QUATRIEME PARTIE : CHANGEMENT SOCIAL ET SOLIDARITE Avant le XIXème siècle, les intellectuels sont guidés par la religion, puis, on vit une double révolution qui est politique et individuelle, l’activité humaine donne des changements sociaux. Les changements sociaux s’effectuent de manière irréversible la structure et le fonctionnement de l’organisation du travail modifiant le cours de l’Histoire. C’est dans ce contexte que naît la sociologie qui aura pour objet d’étude essentiel l’activité des hommes en société, et d’analyser, comprendre ce changement social : TOCQUEVILLE sur l’inégalité, MARX sur le conflit, DURKHEIM sur l’intégration, WEBER sur la valeur. Les sociologues vont expliquer le changement social différemment, une conception différente de la société : Individualisme méthodologique juxtaposition d’individus qui ont le même objectif, il faut prendre en compte l’individu pour comprendre la société, le sociologue doit comprendre la motivation d’un individu sur ces actions (WEBER et les actions sociales) ; Holisme méthodologique ou le déterminisme sociologique la société imposerait certaines choses, il existe dans la société des structures, des organisations qui ont une existence à part entière et qui déterminent les individus (DURKHEIM et MARX). « Société de manière » Individualisme Conflictuelle TOURAINE Intégrée WEBER / TOCQUEVILLE Holisme BOUR DIEU MARX BOU DON DURKHEIM CHAPITRE I : Le rôle du travail comme facteur d’intégration sociale Actuellement, certaines évolutions de la société font ressurgir les questions en terme de lien social et d’intégration sociale. Il y a beaucoup d’interrogations qui se focalise sur les systèmes d’appartenance d’affiliation et de relation qui lient les individus. De même, quels sont les processus actuels qui permettent aux individus, malgré leurs différences, de vivre ensemble, de constituer un ensemble social pacifié, d’une cohésion sociale. Il y a deux évolutions qui nous ramènent à notre problématique : Développement de l’exclusion occuper sa position socialement reconnue comme extérieure, différente ou inégale par les autres membres de la société (15% des français sont considérés comme pauvres, avec un revenu inférieur ou égal à 50% du salaire médian). Augmentation de l’individualisme sentiment réfléchi et paisible qui favorise l’inspiration au bien-être et où chacun cherche à améliorer sa situation personnelle. C’est le fait que les individus se pensent par eux-mêmes. Comment ses évolutions qui entraînent un mode de vie à l’extérieur de la société (SDF), des individus différents des uns des autres repliés sur eux-mêmes, des individus indépendants ou autonomes peuvent-ils être compatibles avec l’objectif d’intégration sociale ? Tous les individus matérialisent des normes et des valeurs communes dans le souci d’être intégrés dans la société. Au cours du XIXème et durant le XXème siècle jusqu’à la crise des années 70, le travail a répondu sur cette fonction sociale d’intégration, a permis d’unifier les individus par un fondement d’une identité collective forte. Cependant, le développement du chômage de masse, des emplois précaires montrent que le travail n’est plus aussi intégrateur et que ce n’est plus le seul support du lien social (Dominique MEDA, le travail est en voie de disparition). I] Changement social et division du travail et lien social Les sociologues, comme DURKHEIM, observent un changement des structures économiques et sociales, on passe d’une société dite traditionnelle à une société industrielle. Ce changement provoque un bouleversement des liens de solidarité. Quelles sont les causes et les conséquences de ces transformations qui affectent le lien social ? 1) Transformation de la solidarité a) Changement social et solidarité Dans les sociétés traditionnelles, principalement rurales, de nombreux réseaux de solidarité se tissent à l’occasion des fêtes, des veillés. La solidarité est le fait pour les individus d’être lier par les intérêts communs et les actions qui sont mis en œuvre pour prendre en charge un besoin qui n’est pas satisfait. Plusieurs vecteurs contribuent à produire cette solidarité dont la famille (travail), la religion (école), le voisinage (village) et les corporations de métiers. La solidarité se fait par un groupe primaire, un groupe de petite taille où les relations sont interpersonnelle reposant sur l’affectivité et soumises par un contrôle social informel et spontané. Ce contrôle se fait par les activités humaines qui visent à contrôler la conformité des actions individuelles. Les groupes sont appelés primaires car se ont les lieux des premières expériences sociales ou de socialisations primaires. Les groupes permettent aux individus de s’intégrer grâce à la fonction de solidarité et la fonction identitaire. Ces groupes forgent l’identité des individus en produisant un fort sentiment d’appartenance. L’identité est un ensemble des éléments propres à un individu qui permettent de le distinguer, cette identité varie en fonction des références culturelles, professionnelles, linguistiques, religieuses. Lorsque l’identité sociale de plusieurs individus tende à être identique, on parlera d’identité collective. A partir du XIXème siècle, de nombreux bouleversements mettent à mal le lien social traditionnel. A la suite de l’urbanisation et de l’industrialisation, une nouvelle société apparaît avec une nouvelle forme de lien social. L’importance des groupes primaires décline, les groupes secondaires ou intermédiaires vont prendre de plus en plus d’importance. Dans ces groupes secondaires, les relations sont plus superficielles, impersonnelles reposant sur des bases utilitaristes et ne concernent qu’une petite partie de la vie des individus, on ne livre qu’une partie de la solidarité. Dans ces groupes, le contrôle social va être formel et codifié par les règlements intérieurs. L’évolution du passage entre la