1 EXPOSE SUR LE CANNABIS 1- Qu’est-ce-que le Cannabis ? Le terme « cannabis » du latin cannabus ou cannabis, directement dérivé du grec kannabis. le terme grec dérive lui même de l’assyrien quanabu témoignant ainsi des liens millénaires entre l’homme et la plante. Cette plante est mieux connue sous l’appellation populaire de « chanvre ». Originaire des contreforts de l’Himalaya, elle s’est répandue aux grés des mouvements de population utilisée par l’homme d’où sa diffusion vers le continent Indien puis vers l’Extrême Orient ainsi que le Moyen Orient et l’Europe. Le Cannabis se prête à la culture en intérieur comme à la culture en extérieur. L’espèce la plus répandue est Cannabis Sativa décrite par Cal Von Linné en 1753 montrant de nombreuses variantes géographiques et chimiques. Le Cannabis Sativa existe sous de nombreuses formes différentes par leur morphologie, la durée du cycle végétatif, la composition chimique quantitative et qualitative en cannabinoïde. On distingue deux ensembles : D’une part les variétés à fibres ou textiles. Le chanvre à fibres est répandu en climat tempéré. Il présente un intérêt économique majeur, fut cultivé jusqu’au début du 20ème siècle. Ces fibres permettant la fabrication de papier ou après rouissage et filage la confection de cordages et de câbles de voiles et de tissus. Certains dérivés sont aujourd’hui utilisés dans l’industrie comme isolant ignifuge et le bâtiment. D’autres parties sont utilisés comme nourriture pour les oiseaux et comme appâts pour les poissons, comme matières premières pour la fabrication de produits destinés au bétails et pour la production d’une huile alimentaire riche en vitamines F. Un intérêt nouveau pour le chanvre textile se dessine aujourd’hui probablement lié aux nombreuses qualités industrielles de cette plante, dans un contexte plus favorable aux cultures écologiques. D’autre part, les variétés productrices « de résine riche en THC » (sécrétion glandulaire superficielle de la plante) que constitue le chanvre indien. Les variétés communément désignées comme chanvre indien produisent au niveau des inflorescences femelles une sécrétion (ou résine) qui se présente comme de fins cristaux adhérents notamment aux inflorescences et aux feuilles supérieures. Cette résine est riche en substances chimiques de la famille des cannabinoïdes. Les pieds femelles livrent plus de résine que les pieds mâles. Le cannabis est à l’origine de nombreuses préparations dont l’activité psychotrope est principalement induit par le Tétra-hydro-cannabinol ou THC. Ganga : Inde et Jamaïque ; Marijuana en Amérique du Nord et sud ; Pakalolo ou crazy tabacco dans tout le Pacifique, zamal à la Réunion ; dagga en Afrique du Sud ; Yama ou Yamba en Afrique etc… 2 Préparation et mode d’utilisation : 1ère préparation : Les feuilles de cannabis écrasées et introduites dans des produits tels que le lait ou les yaourts ou plus exceptionnellement dans de l’eau permettent de préparer des boissons enivrantes : le Bhang. Il est traditionnellement utilisé en Inde, dans le culte du Dieu SHIVA. Les feuilles et les extrémités fructifères et florifères du cannabis simplement séchées désigne l’herbe, la beuh, marijuana, ganga, pakalolo, Yamba, Zala etc… titrant en moyenne moins de 5% de THC. Les préparations à base de plantes séchées sont fumées pures en Amérique du Nord (joints stick, splif ou beuz) et en Europe elles sont généralement mélangées à du tabac et roulées sous forme de cônes : pétard ou tarpé. 2ème préparation : La résine sécrétée par les feuilles et les sommités mûres de la plante constitue la résine et permet la préparation du Hachisch (Charas s’il est produit en Inde ; Néderhasch s’il est produit au Pays-Bas). La teneur moyenne en THC se situe entre 2% et 8%. 3ème préparation : L’huile de cannabis est un concentré obtenu par extraction à partir de la plante brute ou de la résine qui se présente sous forme de liquide visqueux grain brun foncé avec une teneur en THC qui peut être très importante est d’usage peu répandu. Actuellement, chez les consommateurs qui recherchent un effet psychotrope puissant, la pipe à eau est souvent utilisée et appelée Bang ou Bhong à ne pas confondre avec les préparations à partir des feuilles séchées appelées Bhang. 2- Epidémiologie : Extrait de « Drogue et Dépendances, données essentielles » Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies- Edition 2005. Le cannabis, produit illicite le plus consommé en France, expérimenté par ¼ de la population française. La France est l’un des pays européens où les niveaux d’usage de cannabis sont les plus élevés. Le nombre de personnes ayant déjà consommé du cannabis en France était estimé à près de 11 millions en 2003 soit ¼ de la population. Les usagers réguliers, beaucoup moins nombreux, sont estimés à 850 000 personnes, presque 2% dont 450 000 sont usagers quotidiens, soit 1%. 