Note de Préparation 12e Forum Mondial du Développement Durable Lutter contre le changement climatique peut-il être source de progrès, de stabilité et de sécurité ? Session 1 (3 mars 2014) : climat, géopolitique et gouvernance mondiale Le lien étroit entre questions climatiques et questions énergétiques conduit à faire du climat une ligne d’action essentielle, ignorée lors des premières crises pétrolières. Cette vision désormais largement partagée conduit cependant à des stratégies d’action différentes pays par pays pour se libérer de la contrainte pétrolière et de la dépendance excessive vis-à-vis des pays exportateurs, Russie et pays du Golfe pour l’essentiel. Les questions d’environnement et de changement climatique placées au cœur des débats en Europe passent au second plan dans les pays en développement, en Afrique subsaharienne ou en Asie par exemple, où la priorité est donnée à l’amélioration du niveau de vie, à l’accès à l’énergie pour tous, à l’industrialisation. Les responsables doivent intégrer des exigences politiques et économiques, mais aussi environnementales et sociales marquées par les spécificités locales parfois contradictoires, pour préparer un mix énergétique « sustainable, available, affordable » pour leurs concitoyens. Il n’y a pas de “One size fits all” dans la recherché du mix énergétique optimal. L’accès à l’énergie est un sujet « stratégique » politiquement sensible plutôt qu’un « produit » classique dont les échanges pourraient être réglés par les seules lois des marchés. Un équilibre entre logique de marché, « signal prix » et vision « sociale » de l’énergie considérée comme un bien commun reste à reconstruire, dans un contexte souvent marqué par une tendance (dogmatique ou efficace ?) à la dérégulation (« unbundling »). Il n’y a pas de solution unique, il n’y a pas plus de solution parfaite : Les sources d’énergie alternatives présentent elles aussi des difficultés. Solaire et éolien encore peu efficaces et non compétitifs, leur intermittence les pénalise. L’extraction des gaz de schiste ou le grand hydraulique soulèvent des questions environnementales. La perception du risque nucléaire par l’opinion a été exacerbée après Fukushima. Les conflits d’affectation des sols entre production alimentaire et utilisation énergétique de la biomasse ont clairement montré les limites des biocarburants de première génération. A quel nouvel équilibre géopolitique conduit la transition engagée dans de nombreux pays vers des énergies décarbonées ? La tendance à diversifier les sources d’énergie, les investissements, les usages (“Never put all eggs in one basket”) déplace les équilibres géopolitiques, les interdépendances, les prix de marché. On observe ainsi, à l’évidence, un déplacement du centre de gravité vers l’Asie, illustré par l’évolution des flux de pétrole brut, ou encore par la domination écrasante de la Chine sur la production des panneaux solaires à base de Silicium. La tendance à privilégier les usages de l’électricité, pour limiter le recours aux fossiles, conduit à de redoutables difficultés d’architecture des réseaux électriques (dans les pays composés de nombreuses îles par exemple, mais aussi dans les pays qui ne disposent pas de puissants réseaux centralisés « historiques ») et de leurs interconnections transfrontalières quand elles existent (en Europe par exemple). Comment la Chine peut-elle sortir du charbon et au prix de quelles nouvelles alliances ? Les USA ont quant à eux choisi la solution des gaz de schiste pour retrouver leur autonomie énergétique et modérer leurs émissions de CO2. Vont-ils pour autant se désengager du Moyen Orient ? L’Europe mise principalement sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Mais sera-ce suffisant et ne voit-on pas se creuser de nouvelles dépendances ? Didier Kechemair 20 novembre 2013 Note de Préparation 12e Forum Mondial du Développement Durable L’accès à l’énergie peut être sources de conflits (« risques ») ou de stabilisation (« collaboration ») : - Risques géopolitiques (conflits locaux, terrorisme, piraterie aux goulots d’étranglement des transports Suez, Hormuz, Malacca-), risques sur l’approvisionnement (instabilité politique dans certaines zones de production, exigence des pays producteurs de pétrole d’augmenter leur consommation domestique et volonté de développer des usages à plus forte valeur ajoutée –pétrochimie-, dangers de l’extraction du charbon dans les mines, …), risques aussi sur le volet consommation (focalisation de l’augmentation de la demande sur Inde et Chine, prix subventionnés à maintenir sous peine d’émeutes, …). - Nouvelles collaborations entre pays producteurs et consommateurs, au-delà de la relation clientfournisseur : le transfert de technologie devient une exigence (exemple du nucléaire), la localisation de capacités industrielles (« supply chain ») et d’emplois qualifiés peut être vue comme une opportunité pour plus de stabilité et de sécurité. Didier Kechemair 20 novembre 2013