XIe CONRENCE INTERAMÉRICAINE DES OEA/Ser.K/XII.11.1
MINISTRES DU TRAVAIL TRABAJO/doc.8/98
20 - 21 octobre 1998 5 octobre 1998
Viña del Mar, Chili Original: espagnol
LE DIALOGUE SOCIAL DANS LES AMÉRIQUES (*)
La présente étude a été préparée par Mme Ana Sofía Cardenal, consultante de la Banque
interaméricaine de développement (BID)
* Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles de l’OEA ni de ses États membres.
2
CONDEN
- En Amérique latine, divers facteurs expliquent que le dialogue social ne soit guère entré dans les
mœurs. Il y a notamment un paysage institutionnel peu adapté, caractérisé par l’intervention de l’État
dans les relations du travail, le légalisme et le centralisme dans les négociations, la faiblesse des
acteurs sociaux et l’instabilité politique et institutionnelle.
- À l’heure actuelle, la convergence de divers processus rend le dialogue social très nécessaire. La
démocratisation, la mise en œuvre de politiques d’ajustement, l’intégration économique et la
mondialisation, ainsi que les mutations dans la structure et l’organisation du travail appellent la
création de mécanismes qui permettent les initiatives de dialogue social et qui les inscrivent dans la
durée.
- Au fait que le dialogue social ne soit pas entré dans les mœurs se superpose une autre spécificité de
la région : la faiblesse des dispositifs formels de relations du travail. En général, il n’existe pas en
Amérique latine de relations ordonnées et permanentes entre les partenaires sociaux. Les organes
consultatifs, lorsqu’ils existent, sont le plus souvent peu dynamiques ou tombent en désuétude. La
négociation tripartite revêt un caractère épisodique et les accords sont souvent chargés de rhétorique,
d’où l’absence de résultats concrets.
- Néanmoins, il y a eu ces dernières années, quelques expériences importantes de concertation et de
dialogue social, nées des processus de démocratisation, qui méritent d’être soulignées. Les exemples
chilien, mexicain, dominicain, uruguayen et argentin illustrent tous des formes de concertation et de
dialogue social parfois très importantes qui coïncident avec la disponibilité des informations.
- Dans tous les pays, les mutations dans l’organisation de la production et du travail se répercutent
sur la structure traditionnelle des relations du travail et leurs acteurs. En Amérique latine, la
mondialisation et les processus d’intégration économique font également ressentir leurs effets encore
plus déstabilisateurs sur le dispositif des relations du travail en raison non seulement de la faiblesse
des structures formelles mais surtout à cause d’un autre facteur qui nuit à son efficacité : l’expansion
du secteur informel. En raison de cette expansion, une couche de plus en plus importante de la
population et de l’électorat (dans une proportion allant jusqu’à 50 %) n’est pas concernée par les
mécanismes de négociation formelle et n’en bénéficie pas.
- Jusqu’à présent, l’État, par ses diverses interventions dans le secteur informel, visait surtout à
supprimer les obstacles qui y entravent l’accès aux ressources et au marché. Cependant, pour traiter
avec succès les problèmes du secteur informel, il faut mettre en œuvre des politiques et des mesures
qui prévoient la participation directe de ces secteurs à la conception, à la réalisation et à l’évaluation
des programmes qui leur sont destinés. À cette fin, il faut adopter des mesures et des politiques qui
encouragent ces secteurs à s’organiser eux-mêmes et concevoir des mécanismes spécifiques de
dialogue et de négociation avec eux.
- Enfin, pour favoriser le dialogue social, il faut réunir les conditions suivantes : autonomie des
forces sociales, représentativité et coordination des organisations, recherche de formules ou de
modèles de relations du travail qui réduisent efficacement l’intervention de l’État et la centralisation
excessive des négociations, simplification de la législation, clarification des règles du jeu dans le
dialogue, création ou renforcement de mécanismes et d’agences de contrôle et souci des procédures.
