L’Apologie de Socrate Introduction 1) Faire l’apologie de quelqu’un, c’est en faire l’éloge. C’est aussi prendre sa défense. Or, ce texte de Platon se présente comme un document historique, c’est-àdire un document brut. En effet, nous sommes censés lire le texte même de la plaidoirie que Socrate présenta lors de son procès, en 399 avant Jésus-Christ. Or, cela est surprenant dans la mesure où Socrate n’a jamais écrit et s’est même refusé à le faire. En d’autres termes, Socrate est un des ces rares philosophes à n’avoir laissé derrière lui aucune trace. Tout se passe donc ici comme si Platon s’était fait le secrétaire de Socrate……. Il y a donc lieu de s’interroger : a-t-il été un secrétaire fidèle ? Peut-on répondre à cette question ?............. 2) Par ailleurs, ce texte pose aussi problème dans la mesure où Socrate y apparaît comme un sage admirable. Mais, dans ces conditions, comment expliquer qu’il se soit trouver assez d’Athéniens pour le condamner comme impie et corrupteur ? Ainsi, parmi les différents témoignages qui nous ont été laissés sur Socrate, on relèvera la pièce d’Aristophane qui a pour titre les Nuées. Elle fut jouée en 423 (c’est-à-dire longtemps avant le procès). 16/04/17 - L’apologie de Socrate - Socrate y est présenté comme un maître à penser obscur, ridicule et dangereux. Bref, comme un charlatan, une caricature de sophiste. Nous y reviendrons…… Du coup, on est en droit de s’interroger : qui était le véritable Socrate ? De Platon ou d’Aristophane, qui faut-il croire ?……. Socrate, celui-là même qui est à l’origine de toute la tradition philosophique de l’Occident, reste un parfait mystère.......... C’est néanmoins ce mystère que nous allons nous efforcer de sonder............. I. Les circonstances politiques 1) Le procès de Socrate a lieu alors que la démocratie vient d’être rétablie à Athènes, au termes de troubles violents qui ont déchiré la Cité. Suite à sa défaite face à Spartes, Athènes connaît une période de dictature. Les « Trente » dirigent la Cité en dénonçant la démocratie qui serait à l’origine du déclin. Avec l’appui des Spartiates, ils font régner la terreur et se signalent par leur corruption. La tyrannie des Trente est renversée en 403 et la démocratie est rétablie. Or, il semble que Socrate ait eu des liens avec certains des Trente. En tout cas, il connaissait deux d’entre eux : Critias et Charmide. Par ailleurs, on trouve dans l’entourage de Socrate un autre personnage inquiétant : Alcibiade, général brillant mais corrompu, et qui aura été indirectement responsable de la défaite d’Athènes. Réfugié à l’étranger, Alcibiade est assassiné sur l’ordre des Trente. Il ne faut donc pas oublier que le procès de Socrate est aussi un procès politique (vraisemblablement un règlement de compte……). -2- 16/04/17 - L’apologie de Socrate - Par conséquent, il s’agit pour Socrate de se démarquer de ses amitiés compromettantes. C’est pourquoi il s’efforce de montrer qu’il n’a jamais fait de politique et qu’il a dénoncé aussi bien les abus des Trente que ceux de la démocratie. 2) On le sait, le procès aboutit à la mort de Socrate. Or, Athènes ne condamnait à mort que ses généraux vaincus et ses hommes politiques corrompus. Mais Socrate n’est ni un soldat ni un politique……. Au mieux, c’est une sorte d’« orateur des rues »...... Dans ces conditions, comment lui attribuer une responsabilité quelconque dans la décadence de la Cité ? C’est qu’il faut voir en lui une des première figures (en fait, « la » première figure….) de ce qu’on appellerait aujourd’hui un « intellectuel ». Qu’est-ce qu’un intellectuel ? C’est quelqu’un qui exerce une autorité, laquelle ne s’appuie pas sur le pouvoir institutionnel. Cette autorité est donc purement morale....... Or, c’est précisément en cela que le procès de Socrate est un procès historique. Par conséquent, le procès de Socrate pose le problème de la vocation politique du philosophe et de la philosophie en général. Or, pour un Grec, le problème politique n’est pas un problème parmi d’autres, c’est-à-dire une question qui serait certes importante mais d’un rang secondaire. Au contraire, le problème politique est essentiel dans la mesure où l’homme et le citoyen se confondent. En effet, pour un Grec, on ne peut être homme que pour autant qu’on est citoyen. C’est pourquoi la définition qu’Aristote donne de l’homme est la suivante : c’est un « animal politique », -3- 16/04/17 - L’apologie de Socrate c’est-à-dire un animal qui vit dans des cités. Cependant, jusqu’où peut aller cette confusion entre l’homme et le citoyen ? Jusqu’où doit aller la solidarité entre l’individu et sa communauté ? Car la question implicite que nous pose Socrate est bien la suivante : comment peut-on être juste dans une Cité qui ne l’est pas ? En effet, sa vie durant, Socrate a enseigné afin d’exhorter ses concitoyens à devenir meilleurs. Or, sa mise en accusation consacre son échec en tant que citoyen. Elle apporte la preuve que la Cité est irréformable. Dans ces conditions, Socrate ne peut témoigner de son attachement à la justice qu’en acceptant de sacrifier sa vie. C’est pourquoi accepter le verdict injuste de ses concitoyens est une ultime manière de protester contre l’injustice. C’est en cela que le procès de Socrate va bien audelà du simple contexte politique athénien et prend une portée véritablement universelle. Par conséquent, avant d’être citoyen, Socrate est homme. Et c’est bien parce qu’il est avant tout homme (c’est-à-dire plus homme que citoyen…..) qu’il peut condamner les mœurs politiques de son temps. Remarque. Mais, du coup, la place que Socrate revendique au sein de la Cité est bien ambiguë……....... En effet, d’un côté, il prétend être le seul à faire authentiquement de la politique : ainsi, il s’efforce de rendre les Athéniens meilleurs !!!............ Mais de l’autre, il refuse toute participation aux affaires de la Cité (si ce n’est en acceptant passivement un verdict de mort…….). -4- 16/04/17 - L’apologie de Socrate - Le paradoxe que pointe l’attitude de Socrate serait donc le suivant : on ne peut être fidèle à la Cité qu’en étant fidèle à soi-même (c’est-à-dire à la voix de sa conscience……). 3) Cependant, si Socrate connaît lui-même l’échec, Platon ne renonce pas à la volonté socratique de réformer de la Cité. Dans une de ses œuvres de la maturité, la République, il entend tirer les leçons de l’ambiguïté socratique. La question très concrète que se pose Platon sera donc la suivante : à qui faut-il confier la tâche de commander les hommes ?….. La réponse lui paraît assez évidente: à ceux qui réfléchissent, qui assument par conséquent la tâche difficile de penser, c’est-à-dire aux philosophes….. La grande idée de la République serait donc la suivante : il faut donner la charge de l’Etat…… à ceux qui précisément n’en ont aucune envie (rappelons que Socrate refuse de faire de la politique…..). En d’autres termes, il faut confier le pouvoir à ceux qui le fuient. En effet, seul le philosophe est exempt de toute ambition personnelle (car la pensée seule lui suffit…..). C’est pourquoi il est le seul en mesure d’assumer le pouvoir comme un service de la Cité. C’est pourquoi, le philosophe aura à « descendre jusqu’au trône »….... Alors que tant d’autres s’imaginent qu’il faut y monter !!!!