société traditionnelle et la société industrielle a été commentée par F. TONNIES (1855-1936), l’allemand montre le passage de la communauté à la société. La communauté repose sur les groupes primaires et la société sur les groupes secondaires. Cette distinction est basée sur un changement des motivations des individus. Dans la communauté, la volonté des individus est organique (affectif naturel et non réfléchi) alors que dans la société, cette volonté est réfléchie et elle repose sur un raisonnement et sur l’avenir de notre société. b) Division du travail et solidarité Un groupe est un ensemble d’individus unis qui ont des relations codifiées et qui ont un sentiment d’appartenance où le reste de la société considère ce groupe. division du travail Mécanique Organique Ressemblance Complémentarité En 1893, l’analyse de DURKHEIM est que la division du travail témoigne, accompagne le passage d’une société à solidarité mécanique à une société à solidarité organique. Le terme mécanique désigne une société traditionnelle où la division du travail y est faible. Le comportement des individus et les fonctions de production sont faiblement différenciés. Les individus adhèrent à des valeurs et croyances communes. Le contrôle social est fort contraignant, le droit est répressif et donne lieu à des sanctions punitives. Les individus sont soumis à une conscience collective très forte, enfermés dans des contraintes multiples et similaires, ils vont finir par être substituables et remplacés. Dans une société à solidarité mécanique, la solidarité est basée sous la ressemblance et la conscience collective. La conscience collective est l’ensemble des croyances et des sentiments communs à l’ensemble des individus à une société et qui a une existence supérieure à la conscience individuelle. Le terme organique définit une société moderne et industrielle où la division du travail y est forte. Les individus occupent des places différentes, le lien social et la solidarité reposent non pas sur la ressemblance mais sur la complémentarité. La conscience collective existe toujours mais les consciences individuelles se développent, l’individu est plus autonome. Le droit n’est plus répressif mais restitutif. Pour DURKHEIM, cette transition s’explique par une augmentation de la division du travail qui contribue à modifier la nature des solidarités. Quelles sont les causes de cette augmentation de la division du travail qui transforme les liens de solidarité ? 2) Aspects économiques et sociaux du travail La division sociale du travail et non technique est la répartition des activités dans une société, la spécialisation des producteurs dans la réalisation des différents produits. Causes de la division du travail Fonction de la division du travail Egoïsme et individualisme Adam SMITH Emile DURKHEIM Les hommes ont une proportion naturelle à échanger car ils consomment moins qu’ils ne produisent, l’excédant est troqué ou vendu. Dans le souci de leurs intérêts personnels, les hommes souhaitent d’augmenter cet excédant par la division du travail. SMITH pense que l’intérêt individuel est gouverné par notre égoïsme qui augmente la division du travail. L’analyse de SMITH est économique. Les causes résultent de changements sociaux, d’une évolution de la société qui s’expliquent par une augmentation de la densité démographique nécessitant une division du travail pour éviter une lutte pour la vie. Dès lors, les individus vont être plus spécialisés dans leur travail et on va voir une hausse de leur relation. Le changement social entraîne une augmentation de la division du travail qui accompagne une modification des solidarités. La division du travail dépasse ce cadre purement économique puisqu’elle est créatrice de lien social. En effet, les individus sont tellement spécialisés dans le travail qu’ils sont interdépendants des uns des autres. Les questions posées sont comment le développement de l’individualisme peut-il être compatible avec la solidarité et le lien social ? Cet individualisme doit être encadrée par des structures, des institutions, des organisations qui assurent le maintien de l’individu au groupe de manière à renforcer le lien social, et c’est dans cet esprit qu’il propose d’organiser des structures comparatives avec le développement d’une identité collective et de produire une certaine régulation. La division du travail permet d’augmenter la productivité, les profits et les quantités produites. Les individus suivent leurs intérêts personnels et sont guidés par une main invisible à contribuer au bien-être collectif. L’individualisme est source de croissance et d’opulence. Pour DURKHEIM, la montée de l’individualisme qui accompagne le développement de la solidarité organique amène un développement des consciences individuelles sur les consciences collectives. Une telle évolution peut amener à un manque de lien social et aboutir à l’anomie soit un dérèglement social, une perte de légitimité des valeurs de la société. DURKHEIM s’oppose à MARX, pour le premier, la division du travail permet l’intégration, la solidarité, pour l’autre, la division du travail a pour but l’exploitation des salariés via la bourgeoisie d’où un conflit inévitable. II] Le lien social et le travail aujourd’hui Dans l’Ancien Régime ou lors de la société traditionnelle, la solidarité est essentiellement communautaire alors que dans les sociétés industrielles du XIXème siècle, la solidarité n’est plus réfléchie et repose sur une grande partie sur la division du travail et le travail en lui-même. Depuis les années 70, le travail est un réel voire le principal facteur d’intégration puisqu’il permet de construire une identité, d’intégrer un collectif. Toutefois, depuis les années 70, la crise du chômage, le développement des emplois précaires, la réduction du temps de travail montrent que le travail ne peut pas être le seul liant de notre société. 