LA COLONISATION EUROPEENNE ET LE SYSTEME COLONIAL I – Les Européens à la conquête du monde (1850 – 1914) A/Le dynamisme européen avant 1914 En raison d’une croissance démographique soutenue, le Vieux Continent regorge d’hommes : de 1850 à 1914, près de 50 millions d’Européens partent vers les pays neufs, attirés principalement par les Etats-Unis, mais aussi par le Brésil, l’Argentine ou les colonies de peuplement britanniques. L’Europe tire aussi largement parti de sa maîtrise technique : les progrès des moyens de transports et de communication, de la navigation à vapeur au télégraphe, unifient l’espace mondial ; le percement des grands canaux transocéaniques, Suez (1869) et Panama (1914), raccourcissent spectaculairement les distances. La puissance économique et financière de l’Europe occidentale lui permet de dominer largement le commerce mondial (plus de 60 % des échanges mondiaux en 1914) et d’exporter ses capitaux dans le monde entier, qu’il s’agisse d’investir directement dans l’économie ou de prêter à des Etats lourdement endettés, comme l’Empire ottoman. B/Le triomphe de l’idéal colonial La colonisation retrouve de nombreux partisans dans la deuxième moitié du 19ème siècle. Les explorateurs multiplient les voyages de découverte, comme ceux de Livingstone, à la recherche des mystérieuses sources du Nil. Les missionnaires partent évangéliser les peuples indigènes. Militaires, chambres de commerce et sociétés de géographie constituent de puissants groupes de pression qui encouragent les explorations, organisent des expositions et diffusent des récits de voyage enthousiastes. Les arguments avancés sont donc de nature très diverse : la recherche de marchés, la quête de placements sûrs, l’orgueil national, les préoccupations stratégiques, et, par-dessus tout, la conviction largement partagée que les nations d’Europe ont une responsabilité vis-à-vis de peuples « en retard », voire « inférieurs ». L’utopie coloniale, inspirée souvent par un idéal généreux et par de bons sentiments, repose sur de véritables contradictions : la lutte contre l’esclavage, ce « commerce honteux » qui sévit en Afrique, légitime les interventions des puissances européennes comme celle du roi des Belges Léopold II au Congo, mais débouche sur la servitude généralisée du continent ! Le discours colonial, nourri de préjugés racistes, de mythes et d’illusions, est propre à séduire et ne soulève guère de réserves avant 1914. Relayé par la presse, la littérature et l’école, il s’affirme comme une composante majeure des sociétés européennes et entretient le sentiment nationaliste. page 2 La justification du fait colonial : texte A « Je dis […] que cette politique coloniale repose sur une triple base économique, humanitaire et politique. […] Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux. […] Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures […], parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures […]. Une marine comme la nôtre ne peut se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défense, de centre de ravitaillement. » Jules Ferry, Discours devant la Chambre des députés, le 28 juillet 1885. Contestations des arguments de la colonisation. Texte B « Races supérieures ! Races inférieures ! C’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. […] Regardez l’histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l’oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur. […] Mais n’essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation. Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit, c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie. » Georges Clemenceau, Discours à la Chambre des députés, 30 juillet 1885. Vision raciale de la fin du XIX° siècle. Texte C « C’est en vain que quelques philanthropes ont essayé de prouver que l’espèce nègre est aussi intelligente que l’espèce blanche. Un fait incontestable et qui domine tous les autres, c’est qu’ils ont le cerveau plus rétréci plus léger et moins volumineux que celui de l’espèce blanche. Mais cette supériorité intellectuelle qui selon nous ne peut être révoquée en doute, donne-t-elle aux Blancs le droit de réduire en esclavage la race inférieure ? Non, mille fois non. Si les nègres se rapprochent de certaines espèces animales par leur forme anatomique, par leurs instincts grossiers, ils en diffèrent et se rapprochent des hommes blancs sous d’autres rapports dont nous devons tenir grand compte. Ils sont doués de la parole, et par la parole nous pouvons nouer avec eux des relations intellectuelles et morales, nous pouvons essayer de les élever jusqu’à nous, certains d’y réussir dans une certaine limite. Du reste, un fait plus sociologique que nous ne devons jamais oublier, c’est que leur race est susceptible de se mêler à la nôtre, signe sensible et frappant de leur commune nature. Leur infériorité intellectuelle, loin de nous conférer le droit d’abuser de leur faiblesse, nous impose le devoir de les aider et de les protéger. » Extrait de l’article « nègre » du Dictionnaire Larousse de 1872. II – De la domination au partage (1850 – 1914) A/Les étapes de l’expansion Premières interventions : la France, en Algérie dès 1830, ou la Grande-Bretagne en NouvelleZélande en 1840. Au début : réticences des états. L’expansion change de nature vers 1880. Les rivalités grandissantes entre puissances, les difficultés économiques entraînées par la Grande Dépression suscitent l’adoption de politiques résolument colonialistes. Le Britannique Joseph Chamberlain et le Français Jules Ferry se font les porte-parole d’une conquête systématique. Alors que les Français mettent la main sur la page 3 Tunisie en 1881, les Britanniques occupent l’Egypte en 1882 afin de contrôler la nouvelle route des Indes ouverte par le canal de Suez. De nouvelles puissances, comme l’Allemagne ou l’Italie, revendiquent leur « place au soleil ». Après la conférence de Berlin qui s’achève en février 1885, la compétition s’accélère et une vague colonisatrice dise l’Afrique Le partage colonial est achevé pour l’essentiel en 1914. Il est accompagné de terribles violences contre les indigènes, les confiscations de terres et les déplacements