….....…. 4) Dans ces conditions, par son détachement, Socrate constitue un exemple pour la Cité. Cependant, ce détachement fait de Socrate un personnage assez déconcertant. -5- 16/04/17 - L’apologie de Socrate - En effet, pour une fois, le portrait que nous dressent Platon et Aristophane est assez concordant. Socrate est laid. Il va nu-pieds et est vêtu sans soins. Il aime les discussions et est indifférent aux plaisirs de la table (c’est un ascète…..). Enfin, il est capable de s’absorber dans une pensée au point de tout oublier de ce qui se passe autour de lui. On pourrait voir là aussi bien l’excentricité complaisante d’un décadent que la marque d’une intégrité sans compromis. En d’autres termes, le personnage de Socrate peut lui-même être interprété de manière ambiguë. II. Les chefs d’accusation Le procès de Socrate est l’aboutissement d’une procédure par laquelle tout citoyen pouvait déposer une plainte pour dénoncer une conduite incivique ou impie. En d’autres termes, il semble que les institutions politiques athéniennes favorisaient les pratiques de délation. L’accusation est portée par Mélétos, Anytos et Lycon. En voici le libellé : « Socrate est coupable de corrompre les jeunes gens, de ne pas croire aux dieux auxquels croit la Cité et de leur substituer des divinités nouvelles ». Elle porte donc sur deux questions qui restent aujourd’hui encore des questions essentielles : l’éducation et la religion. Comment comprendre ces accusations à la lumière de l’histoire ? a) Socrate corrupteur de la jeunesse Cette accusation trouve à s’alimenter dans la caricature dessinée par Aristophane dans les Nuées. Résumons l’action. Strepsiade, un honorable citoyen, a un fils qui lui cause beaucoup de souci, qui vit à la dernière mode -6- 16/04/17 - L’apologie de Socrate et est couvert de dettes. Celui-ci invite son père à se faire disciple de Socrate pour échapper à ses créanciers. En effet, Socrate détient le discours qui permet de faire triompher l’injuste comme le juste. Mais lorsqu’il apparaît, il a la pause d’un gourou ridicule. En d’autres termes, on ne comprend rien à ce qu’il raconte, il traite les simples mortels avec hauteur et se fait hisser jusqu’au plafond dans un panier pour être plus près des idées. Dans ce contexte, le fils débauché et rendu prétentieux perd tout respect filial. Il va jusqu’à rouer son père de coups. On voit donc ici ce que veut dire « corrompre la jeunesse » : c’est lui faire perdre le sens du respect et des valeurs établies. La charge d’Aristophane est drôle, mais elle est aussi très grave. En effet, desserrer les liens de l’autorité parentale, n’est-ce pas défaire la société ellemême ? Or, cette accusation (à savoir que les intellectuels, les professeurs corrompent la jeunesse) n’est pas nouvelle. Mais, du coup, elle nous amène à nous poser la question suivante: qui doit éduquer les jeunes gens? Est-ce que ce sont les parents ? Car rien ne dit que les parents ont compétence pour éduquer. En effet, en quoi consiste l’autorité des parents? On pourrait dire qu’elle s’appuie sur un mélange hétéroclite de savoir, d’affection et de contrainte. En d’autres termes, les parents éduquent de manière empirique (sans avoir de connaissances précises en matière d’éducation.........). C’est pourquoi aussi beaucoup de parents assument mal leur autorité. En effet, chacun sait qu’il n’y a pas d’école des parents….. Et que, par conséquent, le premier imbécile venu peut engendrer et éduquer ses enfants comme bon lui semble, personne ne pourra lui faire le moindre reproche……. Or, cet empirisme laisse -7- 16/04/17 - L’apologie de Socrate chacun mécontent. D’un côté, les adultes croient mieux savoir que les enfants ce qui est bon pour eux, ils s’impatientent de leurs échecs et, en fin de compte, ils sont déçus de ne pas les trouver conformes à leur idéal. De l’autre, les enfants ont vite fait de mettre à jour les limites de leurs éducateurs. C’est pourquoi ils s’irritent d’être trop longtemps sous leur joug. En d’autres termes, eux aussi s’impatientent (car l’éducation, c’est le frottement des impatiences…….). Ceci explique qu’à toutes les époques on se plaint que les nouvelles générations ne valent rien. Dans ces conditions, il semblerait que le processus d’éducation ne puisse faire l’économie du conflit. Tout ceci nous explique pourquoi il faut des spécialistes en matière d’éducation (par exemple, des professeurs…). Ceux-ci auront à s’interposer entre les parents et les enfants pour asseoir l’éducation sur des bases rationnelles, c’est-à-dire pour éviter les tâtonnements d’une éducation simplement empirique. C’est pourquoi Socrate n’en finit pas de montrer qu’il n’y a d’autorité véritable que là où il y a compétence. Par conséquent, si Socrate est le père du rationalisme, c’est parce qu’il dénonce les idées reçues, issues de la tradition, en matière d’éducation. En d’autres termes, l’autorité de la compétence s’oppose à celle de la tradition. Remarque. Mais, du coup, on peut se demander si chacun ne pourrait pas trouver en lui-même les ressources qui le dispenseraient d’avoir recours à une aide extérieure. Après tout, pourquoi des professeurs ? Ne peut-on pas être autodidacte? -8- 16/04/17 - L’apologie de Socrate - En effet, la raison est cette faculté qui rend possible l’« autonomie ». En d’autres termes, l’idéal d’une raison achevée serait celui d’un parfait adulte qui n’aurait d’autre savoir que celui qu’il s’est donné à lui-même (comme cela est suggéré dans la doctrine platonicienne de la réminiscence.............). Du coup, on peut comprendre que des jeunes gens aient pris plaisir à imiter Socrate en appliquant sa méthode de l’interrogation rationnelle. Car nulle autorité ne résiste à sa redoutable efficacité…… On comprend donc en quoi la philosophie, dans son effort pour dégager une raison « autonome », met en danger les traditions dans lesquelles une société puise sa cohésion. En d’autres termes, l’autorité de la raison semble contester celle des hiérarchies en place, ce qui est le comble du scandale pour beaucoup d’Athéniens, particulier les plus conservateurs……. b) L’impiété « Tu ne reconnaîtras plus aucune divinité sauf la Trinité que nous admettons : le Vide que voici, et les Nuées et la Langue » déclare le Socrate d’Aristophane. Cette accusation d’impiété à l’encontre des philosophes n’était pas rare à Athènes à cette époque. Il y a donc eu des précédents. Mais si beaucoup ont eu à répondre de l’accusation d’athéisme, aucun n’a été pour autant condamné à mort. Ainsi, comme pour la corruption de la jeunesse, cette suspicion d’incroyance ne s’abat pas par hasard sur Socrate. Comment l’expliquer ? C’est que donner la primauté à la raison, c’est