FICHE NOTION :
L’ART
Travail de réflexion sur la notion :
La création artistique
L'art qui vise la création du beau s'affranchit cependant de l'utile, et d'une fin déterminée à
l'avance, à moins d'enfermer le beau dans des canons esthétiques, de déterminer un idéal dans
le but de fournir un modèle aux artistes. La modernité* a libéré les beaux-arts de telles
contraintes, l'esthétique kantienne insistant à la fois sur la liberté de l'artiste et sur l'impossibilité
d'expliquer la beauté par la correspondance avec une finalité*. La beauté offre une impression de
complétude, de totalité, sans qu'une idée puisse justifier ce sentiment. L'artiste susceptible de
produire cette beauté possède le génie: selon Kant*, le génie est plus que le simple talent, il est
ce qui donne des règles à l'art, ce qui crée des formes susceptibles d'être imitées, sans se référer
par principe à quelque chose de déjà existant. Une œuvre d'art correspondant de manière
perceptible à un modèle, faite visiblement selon des règles laborieusement appliquées, sera dite
académique et pourra susciter de l'agrément, sans plus. Si l'art du génie rivalise ici avec la
nature, ce n'est pas seulement par son pouvoir de création*, mais parce que ses productions
peuvent procurer, comme le spectacle de la nature, le sentiment esthétique. Ce sentiment est le
critère du beau dans l'esthétique kantienne; la contemplation désintéressée du beau naturel ou
du beau artistique procurent une satisfaction irréductible au simple agrément, et pour laquelle le
sujet requiert l'assentiment d'autrui (esthétique), sans pouvoir exiger cet assentiment au nom
d'une démonstration logique.
(SOURCE : La philosophie de A à Z, E. Clément, C. Demonque, L. Hansen-Love, P. Khan sous la
direction de L. Hansen-Love avec la collaboration de M. Delattre, M. Foessel, F. Gros, B. Han
Fabien Lamouche, D. Ottavi, M. Pardo, J. Santoret, F. Sebbah, © Hatier, Paris, avril 2000, ISBN:
2-218-74619-0)
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Le beau artistique est-il l'expression d'une idée?
On peut penser que la beauté n'est pas tout à fait sans lien avec la signification, l'idée ou le
sentiment exprimés dans l'œuvre d'art. Ainsi la force expressive d'un visage humain est partie
intégrante de sa beauté. Hegel, dans son Esthétique, définit ainsi la beauté comme la manifestation
d'une signification, d'une idée, dans une forme sensible adéquate: la beauté, c'est une idée offerte au
regard, une signification rendue sensible (texte 8). Comme toutes les productions humaines, l'oeuvre
d'art est la traduction d'une idée dans une matière.
Ce qui différencie spécifiquement l'art, c'est que l'idée qui y est exprimée est plus générale
que dans toutes les autres productions techniques: l'esprit humain s'exprime plus librement dans l'art.
On peut ainsi décrire l'évolution des arts en général et leur diversité en les ramenant aux différentes
façons de donner une présence sensible à l'idée. Il y a ainsi une manière symbolique d'exprimer une
idée dans la matière: elle est le fait de l'art naissant pour qui la matière brute est encore quelque
chose d'étranger à l'esprit. La signification y reste ambiguë: on se trouve à la fois devant, par exemple,
la représentation d'un lion, et, en même temps, on se demande s'il y a une idée évoquée, comme
celle de force. Le type même de l'art symbolique est l'architecture et la statuaire égyptiennes. L'art
parvient ensuite à exprimer plus directement la signification dans la matière: c'est le stade de l'art
classique, celui de la statuaire grecque. Enfin, l'art romantique est pour Hegel celui de la peinture, de
la musique et de la poésie, dans lesquelles la subjectivité de l'âme humaine parvient à s'exprimer
dans la matière d'une manière de plus en plus libre.
L'oeuvre d'art est-elle manifestation sensible de la beauté ?
L'oeuvre d'art est bien objet des sens: c'est par la vue que s'éprouve l'harmonie chatoyante d'un
tableau, par l'ouïe les nuances d'une mélodie. Pourtant, le plaisir esthétique* s'adresse aussi à l'esprit.
Peut-on en inférer que le plaisir procuré par l'oeuvre d'art serait essentiellement d'ordre intellectuel ou
spirituel z C'est là une hypothèse qui ferait de l'oeuvre d'art la manifestation sensible de quelque
réalité qui la dépasse, par exemple d'une beauté idéale dont elle serait l'indication sensible. C'est
retrouver là Platon qui montre, non certes spécialement à propos des oeuvres d'art, mais plus
généralement à propos de toute réalité susceptible d'être qualifiée de belle, qu'elle procède d'une idée
qui la dépasse et la transcende. Ainsi, il décrit, dans le Banquet, l'itinéraire de celui qui, parti du désir
initial des belles choses, est amené à prendre conscience du fait que c'est au fond une idée, l'idée du
Beau*, qui est la vraie source d'un désir dont il faut bien alors reconnaître la nature spirituelle.
On sera alors moins surpris de voir Kant affirmer que dans un tableau, ce que nous trouvons beau*,
ce n'est pas la matière, à savoir telle ou telle couleur particulière, mais la forme: la composition, le
dessin. C'est pour cela, ajoute-t-il que le beau* procure un plaisir désintéressé: parce qu'il ne dépend
pas du caractère agréable de telle ou telle sensation et que la matière sensible de l'objet reste ainsi
indifférente. Ce qui plaît et éveille la sensibilité esthétique, c'est le fait de recevoir une pure forme en
notre imagination. Certes, des oeuvres sollicitent le plaisir des sens, mais elles troublent précisément
la pureté du plaisir esthétique en le mêlant à un plaisir d'une autre nature.