1) Le travail, un facteur essentiel de l’intégration a) Le travail intégrateur Le travail répond à trois fonctions dont la production avec la division du travail, la répartition des richesses entraînant la consommation, et l’intégration. L’intégration se fait à travers le lien collectif (groupe reconnu et institualisé, être quelqu’un), le syndicat (identité collective), et le salariat (droits et protections). Le rapport à la sécurité va se bouleverser, dans l’Ancien Régime, la sécurité allait vers la richesse, maintenant vers les salariés grâce au développement de l’Etat providence. Les cotisations permettent de financer les retraites, les maladies, cette nouvelle forme de solidarité est appelée solidarité nationale. Cette idée rejoint la thèse de DURKHEIM car le travail salarié est stable et est producteur d’une conscience d’identité collective intégratrice. Toutes carences d’intégration par le travail risquent d’entraîner une diminution de la conscience collective, une anomie. L’exclusion professionnelle entraîne une exclusion sociale. Le lien social ne repose pas sur le contenu du travail mais sur les conditions de travail c’est-à-dire que la solidarité ne repose plus sur la spécialisation des individus mais sur la possibilité de tisser des relations. b) La construction de l’identité Pour Renaud SAINSAULIEU, « L’identité au travail », le travail reste l’activité principale qui permet de construire son identité sociale, de se définir par rapport aux autres et de se construire une manière d’être en société. On retrouve une fonction sociale au travail et non pas purement économique. De ce fait, l’entreprise devient une institution centrale de la société puisqu’elle est le foyer de population d’une identité productive voire individuelle. Elle est le lieu d’une culture spécifique, une culture d’entreprise. Comment les valeurs sont-elles intériorisées ? La socialisation est le processus par lequel les individus intériorisent les normes et les valeurs d’un principe le rendant apte à vivre dans ce groupe. Au sein de l’entreprise, les individus sont soumis à de nouveaux apprentissages à travers leurs activités professionnelles. La socialisation aboutit à construire son identité. Le travail reste pour certains individus un facteur primordial de construction de leur identité. Pour les femmes et les jeunes, le travail a un sens spécifique car il leur permet d’acquérir une autonomie, une reconnaissance, un statu social. Toutefois, les chômeurs, les actifs inoccupés perdent un moyen essentiel de construire leur identité sociale. Ce qui renvoie au débat, est-ce que l’entreprise sert uniquement à produire du profit mais aussi à construire l’identité sociale d’un individu ? Pour la France, le travail reste une bonne chose et une valeur importante. 2) La crise de l’intégration par le travail a) Le travail, une exception historique Le travail s’est construit comme facteur d’intégration, certains sociologues (MEDA) remettent en cause et annoncent au contraire la fin du travail comme valeur intégratrice. Pour MEDA, le travail n’est pas une catégorie anthropologique, une caractéristique structurelle des sociétés humaines, le travail au sens économique n’est pas universel puisqu’il constitue le fondement de notre société uniquement depuis le XVIII ème siècle. Dans l’Antiquité, c’est l’esclave qui travaille et le citoyen qui s’occupe des affaires politiques. Au Moyen-Age, c’est le bourreau qui travaille, ce n’est qu’au siècle des Lumières que le travail est considéré comme l’élément permettant à l’homme de s’affranchir de sa nature, de devenir libre et de s’enrichir. Il existe de nombreuses sociétés où le mot travail n’a aucun sens, ce qui prouve q’une société peut exister sans lui. Pour MEDA, il faut fonder le lien social sur d’autres supports comme les activités familiales, culturelles et politiques. Pour rendre ce lien social plus vivace, il faut favoriser une participation politique plus active en créant des espaces publics de participation. Enfin, pour les sociologues marxistes (GARTZ et HABERMAS), le travail est aliénant, il s’impose de l’extérieur, il faut donc en finir avec le travail et trouver d’autres sources ailleurs. b) Evolution de l’emploi et intégration Les nouvelles formes de travail sont caractérisées par des conditions de travail, par une stabilité de l’emploi, des rémunérations, des modes d’application différents (télétravail). Le développement des emplois atypiques (modèle dualiste) ne permet pas au travail de construire un groupe homogène, des identités professionnelles stables, donc génère des solidarités (+140% entre 1985 et 1997). DURKHEIM avait déjà entrevu cette possibilité de manque d’intégration par le travail puisqu’il parle de formes pathologiques de la division du travail. En effet, si celle-ci est excessive, elle finit par être trop morcelée, par perdre son sens, une certaine inadéquation entre différentes fonctions. De même, les individus peuvent obtenir une phase qui est sans rapport avec leur talent. La durée légale du travail ne cesse de diminuer depuis 150 ans. Les sociétés occidentales modernes sont confrontées à un paradoxe. L’intégration sociale est basée pour une grande partie sur le travail, support d’identification, de statuts, de droits, de revenus. Cependant, cette fonction semble être remise en cause par les évolutions récentes telle que le chômage. Mais l’analyse de fragilisation du lien social contemporain ne doit pas conduire à remettre en cause le concept de lien social en lui-même. Le propre de toute société est de constituer un système de normes et de valeurs sur la base duquel elle intègre ses membres via le processus de socialisation. Ainsi, toutes les instances participant à la régulation sociale (famille, entreprise, école) sont créatrices de formes différentes de solidarités sociales qui peuvent être amenées à se modifier au cours du temps. Enfin, des