aussi donner la primauté à la liberté. En d’autres termes, à travers le dialogue rationnel, chacun est libre de -9- 16/04/17 - L’apologie de Socrate rendre compte de ce qu’il pense et de ce qu’il croit. C’est pourquoi le projet rationaliste de « libre examen » (ou d’examen critique……) ne peut que heurter l’attitude religieuse. Essayons de voir pourquoi……. En effet, toute religion s’enracine dans une parole qui dépasse la parole individuelle. Il s’agit d’une parole sacrée qui ne peut être discutée. Et cette parole demande à être « transmise » plus qu’à être « examinée ». Nous avons vu que l’autorité de la tradition en matière d’éducation faisait difficulté pour la raison. Combien plus la religion qui en appelle au surnaturel pour fonder des obligations, des rites (souvent absurdes….) et des convictions. Ce qui s’esquisse ici, c’est donc la question du rapport entre foi et raison. En quoi la raison peut-elle justifier la foi ? Ou, au contraire, ne sont-elles pas inconciliables ? On découvre déjà cette problématique dans un autre dialogue, Eutyphron, au cours duquel Socrate rencontre un pieux citoyen, Eutyphron, qui s’apprête devant la maison de l’archonte à déposer une plainte….. pour impiété !….. Plainte par laquelle Eutyphron dénonce son propre père ! Voilà qui est bien étrange : comment peut-on être pieux et dénoncer son propre père…..... pour impiété ???!!!??? ? Il y a donc lieu de se demander : qu’est-ce que la piété ? On admettra que c’est le fait de savoir ce qui plaît aux dieux……. D’où cette question (que Socrate adresse à Eutyphron): « Ce qui est pieux est-il approuvé par les dieux parce que cela est pieux, ou bien cela est-il pieux parce que les dieux l’approuvent ? ». Cela signifie que même si une loi est voulue par les - 10 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate dieux on peut en vérifier le bien-fondé. Elle n’est pas juste parce que divine, elle est divine par ce que juste. Et c’est pourquoi elle ne saurait pas non plus être arbitraire. En d’autres termes, les dieux auraient à répondre de la raison commune (comme les hommes eux-mêmes……). Dans ces conditions, la raison serait la véritable source de la volonté divine. A partir de là, on peut admettre que la raison est au-dessus des dieux euxmêmes…….. Remarque. Cette idée nous paraît peut-être naturelle mais à l’époque elle ne va pas de soi. En effet, la religion chrétienne nous a accoutumés à l’idée d’une religion universelle, c’est-à-dire indépendante des appartenances nationales, sociales ou culturelles. Or, du temps de Socrate, la religion est celle de la Cité. Parce qu’Athènes a été fondée et protégée par « ses » dieux, le devoir religieux est inséparable d’un devoir civique, exprimé à travers des rites collectifs qui ont une fonction essentiellement politique. Dans ce contexte, l’universalisme rationaliste d’un Socrate semble contredire les rites civiques issus de la tradition (rites particuliers, c’est-à-dire locaux….). Par conséquent, le refus de certaines croyances religieuses constituerait une forme d’incivisme. III. Le déroulement du procès Les accusateurs de Socrate sont : Anytos, un riche marchand, Mélétos, un poète et Lycon, un orateur. Voici donc un échantillon de ceux qu’il s’est mis à dos par ses perpétuelles questions : commerçants et artisans, poètes et politiques. Bref, des notables…….. A noter qu’Anytos fut effectivement un homme d’influence. Etant un des principaux représentants des démocrates, il fut exilé par les Trente et participa - 11 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate activement à leur remplacement. C’est donc un citoyen de bonne renommée, victime des tyrans et libérateur de la Cité, qui a eu l’initiative du procès. Mais on ignore s’il avait des raisons personnelles pour en vouloir à Socrate. Cependant, le premier discours, en dépit des protestations d’ignorance en matière judiciaire, est très habile. Cela peut expliquer qu’il ne soit reconnu coupable qu’à une très faible majorité. Dans le deuxième discours, où il s’agit de discuter la sentence, Socrate se montre insolent et ironique. Visiblement, il ne souhaite pas négocier sa peine. Si l’innocent est reconnu coupable, il ne lui reste d’autre honneur que de mourir. Ainsi se trouve-t-il condamné à mort par une majorité plus forte que pour le jugement sur sa culpabilité. A l’époque, boire la ciguë était une peine noble, réservée aux seuls citoyens. Dans le Criton, Platon rapporte que Socrate aurait pu se dérober à cette mort puisque ses amis avaient préparé son évasion. En refusant de s’évader, Socrate montre qu’il ne conteste pas la légalité du jugement. Par conséquent, la soumission aux lois est une manière paradoxale d’affirmer son indépendance d’esprit. Nous y reviendrons………. Remarque. Dans son Apologie de Socrate, Xénophon suggère que Socrate recherchait la mort (il était déjà âgé à cette époque et peut-être las de vivre). IV. La structure de l’œuvre L’apologie de Socrate est composée de trois discours. Cette construction est dictée par la procédure elle-même. L’apologie présente donc le discours dans lequel - 12 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate Socrate présente son innocence, celui dans lequel il refuse de discuter de sa peine puisque la Cité serait plus avisée de le récompenser, enfin un troisième discours bref et émouvant, où il fait part de ses pensées quant au sort des âmes après la mort. A travers ces trois discours, se dessine une progression dramatique qui laisse apparaître le sens de la mission de Socrate. A. Premier discours : le plaidoyer de Socrate a) Prologue 17a-18a (qu’est-ce que bien parler ?) Le premier discours débute par un lieu commun sur l’art oratoire. Socrate se dit mauvais orateur et demande qu’on veuille bien excuser ses maladresses. En effet, à plus de soixante-dix ans, c’est la première fois qu’il est accusé. Au moment même où il se présente comme ignorant des mœurs du prétoire, Socrate en adopte implicitement les conventions. Car c’est presque un lieu commun de commencer un discours en déclarant qu’on ne sait pas parler. Il y a là une sorte de coquetterie oratoire…….. Toutefois dans la bouche de Socrate, ce lieu commun prend une signification nouvelle. Nouvelle parce qu’ironique. En somme, Socrate pose ironiquement la question : qu’est-ce que « bien parler » ? Est-ce dire la vérité ? Ou bien est-ce employer un langage virtuose et éblouissant, c’est-à-dire « tout enjolivé de noms et de verbes élégants et savamment agencés » ? Socrate esquisse donc une opposition entre une rhétorique sophistique (la mauvaise rhétorique, pourrait-on dire, qui vise essentiellement à tromper) et une rhétorique philosophique, que l’on appelle « dialectique » et qui tend à la vérité……. - 13 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate Dans ces conditions, si Socrate se dit mauvais orateur, c’est que contrairement au rhéteur, il ne s’adresse pas à une foule. Il ne « harangue » pas mais, au contraire, il « dialogue » !