3
TOILE DE FOND
Lors de la Xe Conférence interaméricaine des ministres du Travail sur « l’emploi et l’intégration
économique », tenue à Buenos Aires du 1er au 3 octobre 1995, les ministres du Travail ont adopté la
Déclaration de Buenos Aires et un plan d’action, pour la mise en œuvre duquel quatre groupes de
travail ont été mis sur pied au niveau ministériel, chacun d’entre eux étant chargé d’une question
précise. La première réunion du Groupe de travail II sur « le dialogue social et la négociation
collective dans les Amériques » a eu lieu à Santafé de Bogota, du 30 septembre au 3 octobre 1996.
Cette réunion a permis de fixer les objectifs du groupe de travail et son programme et d’ébaucher
quelques conclusions et recommandations.
Les objectifs du groupe de travail, définis dans le Plan d’action de Buenos Aires, concernaient les
questions suivantes.
- Le dialogue social
Dans la société actuelle, la participation des acteurs sociaux, le dialogue social, le
tripartisme, l’accord et la concertation entre les agents de production constituent les mécanismes les
plus idoines pour assurer le caractère institutionnel du travail, éviter les confrontations et faire
bénéficier du développement toutes les catégories sociales. Il est essentiel de reconnaître « la
responsabilicommune » des syndicats, du patronat, du gouvernement et d’autres représentants de
la société civile dans le succès ou l’échec des politiques économiques, commerciales et relatives au
travail. Malgré ces obligations, qui sont la contrepartie de la participation, l’État garde la
responsabilité de prendre les décisions et de mener les actions qui visent au bien de tous.
- Les ministres du Travail
a) Ils favoriseront le dialogue avec les salariés et les patrons sur des questions qui ont une
importance capitale en matière de travail : emploi, formation professionnelle, généralisation de la
négociation collective et adaptation des institutions qui représentent les salariés et les patronats aux
exigences de l’intégration économique et de la modernisation, et notamment à leurs répercussions
sociales. Les résultats de ce dialogue devront se traduire en accords qui seront communiqués aux
autres organismes gouvernementaux qui définissent des politiques.
b) Les ministres créeront un groupe de travail chargé d’analyser les mécanismes permettant
d’intensifier le dialogue social dans les pays du continent américain. Dans un premier temps, ce
groupe de travail examinera les modalités qui existent dans la région à cette fin et qui pourront le
guider pour faire émerger les moyens les plus efficaces de réaliser la concertation sociale dans nos
pays.
S’agissant de son programme, le groupe a adopté la liste de questions ci-après.
Dialogue social
1. Actualité et conceptualisation du dialogue social, le tripartisme et la concertation dans les
processus d’ouverture, de modernisation et de mondialisation de l’économie.
4
2. Aspects généraux des expériences et formules de dialogue social, de tripartisme et de
concertation dans les Amériques.
3. Nouvelle mentalité dans les relations du travail sur laquelle reposeront le dialogue social, le
tripartisme et la concertation. Recensement des instruments et mécanismes pour les rendre efficaces
dans la région. Renforcement des acteurs sociaux.
Négociation collective
1. Les nouvelles modalités et techniques de modernisation de la négociation collective. Leur
influence sur l’emploi.
2. La négociation collective dans le contexte de l’ouverture, de la modernisation et de la
mondialisation de l’économie.
3. La négociation collective et ses rapports avec le dialogue social, le tripartisme et la
concertation dans les Amériques.
PRÉSENTATION ET CONTENU
En vue de la XIe Conférence interaméricaine des ministres du travail, qui se tiendra à Santiago
(Chili) du 19 au 21 octobre, le présent rapport développe quelques questions inscrites à l’ordre du
jour par le Groupe de travail sur le dialogue social et la négociation collective lors de la réunion
tenue en Colombie. Il s’agit de présenter un document qui servira de base à la réflexion et au débat
sur la question du dialogue social. À cette fin, ce document :
- analyse et revoit les expériences de dialogue social vécues dans la région en mettant l’accent
sur celles qui sont le résultat de recadrages ou de pactes relatifs aux grandes orientations qui
concernent la revalorisation des salaires, la structure des contrats collectifs et d’autres aspects du
fonctionnement du marché du travail ;
- analyse les problèmes que pose pour l’action des ministères du Travail le secteur informel
à savoir l’existence de marchés non réglementés qui occupent une fraction importante de la
population ;
- et concrètement, formule une série de recommandations à la lumière de ces analyses.