analyses récentes semblent converger sur la nécessité de conserver le travail comme instance intégratrice, tout en le redéfinissant. On peut retrouver ici les analyses de B. PERRET (« L’avenir du travail », 1995) et du Commissariat au plan (« Le travail dans 20 ans », 1995, de J. BOISSONNAT) pour lesquelles le travail ne conservera sa fonction intégratrice qu’à la condition de le partager et en le redéfinissant. Ces auteurs parlent de la pluriactivité c’est-àdire un cadre institutionnel et légal au travail qui ne se fonde pas uniquement sur le contrat de travail, mais sur toutes les formes d’activités transitaires entre emploi et inactivité. Cette approche a le mérite de penser le lien social à travers un statut d’activité qui va au-delà du simple contrat de travail. Elle fonde la légitimité des analyses en terme de revenu d’existence et semble pallier à la remise en cause de la citoyenneté par l’exclusion. CHAPITRE II : Solidarités et institutions Le travail n’est pas le seul support d’intégration, ainsi, avec la socialisation, des autres instances assurent la cohésion sociale. Avec la socialisation primaire, à travers les jeunes, ou secondaire, à travers les adultes, les individus construisant une identité deviennent des membres autonomes des groupes auxquels ils appartiennent mais ils vont aussi intérioriser un ensemble de règles, de valeurs se retrouvant dans les instances telles que l’école, la famille, l’Etat et la religion. Mais, le développement de la « fracture sociale » (E. TODD) et le sentiment de l’insécurité montrent que les anciennes solidarité ne fonctionnent plus aussi bien qu’avant. Cependant, de nouvelles formes de solidarités se manifestent soit en prenant appui sur les anciennes institutions (famille recomposée), soit des échanges locaux. I] L’affaiblissement des instances d’intégration traditionnelles L’Etat, la famille, l’école se transforment, certains sociologues analysent ces transformations comme une crise aui aboutit à moins de solidarité. 1) Des instances traditionnelles en mal d’intégration a) Les institutions de l’intégration Durant la IIIème République, l’armée, l’école et les croyances religieuses, au-delà des particularités géographiques et individuelles, contribuent à diffuser certaines valeurs communes. En fait, en étant des véritables instances d’intégration, elles permettent de construire une identité nationale comme l’instituteur ayant le rôle d’instituer la nation. Il existe d’autres instances d’intégration comme les groupes secondaires ou intermédiaires qui sont par exemple, la famille. Pour DURKHEIM, la famille protège du suicide, le taux de suicide est plus important dans les familles divorcées et chez les célibataires. On considère toujours que la famille intègre mais cette idée est relativisée suite à de nombreuses transformations dont la hausse du concubinage, la baisse du mariage et l’augmentation des divorces. Il subsiste dans la famille un « effet calendrier » où les événements familiaux se font de plus en plus tard ou ne se font plus avec l’allongement des études, difficultés à trouver un premier emploi, le mariage et le premier enfant aux environs de 28 ans. Par ailleurs, certains sociologues (« La famille incertaine », L. ROUSSEL) parlent de désinstitutionalisation de la famille. Les individus cherchent à privatiser leurs vies familiales. Auparavant, la société codifiait les actes familiaux où pour vivre en famille et avoir des enfants, il fallait être marié. Actuellement, les individus peuvent être concubins, les conjoints sont indépendants des uns des autres, la vie en couple est un contrat privé. On est passé d’un mariage arrangé en tant que stratégie comme patrimoine économique à un mariage, association qui repose sur un sentiment amoureux. La famille reste une instance d’intégration primordiale puisqu’elle est le lieu de socialisation primaire, dès la petite enfance, on est lié à des valeurs de société. A travers la famille, l’individu vit ses premières expériences, la famille est le lieu de structuration de la personnalité. La famille fonctionne comme un filtre sur nos expériences futures. On observe que lorsque les instances de socialisation véhiculent des normes et des valeurs communes entre la famille et l’école, c’est le message familial qui l’emporte en général. Toutefois, d’autres sociologues dont DURKHEIM considèrent que l’instance de socialisation la plus importante est l’école. Pour lui, pour toutes sociétés, il y a un système d’éducation qui s’impose aux individus permettant d’éduquer leurs enfants comme ils le souhaitent. L’école répond deux fonctions : Socialisation faire intégrer aux individus des valeurs communes pour vivre ensemble Education programme national commun dans le souci d’homogénéiser cette identité nationale. Jules FERRY met en place l’école publique et obligatoire en 1881, l’école laïque et obligatoire jusqu’à 12 ans en 1882. Plus tard, en 1956, l’école devient obligatoire jusqu’à 16 ans. La fonction de l’école pendant la IIIème République est d’unir les individus, former des bons citoyens, transmettre les savoirs de base, cultiver une identité nationale forte. L’objectif de la fin du cursus scolaire est que les individus doivent se sentir appartenir à la patrie. La seule mission de l’école est de former un individu lambda. Le cursus du primaire regroupe 80% de la population et est destiné à régénérer les ouvriers et la main d’œuvre de la nation. Le cursus du secondaire représente 20% de la population et est destiné à instruire les bourgeois. L’école s’est transformée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale à travers trois phénomènes : Unification suppression des petites classes des lycées avec la création en 1971 du collège unique Démocratisation égalité des droits reposant sur la méritocratie Massification augmentation du taux de scolarisation Entre les années 50 et 70, l’effectif