1 LOMBALGIES CHRONIQUES LES SOINS LORS D’UN SYNDROME DE DECONDITIONNEMENT BUT : Réentraînement à l'effort L'objectif des protocoles de réentraînement à l'effort est la reprise du travail, travail qui a été arrêté depuis un temps plus ou moins long à la suite de l'histoire lombaire. En pratique, cet objectif n'est pas envisageable pour tous les patients qui relèvent du protocole de réentraînement à l'effort et l'amélioration de la qualité de vie devient alors la finalité du traitement. Moyens Des moyens importants en matériel, personnel et formation sont nécessaires pour réaliser ce protocole. Lorsque l'on en dispose, l'usage d'outils d'évaluation de la force musculaire sur dynamomètre informatisé s'avère d'un apport considérable (évaluation et rééducation isocinétique). Une gamme étendue de machines de musculation et d'appareils d'entraînement cardiorespiratoire est indispensable. Les équipes thérapeutiques doivent impérativement être des équipes pluridisciplinaires, formées à la prise en charge de patients handicapés. Une coordination rigoureuse par le médecin de Médecine Physique permet d'harmoniser la prise en charge immédiate et à distance, du patient. Modalités Les patients peuvent être adressés par les médecins de la consultation des douleurs chroniques et rebelles, pour la prise en charge de ce versant de leur syndrome douloureux chronique. L'évaluation est faite en consultation externe ou, mieux, au cours d'une hospitalisation d'une demi-journée ou d'une journée complète. -1- L'évaluation initiale C'est le moment clé de la prise en charge. 1.1 Anamnèse L'évaluation initiale débute par un entretien approfondi avec le médecin qui doit analyser le dossier, souvent volumineux, du patient. Il importe de savoir si le temps est venu d'arrêter les investigations à la recherche d'une cause curable et de considérer les douleurs persistantes comme des douleurs définitivement séquellaires. Il faut également apprécier les capacités d'apprentissage du patient: est-il capable de comprendre que les douleurs "symptômes" vont être considérées par l'équipe soignante comme des douleurs "séquelles" qu'il faut surmonter. Les douleurs symptômes deviennent des douleurs séquelles...sujet de discussion avec le patient. Des mesures qualitatives, mais aussi quantitatives, de ces douleurs et de leurs répercussions sur la qualité de la vie sont réalisées. 2 Outils : . L’évaluation psychologique . L'histoire médicale doit être retracée. .Schéma des sites douloureux .Evaluation selon les critères ANAES. .Echelle Visuelle Analogique .Echelles d'impotence fonctionnelle ou de Qualité de Vie Aucune Très peu Un peu Difficile(3) Très Incapable(5) difficulté(0) difficile(1) difficile(2) difficile(4) Sortir du lit Dormir toute la nuit Vous retourner dans le lit Rester debout durant 20à 30 minutes Rester assis sur une chaise durant plusieurs heures Monter un seul étage à pied Faire 300à 400 mètres Marcher plusieurs kms Atteindre des objets sur des tablettes assez élevées Lancer une balle Courir à pae près 100m Sortir des aliments du réfrigérateur Faire votre lit 3 Mettre vos chaussettes Vous pencher pour laver la baignoire Déplacer une chaise Tirer ou pousser des portes lourdes Transporter deux sacs d’épicerie Soulever et transporter une grosse valise Le patient lombalgique chronique a trois vies : la première, est celle qu'il vit avec le monde médical et paramédical, avec ses contradictions, , ses échecs et ses errances, la deuxième, est celle qu'il vit avec le monde du travail et les différentes structures médico-socio-administratives : avec ses collègues et son employeur, la Médecine du Travail, le Médecin Conseil, la COTOREP, les assureurs, les banquiers, etc...(Cf CD-ROM Doris, Laboratoires Fornet) La situation financière du lombalgique chronique est importante à connaitre. L'existence de bénéfices secondaires peut hypothéquer la réussite du protocole de réentraînement à l'effort. la troisième est personnelle, elle comprend les répercussions de sa pathologie sur sa personnalité, son entourage. Une évaluation psychologique est de règle. Recherche des contre-indications Le bilan médical initial recherche également des contre-indications à la pratique d'un effort soutenu. Au-delà de 40 ans, une épreuve d'effort est nécessaire en présence de facteurs de risque. Eval uation musculaire L'évaluation initiale comprend: La mesure de l'extensibilité musculaire . Elle concerne