de peuples s’ajoutant aux massacres de la conquête. Il a provoqué des heurts entre puissances et alimenté le nationalisme. Le rêve français d’un empire qui irait de Dakar à Djibouti se heurte au projet anglais de réunir dans un même ensemble les territoires du Caire au Cap : en 1898, à Fachoda, sur le Nil, les Français doivent reculer. La France et l’Allemagne s’affrontent à propos du Maroc : en 1905 – 1906 (crise de Tanger) et 1911 (crise d’Agadir), on est au bord de la guerre. B/Colonialisme ou impérialisme La colonisation constitue la forme la plus visible de la domination européenne. Des régions entières passent sous le contrôle direct des puissances et sont administrées depuis Paris, Londres ou Berlin. Quand la puissance coloniale juge préférable de maintenir la fiction d’une certaine autonomie locale, elle recourt au régime du protectorat, comme en Tunisie, au Cambodge ou en Egypte. Mais, dans tous les cas, elle conserve, par le biais d’un gouverneur ou d’un ministre-résident, l’essentiel des pouvoirs. Certains pays ne peuvent pas être placés sous tutelle, du fait de leur taille, leur histoire ou l’âpreté des rivalités qu’ils suscitent : c’est le cas de l’Empire Ottoman, de la Chine ou de l’Amérique latine. Il s’agit alors de profiter de la supériorité technique et financière pour obtenir une influence déterminante, comme le font les Britanniques en Amérique du Sud. Des pans entiers de l’économie passent sous le contrôle des firmes européennes (mines, plantations). Cet impérialisme conduit également à une mainmise étrangère sur la Chine, partagée en véritables zones d’influence en 1895 (« Break up of China ») ainsi qu’à des ententes au Moyen-Orient sur les concessions ferroviaires et l’exploitation pétrolière. III – Le système colonial A/L’apogée de la colonisation En 1939, l’Empire Britannique est de loin le plus important, tant par la taille (30 millions de km2) que par la population (500 millions d’habitants). S’étendant sur les cinq continents, il comprend les territoires de population blanche, les dominions, associés à la Grande-Bretagne dans le cadre du Commonwealth. L’Empire Français s’étend sur 10 millions de km2 et ne compte que 70 millions d’habitants. Il n’y a pas de colonie de peuplement même si l’Algérie comporte une forte minorité de population européenne et est, pour cette raison, divisée en départements et rattachée directement à la métropole. Partout, la politique officielle repose sur l’assimilation et sur une administration centralisée dans le cadre de grands ensembles territoriaux (AOF et AEF en Afrique, Union indochinoise en Asie). Les autres empires sont beaucoup plus petits, même si l’Italie a pu prétendre son domaine africain par la conquête de l’Ethiopie en 1936. Leur importance économique est très inégale, mais le Congo belge ou l’Indonésie néerlandaise ont largement profité à leurs métropoles. page 4 B/L’exploitation des colonies Le discours colonial souligne les progrès réalisés, qu’il s’agisse de l’élimination des maladies endémiques, de l’encadrement scolaire, œuvre des missionnaires le plus souvent, ou des efforts d’équipement ferroviaire et portuaire. Toutefois, les résultats d’ensemble paraissent bien maigres, tant la logique de la mise en valeur reste dominée par les intérêts des colons et les besoins des métropoles. Les cultures vivrières sont sacrifiées au profit des denrées tropicales et des cultures industrielles : l’Inde fournit coton et thé ; l’Indochine et l’Indonésie, le caoutchouc ; le Congo belge et la Rhodésie, le cuivre ; le Maroc, les phosphates, etc. En retour, les colonies doivent absorber les produits fabriqués par la métropole, la récession des années trente aggravant cette dépendance avec l’adoption de la « préférence impériale ». III – Une domination menacée A/La remise en cause de la puissance européenne En 1918, les deux principales puissances coloniales, la France et la Grande-Bretagne, se félicitent de la contribution de leur empire à la victoire. L’opinion dans les métropoles se persuade que leur mise en valeur est un gage de prospérité durable. Toutefois, les « quatorze points » du président Wilson ont fait valoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la SDN, en confiant aux vainqueurs des mandats provisoires sur les anciennes colonies allemandes et ottomanes, souligne qu’il s’agit d’une étape sur la voie de leur émancipation. La domination européenne n’est plus sans partage. Les Etats-Unis sont devenus la première puissance mondiale et ils condamnent la colonisation lui préférant un impérialisme informel, en particulier en Amérique latine. L’URSS et l’internationale communiste multiplient les appels aux « peuples opprimés ». L’expansion du Japon est souvent accueillie avec enthousiasme en Asie même si leur exaltation de l’union des peuples asiatiques masque leurs ambitions impérialistes. B/La montée des contestations internes Dans ces conditions, les élites indigènes comprennent mal que l’égalité civique leur soit toujours refusée. Formées dans les écoles européennes ou dans les séminaires, elles s’appuient sur les valeurs occidentales pour réclamer, sinon l’indépendance, du moins une véritable autonomie, proche de celle dont jouissent déjà les dominions. Or, les métropoles se montrent sourdes à ces attentes. Nous verrons cela en étudiant le phénomène de décolonisation. PAYS Inde Inde Indochine/Vietnam Indonésie LEADER Gandhi et Nehru Ali Jinnah Ho Chi Minh Sukarno ou Soekarno Algérie Algérie Messali Hadj Ben Bella Maroc Tunisie Mohamed 5 le sultan Habib Bourguiba GROUPE Parti du Congrès Ligue Musulmane Vietminh Parti Communiste Indonésien Parti Populaire Algérien Front de Libération Nationale Istiqlal (indépendance) Néo Destour (nouvelle constitution) METROPOLE RU RU FRA/USA PAYS BAS FRA FRA FRA FRA page 5 Gold Coast/Ghana Kwame Nkrumah Sénégal Léopold Senghor Convention people’s RU party Bloc Démocratique FRA sénégalais page 6 L'EMANCIPATION DES PEUPLES DEPENDANTS La décolonisation débute dès 1945. À la faveur de la guerre, les mouvements nationalistes profitent de l'affaiblissement des métropoles européennes et demandent la reconnaissance de leurs revendications. L'hostilité