3 La consommation de cannabis des adultes français est surtout le fait des jeunes hommes et des hommes. Depuis le début des années 90, le niveau d’expérimentation de cannabis pour les jeunes adultes (18-44 ans) a doublé passant de 18% en 1992 à 35% en 2002. Cette hausse est d’autant plus forte que la population est jeune et s’observe également pour l’usage dans l’année. En 2003, l’usage dans l’année concerne 9% des hommes, 6% des femmes âgées de 18 à 75 ans, mais se raréfie à partir de 45 ans. Le cannabis, un produit consommé d’abord par les adolescents. La fin de l’adolescence constitue un moment clef pour l’expérimentation de cannabis. Très faible entre 12 et 13 ans, elle augmente nettement à partir de 14 ans et concerne la moitié des filles et deux tiers des garçons à 18 ans. L’usage régulier de cannabis progresse considérablement entre 14 et 18 ans, passant de 1 à 21% pour les garçons, et de 1 à 9% pour les filles. L’écart entre les sexes s’accentue pour les fréquences d’usage de cannabis plus élevées. Même s’il existe une grande variété d’usage et de contexte d’usage du cannabis, les consommations ont lieu majoritairement le week-end, pour les jeunes, où elles sont plus intenses. Les consommateurs insistent beaucoup sur le caractère transitoire de leur usage qu’ils envisagent le plus souvent d’abandonner lors du passage à l’âge adulte. 3-Manifestations cliniques : A : Troubles psychiatriques liés, induits ou associés au cannabis : (extraits de la Revue du Praticien 2005 et du » Dictionnaire Drogues et Dépendances ») 1- L’ivresse cannabique : Elle survient dans les deux heures suivant la consommation du produit avec une induction pendant environ trois à huit heures, des troubles psychoaffectifs et des modifications sensorielles. Les troubles cognitifs pouvant quant à eux persister jusqu’à une journée. L’ivresse cannabique associe : Un vécu affectif de bien-être avec euphorie « fou-rire » sentiment de gaieté exaltation imaginative, altération du jugement, repli sur soi, lassitude voire torpeur. Des modifications sensorielles inconstantes à faible dose, fluctuantes avec intensification des perceptions visuelles, tactiles et auditives, illusions perceptives voire hallucinations, sentiment de ralentissement du temps (distorsion du temps). Des perturbations cognitives, mal perçues par le sujet lui même et qui portent sur les capacités intentionnelles, la mémoire de fixation ou empan-mnésique, l’augmentation du temps de réaction, la difficulté à effectuer les tâches complexes, des troubles de la coordination motrice. 4 Quelques signes physiques : Conjonctives injectées ou hyperhémie, mydriase, augmentation de l’appétit, sécheresse buccale, tachycardie. Plus que pour tout autre substance, les effets dépendent de la sensibilité individuelle, de la quantité consommée, du moment, de l’entourage. Les expériences peuvent prendre un caractère plus inquiétant d’angoisse, d’excitation d’allure maniaque, de vécu dissociatif hallucinatoire ou délirant. 2- La décompensation d’allure psychotique aiguë liée au cannabis dont la fréquence s’est accrue depuis les années 1990 est caractérisée par un syndrome délirant d’origine organique ou pharmacopsychose, souvent à thème de persécution survenant rapidement avec anxiété, labilité émotionnelle, amnésie et symptomatologie physique frustre (tremblements, incoordination motrice etc…) dépersonnalisation et déréalisation peuvent survenir. Les hallucinations visuelles demeurent rares. A l’extrême, certains usagers peuvent imaginer mourir ou devenir fou, notamment s’il s’agit de personnes particulièrement sensibles à l’action de la drogue ou encore si les taux en THC sont très conséquents. Ses signes d’intoxication aigus cèdent rapidement à l’administration d’anxiolytiques, voire de neuroleptiques sédatifs dans un environnement calme et sécurisant. Ce trouble est à distinguer d’une ivresse simple par son intensité, sa durée et l’adhésion délirante du consommateur aux manifestations hallucinatoires. Il est aussi à distinguer aussi des troubles schizophréniques par l’absence de personnalité prémorbide, la bonne récupération avec critique du délire. Il pose la question de l’entrée dans une schizophrénie chez des sujets vulnérables. 