compliments à la française venant de la part du visiteur ne seront pas appréciés par le vieillard qui,
par contre, deviendra très ouvert devant la curiosité du personnage, curiosité qui l’incitera à parler.
Plusieurs problèmes religieux sont abordés : le baptême, la circoncision, la communion, l’attitude
envers la guerre. Ainsi, les anabaptistes (les quakers représentent une des branches des anabaptistes
persécutés en Europe Centrale dès la fin du Moyen Àge) ne reçoivent pas le baptême ce qui, d’après
l’exégèse catholique déterminerait leur classement parmi les demi-chrétiens. L’hôte explique qu’il
prend l’Épitre aux Corinthiens à la lettre donc que saint Paul n’avait pas eu comme mission de
baptiser mais de prêcher l’Évangile. On pourrait aussi bien, dans ce cas, reprocher aux autres
chrétiens l’absence de circoncision puisque Jésus y avait procédé. Au sujet de la communion, le
vieillard soutiendra que « les sacrements étaient tous d’invention humaine et le mot sacrement ne se
trouvait pas une seule fois dans l’Évangile »
. Conclusion : toutes les dissensions entre les religions
ne viennent que de l’interprétation des textes saints.
L’occasion de participer à une réunion de cette secte donne à l’auteur la possibilité de
présenter, dans la deuxième lettre, l’histoire de la secte, son installation en Pennsylvanie, le nombre
réduit de quakers qui restent à Londres et en Angletere parce que « Par tout pays, la religion
dominante, quand elle ne persécute point, engloutit à la longue toutes les autres »
. Les quakers en
France s’occupent surtout du commerce et n’ont pas de positions publiques.
Les presbytéranisme, religion dominante en Écosse, imitant le calvinisme pur de Genève, est
comparé au jansénisme « fanatique » (à l’avis de Voltaire) ordre religieux auquel il reviendra dans
la lettre XXV pour le combattre sur le plan doctrinaire à travers les Pensées de Pascal. Pourtant,
nous trouvons à la fin de cette lettre sur les presbytériens des phrases sur la tolérance – à la Bourse
de Londres toutes les religions s’entendent parce qu’elles ont un langage commun, le désir du bien-
être matériel, idées manifestées aussi lorsqu’il parle des quakers. Iddées reprises d’aiileurs trente
ans plus tard dans son Dictionnaire philososphique où, à l’article « Théiste » il fait la remarque
suivante:
Qu’à la bourse de Londres, ou de Surate, ou de Bassora, le guèbre, la baniain, le
juif, le mahométan, le déicole chinois, le bramin, le chrétien grec, le chrétien romain, le
chrétien protestant, le chrétien quaker trafiquent ensemble : ils ne lèveront pas le poignard
les uns sur les autres pour gagner des âmes à leur religion. Pourquoi donc nous sommes-
nous égorgés presque sans interruption depuis le premier concile de Nicée?
S’il met en discussion les sociniens, c’est aussi pour marquer leur rapprochement des déistes
qui sont mal entendus. En fait, la plupart des religions que Voltaire n’accepte pas ont de nombreux
adeptes, tandis que celles qui sont plus proches des idées de Newton et de Locke ne sont pas
entendues.
Nous avons expressément laissé la cinquième lettre à la fin pour mettre en évidence les idées
que Voltaire a au sujet des religions. Il est déiste, il est vrai, mais il ne refusera pas d’autres
croyances tant qu’elles ne nuisent au bien-être général. « C’est ici le pays des sectes. Un Anglais,
comme homme libre, va au Ciel par le chemin qui lui va. »
L’auteur considère que, en ce qui
concerne les moeurs, le clergé anglican est plus réglé que celui de France parce qu’il vit une bonne
partie de sa vie dans les universités et se situe loin de la corruption et du capital. Il arrive à des
diginités très tard « dans un âge où les hommes n’ont d’autres passions que l’avarice lorsque leur
ambition manque d’aliments ». En plus, en Angleterre il n’y a pas d’abbés ces personnes qui
Lettre I, 3Sur les quakers3, des Lettres philosophiques, éd. citée, p. 40.
Ibid. p. 53.
Voltaire, Dictionnaire philosophique, Chronologie et préface par René Pomeau, Paris, Garnier-Flammarion, 1964. p.
363.
Lettres philosophiques, éd. citée, p. 55.