Témoignage d’un infirmière libérale
J’ai eu l’occasion de suivre une infirmière libérale pendant deux jours lors de ses tournées de soins.
Sophie travaille dans un cabinet de soins infirmiers où ils sont 4. Il se situe dans un endroit semi rural.
Sa tournée de soins comporte plusieurs villes et villages qui parfois sont loin (15km).
Avant de faire du libéral, elle a travaillé pendant 15ans dans un service hospitalier de cancérologie.
J’ai ainsi pu l’interroger sur sa vision de la relation soignant soigné.
Pour elle, dans le libéral le côté relationnel du soin est essentiel. Dans ce domaine contrairement à
des services hospitaliers particuliers (soins intensifs, réanimation) c’est le soin relationnel qui prend le
dessus sur le soin technique.
Contrairement à l’hôpital où le patient arrive dans un territoire inconnu où il doit s’adapter, ici c’est
l’infirmière qui s’adapte tout d’abord au domicile du patient et à son environnement, à ses habitudes
(en particulier à ses horaires dans la mesure du possible) et aussi du matériel disponible.
L’infirmière libérale rentre alors dans l’intimité du patient. Ce point important renforce la relation
soignant soigné. Le patient lui fait partager son quotidien, son domicile.
L’infirmière me raconta que, en entrant chez les patients et en voyant l’endroit où ils vivent
quotidiennement elle les connaît déjà en partie.
Cette infirmière effectue sa tournée dans un secteur qui reste le même, elle rend donc visite aux
mêmes patients souvent.
Elle s’occupe de certains d’entre eux depuis longtemps, plusieurs années du fait de leur pathologie
(diabète par exemple). Elle les connaît donc bien, ainsi que leur famille.
Quand j’ai pu parler avec elle de la relation qu’elle avait avec ses patients, elle me dit que en général
ça ne devient plus une relation patient/infirmière mais un véritable lien affectif.
Elle me raconta qu’elle s’était attachée à un patient qu’elle connaissait très bien, elle passait le voir
même quelquefois en dehors de ses tournées de travail pour lui dire bonjours, pour les fêtes de
Noël…
Un jour elle a appris son décès alors qu’elle ne s’y attendait pas : « j’étais en voiture, je l’ai appris par
téléphone, je me suis tout de suite arrêtée sur le bas côté de la route et je me suis mise à pleurer, je
ne pouvais plus m’arrêter »
« Je suis allée ensuite voir sa famille, le faire un bisou… »
« Il y a un lien affectif mais on ne peut pas faire autrement, nous sommes des personnes humaines »
« C’est vrai que dans les bouquins, à l’école on dit de garder une certaine distance, mais dans la
réalité ça ‘est pas possible »
« C’est vrai que selon les personnalités, certains réagiront différemment »
« Après ma réaction face au décès de ce patient, j’en ai parlé à son médecin traitant que je connais
bien. Je lui ai demandé comment réagir. Selon elle, on peut difficilement prendre une distance… »
J’ai eu l’impression que le fait que l’infirmière ne porte pas de blouse, que les patients l’appelle par
son prénom renforçait la relation.
Il n’y a pas d’effet « blouse blanche », elle vient chez ses patients sans l’image du soignant qui est
présente à l’hôpital. Certains patients lui font la bise pour lui dire bonjour, prennent des nouvelles de
sa famille.
Peut on dire qu’elle est parfois considérée comme amie ?
La relation soignant soigné est d’autant plus importante dans le libéral car beaucoup de personnes
(surtout les personnes âgées) vivent seule. Le passage de l’infirmière leur permet de voir du monde,
de parler…
Malheureusement, en vue de la charge de travail, i lest parfois nécessaire de ne pas trop rester chez
chacun d’eux pour ne pas perdre trop de temps.
L’infirmière prend ses marques au domicile des patients : souvent elle frappe et rentre, elle se lave les
mains chez elle…elle devient un acteur à part entière de leur quotidien.
Je lu ait parlé de ma situation de mémoire, elle ma répondu « tu as fui, certains personnes réagissent
comme ça»
Je lui ait posé la question à savoir si son travail n’envahissait pas trop sa vie personnelle et elle ma
répondu
« je vis avec mon travail, il est partie intégrante de ma vie personnelle. Je pense parfois à mes
patients chez moi mais pas trop. »
« Je crois que je suis ce que j’ai envie de faire, je ne me pose pas de questions. Il m’arrive de fêter
Noël avec mes patients en prenant un verre avec eux. Je ne me refuse pas de faire quelque chose
que je désire faire. »
« Dans le libéral, si tu mets de côté l’aspect relationnel, c’est que tu t’es trompé de voie. Dans ce
métier il faut être humain, encore plus dans ce domaine là »
« Je trouve que le libéral est très enrichissant »
« Ils en parlent moins, mais je pense que les médecins aussi s’attachent beaucoup »
IDE psy :
Attachement patient soignant : risque de dépendance, avoir recul pour utiliser affect (à des fins
thérapeutiques, pour les aider à avancer) sans aller trop loin.
Il est impossible de ne pas avoir d’affect.
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