin d’objet, mais à un besoin d’activité. D’où l’aspiration du sujet
de s’améliorer soi-même et d’améliorer l’activité. Cette aspiration se manifeste dans le moyen
utilisé pour organiser l’activité. Toutefois, la créativité s’exprime non seulement dans le
produit, dans le résultat de l’activité, mais aussi dans le moyen mis en œuvre pour la réaliser
(ce qui donne un travail parfaitement réalisé, un projet conduit avec brio et originalité). Les
capacités, la motivation de la personnalité dans l’activité et la synthèse individuelle des
capacités psychiques, professionnelles et cognitives deviennent le fondement du
développement de la personnalité dans l’activité, elles en constituent le système. La synthèse
de la motivation et des capacités (le « je veux » et « je peux » de Rubinshtein, 1940, p. 516)
débouche sur le besoin d’une activité de dimension créative, le besoin d’améliorer cette
activité et de la porter à des sommets. Le sujet tire alors sa satisfaction de la qualité et du
23
niveau de complexité de l’activité et des succès qu’il a remportés face aux difficultés à
surmonter.
Le développement de la personnalité en tant que sujet apparaît clairement lorsqu’on
resitue l’activité (travail, études, profession) dans l’itinéraire tout entier de la personnalité. La
conscience de la personnalité - c’est-à-dire les valeurs, les orientations et les représentations
sociales à partir desquelles s’effectue l’« énorme » travail du sujet - détermine l’engagement
du sujet dans telle ou telle activité, son moyen d’être et sa réalisation dans une profession.
Dans tout le système que constituent les relations de l’existence, et dans ce contexte, le sujet
se définit par la forme d’activité qu’il choisit, par la place qu’il choisit d’occuper dans sa
profession et par le moyen qu’il choisit pour se réaliser dans cette activité. Le développement
ou l’amélioration est possible si le choix de l’individualité est en accord avec ses capacités,
ses possibilités. Il se produit si ce choix correspond au sens que la personnalité donne à sa vie
et à sa vision du monde, quand le travail devient le sens de la vie. Il se produit si l’œuvre de la
vie du sujet répond aux idéaux sociaux ou moraux de la personnalité et si elle se mue en une
cause servie avec abnégation. La liste des trajectoires ou des formes de développement
possibles dans le cadre de l’activité n’est pas exhaustive. Pour comprendre ce qu’est
fondamentalement le développement dans l’activité, il suffit de voir comment il se concrétise
dans la société russe : ce n’est pas seulement la totale liberté de se réaliser soi-même, la
garantie par le société des conditions nécessaires au développement de la personnalité (cf.
Allport, 1937), c’est aussi le développement par le dépassement des contradictions,
dépassement propre au sujet. Le développement s’entend ici à la fois comme un progression
graduelle allant dans le sens d’une amélioration et comme un axe central à l’intérieur de la
personnalité qui donne force et cohérence à ses accomplissements. Comment devenir
véritablement sujet de l’activité ? Telle est la question cruciale qui se pose à la personnalité
russe. En répondant à cette question, la personnalité est non seulement en mesure d’organiser
l’activité, mais en devient aussi l’auteur, l’acteur dans une conjoncture qui est donnée ou doit
être dépassée.
L’amélioration de la personnalité, si on veut la définir, oblige à se demander s’il existe
en la matière des critères sociaux ou communs à tous les hommes ? A cette question, la
psychologie peut répondre de la façon suivante : il s’agit du développement optimal de
l’individualité, du développement par lequel ses capacités se matérialisent dans la vie, dans la
culture, dans les valeurs humaines. C’est le niveau le plus élevé : la personnalité avec ses
capacités et toute son individualité ; une personnalité en harmonie avec l’humanité, avec son
époque. Elle y parvient en devenant sujet.
24
Bibliographie
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