des Etats-Unis ou de l'URSS à la colonisation, la création d'un organisme comme l'ONU, sont par ailleurs autant d'éléments favorables à l'émancipation des peuples dominés. La décolonisation mènera à l’expression d’un nouveau bloc : « le Tiers-Monde ». Comment s’est déroulé la décolonisation ? Si, dans un grand nombre de cas, les indépendances découlent d'un processus de négociation entamé le plus souvent sous la pression et se déroulent pacifiquement, dans d'autres cas, les métropoles se crispent sur leurs positions et la décolonisation se déroule dans le déchirement et la violence. I. LES ORIGINES DE LA DECOLONISATION. A. L’IMPACT DE LA GUERRE 1°) L'affaiblissement des métropoles. Impact négatif des défaites du début de la guerre pour les alliés européens : Les métropoles sont épuisées par la guerre En Extrême-Orient, le rôle des Japonais : ils avaient promis l’indépendance 2°) La déstabilisation des colonies Les combattants des troupes coloniales estiment être en droit de disposer de la liberté après avoir combattu pour celle de leurs colonisateurs Les Alliés ont présenté leur combat comme celui de la liberté des peuples et de la démocratie. La Charte de l’Atlantique a affirmé le droit des peuples du monde entier à disposer d’eux-mêmes, et elle prend vite une valeur universelle... B. UN CONTEXTE INTERNATIONAL FAVORABLE. Les pressions des USA et leurs limites dans le contexte de guerre froide page 7 Les USA, ancienne colonie ayant lutté pour son indépendance, soutiennent donc les peuples qui mènent désormais un combat de même nature que le leur autrefois. Le soutien de l'URSS au combat anti-impérialiste : contre l’ »exploitation de l’homme par l’homme » Le rôle de l'ONU C. L’ESSOR DES MOUVEMENTS DE LIBERATION NATIONALE 1°) L'éveil des consciences nationales Exemples Le parti du Congrès en Inde, fondé en 1886 Pétri de valeurs anglo-saxonnes Formule très tôt des revendications d'autonomie En Indochine, la contestation du colonialisme s'inspire largement du mouvement communiste international Au Maghreb et au Proche-Orient, les mouvements se nourrissent du panarabisme et de l'Islam . Certains leaders s’identifiant à leur peuple jouent un rôle charismatique. Léopold Sédar Senghor, au Sénégal Houphouët Boigny en Côte d'Ivoire Ho Chi Minh au Vietnam Sukarno en Indonésie Bourguiba en Tunisie Nasser dans le monde arabe 2°) Les premiers mouvements nationalistes a) En Asie En Inde Le parti du Congrès, fondé en 1885, pratique, sous l’impulsion de Gandhi, la « non-coopération non violente ». Dès1929, son président Nehru exige l’indépendance totale. Redoutant une Inde dominée par les Hindous, la Ligue musulmane de Ali Jinnah, appuyée par les Anglais, réclame la formation d’un Etat musulman séparé. En 1942, face à l’offensive japonaise et à la poussée nationaliste, Londres propose de faire de l’Inde un dominion. Solution que rejettent tous les Indiens, même si au « Quittez l’Inde ! » du Congrès s’oppose le « Divisez et partez ! » de la Ligue. En 1945, les Britanniques sont résignés à l’indépendance. En Indonésie, A côté du parti communiste indonésien antijaponais, s’est organisé à partir de 1942 le parti national indonésien de Soekarno. Les nationalistes administrent le pays sous la tutelle des Japonais, et, après la défaite de ceux-ci, proclament l’indépendance de la République indonésienne, le 17 août 1945. page 8 En Indochine, Le parti communiste indochinois fondé en 1930 crée en mai 1941 le Viêt-minh (Ligue pour l’indépendance du Vietnam) pour lutter contre les Français et les Japonais. L’insurrection générale permet à Hô Chi Minh de proclamer l’indépendance, le 2 septembre 1945 à Hanoi. b) Au Maghreb En Tunisie, Habib Bourguiba, leader du "Néo-Destour" ( Nouvelle Constitution) veut négocier l’indépendance du protectorat, mais il se heurte au refus et à la répression. Au Maroc, Le roi Mohammed V entend s’appuyer sur les Etats-Unis pour obtenir la fin du protectorat. Il prend la tête du mouvement national en créant en 1944 le parti de l’Istiqlal (Parti de l'Indépendance). En Algérie, Les courants nationalistes sont plus divisés. Depuis 1937, le "parti du peuple algérien", ou PPA, de Messali Hadj envisage la conquête de l’indépendance par un soulèvement. Le mouvement plus modéré du « manifeste du peuple algérien lancé en 1943 par Ferhat Abbas n’envisage qu’une Algérie autonome fédérée à la France. D. LES METROPOLES FACE A LA DECOLONISATION 1°) La Belgique et les Pays-Bas Recours à la force pour éviter l'indépendance et pour préserver ensuite ses intérêts économiques Cas de l'Indonésie (Pays-Bas) et du Congo (Belgique) 2°) Le cas de la France : des changements modestes largement théoriques Cas plus complexe : les indépendances ont été tantôt arrachées et violentes, tantôt négociées et pacifiques Le tournant s'effectue vers 1956, lorsque l'on commence à estimer que ce mouvement est inéluctable, et que l'empire coûte plus cher qu'il ne rapporte ! La conférence de Brazzaville (début 1944) envisage le droit à la « gestion de leurs propres affaires » des indigènes La constitution de 1946 : Elle supprime le statut de l’indigénat et le travail forcé, proclame l’égalité des droits des citoyens « autochtones », mais la tutelle de la métropole reste entière. L’« Empire » est transformé en «Union française », les « colonies » deviennent des « départements » ou des « territoires d’outre-mer », page 9 les «protectorats » des « Etats associés ». Le vocabulaire change, la réalité coloniale demeure. 3°) Le cas de la Grande-Bretagne Les Britanniques, eux, ont déjà l’expérience de la transformation de leurs colonies blanches en dominions au sein du Commonwealth (1931) et ils favorisent l’émergence des élites par l’« indirect rule » Les travaillistes au pouvoir, conscients de la diversité de l’Empire et des faiblesses du royaume, reconnaissent le droit des peuples colonisés à l’autodétermination. Ils souhaitent préserver leurs intérêts économiques et diplomatiques quitte à négocier et accorder l'indépendance politique. La GB conservera d'ailleurs par la suite des liens privilégiés avec ses anciennes colonies dans le cadre du Commonwealth. page 10 II. LA DECOLONISATION COMMENCE EN ASIE ( 1945-1954) A. LES INDEPENDANCES AU PROCHE-ORIENT. 