des collèges augmente de 73% et des lycées, de 40%. Il faut attendre 1924 pour que les programmes scolaires soient le même pour les filles et les garçons. En 1965, une circulaire impose une mixité à l’école, en 1982, une autre circulaire la réaffirme. Cette massification traduit trois volontés : Famille volonté que les enfants d’ouvriers aient la même réussite que l’enfant du bourgeois Industrielle volonté d’une haute qualification et formation Universitaire volonté d’une recherche qualifiée par de nombreuses innovations La volonté est surtout d’adapter les jeunes générations à la mutation de la société, à travers le développement des technopoles. En 1880, 1% d’une génération obtient le Bac, 30% en 1945, 60% en 1990 et 75% en 2001. L’objectif de 1985 par JP. Chevènement avec 80% n’est pas atteint. Pour de nombreux auteurs, la religion est ce qui lie les individus entre eux, une société transfigurée, « la religion est le soleil illusoire vers lequel l’homme se tourne jusqu’à temps qu’il accepte de se tourner vers lui-même », de K. MARX. L’Etat fédère à trois niveaux, à travers l’école, la citoyenneté (Etat-Nation), la protection sociale avec l’Etat providence. L’école intègre dans les années 60 et 70 un public nouveau, ouvriers et enfants d’immigrés avec leur culture spécifique cherchant une identité homogène. L’Etat se construit à l’aboutissement de l’Etat-Nation, un territoire sur lequel vit une population soumise à un pouvoir souverain. Une nation est une communauté humaine qui développe un sentiment d’appartenance à une collectivité : France droit du sol, objectif subjectif d’une volonté de vivre ensemble sur des bases du passé Allemagne droit du sang, critère objectif sur la langue, la religion et l’histoire, fondée sur le futur La notion de l’Etat-Nation est remise en cause par son développement dans certains pays où subsistent certaines minorités ethniques. Le multiculturalisme intègre les droits individuels à travers la culture de l’individu, et l’assimilation intègre l’individu. Le pouvoir politique multinational (ONU, UE) dicte la manière de construire l’Etat-Nation se basant sur le contrat social de ROUSSEAU ou de HOBES, la citoyenneté. En France, l’Etat-Nation est le support du pouvoir politique de nature démocratique. Le gouvernement est fait par le peuple, pour le peuple où le peuple est sujet et monarque. La démocratie n’existe pas sans le citoyen, le noyau de la démocratie. Les citoyens ont des droits et des devoirs, participent à la vie publique, le citoyen acquiert des droits civils au XVIII ème siècle, des droits politiques en 1848, et des droits sociaux (Etat providence) au XXème siècle. Sous le critère de la nationalité, l’Etat intègre depuis l’école, la protection sociale (solidarité nationale) et l’Etat providence. b) La crise de ces institutions Pour DUBET, on assiste à une mutation de l’école dans laquelle son sens ne va plus de soi. En effet, la démocratisation et la massification entraîne un triple enjeu dont de forger une identité collective, de respecter les valeurs individuelles en respectant les spécificités culturelles, la fonction utilitaire du diplôme. Il y a un inflation des diplômes que les rend moins discriminants, son nombre a terriblement augmenté, en face, la position qui va avec ses diplômes n’a pas augmenté en même temps. Alors, l’utilité de l’école n’est plus aussi perceptible qu’auparavant, notamment par rapport aux années 70 et 80 où l’école permettait l’insertion sociale. On peut expliquer cet échec scolaire par le manque de projets et l’absence de motivation par rapport au savoir. Les élèves qui n’ont ni projet, ni motivation se sentent agresser par l’institution leur demandant de trouver un sens à aimer apprendre, ils se sentent exclus. Selon BOURDIEU, l’école est vectrice d’inégalité, les individus n’ont pas la même chance de réussite à l’école. Ce qui est revalorisé à l’école, c’est une langue écrite et correcte à défendre par la classe dominante. Les enfants issus de cette classe dominante réussissent mieux que ceux de la classe populaire car ils connaissent mieux les valeurs, les codes des institutions scolaires. La théorie de BOURDIEU est fortement critiquée, les inégalités sont le résultat de choix individuels pouvant amener à la désinsertion des individus par rapport à leurs institutions scolaires. Ainsi, l’école comme moyen d’apprendre et de motiver a plus en plus de mal à jouer sa fonction d’intégration. On assiste à un mouvement de sécularisation c’est-à-dire un déclin de l’influence religieuse sur les autres sphères de la vie sociale et économique. Il y a un développement de l’idée selon laquelle il n’y a pas de fondements religieux à l’ordre économique, social, et politique. On retrouve ici le processus de nationalisation de WEBER où en 1905, on sépare le pouvoir politique de la religion. Depuis les années 50, on observe une très nette diminution des pratiques religieuse et une marginalisation des pratiquants. La montée de l’individualisme donne à l’individu d’affirmer ses valeurs de manière autonome et conduit à refuser que la religion dicte le vote politique, les pratiques sexuelles. La religion intègre moins puisqu’elle encadre nos croyances et nos attitudes. L’Etat, dans la notion de l’Etat providence (P. ROSENVALLON), fait face à une crise de l’intégration et de l’individu à travers l’école et subit une triple crise : Crise financière due à la hausse des prélèvements obligatoires, il n’est plus possible de les augmenter donc dépenses publiques. Crise d’efficacité certaines politiques économiques et sociales ne permettent pas d’enrayer les problèmes économiques et sociaux (chômage). Crise de légitimité l’Etat ne semble plus être garant de l’égalité entre les individus. J. RAWLS (« Théorie de la justice », 1974) et d’autres auteurs arrivent à démontrer que certaines inégalités sont justes. Au-delà de cette crise, le lien