……… Cela signifie qu’il n’a jamais voulu d’autre interlocuteur que celui qui devient son ami…. ..... En d’autres termes, dialoguer avec Socrate, c’est s’engager. C’est travailler à une oeuvre commune.......... C’est consentir à une recherche commune de la vérité. C’est pourquoi le ton amical du dialogue avec Mélétos n’est pas feint. En effet, le philosophe n’a pas d’ennemi privé. La démarche philosophique suppose un dialogue où chacun s’expose (c’est-à-dire prend des risques…..). Elle tout le contraire d’une communication de masse, laquelle suppose des rapports de force et induit des effets de manipulation. b) Les anciennes accusations 18a-19a (l’affaire Aristophane) Avant de répondre aux accusations, Socrate s’efforce de dissiper les malentendus nés de l’opinion. C’est à cette opinion qu’est due l’image défavorable que les juges ont de Socrate. Cette opinion publique hostile, Socrate la fait remonter aux Nuées d’Aristophane. En effet, c’est cette opinion, anonyme et collective, qui est le véritable adversaire du philosophe. C’est parce qu’elle est anonyme (un « on »…..), c’est-à-dire insaisissable et tyrannique, qu’elle intimide par avance toute réflexion. Socrate dit qu’elle est faite d’ « ombres » auxquelles « on ne peut poser aucune question ». Or, le but du dialogue est précisément de faire sortir l’interlocuteur de ce « on ». C’est lui donner une consistance, le faire accéder à un « tu » avec lequel il pourra échanger de manière vraie. - 14 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - Par conséquent, Socrate veut trouver à « qui » parler. Désigner Aristophane, c’est donner un corps à ces ombres qui accusent Socrate. Or, depuis les caricatures d’Aristophane, l’image de Socrate est brouillée. Ce portrait de penseur obscur et prétentieux (qui lui a été imposé….) tient à deux confusions : Socrate est pris à la fois pour un physicien et pour un sophiste. 19a-20c (Socrate n’est pas un physicien) Il est vrai que les penseurs qui ont précédé Socrate (ceux qu’on appelle aujourd’hui les « présocratiques ») sont plus physiciens que philosophes. Leurs traités ont pour titre « De la Nature » (qui se dit « physis » en grec). Ce sont, pour la plupart, des astronomes et ils s’efforcent de trouver un principe d’explication de la matière. Ce sont aussi des penseurs matérialistes, précurseurs de la démarche scientifique. C’est pourquoi ils remettent en cause les récits mythologiques. Effectivement, Socrate reconnaît dans d’autres dialogues s’être intéressé à leurs opinions mais il déclare aussi avoir été déçu par eux. Pourquoi ? C’est que nous sommes dans les balbutiements de la science. Les « physiciens » de l’époque de Socrate ne le sont pas au sens où nous l’entendrions aujourd’hui. C’est pourquoi ils promettent bien plus qu’ils ne peuvent tenir. En d’autres termes, leurs principes sont trop vagues, trop abstraits, et surtout trop éloignés des préoccupations humaines. D’où cette formule très forte : « je n’ai aucune part à ces savoirs, Athéniens ! » (19d). En d’autres termes, cette assimilation de Socrate à un physicien tient du plus pur ragot. - 15 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate Remarque En fait, si Socrate n’est pas un physicien, c’est qu’il s’intéresse davantage à l’homme qu’à la nature. En effet, vouloir connaître le monde est inutile tant qu’on n’a pas répondu à une recommandation beaucoup plus essentielle : « connais-toi toi-même » (formule gravée au fronton du temple d’Apollon à Delphes...........). Par conséquent, philosopher, c’est « se » connaître afin de bien choisir la vie que l’on mène et afin de servir en conséquence la Cité……. La philosophie est donc avant tout un savoir « sur » l’homme…… Comme chez Kant, elle correspond à un projet « anthropologique »............ 19e-20d (Socrate n’est pas un sophiste) Par ailleurs, Socrate doit dissiper la confusion qui l’assimile à un sophiste. A l’époque, les sophistes attiraient à eux une jeunesse fortunée et oisive, qui prenait plaisir à leurs beaux discours. Apprécier la sophistique correspond donc à une forme de distinction. Ainsi, Socrate admet que la confusion est possible puisque lui aussi attire une jeunesse brillante. C’est pourquoi sa méthode est confondue avec le jeu destructeur des sophistes, ces virtuoses dans l’art de faire passer le vrai pour le faux, et le faux pour le vrai. Pour dissiper ce malentendu, Socrate aura recours tout au long de l’œuvre à un argument de poids : sa pauvreté « en fait de témoin, j’en produis un, moi, qui atteste assez que je dis vrai : c’est ma pauvreté » (31c) Socrate est pauvre. Et volontairement pauvre!....... Il a renoncé à poursuivre le métier de son père pour mieux se consacrer à la recherche de la vérité. Deux remarques. a) - 16 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate Or, être pauvre dans une société riche, c’est-à-dire fondée sur l’argent (car Athènes est une cité marchande), peut être considéré comme une forme de contestation. C’est, dans tous les cas, une manière de cultiver sa marginalité. b) Mais surtout, cela prouve qu’on ne peut pas acheter Socrate. En effet, son enseignement est entièrement gratuit. Par conséquent, sa pauvreté est bien la garantie de sa « liberté » de parole (ce qu’il revendique d’ailleurs avec un certain orgueil……). Mais, du coup, cette question de la pauvreté nous renvoie à la teneur même de l’enseignement de Socrate…… Car, pourquoi Socrate se ferait-il payer, puisqu’il n’a « rien » à transmettre?…… 20d-24a (l’oracle de Delphes). Chacun sait que la méthode de Socrate consiste à interroger. Mais d’où et comment lui est venue cette méthode? C’est ce que nous allons voir maintenant….. En effet, Socrate admet qu’il a mauvaise réputation. Et cette mauvaise réputation, il la doit à une « sorte de sagesse » qui est aussi une « sagesse d’homme ». Car si d’autres revendiquent une sagesse supérieure, Socrate quant à lui n’a qu’une sagesse humaine. Or, celui qui lui reconnaît cette sagesse-là n’est autre que le dieu de Delphes. En d’autres termes, Socrate cite pour contrer ses accusateurs un témoin de taille puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’un dieu (ce qui est tout de même assez piquant pour quelqu’un qui est accusé d’impiété !