1°) La liquidation des mandats français au Levant. En Syrie et au Liban, territoires sous mandat SDN, la débâcle de juin 1940 puis les combats qui y ont opposé les armées françaises restées fidèles à Vichy et celles de la France libre ont porté une atteinte décisive à son autorité et à son prestige. Les Britanniques, espérant garder après la guerre leur contrôle sur cette région qu'ils considèrent comme vitale, encouragent les nationalistes arabes .En mai 1945, des troubles très violents éclatent à Damas contre les "oppresseurs" français et la France doit sous demande de l’ONU se retirer définitivement en Décembre 1946. 2°) Le Problème de la Palestine et la naissance d’Israël Le Proche-Orient est un carrefour de mondes et une zone de contact Contact entre l’Orient et l’Occident, carrefour géographique et culturel Berceau des trois grandes religions du Livre : le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam Le conflit israélo-arabe qui va naître et se développer dans la région repose en fait sur le fait que sur cette terre de Palestine existe une double légitimité : celle des juifs, héritée de l’histoire ( royaume de David, de Salomon…), avant que le peuple juif ne se disperse de par le monde en l’an 70 de notre ère suite à la terrible répression romaine contre les mouvements indépendantistes de l’époque celle des palestiniens arabes qui vivent sur place depuis au moins aussi longtemps, même s’ils n’ont jamais eu d’état, la région ayant pratiquement toujours été sous contrôle étranger (les anglais maintenant, les turcs auparavant pour ne citer qu’eux) Les origines de la naissance d'Israël L’idée du retour à Sion (Jérusalem) Elle est entretenue dans la prière quotidienne des communautés juives de la Diaspora et reste donc tout à fait vivace chez les juifs Le sionisme idéologie politique née à la fin du XIXème (Théodore Herzl) objectif : offrir au peuple juif un état en Palestine . La Déclaration Balfour de 1917 Pendant la lère guerre mondiale, les juifs combattent les Turcs qui sont les alliés des allemands, et trouvent donc ainsi en position d’alliés des anglais Par l’intermédiaire de son ministre des affaires étrangères, Balfour, la GB s’engage à favoriser la création en Palestine d’un « foyer national juif », formule équivoque, mais qui suscite bien des espoirs et une accélération brutale de page 11 l’immigration juive en Palestine après la guerre, la région étant passée sous contrôle anglais (mandat SDN) Les origines récentes de la naissance d’Israël : l’impact de la 2ème G.M. La mauvaise conscience du monde et le rôle des grands Liée à la découverte du génocide nazi faisant 6 millions de morts parmi les juifs Nombre de survivants de l’holocauste attendent dans des camps, notamment en Allemagne et sous contrôle allié évidemment, la possibilité d’émigrer, soit vers les USA, mais les visas sont difficiles à obtenir, soit vers la Palestine, se refusant à vivre dans cette vieille Europe qui fut le décor de leur tragédie. La naissance de l'état d'Israël 1. l’ONU saisie du problème juif La GB s'en remet à l'ONU, incapable de résoudre le problème par elle-même Le 29 novembre 1947 l’ONU propose un plan de partage de la Palestine ayant l’approbation des grands Un état juif sur 55 % du territoire, Un état arabe palestinien La ville de Jérusalem sous autorité internationale (des Nations Unies) Les juifs acceptent mais les Arabes refusent et multiplient les attaques de colonies et de convois juifs, les juifs répliquant par les attaques de villages arabes : l’engrenage de la violence est engagé… 2. Proclamation de l’indépendance d’Israël le 14 mai 1948 Proclamation par Ben Gourion et le Conseil National Juif Reconnaissance immédiate par les USA et l'URSS 3. La première guerre israélo-arabe ( mai 48-Janvier 49) Les pays de la ligue arabe avaient annoncé la guerre au cas où un état d'Israël viendrait à naître en Palestine Une coalition regroupant l’Egypte, la Syrie, le Liban, la Transjordanie, et l’Irak entre immédiatement en guerre contre l’état hébreux : dès le 15 mai, les armées de la ligue arabe pénètrent en Palestine Israël met sur pieds une véritable force armée, Tsahal ( abrégé pour forces de défense d’Israël) ; cette armée compte 80 000 combattants en décembre avec la levée en masse de tous les hommes et femmes adultes. Malgré un rapport de forces qui ne lui était pas favorable initialement, Israël l’emporte et conserve pour sa sécurité une partie de ses conquêtes. Un armistice est signé en juin 49. Israël contrôle désormais 78 % du territoire de l’ancienne Palestine et Jérusalem-Ouest :les Palestiniens arabes ne disposent finalement pas de l’état que prévoyait le partage de l’ONU. Le reste de la Palestine, Cisjordanie et Jérusalem-Est sont annexés par la Transjordanie, qui prend en 1950 le nouveau nom de Jordanie page 12 B. L’EMANCIPATION LARGEMENT NEGOCIEE DES COLONIES ANGLAISES EN ASIE. 1°) L'indépendance de l'Inde. Gandhi et Nehru ont un projet d’État unitaire, multi religieux et neutraliste Ali Jinnah désire la partition de l’Inde et la création d’un Pakistan musulman et anglophile. Les affrontements entre communautés, aggravés à partir d’août 1946, poussent le gouvernement Attlee à décider le transfert rapide du pouvoir. Le dernier vice-roi des Indes, Lord Mountbatten, fait accepter son plan de partition. Le 15 août 1947 deux Etats accèdent à l'indépendance : l’Union indienne, ralliée par la majorité des hindouistes le Pakistan constitué par deux territoires à majorité musulmane mais distants de 1 800 km au nord-ouest de l’Inde et dans le Bengale. Cette partition des provinces et des réseaux de transport et d’irrigation entraîne le déplacement gigantesque de millions de personnes et d’innombrables massacres. Gandhi est assassiné par un fanatique 2°) A Ceylan Les élites anglophiles reçoivent de façon précipitée le self-government en décembre 1947 3°) En Birmanie Londres accorde l’indépendance totale du pays en janvier 1948. 