les chaînes musculaires antérieures et postérieures : - la mesure de la distance doigts-sol est simple et rapide. - la mobilité globale du rachis peut se mesurer à l’aide d’un goniomètre simple ou à l’aide d’un goniomètre électronique 4 - la mesure de la force musculaire : en isométrique , on peut apprécier : l’endurance des fléchisseurs du tronc ( muscles abdominaux) par le test de ITO Valeurs normales : femmes normales 85,1 sec, femmes lombalgiques 57,2 sec hommes normaux 182,6 sec, hommes lombalgiques 107,9 sec - l’endurance des extenseurs (muscles spinaux) par le test de BieringSorensen Valeurs normales, sujets sains 150 sec, sujets lombalgiques intermittents 134 sec Sujets lombalgiques chroniques 85 sec. En isocinétique : de nombreux paramètres sur la fonction musculaire rachidienne sont révélés par les tests : les dynamomètres isocinétiques permettent de mesurer la force musculaire des fléchisseurs et des extenseurs du rachis. Les valeurs les plus utilisées sont : - le moment de force maximum (MFM) exprimé en Newton par mètre(N.m) et le ratio extenseurs sur fléchisseurs (rapport du MFM des extenseurs sur le MFM des fléchisseurs) Chez la majorité des sujets lombalgiques chroniques testés, une diminution de la force musculaire des extenseurs et des fléchisseurs est mise en évidence. Les extenseurs sont les plus touchés avec une diminution de 40%. Les fléchisseurs baissent de 20%. Le rapport extenseurs/fléchisseurs s'inverse chez de nombreux lombalgiques. Il est donc logique de renforcer; davantage les muscles extenseurs que les muscles fléchisseurs. Le test PILE (Progressive Inertial Lift Evaluation) : Matériel : une caisse de rangement en plastique, des poids de 2,5 et 5 kg, une table, un chronomètre permet d'évaluer l'aptitude du patient au soulever de charges. Il est demandé au patient d'effectuer 4 levers de charge, du sol à la table en 20 secondes. La progression se fait par ajout de 5 kg toutes les 20 secondes pour les hommes et 2,5 kg pour les femmes. Le test s'arrête lorsque le patient ne peut plus soulever la charge, ou lorsque la fréquence cardiaque est supérieure à 85% de la fréquence cardiaque maximum. Au total VALEUR NORMALE : la charge totale soulevée est entre 45 et 55% du poids du corps. LES CRITERES D’INCLUSION - L'histoire médico-chirurgicale doit être terminée. - Le protocole de réentraînement à l'effort n'est pas un test de dernier recours avant la chirurgie. - Aptitude cardio-respiratoire à l'effort. - Patients non psychiatriques. Il est indispensable de récuser un patient dont le comportement individuel ou en groupe peut être source de problème (personnalités hystériques ou perverses). 5 - Bilan de personnalité évaluant les répercussions de la douleur chronique. - La compatibilité avec un travail en groupe. Le patient doit pouvoir accepter les contraintes liées à la vie en groupe et dans le cadre d'une structure. - Pas d' "agenda caché" : le patient ne doit pas être en attente d'un reclassement professionnel ou d'une mise en invalidité à l'issue du protocole, sinon les objectifs sont biaisés. Si l'inclusion est décidée, il est nécessaire de passer un contrat avec le patient en raison des investissements importants mis en jeu pour le déroulement du programme et qui contrastent avec la simplicité de l'objectif du programme. Ce contrat permet de gérer une ambivalence souvent persistante entre les attentes profondes du patient et l'objectif du traitement. Déroulement du programme A-KINE - Apprentissage des auto-étirements et des postures - Réentraînement cardio-vasculaire sur machines de cardio-training - Renforcement musculaire : membres sup, membres inférieurs, fléchisseursextenseurs du tronc sur des machines du musculation isotonique. - Balnéothérapie : aqua stretching, le travail dynamique contre la résistance de l’eau ou simplement activité ludique La progression en kiné s’effectue de la Ière à la 5 ème semaine en travaillant essentiellement la souplesse et la flexibilité musculaire en début de programme et en intensifiant le travail de la force au fur et à mesure du gain en flexibilité. Le renforcement isocinétique : Il débute dès la première semaine. la agissant sur plusieurs variables : augmentation du augmentation du élargissement du progression du travail isocinétique s’effectue en nombre des séries nombre des répétitions dans la série spectre de vitesse. B-ERGO - Travail de la flexibilité par épreuves de