3- Les épisodes de flash-back : Ils sont rares 1% à 2%, rémanences spontanées classiquement décrits avec les hallucinogènes, cette réviviscence de l’expérience cannabique quelques jours ou quelques semaines après la dernière prise peut s’accompagner de comportements auto ou hétéro agressif, le traitement est neuroleptique. 4- Manifestations psychiques liées à l’usage fréquents et prolongé de cannabis dit « usage problématique » : Troubles cognitifs : Difficiles à repérer cliniquement, les troubles cognitifs sont contemporains de l’usage de cannabis et l’accompagnent. Ainsi un usage régulier de cannabis même sur une période courte, induit des perturbations de ma mémoire immédiate manifestation qui persiste environ un mois après l’arrêt de la consommation et peuvent être potentialisés par l’association à l’alcool. Ces troubles sont à même d’entraîner d’importantes perturbations de l’activité scolaire ou universitaire. Troubles de l’humeur : Entre 30 à 50% des usagers de cannabis présentent un trouble de l’humeur généralement pré-existant à l’intoxication, il s’agit le plus souvent d’un état dépressif. 5 Troubles anxieux, crises d’angoisses aiguës ou attaques de panique : La consommation de cannabis, substance anxiolytique, améliore la symptomatologie des sujets anxieux chroniques. Pourtant la survenue de troubles anxieux aigus (réactions d’angoisse) chez un consommateur de cannabis est fréquente et motive généralement l’arrêt de la consommation. Ces signes peuvent finir par réapparaître à chaque prise ultérieure. L’intoxication cannabique semblent de façon exceptionnelle parfois induire de véritables attaques de panique appelées Bad trip ou mauvais voyage chez des sujets utilisant la drogue dans un contexte insuffisamment sécurisant. L’environnement est alors déterminant. Les troubles des conduites alimentaires : L’usage problématique de cannabis est fréquemment associé à un comportement boulimique. Les sujets boulimiques cannabinophiles ont un trouble plus sévère et ont plus recours aux laxatifs, font plus de tentatives de suicide avec plus d’hospitalisations et de décompensations anxieuses et dépressives. Les tentatives de suicide : L’usage problématique de cannabis peut être également associé à des tentatives de suicide récurrentes, les patient ayant fait une tentatives de suicide abusent plus fréquemment de substances psycho-actives que la population générale et les tentatives de suicide sont significativement plus importantes dans les patients abusant de cannabis 26% contre 6%. Cette consommation est souvent associée à une symptomatologie dépressive plus marquée et la gravité des tentatives de suicide est corrélée à l’importance de la conduite toxicophile. Le comportement sexuel : Les consommateurs de cannabis rapportent une stimulation de leur sexualité avec l’augmentation du désir ou du plaisir sexuel. Comme dans d’autres substances psycho-actives, le cannabis a de probables effets désinhibiteurs, qui, associés à l’altération du jugement favorise le passage à l’acte de personnalités vulnérables. Le syndrome amotivationnel : Bien que fréquemment décrit et retrouvé par les cliniciens, le syndrome amotivationnel est mal documenté. Il associe de manière classique : un déficit de l’activité : déficit des activités professionnels ou scolaires, voire une désinsertion sociale, des troubles du fonctionnement intellectuel : perturbations cognitives sont au premier plan avec fatiguabilité intellectuelle, pensées abstraites pauvres et floues difficultés de concentration et de mémoire, difficultés attentionnelles et mnésiques. Asthénie physique Humeur dépressive 6 Indifférence affective avec rétrécissement de la vie relationnelles. Les sujets sont passifs et désintéressés. Au maximum, les sujet sont réduits à l’incurie et à la dénutrition. Ils méconnaissent habituellement leur niveau de démotivation. Ce trouble pose le diagnostic différentiel de certaines formes de schizophrénies ou de détérioration mentale. Il disparaît quelques semaines à quelques mois après l’arrêt de l’intoxication. Problématiques de schizophrénie : Une association particulièrement fréquente : l’abus et la dépendance au cannabis et non la simple expérimentation sont particulièrement fréquents en population schizophrène entre 15% et 40% selon les études. La fréquence élevée de cette association co-morbide renvoie à plusieurs hypothèses : l’automédication, l’hypothèse pharmaco-psychotique, le cannabis induit des troubles psychotiques et des syndromes amotivationnels proches des axes symptomatiques des troubles schizophréniques, il aggrave les phénomènes