….). En effet, l’oracle de Delphes l’a présenté comme l’homme le plus sage de son temps. Mais que signifie cet hommage que Socrate fait semblant de ne pas comprendre ? - 17 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate On sait que le dieu a coutume de parler par énigmes. Par ailleurs, il ne saurait mentir. « La loi divine l’interdit » (31b). Il s’agit donc d’« interpréter » l’oracle en allant interroger tous ceux qui paraissent plus savants que Socrate: c’est-à-dire les hommes politiques, les poètes, etc. Voilà donc « pourquoi » Socrate interroge. Précisément pour évaluer sa propre sagesse, pour la comparer à la sagesse des gens établis et donc pour comprendre l’hommage paradoxal que lui a rendu le dieu. Or, à force de questionner, Socrate a fini par découvrir que la sagesse des « sages » se réduit en fait à une pseudo-sagesse, une sagesse de l’apparence. « Ils ne savent rien de ce qu’ils disent » (22c). C’est pourquoi en constatant que ceux qu’il interroge sont incapables de répondre à ses questions, il découvre le sens de la véritable sagesse. Ce que le dieu a voulu signifier par son oracle se réduirait donc à la constatation suivante : « le plus savant est celui qui sait, comme Socrate, qu’en fin de compte son savoir est nul » (23b). Ainsi s’expliquent les accusations portées contre Socrate. Elles tiennent au ressentiment, à l’hostilité accumulée de tous les faux savants ainsi démasqués. c) Réponse à l’acte d’accusation 24a-26a (dialogue avec Mélétos : réponse à l’acte d’accusation, la question de l’éducation) Après avoir répondu aux accusations anciennes et montré qu’elles sont autant de ragots, Socrate s’intéresse aux accusateurs qui se trouvent en face de lui. Or, dans un procès, la preuve revient toujours à l’accusation. En effet, ce n’est pas à l’accusé de prouver son innocence, mais à l’accusateur d’apporter les preuves matérielles des charges par lui - 18 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate portées. Nous savons que, d’après Mélétos, Socrate corrompt la jeunesse. Cela signifie qu’il serait un « mauvais » éducateur. Dans ces conditions, on est en droit de se demander : où sont donc les « bons » éducateurs ? Il s’agit donc de savoir : qui a « vocation » à éduquer ? La réponse de Mélétos semble singulièrement embrouillée. Il explique que ce sont les lois, puis ceux qui les appliquent, c’est-à-dire les juges……. Et, en fin de compte, ceux qui élisent les juges, c’est-à-dire tout le monde (rappelons que nous sommes en démocratie et que Mélétos appartient, selon toute vraisemblance, au parti démocrate !.........). Dans ces conditions, n’importe qui aurait vocation à éduquer…….. N’importe qui...... sauf Socrate !!! Ce qui est évidemment absurde……… Car comment peut-on affirmer qu’il n’y en aurait qu’un seul qui corrompt la jeunesse? Socrate force donc Mélétos à admettre qu’il n’y connaît rien en matière d’éducation et que, par conséquent, son accusation est entièrement fabriquée. A tout cela, Socrate supplémentaires. ajoute deux arguments a) Quel intérêt aurait-il à corrompre la jeunesse, au contact de laquelle il vit au quotidien ? Car, s’il la corrompt, ne sera-t-il pas corrompu par elle en retour? b) Mais, d’autre part, involontairement ? peut-être la corrompt-il Mais, dans ces conditions, c’est Socrate lui-même qui devrait être instruit, c’est-à-dire éduqué......... Et non pas accusé !!! En effet, si Socrate était ignorant en - 19 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate matière d’éducation, le punir ne servirait strictement à rien. Du coup, en convoquant Socrate devant un tribunal, Mélétos apporte une preuve supplémentaire que lui-même n’est pas un éducateur et que, par conséquent, il est le dernier à pouvoir accuser Socrate. 28b-28a (dialogue avec Mélétos, suite : la question de l’impiété) Passons maintenant à l’accusation d’athéisme qui est autrement plus sérieuse. Socrate partagerait l’opinion des physiciens qui font des astres non pas des dieux, mais des objets (« le soleil est un pierre et la lune une terre » 26d). Or, là aussi, Socrate va montrer que cette accusation est contradictoire. Car comment Socrate peut-il être accusé à la fois de ne pas croire aux dieux et d’en introduire de nouveaux? En effet, dans tous ses discours, Socrate invoque continuellement son « démon », c’est-à-dire ce dieu intérieur dont il prétend suivre les commandements (et dans lequel on pourrait reconnaître une figure de la conscience morale). Effectivement, outre leurs dieux traditionnels, les Grecs ménageaient une place à ceux qu’ils appelaient des « démons ». Il s’agit d’un terme très vague qui s’applique aussi bien à des dieux qu’à des génies, c’est-à-dire à des être surnaturels mais d’un rang inférieur. Remarque. Tout ceci nous donne une idée de leur grande imagination créatrice en matière de dévotion. Ainsi, le polythéisme grec admettait donc toutes sortes de croyances individuelles, pourvu qu’elles ne troublent pas l’ordre public. d) Le philosophe et la cité - 20 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - 28a-31c (la mission de Socrate) Socrate considère qu’il en a fini avec l’accusation (« Le peu que j’ai dit suffit » 28a). Il ne s’agit plus maintenant de réfuter son adversaire mais de se justifier. Socrate rappelle une fois de plus qu’il est victime d’une cabale entretenue par des ragots. Or, dans une telle situation, il faut ne pas se laisser intimider. « Il faut se tenir ferme et affronter le danger, en ne prenant rien en compte, ni la mort ni rien d’autre, au regard du déshonneur » (28d). En d’autres termes, il faut savoir tenir son rang, c’està-dire garder sa place comme l’exigerait…… un dieu lui-même. Ainsi, Socrate se réclame de ce demi-dieu qu’est Achille, le héros de l’Iliade….. Ce qui démontre une fois de plus que l’accusation d’athéisme est malvenue. Dans ce contexte, Socrate rappelle qu’il a été un bon soldat, c’est-à-dire qu’il a affronté la mort, obéissant aux chefs désignés par la cité. C’est pourquoi il ne craint pas la mort. Suit un développement intéressant sur la question de la mort (29b). « Craindre la mort n’est rien d’autre que croire être sage tout en ne l’étant pas ; car c’est croire qu’on sait ce qu’on ne sait pas ». Il s’agit d’interpréter ce passage. Il signifie que, ne sachant rien de ce qu’est la mort, on ne peut pas non plus affirmer qu’elle est un mal. Par conséquent, on ne peut pas craindre ce qu’on ne connaît pas. La mort n’est donc pas un mal, puisqu’on ne peut rien en dire. Par contre, il se pourrait bien qu’elle fût un bien…… Dans ces conditions, il y a un mal pire que ce mal imaginaire qu’est la mort : le mal véritable ce serait de « désobéir à un meilleur que soi », ici en l’occurrence le dieu.......... On peut donc en déduire que Socrate se déclare prêt - 21 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate à affronter la mort. Pourquoi cette évocation de la mort à ce moment précis? C’est que Socrate se sent investi d’une mission. Et cette mission, il entend l’accomplir jusqu’au bout. De quelle mission s’agit-il ? C’est une mission qui lui a été confiée par le dieu et à laquelle il ne saurait se dérober. Elle consiste à « éduquer » la cité, c’est-à-dire lui enseigner la vertu (« vous persuader, jeunes ou vieux, de ne vous préoccuper de vos corps et de l’argent ni prioritairement ni même avec un zèle égal au soin de perfectionner votre âme » 30b). Il en résulte que, en plaidant son innocence, Socrate ne fait que défendre la cité elle-même (« c’est pour vous que je plaide » 30d). Cela signifie que Socrate serait un présent fait par le dieu à la cité, cela dans le but de sa sauvegarde. Suit une image célèbre et surtout ironique. La Cité est comparée à un cheval « grand et de bonne race, mais un peu lourd ». Socrate est le taon qui l’empêche de s’endormir. Que signifie-t-elle ? Que Socrate agace....... ce qui explique que la tentation est grande de le tuer « sans réflexion »......... Une dernière objection : qu’est-ce qui prouve que Socrate a bien été envoyé par le dieu? Précisément sa pauvreté. Une fois de plus, la pauvreté, c’est-à-dire son choix de l’ascétisme, est le témoin privilégié qui atteste que Socrate dit la vérité. 