politique serait remis en cause comme le montre certains politologues avec l’absentéisme (manque d’efficacité, affaires politico-judiciaires). On peut s’interroger sur le modèle de socialisation politique qui est proposé aux jeunes, on voit apparaître depuis les années 90, un vote protestataire à travers le FN. De manière générale, l’éclatement de la famille favorise l’isolement des individus et fragilise la stabilité des enfants. Le passage de la jeunesse à l’âge adulte peut être un facteur de désinsertion sociale. Il existe certains rites de passage pour devenir adulte, il faut vivre en couple ou en dehors de la famille et avoir un emploi, ceci permet d’être doublement indépendant au niveau affectif et financier. Cependant, l’entrée de l’âge adulte se fait de plus en plus tard suite aux allongements des études et une insertion professionnelle plus dure. Il y a donc un malaise pour ces individus de 20 à 26 ans qui sont toujours chez leurs parents sans y être pouvant amener un clash à une désinsertion entre les vieux adolescents et les parents. Par ailleurs, cette position amène aux jeunes de ne pas s’intéresser à la vie politique et aux devoirs de citoyenneté. Evolution du nombre de mariages 1960 1970 1980 1990 1995 1998 1999 2000 Nombre absolu en milliers Taux de nuptialité pour 1 000 hab. 319,9 393,7 334,4 287,1 254,7 271,4 285,4 304,3 7,0 7,8 6,2 5,1 4,4 4,6 4,9 5,2 Evolution du nombre de divorces Divorces prononcés en milliers 1960 1970 1980 1990 1995 1996 1997 1998 Divorces pour 10 000 couples mariés 30,2 38,9 81,2 105,8 119,2 117,4 116,2 116,5 29,0 33,0 63,2 84,0 96,5 95,5 94,9 95,6 Structure familiale des ménages Nombre de ménages en millions 1968 15,8 1975 17,7 1982 19,6 1990 21,5 2000 24,4 6,4 13,8 2,9 21,1 36,0 19,8 7,4 14,8 3,0 22,3 36,5 16,0 8,5 16,0 3,6 23,3 36,1 12,5 10,1 17,1 4,6 23,6 32,9 11,7 12,4 18,4 7,2 27,2 32,8 2,0 Structure familiale en % : Homme seul Femme seule Famille monoparentale Couple sans enfant Couple avec enfant Ménage complexe La séparation conjugale est un autre risque de désinsertion sociale qui est inégalement répartie dans la population. Le modèle familial traditionnel est que la femme s’occupe des enfants, des tâches ménagères, peut exercer un emploi compatible moins rémunéré à cause des temps partiel, et que l’homme assure les revenus. En cas de divorce ou de rupture entre concubins, la femme peut se retrouver avec des revenus insuffisants pour vivre de manière socialement intégrée. Toutefois, l’Etat prend le relais à travers l’allocation parents isolés (API) qui est de 700€ par mois pour le premier enfant. Désormais, le droit paternel existe pour les gardes, de longue durée, des enfants. Depuis 1995, le divorce peut être proclamé pour trois raisons dont la rupture de vie commune d’au moins 6 ans, le consentement mutuel, la faute grave où en 2000, le tort est partagé. Ce processus est inégalement réparti, si la femme ou l’homme appartient à une famille aisée alors l’insertion sera plus facile. Cette désinsertion sociale au sein de la famille serait encore plus forte sans l’intervention de l’Etat, il ne peut pas y avoir de solidarité privée sans solidarité publique. Par exemple, si les ascendants pourvoient au besoin de la descendance, c’est parce que ceux-ci alimentent leurs ressources à travers la solidarité nationale avec les cotisations sociales et les retraites. Les groupes secondaires sont aussi remis en cause dans leur fonction intégratrice avec la crise du syndicalisme, l’importance moindre des parties politiques. 2) Le lien social en question a) Pauvreté et exclusion La pauvreté, au sens strict et absolu, est de disposer d’un revenu inférieur à un minimum conventionnel, inférieur à un seuil où en dessous duquel l’existence biologique et physiologique est compromise. Ce seuil est déterminé en fonction d’un panier de biens nécessaires pour vivre noblement (RMI). Au Portugal, avec le seuil portugais, on dénombre 33% de pauvres, avec le seuil de l’UE, 70%. Le nombre de pauvres peut être l’objet de manipulations statistiques. La pauvreté, au sens relatif, est de disposer moins de 50% d’un revenu moyen ou médian dans lequel on appartient. C’est un niveau de ressource trop faible entraînant l’exclusion des individus, des modes de vie minimaux, une participation normale à la vie sociale (50% du SMIC). La pauvreté relative rend difficile les comparaisons dans l’espace et dans le temps. En France, le revenu moyen est de 1 300€ et médian de 1 100€ par mois, alors la pauvreté relative en France serait placée en dessous de 550 ou 650€. Actuellement, en France, on dénombre 15,5% de pauvres au sens relatif et par rapport au revenu moyen, et 7% en prenant en compte le revenu disponible. Revenu disponible = Salaire – Prestations Obligatoires + Prestations Sociales Le système d’aide de prestations sociales diminue de moitié la pauvreté. En 1970, 15% des ménages sot pauvres par rapport au revenu disponible (2 500FF). Le taux de pauvreté a diminué chez les retraites grâce à la mise en place de cotisations, et augmenté chez les jeunes à cause du chômage et des emplois atypiques). La pauvreté en France a toujours existé et semble perdurer mais elle change de forme et concerne d’autres catégories. Entre 1900 et 1950, ce sont les personnes âgées les plus pauvres ; et entre 1950 et 1970, la croissance économique des Trente Glorieuses ne permet pas de résorber la pauvreté : Pauvreté structurelle apparition des bidonvilles avec le rassemblement des sans-emploi, des emplois peu rémunérés qui ne trouvent pas un logement. Apparition de deux organismes de charité qui se manifestent pour souligner cette pauvreté avec l’Abbé Pierre en 1954 et ATD Quart-monde du père Wresinski en 1957. A partir de 1970, une nouvelle pauvreté voit s’élargir l’éventail de la population concernée par la pauvreté, ce sont les salariés des couches populaires, les jeunes et les chômeurs. Il