ANNEXE 1 Interaction des particules avec la matière Pour comprendre le phénomène de scintillation dans les cellules du détecteur, il faut se pencher sur la modélisation de la perte d’énergie des particules chargées dans la matière, qui interagissent majoritairement (mis à part l’électron qui perd aussi de l’énergie par rayonnement de freinage à partir d’une certaine énergie) de manière coulombienne avec les électrons atomiques. On utilise le fait que le nombre de photons issus de la cellule scintillante est proportionnel à l’énergie perdue par la particule. Classiquement, on utilise la formule de Bethe-Bloch, basée sur le calcul de la probabilité de collision particule-électron. Elle donne l’expression de la perte d’énergie par unité de longueur d’une particule de charge z et de vitesse réduite β dans un matériau cible (A,Z) de potentiel d’ionisation I présentant un coefficient d’écran κ : avec , où δ/2 est la correction de densité et l’énergie de plasma du matériau absorbant. Ne est la densité électronique du matériau cible. La perte d’énergie des muons dans le fer, dessinée sur la figure suivante, présente une décroissance en 1/β² jusqu’à un minimum d’ionisation atteint pour 3 < βγ < 4. En raison du facteur (ln βγ), la perte linéique d’énergie augmente (effet relativiste, augmentation logarithmique) jusqu’à atteindre un plateau dit plateau de Fermi ( effet de la densité). La perte d’énergie est en général exprimée en densité surfacique ds = ρdx. ANNEXE 2 Les particules cosmiques On distingue les particules cosmiques « primaires », issues de la nucléosynthèse stellaire, (leptons, nucléons ainsi que certains noyaux synthétisés dans les étoiles tels que l’hélium, le carbone, le fer…) et les particules « secondaires » produites par interaction des rayons primaires avec d’autres particules. Mis à part les électrons et les protons cosmiques, les rayons cosmiques arrivant dans notre atmosphère sont des particules secondaires. Ce peuvent être des électrons, provenant de la désintégration de mesons non chargés : π0 ---> 2γ (98.8%) ---> e+ + e- + γ (1.2%) Ce peuvent être également des muons, accompagnés de neutrios provenant de la désintégration de mesons chargés : π± ---> μ± + νμ (99.98%) K± ---> μ± + νμ (63.5%) La relation π0 ---> 2γ est la réaction principale des noyaux hadroniques formant les gerbes (Cf. figure suivante), cascades engendrées par un seul rayon cosmique qui, par interactions successives avec les particules atmosphériques, provoque une réaction en chaîne formant, par de mulitples processus (diffusions, captures et désintégrations nucléaires, désintégrations spontanées…) diverses particules de moins en moins énergétiques. Les particules incidentes proviennent la plupart du temps de galaxies autres que la notre (une infime partie étant issue de notre soleil), et ont un temps de vie de l’ordre de la microseconde dans certains cas (cas du muon). Inutile donc de préciser que celles qui n’ont pas été ralenties par le vent solaire et parvenant jusqu’à la couche supérieure de notre atmosphère sont très relativistes, et donc extrêmement énergétiques. Il en résulte des gerbes au sol dont le rayon peut atteindre plusieurs centaines de mètres. C’est une des raisons pour lesquelles les détecteurs dédiés à l’étude des gerbes atmosphériques tels que le futur détecteur AUGER, afin de reconstituer l’ensemble de l’énergie de la gerbe, ont une surface au sol très importante (plusieurs kilomètres carrés). Une autre raison est le taux infime de particules très énergétiques parvenant jusqu’au sol sans avoir interagi (ou le moins possible) avec l’air. Le flux de muons au sol est d’environ 1muon par cm² et par minute (le muon étant la trace principale de rayonnement cosmique détectable par les scintillateurs à notre niveau). Il est à noter, au vue de la courbe de Bethe-Bloch de l’annexe 1, que les muons étant très relativistes, ils se situent sur le plateau de Fermi, laissant ainsi une quantité d’énergie par centimètre de matière parcouru à peu près constante ; cependant, les fluctuations d’interaction sont non