31c-35d (Socrate et la politique) Du coup, et avec un certain orgueil, Socrate admet qu’il joue un rôle éminent dans la cité. Est-ce à dire cependant que ce rôle soit un rôle simplement politique ? Socrate s’en défend. En effet, son démon lui a toujours interdit de se mêler de politique. Pourquoi ? - 22 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - C’est que celui qui se mêlerait de moraliser la vie publique finirait par se laisser corrompre ou serait promis à la mort. Cela explique que les fonctions publiques qu’a exercées Socrate ont toutes été modestes. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’ait pas su faire preuve à l’occasion de courage. Ainsi, il évoque deux affaires au cours desquelles il a montré un indéniable courage politique. La première remonte au temps de la démocratie. Alors qu’il était « bouleute », les autres magistrats ont essayé de le rendre complice d’un abus de pouvoir. Or, en dépit des pressions, il a su rester fidèle à la loi. L’autre épisode se situe pendant la tyrannie des Trente, où il a refusé de livrer un citoyen à la mort. L’attitude de Socrate a donc été une attitude de résistance passive. Pourquoi ces deux anecdotes ? Socrate entend marquer par là que, tout en obéissant à ce que lui dicte sa conscience, il refuse d’opter pour un parti plutôt que pour un autre. Il serait donc « audessus » des partis.......... Mais surtout, nous voyons que lorsqu’il lui est arrivé de faire de la politique, Socrate n’a jamais transigé sur l’idée qu’il se faisait de la justice (cf. 33a : « j’ai été exactement le même, n’accordant jamais à qui que ce soit rien qui soit contraire à la justice »). L’idéal de Socrate consiste donc à être juste avec tous. Et c’est bien pour cela qu’il n’est le « maître de personne ». Il n’est le maître de personne dans la mesure où précisément son discours s’adresse à tous. Remarque. La parole de Socrate est donc une parole « publique » au sens le plus noble du terme. Et son caractère publique tient au fait qu’il ne la marchande - 23 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate pas : c’est une parole gratuite, ainsi que le lui a prescrit le dieu. En d’autres termes, la parole socratique est une parole libre et non pas une parole mercenaire. De cela peuvent rendre témoignage tous ceux qui ont écouté Socrate : écouté et « vraiment » écouté. Socrate les énumère d’ailleurs, et dans leurs rangs figure Platon. Or, ce ne sont pas ceux qui ont écouté Socrate qui l’accusent. Bien au contraire, les attaques viennent de ceux qui ne connaissent ses discours que par ouï-dire. Socrate termine sa plaidoirie (ce qu’on appelle une « exorde ») par une adresse pleine de fierté à ses juges. Il ne sollicitera pas leur pitié (par exemple en faisant intercéder ses proches en sa faveur……). « Il ne me parait pas juste non plus ni de supplier le juge, ni d’être acquitté pour des supplications, mais ce qui est juste, c’est d’instruire et de persuader ». En d’autres termes, la suprême impiété consisterait à supplier les juges afin qu’ils soient cléments, c’està-dire à circonvenir la justice, à se contenter d’arguments de circonstances (les pleurs, les sentiments…..) et donc à être infidèle à la vérité. Il en résulte que l’attachement de Socrate à la justice et à la vérité, c’est-à-dire son intransigeance, est une preuve supplémentaire de sa piété. « Je crois aux dieux, Athéniens, comme aucun de mes accusateurs ». B. Deuxième discours : le repas au Prytanée ou la ciguë ? Les juges ont voté : Socrate est bien coupable de corrompre la jeunesse et de ne pas respecter les dieux de la cité. S’il n’a pas pu convaincre ses juges, la faute en est - 24 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate peut-être au manque de temps (le procès a été instruit et plaidé en un jour…. Cf. 37b). Il s’agit maintenant de déterminer la peine. Or, Socrate est persuadé de bien servir la Cité. Il se refuse donc à toute négociation pour réparer une faute qu’il considère n’avoir pas commise. Mais ce n’est pas tout !............. Non seulement il récuse toute idée de peine, mais il estime avoir mérité, pour services rendus à la Cité, une récompense : celle d’être nourri au Prytanée. Remarque. En effet, Athènes accordait à certains citoyens (athlètes, stratèges), pour les honorer, le privilège d’être nourris aux frais de la Cité dans une maison commune. La proposition de Socrate est donc un défi adressé aux juges, qui devaient s’attendre à une attitude beaucoup plus modeste. Toutefois, Socrate se défend d’être arrogant. Car peut-on demander à un innocent de déterminer la peine qui lui revient ? En effet, pour qui se réclame de la vérité, il n’y a pas de négociation possible....... Et Socrate ne saurait transiger avec cette exigence. Face à la mort, le souci sans concession de la vérité accule à une logique du tout ou rien. Car on pourrait s’attendre à ce que Socrate réclame l’exil plutôt que la mort. On pourrait aussi imaginer un compromis par lequel il accepterait de se taire, afin de sauver sa vie. Pourquoi refuse-t-il ce compromis ? C’est que, en l’acceptant, il trahirait la mission à lui confiée par le dieu auprès de la Cité……. Et là serait la « véritable » impiété !……. - 25 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate En effet, comment pourrait-il enseigner aux Athéniens que la droiture de la conscience est un bien supérieur à la vie si lui-même consentait à s’exiler afin de sauver sa peau ? En d’autres termes, si Socrate incarne la philosophie, c’est parce qu’il a vécu jusqu’au bout cette exigence de cohérence qui est celle-là même de la raison. C’est pourquoi Socrate ne peut pas se taire. En effet, « c’est pour l’homme le plus grand des biens, que de parler chaque jour de la vertu » (38a). Ainsi, « une vie où l’on ne pourrait pas interroger n’est pas vivable ». C. Troisième discours : vers les vrais juges Socrate vient d’être condamné à mort. Dans une dernière allocution, il s’adresse aux juges qui l’ont condamné (38c-39d) puis à ceux qui l’ont acquitté (39d-42a) 38c-39d : à ceux qui l’ont condamné Pour commencer, Socrate déclare très solennellement qu’en le faisant mourir, ses juges font le jeu des ennemis de la Cité. Ironiquement, il ajoute que cette condamnation est d’autant plus inutile qu’au vu de son âge, il lui restait très peu de temps à vivre. Par conséquent, les Athéniens auraient pu s’épargner un tel crime. Puis il déclare qu’il ne regrette pas sa tactique de défense, même si elle s’est avérée peu payante. « Ni en justice ni à la guerre nous ne devons, ni moi ni un autre, faire n’importe quoi pour échapper à la mort ». Cela signifie que la justice est un combat et que, en tant que combat, elle implique le risque de la mort. Par conséquent, la justice vaut bien que l’on meurt pour elle !......... Car, au fond, mourir n’est pas si difficile........ - 26 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - Au contraire, le plus difficile, c’est d’échapper à la lâcheté, laquelle « court plus vite que la mort ». Et si Socrate, parce qu’il est « lent et vieux », n’échappe pas à la mort, il se félicite de ce qu’il échappe néanmoins à la lâcheté. Il y a là un étrange paradoxe. On se sépare. « Nous nous en allons aujourd’hui, moi condamné par vous à la mort, eux condamnés par la vérité pour leur dépravation et pour leur injustice ». Si Socrate est condamné par la justice des hommes, ses accusateurs sont condamnés par la vérité. Par conséquent, il y a bien une justice véritable, plus haute que la justice des hommes, et qui est du côté de la vérité. C’est pourquoi Socrate adresse à ceux qui l’ont condamné une malédiction. En effet, une tradition attribuait à ceux qui allaient mourir des dons de divination. Il prévoie les pires maux pour les accusateurs qui ont voulu se débarrasser de lui. Or, il ne s’agit pas là de ressentiment. Car si les méchants s’attirent le malheur, c’est qu’ils n’auront pas accepté de se corriger. En d’autres termes, le méchant se fait l’agent de sa propre punition. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille pas dénoncer la violence des méchants (et Socrate ne se prive pas de le faire !……). « Cette façon-là de délivrer n’est ni très aisée ni très belle, mais la plus belle et la plus facile, c’est non pas d’écharper les autres, mais de se préparer soi-même à être le meilleur possible » (39d). Que signifie ce passage? Il pose implicitement une question: pourquoi cette haine et cette violence contre Socrate ? C’est qu’elle permet de détourner l’attention : elle permet d’éviter aux accusateurs de voir leurs propres fautes en dénonçant chez un autre des fautes imaginaires. En d’autres termes, accuser le juste est une technique de « défausse » (on se défausse sur l’autre de ses propres responsabilités). - 27 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - Il en résulte que la véritable justice ne consiste pas à se croire plus juste que l’autre (pour faire de lui éventuellement un bouc émissaire….....) mais bien à essayer modestement de corriger ses propres défauts. 39d-42a : à ceux qui l’ont acquitté A ceux qui l’ont acquitté et qu’il peut tenir pour ses amis, Socrate va prodiguer consolations et encouragements. Cela est étonnant dans la mesure où c’est plutôt le condamné qui a besoin du soutien de ses proches. Tout d’abord, il leur rend hommage (« j’aurais eu plaisir à dialoguer avec vous »), puis leur demande de rester car il désire encore deviser avec eux. Nous voyons que, jusqu’au bout, Socrate reste fidèle aux siens. Et voici ce qu’il leur dit. Il est arrivé cette chose extraordinaire que pour la première fois tout au long de cette journée, son démon s’est tu. Son démon, c’est-à-dire cette voix intérieure « qui lui fait obstacle dans les plus minces occasions s’il est sur le point d’agir sans droiture ». Voilà donc une preuve supplémentaire que tout au long de son procès Socrate a agi et parlé de manière juste. Dans ces conditions, et si la mort est le prix de la justice, cela signifie que la mort est elle-même peutêtre un bien (« il y espoir que la mort soit un bien » 40c). C’est pourquoi ce discours sur la vocation du philosophe qu’est l’Apologie de Socrate va se terminer par une méditation sur la mort. L’enjeu est de comprendre pourquoi il est légitime d’affronter la mort au nom de la vérité. En d’autres termes, il s’agit de comprendre en quoi la mort n’a rien de redoutable, en tout cas pour le sage. Car cette question de la mort nous place face à une alternative très simple. - 28 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - En effet, soit elle est un pur néant. Dans ces conditions, elle n’est pas à craindre précisément parce qu’elle est absence de perception. Car on ne peut pas se percevoir…… mort ! La mort serait donc comme un sommeil sans rêve, c’est-à-dire un sommeil…… parfait ! Et qui pourrait se plaindre d’avoir parfaitement dormi ?……. Ainsi représentée, la mort ne peut être qu’un « gain » (40e). L’autre interprétation de la mort serait d’y voir une « migration » de l’âme. Or, c’est sur cette interprétation que s’accordent les différentes traditions, qu’elles soient mystiques ou religieuses. Ainsi, toutes ces traditions tombent d’accord pour affirmer que dans l’au-delà, c’est-à-dire au séjour des morts, les âmes comparaissent devant des juges qui sont des juges véritables parce que divins. Remarque. Ainsi, dans la mythologie grecque, siégeaient aux Enfers trois juges réputés pour leur impartialité exemplaire : Minos, Rhadamante et Eaque. Ceux-ci procédaient à une pesée des âmes (« psychostasie ») au terme de laquelle chacun était récompensé ou puni de manière équitable, c’est-àdire en fonction de ses actes passés et de ses vertus réelles. Socrate affirme donc sa confiance dans ses futurs juges pour corriger l’iniquité dont il a été victime. Et il espère comme récompense de pouvoir rencontrer dans l’au-delà ceux qui, comme lui, ont eu une existence juste : les poètes, les héros, etc.. A défaut d’être certain de ce qu’il y a après la mort (« si ce qu’on raconte est vrai » 40c), le sage est néanmoins en mesure d’espérer un bonheur infini. Remarque. - 29 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate Ce texte a donc aussi une portée « eschatologique »......... Il traite des fins dernières de l’humanité. Dans ces conditions, et au terme de cette analyse du sens de la mort, on peut comprendre pourquoi le sage ne peut être touché par le mal, et qui plus est par ce mal absolu que semble être la mort. « Il n’y a pas de mal possible pour un homme de bien, vivant ou mort » (41c). En effet, soit la mort n’est ni un bien ni un mal parce qu’elle est un pur néant. Soit elle est une promesse de survie, donc de jugement équitable et de récompense, et par conséquent elle est un bien......... mais pour l’homme juste seulement !!!.......... Par ces propos, Socrate s’efforce de fortifier la foi de ses amis et de ses disciples. Le discours se termine donc par une sorte de « transmission du flambeau ». Socrate invite ses disciples à continuer de dénoncer la corruption et la méchanceté, comme lui-même l’a toujours fait. « Mais voici l’heure de nous en aller, moi pour mourir, vous pour vivre ». Chacun doit suivre son destin, puisqu’il a été fixé par le dieu, qui seul voit clair dans nos pensées et dans nos vies. Par conséquent, il n’y a pas lieu de se plaindre ni de se révolter. En mettant toute sa confiance dans le dieu, Socrate accepte son sort avec un fatalisme qui force l’admiration. Remarque. Or, c’est une évocation du dieu qui