Analyse commentée d’article par C Mariette et S Benoist – Journal de Chirurgie Comparaison de l’exérèse totale du mésorectum (ETM) laparoscopique pour cancer de bas en haut par voie trans-anale ou de haut en bas par coelioscopie Fernández-Hevia M, Delgado S, Castells A, et al. Transanal total mesorectal excision in rectal cancer: short-term outcomes in comparison with laparoscopic surgery. Ann Surg 2015;261:221-227. doi: 10.1097/SLA.0000000000000865. Plusieurs équipes ont rapporté récemment que chez des patients obèses ayant un bassin étroit, l’ETM de bas en haut par voie trans-anale utilisant un monotrocart de cœlioscopie était une alternative intéressante à l’ETM classique de haut en bas, lors d’une proctectomie pour cancer sous cœlioscopie [1-3]. Les auteurs ont donc comparé rétrospectivement les résultats opératoires de ces deux techniques chez 74 patients opérés dans leur centre d’un cancer du moyen ou bas rectum. 37 patients consécutifs ont eu l’ETM par voie trans-anale de façon systématique entre novembre 2011 et mars 2013 (groupe trans-anal). Ces 37 patients ont été comparés à 37 patients ayant eu l’ETM de haut en bas par voie coelioscopique entre aout 2010 et octobre 2011 (groupe coelio). Pour l’ETM par voie trans-anale, 2 équipes opéraient simultanément, une par voie périnéale et l’autre par cœlioscopie abdominale. L’ETM par voie trans-anale était réalisée de bas en haut jusqu’au cul de sac de douglas qui était ouvert par la dissection trans-anale. Les 2 groupes étaient comparables sauf pour la réalisation d’une radiochimiothérapie néoadjuvante plus fréquente dans le groupe trans-anal. La durée opératoire était significativement plus courte dans le groupe trans-anal (215 ± 60 vs. 252 ± 50 min, p<0,001). Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes pour le taux de résection R0 (100% dans les 2 groupes), le nombre de ganglions prélevés (14,3 vs. 14,7) et le taux de mésorectum complet (92% vs. 95%). Comparativement entre les groupes trans-anal et cœlioscopie, la morbidité était de 32% vs. 51% (p=0,16), le taux de fistule anastomotique de 5% vs. 11% (p=0,39), la durée moyenne d’hospitalisation de 6,8 ± 3 vs. 9 ± 7,6 jours (p=0,10) et le taux de réadmission de 6% vs. 22% (p=0,03). Les auteurs concluent qu’en cas de proctectomie pour cancer sous cœlioscopie, l’ETM par voie trans-anale est une technique faisable et sûre qui donnent de meilleurs résultats opératoires que l’ETM de haut en bas par voie coelioscopique. Commentaires 1. Cette étude comparative présente de très nombreux biais. Aucune information n’est donnée sur les critères de sélection d’une technique par rapport à une autre. De plus sur le plan méthodologique, aucune précision n’est donnée sur la méthode de sélection des patients contrôles. La méthode optimale aurait été de prendre tous les patients contrôles ou de faire un appariement sur des critères prédéfinis. 2. L’un des arguments pour la voie trans-anale est la rapidité opératoire témoignant d’une plus grande facilité de dissection. En fait la rapidité opératoire de la voie trans-anale dans cette étude s’explique surtout par le fait que pour cette technique deux équipes chirurgicales travaillaient simultanément : une par voie périnéale et une par voie abdominale. 3. La technique de l’ETM par voie trans-anale parait particulièrement utile chez les hommes obèses à bassin étroit chez qui la dissection coelioscopique par voie abdominale est particulièrement difficile pour la partie basse, horizontale, du rectum. Dans l’étude, les patients du groupe trans-anal avaient un BMI faible de 23 kg/m2 et dans 70% des cas une tumeur du moyen rectum, si bien que la technique n’avait finalement que peu d’intérêt pour eux. 4. Seul un essai contrôlé comparant l’approche trans-anale à la cœlioscopie classique pour l’exérèse des cancers du bas rectum pourra dire si cette nouvelle technique est un effet de mode ou est réellement utile pour les patients. Cet essai multicentrique de phase III (Greccar 11) va ouvrir prochainement en France. Mots-clés : Rectum – Cancer – Exérèse totale mésorectum – Voie trans-anale – Morbidité. Références 1. Dis Colon Rectum 2012;55:996-1001 2. Dis Colon Rectum 2013;56:408-415. 3. Ann Surg 2015;261:228-233.