L’Apologie de Socrate
Introduction
1)
Faire l’apologie de quelqu’un, c’est en faire l’éloge.
C’est aussi prendre sa défense. Or, ce texte de Platon
se présente comme un document historique, c’est-à-
dire un document brut.
En effet, nous sommes censés lire le texte même de la
plaidoirie que Socrate présenta lors de son procès,
en 399 avant Jésus-Christ.
Or, cela est surprenant dans la mesure Socrate n’a
jamais écrit et s’est même refusé à le faire. En
d’autres termes, Socrate est un des ces rares
philosophes à n’avoir laissé derrière lui aucune
trace.
Tout se passe donc ici comme si Platon s’était fait le
secrétaire de Socrate……. Il y a donc lieu de
s’interroger : a-t-il été un secrétaire fidèle ? Peut-on
répondre à cette question ?.............
2)
Par ailleurs, ce texte pose aussi problème dans la
mesure Socrate y apparaît comme un sage
admirable. Mais, dans ces conditions, comment
expliquer qu’il se soit trouver assez d’Athéniens
pour le condamner comme impie et corrupteur ?
Ainsi, parmi les différents témoignages qui nous ont été
laissés sur Socrate, on relèvera la pièce
d’Aristophane qui a pour titre les Nuées. Elle fut
jouée en 423 (c’est-à-dire longtemps avant le procès).
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Socrate y est présenté comme un maître à penser
obscur, ridicule et dangereux. Bref, comme un
charlatan, une caricature de sophiste. Nous y
reviendrons……
Du coup, on est en droit de s’interroger : qui était le
véritable Socrate ? De Platon ou d’Aristophane, qui
faut-il croire ?……. Socrate, celui-là même qui est à
l’origine de toute la tradition philosophique de
l’Occident, reste un parfait mystère..........
C’est néanmoins ce mystère que nous allons nous
efforcer de sonder.............
I. Les circonstances politiques
1)
Le procès de Socrate a lieu alors que la démocratie
vient d’être tablie à Athènes, au termes de troubles
violents qui ont déchiré la Cité.
Suite à sa défaite face à Spartes, Athènes connaît une
période de dictature. Les « Trente » dirigent la Cité
en dénonçant la démocratie qui serait à l’origine du
déclin. Avec l’appui des Spartiates, ils font régner la
terreur et se signalent par leur corruption.
La tyrannie des Trente est renversée en 403 et la
démocratie est rétablie. Or, il semble que Socrate ait
eu des liens avec certains des Trente. En tout cas, il
connaissait deux d’entre eux : Critias et Charmide.
Par ailleurs, on trouve dans l’entourage de Socrate
un autre personnage inquiétant : Alcibiade, général
brillant mais corrompu, et qui aura été indirectement
responsable de la défaite d’Athènes. Réfugié à
l’étranger, Alcibiade est assassiné sur l’ordre des
Trente.
Il ne faut donc pas oublier que le procès de Socrate
est aussi un procès politique (vraisemblablement un
règlement de compte……).
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Par conséquent, il s’agit pour Socrate de se
démarquer de ses amitiés compromettantes. C’est
pourquoi il s’efforce de montrer qu’il n’a jamais fait de
politique et qu’il a dénoncé aussi bien les abus des
Trente que ceux de la démocratie.
2)
On le sait, le procès aboutit à la mort de Socrate. Or,
Athènes ne condamnait à mort que ses généraux
vaincus et ses hommes politiques corrompus. Mais
Socrate n’est ni un soldat ni un politique…….
Au mieux, c’est une sorte d’« orateur des rues »......
Dans ces conditions, comment lui attribuer une
responsabilité quelconque dans la décadence de la
Cité ?
C’est qu’il faut voir en lui une des première figures
(en fait, « la » première figure….) de ce qu’on
appellerait aujourd’hui un « intellectuel ». Qu’est-ce
qu’un intellectuel ?
