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b) La construction de l’identité
Pour Renaud SAINSAULIEU, « L’identité au travail », le travail reste l’activité principale qui permet de construire
son identité sociale, de se définir par rapport aux autres et de se construire une manière d’être en société. On retrouve une
fonction sociale au travail et non pas purement économique. De ce fait, l’entreprise devient une institution centrale de la
société puisqu’elle est le foyer de population d’une identité productive voire individuelle. Elle est le lieu d’une culture
spécifique, une culture d’entreprise. Comment les valeurs sont-elles intériorisées ? La socialisation est le processus par
lequel les individus intériorisent les normes et les valeurs d’un principe le rendant apte à vivre dans ce groupe.
Au sein de l’entreprise, les individus sont soumis à de nouveaux apprentissages à travers leurs activités
professionnelles. La socialisation aboutit à construire son identité. Le travail reste pour certains individus un facteur
primordial de construction de leur identité. Pour les femmes et les jeunes, le travail a un sens spécifique car il leur permet
d’acquérir une autonomie, une reconnaissance, un statu social. Toutefois, les chômeurs, les actifs inoccupés perdent un
moyen essentiel de construire leur identité sociale. Ce qui renvoie au débat, est-ce que l’entreprise sert uniquement à
produire du profit mais aussi à construire l’identité sociale d’un individu ? Pour la France, le travail reste une bonne
chose et une valeur importante.
2) La crise de l’intégration par le travail
a) Le travail, une exception historique
Le travail s’est construit comme facteur d’intégration, certains sociologues (MEDA) remettent en cause et
annoncent au contraire la fin du travail comme valeur intégratrice. Pour MEDA, le travail n’est pas une catégorie
anthropologique, une caractéristique structurelle des sociétés humaines, le travail au sens économique n’est pas universel
puisqu’il constitue le fondement de notre société uniquement depuis le XVIIIème siècle.
Dans l’Antiquité, c’est l’esclave qui travaille et le citoyen qui s’occupe des affaires politiques. Au Moyen-Age, c’est
le bourreau qui travaille, ce n’est qu’au siècle des Lumières que le travail est considéré comme l’élément permettant à
l’homme de s’affranchir de sa nature, de devenir libre et de s’enrichir. Il existe de nombreuses sociétés où le mot travail
n’a aucun sens, ce qui prouve q’une société peut exister sans lui.
Pour MEDA, il faut fonder le lien social sur d’autres supports comme les activités familiales, culturelles et
politiques. Pour rendre ce lien social plus vivace, il faut favoriser une participation politique plus active en créant des
espaces publics de participation. Enfin, pour les sociologues marxistes (GARTZ et HABERMAS), le travail est aliénant, il
s’impose de l’extérieur, il faut donc en finir avec le travail et trouver d’autres sources ailleurs.
b) Evolution de l’emploi et intégration
Les nouvelles formes de travail sont caractérisées par des conditions de travail, par une stabilité de l’emploi, des
rémunérations, des modes d’application différents (télétravail). Le développement des emplois atypiques (modèle
dualiste) ne permet pas au travail de construire un groupe homogène, des identités professionnelles stables, donc génère
des solidarités (+140% entre 1985 et 1997).
DURKHEIM avait déjà entrevu cette possibilité de manque d’intégration par le travail puisqu’il parle de formes
pathologiques de la division du travail. En effet, si celle-ci est excessive, elle finit par être trop morcelée, par perdre son
sens, une certaine inadéquation entre différentes fonctions. De même, les individus peuvent obtenir une phase qui est
sans rapport avec leur talent. La durée légale du travail ne cesse de diminuer depuis 150 ans.
Les sociétés occidentales modernes sont confrontées à un paradoxe. L’intégration sociale est basée pour une grande
partie sur le travail, support d’identification, de statuts, de droits, de revenus. Cependant, cette fonction semble être
remise en cause par les évolutions récentes telle que le chômage. Mais l’analyse de fragilisation du lien social
contemporain ne doit pas conduire à remettre en cause le concept de lien social en lui-même. Le propre de toute société
est de constituer un système de normes et de valeurs sur la base duquel elle intègre ses membres via le processus de
socialisation. Ainsi, toutes les instances participant à la régulation sociale (famille, entreprise, école) sont créatrices de
formes différentes de solidarités sociales qui peuvent être amenées à se modifier au cours du temps.
Enfin, des analyses récentes semblent converger sur la nécessité de conserver le travail comme instance intégratrice,
tout en le redéfinissant. On peut retrouver ici les analyses de B. PERRET (« L’avenir du travail », 1995) et du
Commissariat au plan (« Le travail dans 20 ans », 1995, de J. BOISSONNAT) pour lesquelles le travail ne conservera sa
fonction intégratrice qu’à la condition de le partager et en le redéfinissant. Ces auteurs parlent de la pluriactivité c’est-à-
dire un cadre institutionnel et légal au travail qui ne se fonde pas uniquement sur le contrat de travail, mais sur toutes les
formes d’activités transitaires entre emploi et inactivité. Cette approche a le mérite de penser le lien social à travers un
statut d’activité qui va au-delà du simple contrat de travail. Elle fonde la légitimité des analyses en terme de revenu
d’existence et semble pallier à la remise en cause de la citoyenneté par l’exclusion.