Les entreprises considèrent que le principe de flexibilité serait le remède miracle au problème de
l’emploi. Ce concept de flexibilité apparaît toutefois comme étant flou : ici, il s’agit de la flexibilité des
contrats de travail, c’est-à-dire la possibilité pour une entreprise de se séparer de ses salariés en temps de
crise, sans que cela soit trop coûteux pour elle. Or, actuellement, la protection de l’emploi va à l’encontre
de ce type de flexibilité et est même accusée d’être responsable du chômage : les coûts du licenciement
étant trop élevés contribueraient à accroître le chômage en décourageant les entreprises d’embaucher.
Mais il faut savoir que les syndicats ne sont pas contre la flexibilité, comme le prouve l’exemple du
Danemark, mais ils souhaitent en parallèle une certaine sécurité et une protection sociale forte : ainsi, il
est très facile pour les entreprises danoises d’ajuster leurs effectifs en opérant des licenciements, mais
dans un même temps les salariés ne craignent pas le chômage du fait d’une forte indemnisation et aussi
parce qu’ils retrouvent un emploi assez rapidement. Mais cette « flexicurité » n’est pas mise en place dans
tous les pays : ainsi, aux Etats-Unis la flexibilité va de pair avec une augmentation des inégalités entre les
salariés, une détérioration de la protection sociale et une précarisation croissante du marché du travail. En
France, on assiste à une segmentation du marché du travail avec d’un côté des emplois stables et protégés,
et de l’autre des emplois temporaires, peu protégés, qui permettent d’ajuster les effectifs à tout moment.
Ces derniers représentaient 64% des embauches en 2003.
De plus, le lien entre flexibilité et emploi n’est pas prouvé empiriquement : ainsi, des économistes du BIT
ont montré que l’ancienneté favoriserait la productivité (ce n’est qu’au-delà de 16 ans que la productivité
régresserait), et donc que « employeurs et travailleurs trouvent leur intérêt dans une relation stable ». La
protection de l’emploi peut même avoir des effets bénéfiques sur la croissance, notamment en période de
récession, puisqu’elle permet de limiter les licenciements, et évite alors un freinage de la demande
globale, qui entraînerait elle-même des anticipations pessimistes de la part des entreprises, et donc encore
plus de licenciements.
Quant à la question du coût du travail, le niveau des salaire n’apparaît pas comme étant un frein
particulier à l’emploi. La modération salariale prônée par les employeurs afin de répondre à des exigences
de compétitivité sur le plan mondial peut avoir des effets pervers : les pays où les salaires ont été le plus
bloqués ont enregistré une croissance moindre, et ont crée moins d’emplois. Ainsi, dans une optique
keynésienne, une baisse des salaires ne peut combattre le sous-emploi car cela entraînerait une
insuffisance de la demande et donc un recul de la demande de travail. De même, les entreprises peuvent
avoir intérêt à mettre en place des politiques d’incitation, puisque selon la théorie du salaire d’efficience,
ce dernier peut influencer la productivité. Si le salaire a un effet incitatif, une baisse de celui-ci provoque
une baisse de la productivité, ce qui nuit alors à la compétitivité et pèse négativement sur l’emploi. Au
niveau macroéconomique, une hausse de salaire peut se répercuter positivement sur la consommation,
donc sur la production et l’emploi (cf. effet débouché).
Enfin, il faut tenir compte du fait que le pouvoir de négociation des syndicats dépend en grande
partie de la situation du marché : en effet, en période de croissance, ce pouvoir de négociation est fort,
mais en temps de crise il apparaît comme étant faible, notamment dans le contexte actuel de
mondialisation, où il est facile pour les entreprises de jouer sur les peurs de chômage des salariés par le
biais des délocalisations. Actuellement, certains estiment que les entreprises profitent de la conjoncture
qui leur est favorable pour revenir sur les accords sociaux imposés par les syndicats dans les années 50-
60.
Dire que les syndicats sont un frein à l’emploi est une affirmation gratuite qui n’est pas réellement
prouvée. Le chômage n’est jamais dû à un facteur institutionnel pris isolément, comme les syndicats, mais
plutôt à une combinaison de facteurs.
Il existe aujourd’hui une certaine tendance à ne pas rapporter les performances relatives des pays à leur
taux de croissance, variable pourtant majeure. Cet oubli conduit à accorder un rôle disproportionné aux
caractéristiques institutionnelles et autres indicateurs de la « rigidité » des marchés du travail : ainsi, les
entreprises pensent réellement que la flexibilité ou la modération salariale permettent par elles-mêmes de
créer des emplois indépendamment du taux de croissance du pays considéré. C’est pourtant là le
problème car les pays qui enregistrent une croissance plus élevée créent plus d’emplois.