ramassage d’objets Entrainement au soulèvement des charges Introduction d’une composante rotatoire dans les mouvements (3ème semaine) Augmentation des charges. Un programme pédagogique Il est davantage orienté vers les aspects bénéfiques des activités physiques, plutôt que vers des explications physiopatologiques qui n'apportent que rarement les effets attendus. L'important est aussi de travailler la motivation pour maintenir une activité physique minimale après la sortie. L'attitude du patient vis-à-vis de la douleur est également à travailler: le "discours" douloureux doit être banalisé, mais jamais en niant la douleur. Le patient doit apprendre l'autogestion de la prise de ses médicaments. 6 Enfin, il faut veiller aux attentes inadaptées du patient : amaigrissement, sevrage médicamenteux complet, etc... Au-delà de ces pôles, la réussite du programme dépend de : -La coordination de l'équipe qui se fait au cours d'une réunion de synthèse hebdomadaire avec toute l'équipe et en présence du patient avec évaluation et visualisation des progrès : -Les progrès en flexibilité rachidienne et en extensibilité des chaînes musculaires peuvent être objectivés facilement par goniométrie, -Les progrès en force musculaire sont visualisés sur les tracés isocinétiques : courbes de progrès, etc... -Et des contacts pris avec le Médecin traitant, le Médecin du travail, le Médecin Conseil. Dans l'idéal, une table ronde est organisée avec eux et le patient, notamment pour décider des modalités de la reprise du travail: travail au même poste ou poste aménagé, mi-temps thérapeutique. Il est nécessaire de prévoir une consultation de pré-reprise qui implique une démarche volontaire du patient. Le Post-programme Il comprend : - Un suivi social permettant de vérifier les modalités et la qualité de la reprise du travail. - Un suivi médical : Il peut être réalisé par le Médecin Traitant ou au cours de reconvocations, permettant d'apprécier l'auto-prise en charge de la douleur et de ses conséquences et d'évaluer si des "injections de rappel " sont nécessaires. Critères de suivi : - Douleur (EVA), Consommation d'antalgiques, de myorelaxants ou d'AINS, Nombre de jours d'arrêt de travail, Goniométrie, Distance doigts-sol. Un suivi auto-rééducatif : il est demandé au patient d'effectuer de manière régulière des exercices d'auto-rééducation (étirements) et de reprendre ou de débuter une activité physique de son choix. INCIDENTS - Hypoglycémies et malaises vagaux (surtout après les tests). - Le régime hydrique et alimentaire nécessite une attention particulière, - Surcharge musculo-tendineuse des membres inférieurs ou des membres supérieurs. Elle nécessite une adaptation du protocole de renforcement musculaire. - Les douleurs musculaires retardées, liées au travail musculaire. Elles sont atténuées par l'application de glace, l'augmentation des étirements musculaires et éventuellement des myorelaxants. 7 - "Syndrome de la 3ème semaine" : une recrudescence des douleurs est souvent observée en milieu de séjour. Le patient apprend alors à dédramatiser et à contrôler sa douleur. Le maintien des activités physiques limite la durée de l'épisode douloureux. Discussion Neuf fois sur dix, le patient comprend que ses douleurs ne sont pas en rapport direct avec les activités physiques. Les modalités de soins habituelles, 5 semaines en hospitalisation complète, sont contraignantes. Il s'agit de soins trop longs pour les travailleurs indépendants et/ou quand il y a des enfants à charge: tous les lombalgiques chroniques ne sont pas en arrêt de travail, D'où l'intérêt de soins en ambulatoire ou trop courte quand il existe un déconditionnement musculaire très important: il faut un minimum de 8 semaines pour réaliser un gain de force en endurance. D'où l'intérêt d'une hospitalisation supérieure à 5 semaines ou de soins ambulatoires ou en coopération avec des kinésithérapeutes libéraux. Cependant, l'intérêt d'une hospitalisation complète doit être souligné : Elle offre une plus grande disponibilité de l'équipe et du patient. Ce type de prise en charge équivaut souvent à une modification du comportement (vis-à-vis de la douleur) et cela se réalise plus facilement au sein d'une structure, telle qu'un Service de Rééducation. Elle permet aussi l'isolement du patient d'un entourage néfaste (trop protecteur ou au contraire dévalorisant). _________________________________________________________________