y a 1,2 millions de personnes sui perçoivent le RMI contre 400 000 à sa création en 1988, 50% des SDF sont rmistes. La logique publique est pour une lutte contre la pauvreté avec l’assurance (protection sociale, Etat providence) et l’assistance dont le RMI, les minima sociaux, le minimum vieillesse, l’allocation de solidarité spécifique (ASS), tandis que la logique privée se traduit par la charité à travers les ONG laïques (La Croix-Rouge, Restos du Cœur) et religieux (Emmaüs). L’affaiblissement du lien social, au niveau économique via le travail mais aussi au niveau affectif via la famille, explique la pauvreté et l’exclusion. De nombreux sociologues ont essayé de clarifier les cause de l’exclusion en s’intéressant aux trajectoires des individus. L’exclusion est une position sociale considérée comme inférieure, différente voire extérieure par rapport aux autres membres de la société. L’exclusion peut être définie comme une trajectoire, un parcours autour duquel l’individu entre dans des zones dont la cohésion sociale et l’intensité variable : Zone d’intégration travail et famille Zone de fragilité famille, sans travail Zone de désaffiliation ni famille, ni travail L’exclusion est une double rupture, travail et socio-affective. D’autres sociologues parlent de disqualification pour montrer le processus d’entrer dans la pauvreté, ce processus comporte trois phases : Fragilité : déclassés socialement, revenus très inférieures à la norme mais prise de conscience Dépendance : assistés, aidés, pris en charge par les travailleurs sociaux qui les désignent comme pauvres Rupture : marginaux, totale désinsertion et refus d’aide Les filets de protection sociale ne réussissent pas puisque la moitié des SDF n’a pas le RMI. b) Anomie et déviance La déviance est l’ensemble des actes non conformes aux normes d’un groupe social ou de la société. Il ne faut pas confondre la déviance et la délinquance où cette dernière est une forme de déviance dont le suicide et l’alcoolisme. La délinquance augmente et varie avec l’urbanisation (62% de vols, 9% de délinquance économique, 7% sur les personnes et 22% pour la drogue). Parmi la délinquance, c’est surtout le vol qui a augmenté (+7,7% en 2001 et +5% en 2000), et lors de la période des années 60 et 70, c’est la délinquance qui a augmenté à travers les mouvements d’urbanisation et la construction des grands ensembles qui regroupe une population touchée par le chômage trouvant avec la délinquance à subvenir à leurs besoins. La délinquance sur les personnes a aussi augmenté. Pour les sociologues, la déviance s’explique selon deux analyses, toutes deux fondées sur la recherche de la cause de la non-conformité dans la logique de l’individu c’est-à-dire la recherche de la rationalité : L’analyse stratégique est de comparer les coûts et les avantages. Selon MERTON, les déviants peuvent être des innovateurs défendant les valeurs de la société, les richesses qui ne mettent pas les moyens pour y arriver alors ils mettent en place de nouvelles stratégies. L’analyse interactionniste est de rechercher les causes dans l’interaction sociale avec les autres individus du groupe et de trouver dans la société, les causes de la déviance de l’individu. Selon BECKER, la déviance est le résultat d’un étiquetage public divisé en deux parties, primaire et secondaire. La déviance primaire est, par exemple, un fumeur occasionnel de marijuana ; et la déviance secondaire est la désignation publique pour la société d’avoir fait quelque chose de non conforme. La déviance est une question de niveau de normes. Le déviant peut être innovateur social essentiellement dans la mesure où un collectif d’individu peut influencer les normes politiques (PACS, dépénalisation du cannabis). Pour être comptabiliser, il faut une plainte d’où une manipulation statistique, or tous les délinquants ne sont pas enregistrés au commissariat. On observe de plus en plus d’anomie qui se manifeste par des comportements traduisant un déficit d’intégration. Le taux de suicide des jeunes de 18 à 24 ans depuis 1975 a doublé et le nombre de toxicomanes a explosé. A ce stade de la réflexion, rappelons que le lien social est moins présent suite à une crise des instances intégratrices (Etat, famille). Ceci aboutit à une augmentation des situations de pauvreté, d’exclusion et de déviance. Plus qu’à une crise, on assiste à une mutation de ces instances d’intégration et les liens de solidarités qui composent notre société. II] Les nouvelles formes de solidarités Les instances intégratrices traditionnelles sont loin de disparaître, se transforment et laissent apparaître de nouvelles formes de solidarité. De plus, le propre de toute société est d’intégrer ces individus et ceci à travers le processus de socialisation. C’est pourquoi le lien social s’inscrit dans un mécanisme de perpétuelle construction pour preuve de nouvelles formes de solidarités. 1) La transformation des instances d’intégration traditionnelles Certaines analyses sociologiques montrent que les anciennes institutions qui permettaient jadis d’assurer une certaine cohésion sociale n’ont pas totalement disparu. Elles traversent simplement une période de transformation. Ainsi, on peut constater que des formes de solidarité mécanique se sont maintenues contrairement à ce que DURKHEIM soutenait dans son livre « De la division du travail social » de 1983. Les exemples de certaines résistances nationalistes et ethniques (Europe de l’Est, Afrique), de certains mouvements sociaux postmodernes (féministes, écologistes), de l’essor de nouvelles communautés de croyants montrent bien que des formes anciennes d’intégration aient survécu. Loin de disparaître, elles sont réapparues sous de nouvelles formes. La montée de l’individualisme ne se manifeste pas uniquement par une sécularisation mais aussi par le retour d’une religion à la carte. On constate au sein des Eglises