C’est quelqu’un qui exerce une autorité, laquelle ne
s’appuie pas sur le pouvoir institutionnel. Cette
autorité est donc purement morale....... Or, c’est
précisément en cela que le procès de Socrate est un
procès historique.
Par conséquent, le procès de Socrate pose le
problème de la vocation politique du philosophe et
de la philosophie en général.
Or, pour un Grec, le problème politique n’est pas un
problème parmi d’autres, c’est-à-dire une question
qui serait certes importante mais d’un rang secondaire.
Au contraire, le problème politique est essentiel dans la
mesure où l’homme et le citoyen se confondent. En
effet, pour un Grec, on ne peut être homme que pour
autant qu’on est citoyen.
C’est pourquoi la définition qu’Aristote donne de
l’homme est la suivante : c’est un « animal politique »,
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c’est-à-dire un animal qui vit dans des cités.
Cependant, jusqu’où peut aller cette confusion entre
l’homme et le citoyen ? Jusqu’où doit aller la solidarité
entre l’individu et sa communauté ? Car la question
implicite que nous pose Socrate est bien la suivante :
comment peut-on être juste dans une Cité qui ne
l’est pas ?
En effet, sa vie durant, Socrate a enseigné afin
d’exhorter ses concitoyens à devenir meilleurs. Or, sa
mise en accusation consacre son échec en tant que
citoyen. Elle apporte la preuve que la Cité est
irréformable.
Dans ces conditions, Socrate ne peut témoigner de
son attachement à la justice qu’en acceptant de
sacrifier sa vie.
C’est pourquoi accepter le verdict injuste de ses
concitoyens est une ultime manière de protester
contre l’injustice.
C’est en cela que le procès de Socrate va bien au-
delà du simple contexte politique athénien et prend
une portée véritablement universelle.
Par conséquent, avant d’être citoyen, Socrate est
homme. Et c’est bien parce qu’il est avant tout
homme (c’est-à-dire plus homme que citoyen…..) qu’il
peut condamner les mœurs politiques de son
temps.
Remarque.
Mais, du coup, la place que Socrate revendique au
sein de la Cité est bien ambiguë…….......
En effet, d’un côté, il prétend être le seul à faire
authentiquement de la politique : ainsi, il s’efforce de
rendre les Athéniens meilleurs !!!............
Mais de l’autre, il refuse toute participation aux
affaires de la Cité (si ce n’est en acceptant
passivement un verdict de mort…….).
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Le paradoxe que pointe l’attitude de Socrate serait
donc le suivant : on ne peut être fidèle à la Cité qu’en
étant fidèle à soi-même (c’est-à-dire à la voix de sa
conscience……).
3)
Cependant, si Socrate connaît lui-même l’échec,
Platon ne renonce pas à la volonté socratique de
réformer de la Cité.
Dans une de ses œuvres de la maturité, la République,
il entend tirer les leçons de l’ambiguïté socratique.
La question très concrète que se pose Platon sera
donc la suivante : à qui faut-il confier la tâche de
commander les hommes ?…..
La réponse lui paraît assez évidente: à ceux qui
réfléchissent, qui assument par conséquent la tâche
difficile de penser, c’est-à-dire aux philosophes…..
La grande idée de la République serait donc la
suivante : il faut donner la charge de l’Etat…… à
ceux qui précisément n’en ont aucune envie
(rappelons que Socrate refuse de faire de la
politique…..). En d’autres termes, il faut confier le
pouvoir à ceux qui le fuient.
En effet, seul le philosophe est exempt de toute
ambition personnelle (car la pensée seule lui
suffit…..). C’est pourquoi il est le seul en mesure
d’assumer le pouvoir comme un service de la Cité.
C’est pourquoi, le philosophe aura à « descendre
jusqu’au trône »….... Alors que tant d’autres
s’imaginent qu’il faut y monter !!!!….....….
4)
Dans ces conditions, par son détachement, Socrate
constitue un exemple pour la Cité. Cependant, ce
détachement fait de Socrate un personnage assez
déconcertant.
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