négligeables. Par la technique de coïncidence verticale, nous sommes en mesure de sélectionner des muons relativement verticaux, les obligeant à parcourir toujours la même distance dans le scintillateur. Par abus de langage, on nomme cette quantité d’énergie « MIP » , alors que ce terme est en principe réservé aux particules se situant dans le « puits » de la courbe de Bethe-Bloch appelé minimum d’ionisation. (« MIP » signifiant Minimum Ionizing Particle). ANNEXE 3 Caractéristiques de quelques éléments du détecteur et reconstruction des événements Le calorimètre électromagnétique ECAL : 70 couches d’absorbant+scintillateur, soit 43.8cm (25 X0) absorbant : plaques de 2mm de plomb échantillonnage : cellules de 4mm d’épaisseur de scintillateurs PS Cast Polystyrène détail des cellules : 1472 4x4 à l’intérieur, 1792 6x6 au milieu et 2688 12x12 en périphérie fibres dans la direction transverse : Kuraray Y-11(250) double gainage type S à l’intérieur Bicron BCF91a au milieu et en périphérie photomultiplicateurs monoanodes Hamamatsu R5900 6.3x7.8 m Le calorimètre hadronique HCAL : 5.6 λi d’absorbant+scintillateur absorbant : plaques de fer de 6mm d’épaisseur échantillonnage : cellules de 3mm d’épaisseur de scintillateur PS Cast Polystyrène espaces de 4mm aménagés pour les gerbes électromagnétiques détail des cellules : 860 13.13x13.13 à l’intérieur et 608 26.26x26.26 en périphérie photomultiplicateurs monoanodes Hamamatsu R5900 fibres WLS, même principe que le ECAL, Y-11(250) double gainage S 6.8x8.4 m Les détecteurs de muons : deux technologies de chambres à muons (à gaz) : Cathode Pad Chambers (CPC), détecteurs restant efficaces pour de hautes fréquences ; Multigap Resistive Pad Chambers (MRPC) placées en retrait derrière les boucliers pour ne pas recevoir trop d’évènements (limite à 5kHz/cm²) 1 CPC de 0.2m (M1 sur la figure 1 du rapport) et 4 MRCP-CPC de 0.4m (M2–M5) 1 premier bouclier de fer de 0.3m, puis trois autres de 0.7m Voici quelques exemples de reconstruction d’événements afin de mieux comprendre le fonctionnement de l’ensemble du détecteur : Un électron incident laissera en théorie un MIP dans le SPD, puis formera immédiatement une gerbe électromagnétique dans la première couche de plomb. Les particules chargées ainsi créées (électrons en majorité) laisseront un MIP chacune dans le PS, puis déposeront dans le ECAL le reste de leur énergie. Un photon ne laissera pas d’énergie dans le SPD étant donnée sa neutralité électrique. Il se matérialisera en revanche très vite en une paire e+ e- en traversant le plomb, formant le même type de gerbe électromagnétique que les électrons. Les particules formées se comporteront de la même manière que pour un électron, comme décrit ci-dessus. On voit donc bien ici l’importance du SPD pour différencier un photon d’un électron à leur entrée dans le calorimètre. Lorsqu’il s’agit de hadrons chargés (par exemple un méson π+ ), ils déposent un MIP dans le SPD de par leur charge électrique. En revanche, sa masse étant très grande devant celle des électrons, les interactions coulombiennes le freinent peu. La particule arrive alors dans le PS, et laisse à nouveau un seul MIP. Elle peut ensuite traverser entièrement le ECAL en ne laissant que 1 MIP à chaque traversée de scintillateur et laisser toute son énergie dans le HCAL (où la densité de noyaux est plus importante), ou commencer à faire une gerbe hadronique dans le ECAL. Ce type de gerbe résulte d’interactions nucléaires, et seront donc caractérisées par un important moment transverse, contrairement aux gerbes électromagnétiques où l’essentiel des particules est produit vers l’avant. NB : les hadrons ont une probabilité d’interaction plus importante dans le fer que dans le plomb à masses de fer et de plomb égales. En effet, le rapport Z/A (Cf. formule de BetheBloch) décroît légèrement lorsque A augmente et la quantité dE/ρdx (MeV.cm²/g) est donc plus faible pour le plomb que pour le fer. Cependant, la perte par ionisation est négligeable pour les hadrons, qui n’interagissent fortement qu’avec les noyaux. Lorsqu’il