la monnaie unique – et de fait, la disparition des marchés de change intra-européens – a grandement
changé la donne. La gestion monétaire d'un tel espace est autrement plus complexe que celle d'un
pays ou d'une fédération de pays. Les difficultés sont d'ordre technique et d'ordre politique.
L'Europe ne dispose pas d'intitution qui ont l'expérience des institutions nationales. Quant aux pères
fondateurs de l'Europe, ils sont loin d'avoir laissé de côté les intérêts nationaux, ce qui pose les
problèmes politiques qu'on sait : « les gouvernements d'Europe sont prompts à ''européaniser'' les
problèmes et à nationaliser les succès ».
Dans ses premières années, la BCE a eu affaire à moult chocs externes : « la crise asiatique,
la baisse des prix du pétrole qui s'en est suivi, le mini-choc pétrolier, celui des prix alimentaires, la
dépréciation de l'euro, le relentissement américain (et de l'économie mondiale), l'après-11
septembre, le krach lent des marchés financiers ». Elle régirait davantage aux quatre premiers, dont
les effets seraient plus rapide, ce au détriment de ce que Fitoussi appelle une politique monétaire du
« forward looking ». « Le ''timing'' de la politique monétaire européenne peut également être aprécié
à partir des évolutions contemporaine de la politique monétaire américaine ». Y aurait-il, comme le
prétend, Fitoussi, un décalage d'adaptation de la politique européenne à celle qui a cours au Etats-
Unis ? Jean-Paul Fitoussi met en question « le bien-fondé d'une hausse sensible des taux d'intérêt
européens, accompagnant la hausse engagée des ''Fed funds'', alors que l'expansion européenne n'a
clairement pas la même maturité que la croissance américaine ». Il ne s'agit pas d'un suivisme à tout
prix, mais la BCE cherche à anticiper les risques inflationnistes liés à une syncronisation entre
l'économie mondiale et celle de l'Amérique. Les taux européens suivraient les taux d'inflation
américains par le biais d'une inflation importée, à ceci près qu'ils connaîtraient un phénomène
d'amortissement, c'est-à-dire qu'ils leur seraient inférieurs. Cela nuance les critiques de la BCE
quant à son inertie : elle a affaire à des taux d'inflation nettement inférieurs à ceux qu'on connaît
outre-Atlantique.
La BCE cherche à maintenir l'expansion de la masse monétaire en deçà des 4,5% par an.
« Elle exprime [donc par là] une ambivalence non résolue, entre fidélité formelle à l'héritage
allemand (premier pilier) et prise en compte des ''bonnes pratiques'' des banques centrales anglo-
saxonnes ». Il s'agit bien d'une politique basée sur l' « inflation targetting », à savoir la comparaison
entre l'inflation anticipée par les agents privés et celle évaluée par des instituts indépendants.
Comme l'affirme Fitoussi, « certains auteurs ne voient pas dans cette orientation une rupture
majeure avec l'esprit, sinon la lettre, de la politique monétaire allemande au temps de ''l'âge d'or du
Deutsche mark'' ». On peut, par ailleurs reprocher à la BCE la partialité et la vulnérabilité de ses
anticipations. La stratégie des deux piliers que sont les indices des prix et la masse monétaire est de
plus en plus artificielle. La masse monétaire n'est de toute façon pas un bon prédicteur de l'inflation