ça va affecter votre cerveau, mais ça ne veut pas dire que c'est causé par quelque chose
qui cloche dans votre système neurologique.»
Pour la professeure, la présence du syndrome prémenstruel dans le DSM est l'exemple
suprême de cette dérive : «Le SPM est un bon exemple de la faiblesse scientifique des
catégories qui se trouvent dans le DSM. On recense des symptômes, on leur donne des
noms de maladies et on prescrit les médicaments qui vont avec.» Pour comprendre le
SPM, il faut d'abord considérer le contexte, fait-elle remarquer.
«C'est très dur pour une femme à bien des égards. Lorsque vous êtes sur le point d'avoir
vos règles, il y a des changements hormonaux et bien sûr que c'est inconfortable. Si vous
avez d'autres soucis, c'est tout simplement la goutte qui fait déborder le vase. Le plus utile
pour les femmes concernées, c'est souvent de parler avec d'autres femmes, d'exprimer
leurs colères, de s'échanger des trucs pour aller mieux.»
Pour appuyer ses dires, Mme Caplan se fonde sur sa propre expérience de consultante
pour la rédaction du dernier DSM. «Aucune étude sérieuse ne démontre que les femmes
ont tendance à être plus déprimées, fâchées ou anxieuses avant leurs menstruations
davantage qu'à tout autre moment. Les artisans du dernier DSM le savaient lors de la
rédaction de cette version et, en dépit de cela, ils ont recommandé que le SPM reste dans
le livre.»
La multiplication des maladies mentales
Le DSM a certes pris de l'expansion avec les années. Entre la première édition (1952) et la
plus récente (1994), le nombre de maladies mentales recensées est passé d'une centaine
à près de 300. Du syndrome post-traumatique à des troubles anxieux comme la phobie
sociale, les afflictions définies sont de plus en plus précises.
La liste est-elle plus longue parce qu'on comprend mieux la psyché humaine ou serait-on
en train d'assimiler le moindre trait de caractère à une maladie ? Aux États-Unis, la
question est d'autant plus délicate que, contrairement à chez nous, les publicités pour les
médicaments sont légales.
Dès lors, les compagnies pharmaceutiques peuvent contribuer, par l'intermédiaire de leurs
promotions, à convaincre les gens qu'ils sont malades : «Vous êtes-vous déjà senti comme
ceci ? Si oui, parlez-en à votre médecin.»
D'emblée, plaide Mme Caplan, le problème fondamental réside dans le diagnostic. En
associant les patients à des maladies précises, on limite les traitements, croit-elle. «La
personne va consulter. Le praticien passe au travers du DSM, fait la liste des symptômes
et voit à quelle catégorie ils peuvent correspondre. Par conséquent, toute l'attention va sur
ce qui ne va pas. Le médecin ne cerne pas nécessairement la personne, et il se trouve que
bien des gens ne rentrent pas dans ces catégories.»
Bref, on va trop vite, dénonce-t-elle, et on prescrit trop. «Actuellement, le citoyen nord-
américain moyen travaille beaucoup plus d'heures qu'il y a dix ans. Tout le monde est très
occupé et les gens veulent de plus en plus des solutions rapides à leurs problèmes : la
bonne pilule. Oui, les médicaments sont efficaces chez certaines personnes, dans
certaines circonstances et lorsqu'on les utilise temporairement, mais il faut faire attention.»