délirants et majeure les aspects déficitaires. Les troubles schizophréniques chez les consommateurs de cannabis apparaissent en moyenne un an plus tôt que chez les non consommateurs. Une vulnérabilité commune entre schizophrénie et dépendance au cannabis serait possible, l’interraction entre les systèmes cannabinoïdes et dopaminergiques impliqués dans la schizophrénie et les études réceptologiques post-mortem familiales et génétiques vont dans ce sens. Le niveau de consommation dans les études et un âge avancé de début avant 15 ans sont des facteurs péjoratifs déterminants (problème de la consommation de cannabis dans un cerveau en voie de développement ?). B – Manifestations physiques de l’usage du cannabis : Signes physiques liés à l’imprégnation et à l’intoxication : 1- les troubles cardio-vasculaires : La syncope orthostatique, la syncope orthostatique de cause non précisée. Une tachycardie ou une hypotension peuvent être observées chez un patient ayant fumé du cannabis peut de temps auparavant. Une hypotension orthostatique attribuée à une vasodilatation périphérique parfois associée à une hyper sudation et des céphalées. Le risque de syncope avec tachycardie sous forme expérimentale au levée peut être suivie d’une bradycardie, d’une hypotension artérielle conduisant à un hypo-débit cérébral. Une hypertension artérielle en position couchée est plus rarement constatée. Lors d’une prise chronique, il est constaté une relatice bradycardie. 7 2- Bronchite et troubles respiratoires : Le THC a une activité broncho-dilatatrice immédiate et transitoire, environ 60 mn, par action para-sympathique co-lytique périphérique, pas d’intérêt thérapeutique en raison des effets inflammatoires bronchiques du cannabis fumé et de l’hyperréactivité bronchique secondaire (action inflammatoire, irritabilité muqueux des produits de combustion). De mêrme la voix de ces fumeurs peut être rauque en raison d’une laryngite chronique liée au cannabis fumé. L’exposition chroinique au cannabis entraine donc cliniquement des bronchites chroniques, toux, expectoration, râle sibilants perçus à l’auscultation thoracique. L’atteinte bronchique histologique est confirmée. 3- Les modifications du comportement alimentaire : Les troubles du comportement alimentaire : la boulimie, l’anorexie, l’augmentation des cas d’obésité chez les jeunes occidentaux sont des motifs fréquents de consultations. La cannabis et le tabagisme sont-ils suffisamment pris en compte chez ces consultants ? Les effets du cannabis sur le comportement alimentaire sont méconnus des patients. Le cannabis augmente l’appétit. 4- Les effets oculaires : Yeux rouges par vasodilatation et irritation conjonctivale. Mydriase inconstante est présente surtout en cas d’ingestion massive. Nystagmus et photo-phobie rarement signalés. 5- La sécheresse buccale : Elle intervient par la diminution de la sécrétion salivaire. 6- les troubles digestifs, par réduction de la motricité intestinale. Plus rarement peuvent subvenir des vomissements et une diarrhée lors de la prise importante de cannabis. De manière plus rarissime est décrite des rétentions d’urine, une réaction anphylactoïde et une éruption cutanée ont été décrites. 7- Des cas isolés de troubles de la thermo-régulation, hypothermie chez l’enfant lors de l’ingestion massive, hyperthermie chez l’adulte fumant du cannabis. Les cas d’hypethermie ou de fièvre doivent faire rechercher d’autres causes non toxiques. 8 Certitudes et doutes sur les effets somatiques du cannabis : 1- le cannabis fumé a un risque cancérigène, 2- d’autres effets : des effets immuno-dépresseurs non prouvés, 3- Des effets endocriniens contestés (cas de gynécomastie chez les grands fumeurs de cannabis ; diminution du nombre de spermatozoïdes…) étude controversée. Remarque : Je n’ai pas abordé ici la question de l’usage à risque et de la dépendance, du syndrome de sevrage et des modalités de prise en charge. Bibliographie - Le cannabis expliqué aux parents Alain LALLEMAND - Edition LUC PIRE 2001 - Drogues et Dépendances Données essentielles OFDT - Edition La Découverte Paris 2005 - Dictionnaire des drogues et dépendances Denis RICHARD, J. Louis SENON, Marc VALLEUR - Larousse 1999 - L’usage problématique de cannabis Numéro spécial Toxibase – Crips - Revue Toxibase n° 12 / Lettre du Crips n° 70 - La revue du praticien Cannabis - Jean DELEUZE. Troubles psychiatriques liés, induits ou associés au cannabis p. 30 à 34 - Xavier LAQUEILLE. Effets somatiques liés à la consommation de cannabis - Michel MALLARET, Dominique DAL’BO-ROHRER, Maurice DEMATTEIS.