s’agit de muons, la particule étant élémentaire, et ayant une durée de vie relativement élevée (environ une microseconde), aucune gerbe ne sera détectée, la particule laissant uniquement un MIP dans chaque scintillateur traversé. Sa trajectoire sera en revanche déviée par l’aimant, et elle laissera des traces dans les chambres à muons M1 à M5. On comprend ainsi mieux comment, à partir des informations des différents détecteurs du calorimètre et des détecteurs de muon, constituant le niveau de déclenchement de niveau zéro, le détecteur peut « online », c'est-à-dire en temps réel, faire un premier tri des événements intéressants à analyser. Par la suite, grâce notamment aux détecteurs de traces (T1 à T11 sur la figure 1), on peut reconstituer les trajectoires de particules chargées dans le détecteur. L’identification d’une particule chargée à partir de sa trace se fait « offline » grâce aux deux détecteurs RICH (placés avant et après l’aimant de 1.1T afin de reconstituer le moment de la particule par son rayon de courbure et de retrouver ainsi sa masse, avec sa vitesse que l’on déduit de la lumière Cěrenkov recueillie) mais aussi grâce aux détecteurs de traces qui permettent de calculer le moment de la particule. ANNEXE 4 Comment mettre en évidence la violation de CP ? [7] Dans le système des Kaons, on a observé la désintégration : K+ μ+ νμ (1) Or, le K+ est composé d’un quark u et d’un quark s. En général, les transitions par interaction faible ont lieu à l’intérieur d’une même « famille ». Les trois familles existantes sont les suivantes : neutrino lepton e e quark (léger) quark (lourd) u d c s t b On a donc, dans la désintégration (1), une transition entre deux éléments de familles différentes. On a, pour l’interaction faible, un mélange des quarks « down » des trois familles : u d’ c s’ t b’ , d’, s’ et b’ étant des combinaisons linéaires des états propres de masse des d, s et b, ce qui revient à, pour les deux premières familles : d’ = d . cos θc + s . sin θc s’ = -d . sin θc + s . cos θc θc étant l’angle de Cabbibo = [12.7 ± 0.1] ° La matrice Cabbibo Kobayashi Maskawa (CKM) décrit le mélange des trois familles dans les désintégrations faibles : Avec λ = sin θc = 0.221 ± 0.002 Les différents coefficients de la matrice sont issus de la paramétrisation de Wolfenstein. Ainsi, les transitions entre familles (ud) et (cs) de la désintégration (1) évoluent comme λ. De même, pour la violation de CP dans l’oscillation K°- K°, le paramètre Vcd est important. Pour les mesons B, Vtd et Vts deviennent importants. A noter que la violation de CP est toujours due au fait que le paramètre imaginaire i.η est non nul. Six des neuf conditions d’unitarité de la matrice CKM peuvent être représentées sous forme de triangles dans le plan complexe. Aux mesons B correspondent les deux triangles suivants, tracés à partir des deux conditions d’unitarité mentionnées sur le schéma : L’étude des valeurs des angles α, β, γ et δγ peut se faire à partir de l’étude des états finaux de certaines désintégrations (voir tableau ci-dessous). L’avantage du système des mesons B est que les côtés des triangles d’unitarité sont de longueurs à peu près égales, donc les angles sont grands. Les mesures sont donc facilitées, et LHCb proposera les mesures les plus précises jamais obtenues jusqu’à présent, pour étudier au mieux cette violation de CP dans le système des mesons B. Toute la difficulté réside dans le fait que le meson B étant très lourd, il peut se désintégrer en un grand nombre de particules différentes. On dit que le « rapport d’embranchement » de chacune des désintégrations est très faible. Certains des canaux de désintégration risquent alors d’être « pollués » par des modes proches, comme par exemple le canal Bs0 -> Ds+/- K-/+ , très proche de Bs0 -> Ds+/- π--/+, de rapport d’embranchement dix fois supérieur et pour lequel aucune asymétrie CP n’est attendue. Il faut donc par exemple être en mesure de séparer expérimentalement les Pions des Kaons, qui sont tous deux des hadrons chargés, grâce notamment aux détecteurs Cerěnkov.