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A P R O P O S D E M A T H I L D E
Le mari, la femme, l'amant. Ce pourrait être le trio banal d'un boulevard, à peine différencié
du thème classique par l'absence sur scène de l'amant qui est là juste évoqué. Mais il n'en est
rien.
Mathilde et Pierre se sont aimés – passionnément – et ils s'aiment toujours, le doute est vite
effacé. Pierre est médecin, Mathilde est écrivain. Un couple d'âge mûr, deux amants qui ont
réussi et réussi à se perdre des yeux, du cœur au fil des jours qui passent.
Un appartement cossu mais encombré de cartons est le décor unique. Rangement,
déménagement ? On ne sait. Pierre est là et Mathilde apparaît. La situation est exposée, par
petites touches, dans un dialogue retenu et pudique.
Mathilde sort de prison où elle vient de passer trois mois, pour détournement de mineur.
Elle a dérogé, enfreint la loi intime et muette de la morale. Elle a désiré, aimé, elle s'est
perdue ou retrouvée dans les bras d'un adolescent. Le pire : elle ne regrette rien. Les avanies
et la honte semblent avoir plus sûrement meurtri Pierre qu'elle-même. Mais ces trois mois
l'ont brisée, ont glacé son cœur et son corps, ont figé sa plume. Elle ne sait plus que vivre, ni
quoi reconstruire. Elle ne sait si elle va rester, partir, écrire de nouveau, s'exprimer et dire.
Elle veut juste pour l'instant retrouver l'indispensable de sa vie et elle n'a ni remords ni
regrets. Aussi, elle affronte Pierre qu'elle n'a jamais cessé d'aimer. C'est l'inévitable
déchirement, la mise à nu des sentiments, des désirs et des douleurs accumulés.
Les dialogues sont ciselés à coup de poignard, à coup de scalpel dans le vif des consciences
et des tripes. La souffrance est palpable, tout autant que l'amour dont elle est fille indigne.
Mathilde et Pierre exposent leur âme. Ils sont tour à tour martyrs et bourreaux. Et l'Amour
qui transparaît partout inverse plusieurs fois les rôles au fil du dialogue. Celui-ci est tendu,
cruel, il faut enfin dire, entre larmes et rage. Il n'est plus temps d'épargner l'autre. Amour et
rancœur, tout se rejoint dans l'expression crue du désir, de la honte, jusqu'au dégoût. L'autre
est son propre miroir et l'image qu'on y voit nous pousse souvent à fuir, mais parfois à lutter
pour le bonheur.
Mathilde ne veut plus fuir. Elle revient, ni humble ni repentante. Pierre l'attendait faible et
implorante. Surprise. Il vomit d'abord sa rancune et sa douleur mais chaque phrase
prononcée, même la plus violente, a des parfums d'amour. Il a été trompé, son orgueil est
atomisé. Il est la victime consentante que l'on plaint. Il aurait voulu la haïr, il l'a fait sans
doute, quelques minutes ou quelques heures, quand le manque d'elle le torturait.
Et le dialogue est bouleversant. Il n'épargne rien ni personne. Il expose l'intime avec des
mots forts et crus, qui frappent comme un gong. Désir, pulsion et révolte, toi-moi-les autres,
le conflit est permanent. La vérité et la confiance ne se marchandent pas, ne se tronçonnent
pas. Rien n'est simple. Tout est à construire, à dire.
On ne sait ce qu'il adviendra de Pierre et de Mathilde, mais Véronique Olmi sait ouvrir les
lourdes portes des caveaux intimes. Elle nous donne une belle leçon d'amour, de désir,
d'exigence, nous aide à trouver les clés de notre propre bonheur. Nul ne sort jamais indemne
de cette recherche, mais c'est sans doute le prix à payer pour vivre vraiment.