C'est aussi pourquoi Kant peut qualifier le beau* de «symbole du bien» ou encore de "symbole de la
moralité» (Critique de la faculté de juger, § 58), signifiant précisément par que le type de sentiment
que le beau* suscite a une certaine ressemblance avec la disposition à la moralité, notamment en
raison du désintéressement qui caractérise le plaisir esthétique*.
L'artiste peut-il vouloir le laid?
À mesure que l'artiste travaille la matière sensible pour en étendre les possibilités d'expression, il
arrive qu'il en vienne à rechercher le désordre des formes, le chaos, pour représenter des idées qui ne
sauraient être exprimées par une apparence harmonieuse. Hegel marque ainsi la différence entre ce
qu'il appelle l'art classique, et l'art romantique: tandis que le premier culmine dans la production d'une
beauté idéale, résultant de l'harmonie entre la forme sensible et l'idée qu'elle exprime, le second tend
à rechercher la signification au-delà des apparences. L'apparence chaotique, déchirée, devient elle-
même le signe qu'il faut aller chercher le sens au-delà de ce qui peut être représenté ou imaginé. On
retrouve ici la distinction faite par Kant entre le beau et le sublime.
Dans le sublime, l'imagination est confrontée avec sa propre limite, soit par la représentation de
l'immensité (pour Kant, le sublime «mathématique»), soit par celle d'une puissance écrasante (pour
Kant, le sublime «dynamique»): «la nature évoque surtout les idées du sublime par le spectacle du
chaos, des désordres les plus sauvages et de la dévastation, pourvu qu'elle y manifeste de la
grandeur et de la puissance». C'est la raison qui donne la mesure de ce que l'imagination ne peut se
représenter: la raison donne l'idée de l'immensité ou de la puissance qui échappent à l'imagination.
Dans le sublime, on fait ainsi l'épreuve de la supériorité de l'idée sur l'image, en même temps que l'on
découvre un moyen de faire apparaître la grandeur de l'idée en faisant violence à l'imagination.
On comprend alors que l'art puisse vouloir, par-delà le beau, le sublime qui se dégage de
l'informe, du difforme, évolution que Baudelaire exprime en affirmant, contre la convention plate de la
peinture aliste d'un Horace Vernet que «le beau est toujours bizarre» (Exposition universelle de
1855). Dans le Salon de 1859, il précise: «Parce que le Beau est toujours étonnant, il serait absurde
de supposer que ce qui est étonnant est toujours beau». Plus encore, on peut alors voir dans la
recherche du beau en art un élément qui vise à en apaiser le dynamisme, l'intensité: le beau devient
alors, selon Adorno, le kitsch. Quand on qualifie «d'ouvrages d'art» des immeubles, des ponts, et
autres bâtiments, ce n'est pas tant le goût* que le savoir-faire technique des ingénieurs qui est visé.
Quand on va admirer une œuvre d'art au musée, le mot art renvoie alors à une autre dimension le
savoir-faire et la technique sont relégués à l'arrière-plan, pour laisser la place à un plaisir qualifié
d'esthétique*. Le plaisir suscité par l'œuvre d'un artiste paraît bien d'un autre ordre que celui qu'on
peut ressentir devant les prouesses techniques ou devant l'habileté et l'ingéniosité d'un technicien.
(Source : Philosophie, Le manuel, Ellipses)
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Etude de texte :
« Il reste à dire en quoi l’artiste diffère de l’artisan. Toutes les fois que l’idée
précède et règle l’exécution, c’est industrie. Et encore est-il vrai que l’œuvre
souvent, même dans l’industrie, redresse l’idée en ce sens que l’artisan trouve
mieux qu’il n’avait pensé dès qu’il essaye. En cela il est artiste, mais par éclairs.
Toujours est-il que la représentation d’une idée bien définie comme le dessin d’une
maison est une œuvre mécanique seulement, en ce sens qu’une machine bien
réglée d’abord ferait l’œuvre à mille exemplaires. Pensons maintenant au travail du peintre de portrait :
il est clair qu’il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu’il emploiera à l’œuvre qu’il commence ;
l’idée lui vient à mesure qu’il fait ; il serait même plus rigoureux de dire que l’idée lui vient ensuite,
comme au spectateur, et qu’il est spectateur aussi de son œuvre en train de naître. Et c’est le
propre de l’artiste. Il faut que le génie ait la grâce de nature, et s’étonne lui-même. Un beau vers n’est
pas d’abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre
belle au sculpteur, à mesure qu’il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau. La musique est ici le
meilleur témoin, parce qu’il n’y a pas alors de différence entre imaginer et faire ; si je pense, il faut que
je chante. (…) Le génie ne se connaît que dans l’œuvre peinte, écrite ou chantée. Ainsi la règle du
beau n’apparaît que dans l’œuvre, et y reste prise, en sorte qu’elle ne peut jamais, d’aucune manière,
servir à faire une autre œuvre. »
Alain, Système des beaux-arts (1920)
“Pour expliquer ce texte, vous pondrez aux questions suivantes, qui sont destinées
principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et
demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble”.
1. Dans la perspective d’une approche réflexive, répondez sous forme de dissertation à la
question suivante : « Qu’est-ce qui distingue une œuvre d’art d’un objet quelconque ? »
2. Questions préliminaires pour préparer la dissertation :
A) Sur quels arguments est construite l’opposition entre artiste et artisan ?
B) Les termes artistes et artisan ont une origine commune. Laquelle ? Quelle
différence essentielle faites-vous entre un artisan et un artiste ?
C) Suffit-il d’appliquer les règles en art pour être un artiste ?
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