constitue le point d’orgue de toute l’œuvre. Elle contredit évidemment l’accusation d’impiété. V. Intérêt philosophique du texte Nous conclurons en abordant une fois de plus la - 30 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate question de l’éducation…… 1) En effet, la question essentielle de l’Apologie demeure la suivante : peut-on amener un homme à prendre soin de soi ? Peut-on l’amener à devenir meilleur ? Et comment éduquer par temps de crise ? Or, à l’heure actuelle, la question de l’éducation n’est toujours pas résolue, chaque génération se plaignant de l’autre. Bizarrement, Socrate ne répond jamais à cette question. En tout cas pas directement. ….. Et pourtant, il est impossible qu’une telle question reste sans réponse. En effet, la laisser sans réponse, ce serait ôter tout crédit à la philosophie. Rappelons que cette question se double d’une autre question : qui est en mesure d’éduquer ? On se souvient de la réponse apportée Mélétos. N’importe qui est en mesure d’éduquer. Il n’y a pas de compétence, innée ou acquise, qui donnerait plus d’autorité à un homme plutôt qu’à un autre. Or, cette réponse scandalise Socrate. Il s’indigne de ce qu’on prenne plus de soin des chevaux que des hommes. Son analogie favorite est celle du navire : demande-t-on aux passagers d’élire le candidat qui parle le mieux pour piloter un navire ? Par conséquent nous voyons que Socrate n’est pas un démocrate. Dans ces conditions, la réponse socratique à la question de l’éducation tient en deux idées contradictoires. Oui, la vertu s’enseigne, car elle est une science. Non, elle ne s’enseigne pas comme on transmet un savoir ou un savoir-faire. 2) La vertu est une science. Socrate est un rationaliste. Cela signifie qu’il a confiance dans la philosophie (c’est-à-dire dans le pouvoir de la pensée……) pour - 31 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate rendre les hommes meilleurs. C’est pourquoi l’enseignement de Socrate a pu être résumé de la manière suivante : « nul n’est méchant volontairement » (Ethique à Nicomaque, 1145 b). C’est pourquoi, dans le dialogue avec Mélétos, lorsque Socrate fait semblant d’admettre qu’il a corrompu la jeunesse sans le vouloir et sans le savoir, il ajoute que celui qui fait erreur ou est ignorant, il faut l’éclairer. Le punir ne servirait à rien. « …. Car il y a tout lieu de croire, qu’ainsi éclairé, je ne ferai plus ce que je fais sans le vouloir » (26a). Cela signifie que personne ne ferait le mal s’il le connaissait pour tel. Car, en effet, le mal ne nuit pas qu’aux autres, il nuit au méchant lui-même. Ainsi, un homme qui voudrait corrompre la jeunesse en sachant qu’il la corrompt, voudrait donc être entouré d’êtres malfaisants et de scélérats. Par conséquent, vouloir le mal, ce serait vouloir son propre malheur et cela, nul ne le veut. Il est donc évident que tout homme veut le bien. On comprend donc qu’il n’y a de mal que par ignorance ou erreur. Tel est bien l’optimisme rationaliste qui caractérise Socrate : une conscience instruite ne saurait être mauvaise. Et si le mal est ignorance, la vertu est bien science: précisément science du Bien. 3) Mais si la vertu est science, celle-ci peut-elle s’enseigner? Et comment ?….. Cette question est abordée dans un autre dialogue, le Ménon. Et ce n’est pas un hasard si Anytos y prend part à la conversation. Il s’agit d’un dialogue complexe. On peut néanmoins en résumer l’acquis. Il est paradoxal : certes, la vertu peut s’enseigner, mais de manière purement intérieure et non pas extérieure. Qu’est-ce que cela signifie ? - 32 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - Tout simplement que la véritable science est ce que chacun retrouve en soi, sans qu’il ait à passer par un maître. En d’autres termes, la vertu serait ce savoir oublié qui nous vient de l’époque où l’âme n’était pas encore prisonnière du corps. Car, en matière de morale, chacun sait bien au fond de lui ce qu’il a à faire. La vertu n’est donc pas une connaissance extérieure mais bien quelque chose qu’il convient de se réapproprier de l’intérieur. Ainsi s’explique (une fois de plus….) la méthode de Socrate, qui consiste à interroger chacun. En effet, lui qui est ignorant peut néanmoins aider son interlocuteur à enfanter l’idée du bien qu’il porte en lui. Par conséquent, c’est sous l’effet de l’étonnement provoqué par la question que chacun retrouve cette vertu cachée, oubliée. Dans ces conditions, si la vertu est science du bien, c’est d’abord parce qu’elle est science de soi. Car c’est bien là, la grande leçon de l’Apologie : pour réformer la Cité, il ne suffit pas de vouloir que les autres deviennent meilleurs, mais il convient de le devenir soi-même. En d’autres termes, Socrate est éducateur par ce qu’il est celui qui s’éduque d’abord lui-même (ce en quoi son ignorance prend tout son sens…..). Et c’est en cela que Socrate est une figure exemplaire. Remarque. Albert Schweitzer formule la même idée de manière à peine différente : « L’exemple n’est pas le meilleur moyen d’influencer les autres, c’est le seul ». 4) Mais, du coup, comment expliquer l’échec de Socrate ? - 33 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - C’est que, ordinairement, les hommes sont habités par une étrange et fondamentale passion : c’est la haine. En d’autres termes, ils adorent haïr. Et ce qu’ils adorent haïr plus que tout, c’est la pensée (c’est-àdire ce qui va à l’encontre de leurs préjugés…...) Car tel est le grand enjeu de l’Apologie : la haine de la pensée. Car, aujourd’hui encore, prétendre penser par soi-même reste la chose la plus scandaleuse qui soit (ainsi, ce que les élèves attendent de la philosophie, c’est la confirmation de leurs préjugés et….. une réussite assurée à l’examen). C’est pourquoi le procès de Socrate est loin d’être clos. On pourrait même dire que l’histoire de la philosophie est l’histoire du procès perpétuellement intenté à la philosophie……. Dans ces conditions, on ne peut apprendre à philosopher qu’en s’efforçant de désapprendre la haine…….. - 34 - 16/04/17 - L’apologie de Socrate - Introduction I. Les circonstances politiques II. Les chefs d’accusation a) Socrate corrupteur de la jeunesse b) L’impiété III. Le déroulement du procès IV. La structure de l’oeuvre A. Premier discours : le plaidoyer de Socrate a) Prologue : 17a-18a (qu’est-ce que bien parler ?) b) Les anciennes accusations 18a-19a (l’affaire Aristophane) 19a-19e (Socrate n’est pas un physicien) 19e-20d (Socrate n’est pas un sophiste) 20d-24a (l’oracle de Delphes) c) Réponse à l’acte d’accusation 24a-26a (dialogue avec Mélétos : la question de l’éducation) 26b-28a (dialogue avec Mélétos, suite : la question de l’impiété) d) Le philosophe et la Cité 28a-31c (la mission de Socrate) 31c-35d (Socrate et la politique) B. Deuxième discours : le repas au Prytanée ou la ciguë ? C. Troisième discours : vers les vrais juges 38c-39d : à ceux qui l’ont condamné 39d-42a : à ceux qui l’ont acquitté V. Intérêt philosophique - 35 -