4°) La Malaisie et Singapour Pour mieux garder le contrôle des richesses en étain et caoutchouc de Malaisie et leur position stratégique, les Anglais jouent sur les divisions ethniques entre Malais, Chinois et Indiens. Ils détachent, en 1946, Singapour de la Malaisie, du fait de la position stratégique de la grande ville portuaire et commerciale. De 1948 à 1954, ils doivent affronter une dure et coûteuse guérilla. La Fédération malaise devient finalement indépendante en 1957 et Singapour l’année suivante. C. LES INDEPENDANCES ARRACHEES PAR LA FORCE EN EXTREMEORIENT. 1°) L’abandon forcé de l’Indonésie par les Pays-Bas En août 1945 les Japonais autorisent Soekarno à proclamer l'indépendance à la veille de leur départ. Les Néerlandais, ne voulant pas renoncer à leur Empire, ne reconnaissent pas la République indonésienne de Soekarno et dès la fin de 1945, ils tentent de reconquérir les îles. Pour écraser les républicains, ils envahissent en 1947 et 1948 Java et Sumatra et arrêtent les leaders nationalistes. Suite à de longs combats et sous pression de l’ONU, Les pays bas sont contraints de se retirer et Soekarno devient chef du pays en 1952. 2°) Une décolonisation tragique : la guerre d’Indochine. Ho Chi Minh proclame l'indépendance du Vietnam le 2 septembre 1945, dès la capitulation japonaise. page 13 Le général de Gaulle désirant restaurer la souveraineté française sur l’Indochine, un corps expéditionnaire est envoyé en Cochinchine dès septembre 1945 et chasse le Viêt-minh de Les accords Sainteny-Hô Chi Minh (mars 1946) :Création de la fédération indochinoise Des accords d’association sont proposés au Cambodge et au Laos. La république du Vietnam est reconnue comme un Etat libre, membre de la fédération indochinoise et de l’Union française Les initiatives tragiques de d'Argenlieu et la marche à la guerre Le haut-commissaire, l’amiral Thierry d’Argenlieu, est un farouche partisan du maintien de l’Empire. A la suite d’incidents, la marine française, le 23 novembre, bombarde le port de Haiphong faisant au moins 6000 morts. Le 19 décembre, deux cents européens sont massacrés par le Viêt-minh à Hanoi. C’est le début de la guerre. 1949-50, l’Indochine devient un conflit de guerre froide L’échec de la France et la fin de la guerre Dien Bien Phu Mais le piège de Dien Bien Phu se retourne contre les français enfermés dans la cuvette et le 7 mai 1954, les 12 000 soldats encerclés doivent se rendre après 54 jours de combats. Le nouveau gouvernement de Pierre Mendès France conclut les accords de Genève qui mettent fin à la guerre le 21 juillet 1954 Bilan pour la France Cette guerre lointaine a coûté à la France et à ses alliés 92 000 morts. Elle laisse dans l’armée amertume et colère. page 14 III. LA DEUXIEME VAGUE DE LA DECOLONISATION : LES DECENNIES AFRICAINES De 1956 à 1968, près de 50 pays deviennent indépendants dont 38 africains, 6 asiatiques, 4 américains. 1960 est bien 1’« année de l’Afrique », avec 17 indépendances enregistrées sur le continent. A. DES CONDITIONS NOUVELLES FAVORISANT LA DECOLONISATION. 1°) La conférence de Bandoung. En 1954, Nehru entreprend de patronner une conférence des pays libres d'Asie et d'Afrique incluant la Chine : elle se tient en avril 1955 à Bandoung, en Indonésie, sous la présidence de Soekarno. En dépit de forts antagonismes, l'unanimité se fait sur quelques grandes orientations : droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, égalité entre toutes les nations, condamnation du racisme opposition totale au colonialisme, « Mal auquel il doit être mis fin rapidement », refus de toute ingérence dans les affaires intérieures des Etats interdiction des armes atomiques. Cette conférence pose également la question du sous-développement comme un enjeu majeur que symbolisent l'image d'un nouveau « tiers état » (19) et trois chiffres : les 29 pays présents représentent plus de 50 % de l'humanité et disposent de 8 % des richesses l'émancipation politique doit donc s'accompagner d'une émancipation économique et sociale. La conférence de Bandung, 1955. « La conférence afro-asiatique a pris note du fait que l’existence du colonialisme dans plusieurs pays de l’Asie et de l’Afrique, sous quelque forme qu’il se présente, non seulement entrave la coopération culturelle mais aussi le développement des cultures nationales. Certaines puissances coloniales ont refusé à leurs sujets coloniaux les droits élémentaires en matière d’éducation et de culture, ce qui entrave le développement de leur personnalité et aussi la collaboration culturelle avec les autres peuples d’Afrique et d’Asie […]. La conférence condamne un tel déni des droits fondamentaux de l’homme […] comme forme d’oppression culturelle […]. La conférence, après avoir discuté le problème des peuples dépendants, du colonialisme et des conséquences de la soumission des peuples à la domination et à l’exploitation étrangère est d’accord : page 15 - pour déclarer que le colonialisme sous toutes ses formes est un mal auquel il doit être rapidement mis fin ; - pour affirmer que la soumission des peuples au joug étranger, à l’exploitation étrangère, constitue une violation des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la charte des Nations unies et est un obstacle à la consolidation de la paix mondiale. Communiqué final de la conférence de Bandung, 24 avril 1955. 1) Présenter le document. 2) Expliquer la phrase en italique, à l’aide d’un exemple précis. 3) D’après le deuxième paragraphe, préciser les revendications concrètes des acteurs de cette conférence. 4) Quelles étaient les formes de « domination et […] exploitation étrangère » ? 