constituées à des conversions et au développement de mouvements au sein desquels les pratiques sont intenses dont l’essor des sectes, l’intégrisme catholique, les spiritualités orientales, les parasciences. Si nous prenons l’exemple de la famille, nous constatons que de nouvelles structures familiales se dessinent pour laisser émerger ce que les sociologues nomment aujourd’hui la famille recomposée. Cette dernière permet à chaque membre de se tisser un réseau familial qui, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, joue un rôle fondamental dans la vie des individus. Ainsi, loin de ne plus jouer un rôle en matière de cohésion sociale, la famille, la parentèle, certes radicalement transformées, sont encore des supports incontournables pour assurer un soutien, une aide aux individus en cas de difficultés. De nombreuses analyses montrent la multiplicité actuelle des solidarités familiales, notamment en direction des jeunes qui entrent plus tardivement sur le marché du travail. Ces liens sont d’autant plus forts par des études longues, les besoins financiers, le chômage et l’augmentation de l’espérance de vie. On est passé d’une famille communautaire (patriarcale) à une famille souche (primogéniture) et à une famille nucléaire. On peut aussi rappeler les analyses contemporaines de la sociologie de la famille (ROUSSEL, « La famille incertaine », de 1989) qui consiste à dénoncer le mythe de la famille stable et communautaire (famille élargie) ainsi que les thèses d’une évolution linéaire de la famille. Enfin, actuellement la famille joue un rôle intégrateur prépondérant dans un contexte où les jeunes entrent dans la vie active de plus en plus tard. De plus, ces liens intergénérationnels se développent à travers les relations avec les grands-parents qui voient leur espérance de vie augmentée ainsi que leur pouvoir d’achat (retraite, CDI, etc.). Si les anciennes formes de liens se redéfinissent, de nouvelles apparaissent aussi. 2) De nouvelles solidarités interpersonnelles Selon certains sociologues comme Henri MENDRAS, une nouvelle organisation sociale en réseaux se dessine avec les réseaux d’amis, d’associations, réseau familial,… Ainsi, l’individu loin d’être enfermé dans un isolement total se construit des formes d’appartenance d’un nouveau type dont la configuration reste encore difficile à appréhender. Un tiers des français fait parti d’une association soit 10 millions de bénévoles, 1,2 millions de salariés repartis dans 700 000 associations tournées vers le sport, la culture ou la défense d’intérêt. Selon Roger SUE, les associations deviennent le nouveau modèle du lien social. Pour MENDRAS, la classe d’âge des retraités y joue un rôle important car ils disposent de compétences techniques (capital culturel) et de temps pour les animer. C’est en cela que pour de nombreux économistes et sociologues se développe une économie solidaire. Ce secteur de l’économie sociale entre secteur marchand et non marchand concilie libre initiative et esprit de solidarité c’est-à-dire un moyen de pallier tant les lacunes du marché que celles de l’Etat. Dorénavant, il semble que les individus aient envie de s’engager dans des activités où ils peuvent affirmer leur citoyenneté. La notion de citoyenneté rend parfaitement compte de ces transformations relatives au lien social. Définie sur des critères de nationalité et de valeurs fédératrices (liberté, égalité), elle se décline par un ensemble de normes (droits civils, politiques et sociaux, devoirs) donnant lieu à des comportements, des modèles de conduite (mode de participation à la cité). Cette citoyenneté est tout d’abord remise en cause par l’exclusion et la perte de lien politique. En cela, l’exercice de la citoyenneté n’est pas intégrateur, si on en est exclu. Cependant, celle-ci évolue, elle est de plus en plus participative (décentralisation en 1982) et de plus en plus multiculturelle. L’exemple des SEL (Système d’Echanges Locaux) est tout à fait évocateur à cet égard. Ce sont des regroupements de personnes qui s’associent localement et échangent des biens et des services par l’intermédiaire d’une unité de compte interne. Ce type d’association ne peut à lui seul assurer la solidarité sociale de l’ensemble de la société mais il peut localement organiser un vivre ensemble soutenable et harmonieux et produire de l’identité sociale. L’analyse de la fragilisation du lien social contemporain ne doit pas conduire à remettre en cause le concept de lien social lui-même. Toutes les instances participant à la régulation sociale sont créatrices de formes différentes de solidarité sociale qui peuvent être amenées à se modifier au cours de l’Histoire. Par exemple, les formes de la famille contemporaine contribuent à la mise en place de nouvelles normes sociales et tendent à remettre en cause des normes anciennes. En ce sens, le lien social s’inscrit dans un processus en permanente reconstruction. L’histoire des sociétés occidentales donne de nombreux exemples de phénomènes d’exclusion qui montre que les catégories de population exclues varient selon les lieux et les époques. Ainsi FOULCAULT (1926-1984) dans l’Histoire de la folie à l’âge classique montre comment à la fin du Moyen Age la figure de l’exclu passe du lépreux au fou. Dans « Les quartiers d’exil » de 1992, « La galère, jeune en survie » de 1987, par F. DUBET analyse les modes de vie des jeunes dans les banlieues. Il constate que le fait de vivre un état permanent d’exclusion amène à la construction de nouvelles formes de solidarités sociales. Il existe dans ces quartiers d’exil une survie par le biais d’activités souvent illégales. Toutefois, cette galère est aussi caractérisée par des processus variés d’intégration dans des réseaux informels qui permettent de se débrouiller. A. JAZOULI poursuit en montrant que ces vecteurs de cohésion reposent sur la musique, le sport, les vêtements et la fête.