5) Quelle a été l’influence de cette conférence, sur l’évolution politique mondiale après 1955 ? page 16 2°) Le panarabisme et l'influence de Nasser En Afrique du Nord, l’aspiration à l’indépendance est stimulée par la Ligue arabe et l’exemple de Nasser, 1’Égypte apparaissant comme le champion de la cause arabe, face à la présence britannique. En 1952, le mouvement des « officiers libres » renverse le faible roi Farouk et proclame la République égyptienne. Pour financer la construction du barrage d’Assouan, il nationalise en 1956 la Compagnie du canal de Suez. Face à l’intervention armée d’Israël, de la Grande-Bretagne et de la France, il sauve son régime grâce aux pressions des Etats-Unis et de l’URSS. Désormais aidée et armée par l’URSS, l'Egypte apporte un soutien actif aux « luttes de libération des peuples arabes », même si le projet de fusion avec la Syrie et d’autres Etats échoue. Le panarabisme nassérien s’affirme dans le monde arabe. L’apparition de l’expression « tiers-monde » en 1952. « Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc., oubliant trop souvent qu’il en existe un troisième, le plus important et, en somme, le premier dans la chronologie. C’est l’ensemble de ceux que l’on appelle, en style Nations unies, les pays sous-développés […]. Ces pays ont notre mortalité de 1914 et notre natalité du XVII° siècle […]. On conçoit bien que cet accroissement démographique devrait être accompagné d’importants investissements […]. Or, ces investissements vitaux […] se heurtent au mur financier de la guerre froide. Le résultat est éloquent : le cycle millénaire de la vie et de la mort est ouvert, mais c’est un cycle de misère […]. Peut-être le monde n°1 pourrait-il, même en dehors de toute solidarité humaine, ne pas rester insensible à une poussée lente et irrésistible, humble et féroce, vers la vie. Car enfin, ce tiers-monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut, lui aussi, être quelque chose. » Alfred Sauvy, « Trois mondes, une planète », L’Observateur, 14 août 1952. B. LA DECOLONISATION DE L’AFRIQUE DU NORD 1°) Des indépendances négociées sous la pression La Tunisie Dans la foulée des accords de Genève, Pierre Mendès France se rend à Tunis le 31 juillet 1954 et promet formellement de reconnaître « l'autonomie interne de l'état tunisien » (discours de Carthage). Une indépendance totale est reconnue le 20 mars 1956, date à laquelle Bourguiba proclame la République tunisienne. Le Maroc Le roi Mohammed Ben Youssef, rendu responsable des troubles anti-français, est déposé et exilé en 1953. Conséquence : hostilité grandissante des nationalistes marocains, multiplication des actes de terrorisme et dérive insurrectionnelle le gouvernement Edgar Faure doit rappeler le sultan sur le trône, et Mohamed V fait un retour triomphal en novembre 1955 ! L’indépendance du royaume est acquise le 2 mars 1956. page 17 2°) Une indépendance arrachée : l'Algérie Une organisation nouvelle, le FLN (Front de libération nationale), animé par Ben Bella, déclenche le ler novembre 1954 une vague d’attentats qui marque le début du soulèvement algérien. TOUSSAINT SANGLANTE OU TOUSSAINT ROUGE En 1956,le gouvernement Guy Mollet, élu pour faire la paix, va cependant intensifier la guerre et expédier le contingent ( jeunes faisant leur service militaire) en Algérie sous la pression des pieds-noirs. Les massacres de civils européens et algériens, la guérilla contre l'armée française, la « guerre à outrance » menée dès 1956 par la France, les ratissages et les regroupements de population, les « ratonnades » et les tortures, les actes terroristes de l'OAS1 caractérisent cette guerre de 8 ans qui cache son nom, et qui engendrera la chute de la IVème république, incapable d'apporter une solution. Le 13 mai 1958, éclate l’insurrection d’Alger, avec le soutien de l’armée française d’Algérie et ces événements, d’une extrême gravité, conduisent à l’effondrement de la IVème République et au retour au pouvoir du général De Gaulle. Le soutien des pays arabes, les pressions de l’ONU, la montée de l’opposition à la guerre d’Algérie en France entraînent l’évolution des positions du général de Gaulle revenu au pouvoir en 1958. Dès 1959 il se prononce pour le droit des algériens à l'autodétermination En 1960, il accepte de négocier avec le FLN L’évolution de l’Algérie vers l’indépendance par la négociation est toutefois retardée par l’opposition farouche des pieds-noirs (révolte des barricades en janvier 1960 à Alger), de l’armée qui, en avril 1961, tente un coup d'état : le putsch des généraux (Salan, Challe, Jouhaud, Zeller) de l'O.A.S. ensuite (Organisation de l’Armée Secrète) qui tente à plusieurs reprises d’assassiner De Gaulle et mène sur place une politique de terreur. La signature des accords d'Evian le 12 mars 1962, permet le cessez-le-feu, puis l’accession de l’Algérie à l’indépendance, le 3 juillet 1962 Au prix de huit ans de guerre, de plus de 600 000 morts, de l’exode de 800 000 pieds-noirs et de bien des souffrances et des rancoeurs, s’achève la plus cruelle des guerres de décolonisation. C. LA DECOLONISATION DE L'AFRIQUE NOIRE 1°) Les processus pacifiques a) L'émancipation des colonies anglaises Le Ghana (Gold Coast) Kwame Nkrumah1957 - Proclamation de l’indépendance dans le cadre du Commonwealth : c'est le premier état africain à devenir indépendant Le Nigeria : il accède à l’indépendance en 1960, dans un cadre fédéral Même processus pacifique au Tanganyka ( Tanzanie), en Ouganda, en Zambie et au Malawi entre 1962 et 1966. Des difficultés et des violences aussi Au Kenya la révolte des Mau-Mau est durement réprimée en 1952. 1 OAS = Organisation de l'Armée Secrète combattant pour l'Algérie Française page 18 Les Mau-Mau veulent reprendre aux colons britanniques les meilleures terres que les Anglais ont accaparées. Les très longues négociations avec le chef de la rébellion, Jomo Kenyatta, met un terme à la tuerie en 1954 Le Kenya n’obtient réellement son indépendance qu’en 1963 b) La décolonisation de l’Afrique noire française est octroyée par étapes. La loi-cadre Defferre accorde en 1956 l’autonomie interne à des gouvernements territoriaux. Avec la constitution de 1958 De Gaulle en fait des « Etats associés » dans la Communauté Française. Seule la Guinée de Sékou Touré refuse, devient aussitôt indépendante, rompt avec la France et se rapproche de l'URSS En 1960, l'indépendance est accordée à quinze Etats africains restant liés à la France par la Coopération. La décolonisation de l’Afrique noire française a été pacifique, sauf au Cameroun et à Madagascar. 2°) Les processus violents a) Le drame du Congo belge Les Belges pensent préserver le statu quo colonial par leur « paternalisme ». Surpris par les émeutes de 1958-1959 et n’ayant pas préparé des élites locales ("pas d'élites, pas d'ennuis"…pour reprendre la formule des colons belges), ils concèdent précipitamment l’indépendance en 1960 au Mouvement national congolais du marxiste Patrice Lumumba. Une terrible guerre civile s'ensuit Les compagnies minières et les hommes de Moise Tchombé organisent la sécession de la riche province du Katanga. Après l’assassinat de Lumumba et l’échec de la médiation de 1’ONU, le Zaïre sombre dans l’anarchie. ( Sécession d'autres régions, massacres ethniques, insécurité généralisée, initiatives militaires…) Le chef de l’armée, le général Mobutu, appuyé par les Occidentaux, s’empare du pouvoir en 1965 par un coup d'état militaire. Mobutu impose le retour à l'ordre et instaure pour 32 ans une des dictatures d'Afrique les plus longues et les plus corrompues La dépendance du Zaïre à l’égard des intérêts étrangers reste flagrante. b) Le cas de la Rhodésie du Sud En 1965, Jan Smith proclame de manière unilatérale l’indépendance et en 1970, rompt ses relations avec le RU, mettant en place un régime d’apartheid calqué sur le modèle sud-africain. En 1971, le RU reconnaît l’indépendance de la Rhodésie. Le régime ségrégationniste et raciste dure 10 ans. Le pays devient le Zimbabwe c) La décolonisation tardive et chaotique de l'Empire portugais La chute de la dictature portugaise en 1974 avec la révolution des œillets, permet la proclamation des indépendances. page 19 3°) Le cas particulier de l'Afrique du Sud L'Union Sud Africaine est un dominion du Commonwealth depuis 1909 L'Apartheid politique de ségrégation raciale mise en place par les gouvernements nationalistes blancs pendant l'entre deux guerres et après 1945 discrimination des races systématique dans le travail, l'habitat, les loisirs, le logement … création "d'états noirs", les "bantoustans" appelés ensuite "homelands", au nom du développement séparé états fictifs, surpeuplés, véritables réserves ou ghettos dans les régions pauvres et arides la lutte est menée par "l'African National Congress", principal mouvement nationaliste noir vigoureuse répression à son encontre, sanglante parfois (massacre de Sharpeville en 1960, émeutes de Soweto en 1976) et emprisonnement de son leader le plus célèbre pendant 27 années : Nelson Mandela La fin de l'Apartheid élection du Pt De Clerk en Sept 89 libération de Nelson Mandela (leader noir anti-apartheid en février 90) démantèlement progressif de l'apartheid, avec confirmation au référendum de mars 92 ; vote blanc 2/3 de OUI En avril 1994, la nouvelle assemblée élit MANDELA à la présidence de la république, lequel va s'efforcer de mener une politique de réconciliation nationale. page 20 TEXTES UTILISES EN CLASSE La justification du fait colonial : texte A « Je dis […] que cette politique coloniale repose sur une triple base économique, humanitaire et politique. […] Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux. […] Les races supérieures ont un droit visà-vis des races inférieures […], parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures […]. Une marine comme la nôtre ne peut se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défense, de centre de ravitaillement. » Jules Ferry, Discours devant la Chambre des députés, le 28 juillet 1885. Contestations des arguments de la colonisation. Texte B « Races supérieures ! Races inférieures ! C’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. […] Regardez l’histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l’oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur. […] Mais n’essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation. Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit, c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie. » Georges Clemenceau, Discours à la Chambre des députés, 30 juillet 1885. Vision raciale de la fin du XIX° siècle. Texte C « C’est en vain que quelques philanthropes ont essayé de prouver que l’espèce nègre est aussi intelligente que l’espèce blanche. Un fait incontestable et qui domine tous les autres, c’est qu’ils ont le cerveau plus rétréci plus léger et moins volumineux que celui de l’espèce blanche. Mais cette supériorité intellectuelle qui selon nous ne peut être révoquée en doute, donne-t-elle aux Blancs le droit de réduire en esclavage la race inférieure ? Non, mille fois non. Si les nègres se rapprochent de certaines espèces animales par leur forme anatomique, par leurs instincts grossiers, ils en diffèrent et se rapprochent des hommes blancs sous d’autres rapports dont nous devons tenir grand compte. Ils sont doués de la parole, et par la parole nous pouvons nouer avec eux des relations intellectuelles et morales, nous pouvons essayer de les élever jusqu’à nous, certains d’y réussir dans une certaine limite. Du reste, un fait plus sociologique que nous ne devons jamais oublier, c’est que leur race est susceptible de se mêler à la nôtre, signe sensible et frappant de leur commune nature. Leur infériorité intellectuelle, loin de nous conférer le droit d’abuser de leur faiblesse, nous impose le devoir de les aider et de les protéger. » Extrait de l’article « nègre » du Dictionnaire Larousse de 1872. PAYS Inde Inde Indochine/Vietnam Indonésie LEADER Gandhi et Nehru Ali Jinnah Ho Chi Minh Sukarno ou Soekarno Algérie Algérie Messali Hadj Ben Bella Maroc Tunisie Mohamed 5 le sultan Habib Bourguiba Gold Coast/Ghana Kwame Nkrumah Sénégal Léopold Senghor GROUPE Parti du Congrès Ligue Musulmane Vietminh Parti Communiste Indonésien Parti Populaire Algérien Front de Libération Nationale Istiqlal (indépendance) Néo Destour (nouvelle constitution) Convention people’s party Bloc Démocratique sénégalais METROPOLE RU RU FRA/USA PAYS BAS FRA FRA FRA FRA RU FRA page 21 La conférence de Bandung, 1955. TEXTE 1 « La conférence afro-asiatique a pris note du fait que l’existence du colonialisme dans plusieurs pays de l’Asie et de l’Afrique, sous quelque forme qu’il se présente, non seulement entrave la coopération culturelle mais aussi le développement des cultures nationales. Certaines puissances coloniales ont refusé à leurs sujets coloniaux les droits élémentaires en matière d’éducation et de culture, ce qui entrave le développement de leur personnalité et aussi la collaboration culturelle avec les autres peuples d’Afrique et d’Asie […]. La conférence condamne un tel déni des droits fondamentaux de l’homme […] comme forme d’oppression culturelle […]. La conférence, après avoir discuté le problème des peuples dépendants, du colonialisme et des conséquences de la soumission des peuples à la domination et à l’exploitation étrangère est d’accord : - pour déclarer que le colonialisme sous toutes ses formes est un mal auquel il doit être rapidement mis fin ; - pour affirmer que la soumission des peuples au joug étranger, à l’exploitation étrangère, constitue une violation des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la charte des Nations unies et est un obstacle à la consolidation de la paix mondiale. Communiqué final de la conférence de Bandung, 24 avril 1955. 1) Présenter le document. 2) Expliquer la phrase en italique, à l’aide d’un exemple précis. 3) D’après le deuxième paragraphe, préciser les revendications concrètes des acteurs de cette conférence. 4) Quelles étaient les formes de « domination et […] exploitation étrangère » ? 5) Quelle a été l’influence de cette conférence, sur l’évolution politique mondiale après 1955 ? TEXTE 2 : Depuis sept jours nous sommes dans cette belle ville de Bandoung, et Bandoung a été au cours de cette semaine le point de mire, la capitale, devrais-je dire, de l’Asie et de l’Afrique [...]. Vous avez vu le projet de communiqué final que je vous ai lu. Je pense qu’il représente un résultat considérable. Mais j’aimerais plus encore attirer votre attention sur le fait que nous nous sommes rencontrés, vus, liés d’amitié et que nous avons discuté ensemble pour trouver une solution à nos problèmes communs [...]. Il y a aujourd’hui un autre aspect en Asie. Il n’y a plus d’Asie soumise, elle est vivante, dynamique [...]. Nous nous sommes résolus à n’être d’aucune façon dominés par aucun pays, par aucun continent [...]. C’est pourquoi nous élevons notre voix contre l’hégémonie et le colonialisme dont beaucoup d’entre nous ont soufferts pendant longtemps. Et c’est pourquoi nous devons veiller à ce qu’aucune autre forme de domination ne nous menace. Nous voulons être amis avec l’Ouest, avec l’Est, avec tout le monde [...]. Je pense qu’il n’y a rien de plus terrible que l’immense tragédie qu’a vécue l’Afrique depuis plusieurs siècles [...]. Malheureusement, même aujourd’hui, le drame de l’Afrique est plus grand que celui d’aucun autre continent, tant du point de vue racial que politique. Il appartient à l’Asie d’aider l’Afrique au mieux de ses possibilités, car nous sommes des continents frères. Extraits du discours de clôture de Nehru à la conférence de Bandoung le 24 avril 1955.Traduit de l’anglais, d’après J. Nehru, Speeches, 1949-1961. Questions 1 - Présenter le document. 2 - Expliquer l’expression : "Il n’y a plus d’Asie soumise". 3 - Quelle est, en 1955, la situation de l’Afrique ? 4 - D’après Nehru, quelles sont les perspectives ouvertes par la conférence de Bandoung ? page 22 CORRECTION TEXTE 2 Question 1 L’auteur : Nehru dirigeant indien, l’un des instigateurs de la Conférence. / Le contexte : - la décolonisation - en Indonésie - les pays du TM - principaux représentants : Sukarno pour l’Indonésie, Nasser pour l’Egypte Nature : discours de clôture et intérêt du document (volonté de pays du TM de ne pas prendre parti dans l’affrontement des deux blocs et de s’affirmer comme force politique). Question 2 L’Asie était colonisée par les puissances européennes mais à la date de la Conférence la décolonisation est achevée en : Inde, colonie anglaise, décolonisation négociée mais suivie de violences, indépendance en 1947 Indonésie, colonie hollandaise, intervention armée, indépendance en 1949 (sous pression de l’ONU) Indochine, colonie française, guerre meurtrière, indépendance en 1954. Question 3 Le processus de décolonisation est en cours, à peine entamé. Fournir des exemples différenciés. - Maroc et Tunisie à la veille de l’indépendance. - Algérie au début de sa guerre d’indépendance. - Afrique noire française : processus pacifique ms il faut attendre 1960 pour l’accès à l’indépendance - Au moins un exemple de colonie non française : Ghana en 1957 ; Congo en Belge en 1960 ; colonies portugaises en 1975, Rhodésie du Nord en 1964. Question 4 : D’après Nehru : « résolus à n’être dominés par aucun pays » : indépendance politique, économique, culturelle « ns élevons notre voix contre l’hégémonie et le colonialisme » : existence du Tiers-Monde (Alfred Sauvy) « veiller à ce qu’aucune autre forme de domination ne nous menace » : le néocolonialisme « ns voulons ê amis avec l’O et avec l’E » : le non-alignement (Belgrade 1961) : « des continents frères » : solidarité des pays nouvellement indépendants PROPOSITION DE REDACTION : Question 1 : Il s'agit d'un extrait du discours de clôture de la conférence de Bandoung, prononcé par le Premier Ministre de l'Union Indienne Jawarharlal Nehru, le 24 avril 1955. Cette conférence réunie à l'invitation de l'Indonésie rassemblait les pays décolonisés d'Afrique et d'Asie dans l'île de Java. Question 2 : En 1955, la quasi totalité de l'Asie est indépendante à l'exception de quelques pays encore dominés comme la Malaisie, le sultanat de Brunei, et des pays de la péninsule arabique (Oman, Yémen du Sud, E.A.U., Qatar, Koweit, ...). Cette décolonisation s'est souvent faite par la négociation avec la puissance coloniale (Inde, Pakistan) mais parfois aussi à la suite de violents conflits armés (Indonésie, Indochine française). Question 3 : En 1955, l'Afrique est encore très largement sous domination coloniale. Seuls quatre pays sont alors indépendants : l'Ethiopie, le Libéria, l''Egypte dirigée par le colonel Nasser, l'Afrique du Sud (mais sous le régime de l'Apartheid). La plupart des colonies françaises accèdent à l'indépendance en 1960 et les colonies anglaises entre 1958 et 1965. Question 4 : Les perspectives ouvertes par Nehru sont la décolonisation de l'Afrique toute entière, la fin de la domination étrangère sur les peuples de couleur et la naissance d'une "troisième force" entre l'Est et l'Ouest. Le mouvement prendra naissance sous le nom de Non-Alignement. La conférence de Bandoung marque l'entrée du Tiers-Monde dans le concert des nations