DÉFINITION
Pour bien aborder la question du dialogue social, il convient d’abord d’apporter quelques précisions
concernant cette notion, afin d’en clarifier le sens et de s’entendre sur sa définition. Pour plus de
clarté, le présent rapport utilise le schéma conceptuel élaboré par l’OIT en la matière, et repris dans
le rapport du COSATE pour l’atelier sur le dialogue social et la négociation collective, qui a eu lieu
dans le cadre de la Conférence de Buenos Aires en mai 1996. Ce rapport précise que :
5
- L’OIT utilise les concepts de coopération tripartite, de relation tripartite ou de tripartisme tout court
pour désigner tous les rapports entre les gouvernements, les patrons et les salariés qui concernent
l’élaboration ou la mise en œuvre de la politique économique et sociale.
- Le tripartisme peut se développer tant à l’échelle centrale ou nationale qu’aux niveaux inférieurs,
c’est-à-dire à l’échelon régional et local, ou exceptionnellement, concerner certaines branches ou
entreprises confrontées à de graves problèmes d’adaptation qui, pour être réglés, nécessitent l’aide
du Gouvernement. Le tripartisme existe aussi sur le plan international, tant mondial comme dans
l’enceinte de l’OIT que régional (par exemple au sein de l’Union européenne).
- En outre, le tripartisme peut revêtir un caractère consultatif (par exemple les Conseils économiques
et sociaux) ou encourager de véritables négociations, en visant à la conclusion d’accords ayant une
valeur contraignante pour les parties, sans toutefois constituer des conventions collectives au sens
juridique de ce terme (par exemple les Pactes économiques et sociaux).
- Il existe d’autres formes de tripartisme, comme celles qui ont une fonction juridictionnelle, ce qui
implique la présence d’un organisme mixte (patronal et syndical) et la prise de décisions au sein
d’organismes tripartites comme les conseils salariaux ou ceux qui administrent les dispositifs
d’assurance chômage.
- Bien que typiquement le tripartisme concerne les organismes officiels créés à cette fin, par voie
législative ou par accord entre les parties, ce concept recouvre, selon l’OIT, tous les contacts non
officiels qui impliquent des relations plus ou moins officieuses, établies de manière ponctuelle, étant
entendu que la concertation et la négociation par cette voie visent aussi à influencer les politiques
des pouvoirs publics.
- À la différence de ces concepts, l’OIT définit le terme « dialogue social » ou « concertation
tripartite » comme la recherche méthodique ou systématique d’un accord ou d’un consensus sur les
grands problèmes socio-économiques. Ce terme ne désigne pas pour autant une forme juridique
particulière de relations ou de coopération de nature tripartie, mais une qualité qui leur est propre. Il
ne fait pas obstacle aux moyens juridiques utilisés à cette fin.
- S’agissant de la relation entre ces concepts dialogue social et concertation tripartite et le
bipartisme et de l’extension à d’autres segments de la société civile organisée qui ne sont pas
strictement des salariés ou des patrons, l’OIT considère que :
- a) ces concepts ne recouvrent pas le bipartisme, c’est-à-dire que le bipartisme, même lorsque le
gouvernement participe à titre d’« interlocuteur invisible » ne peut pas être considéré comme une
forme de dialogue social ;
- b) en revanche, la participation d’autres catégories de travailleurs, ainsi que d’autres catégories
sociales s’inscrit dans le dialogue social et le tripartisme, même lorsqu’elle modifie la configuration
triangulaire primitive. Il s’agit de la confirmation du principe selon lequel toutes les catégories
sociales susceptibles d’être concernées par les décisions en matière de politique économique et
sociale devraient être associés aux processus décisionnels.
Pour conclure, on peut dire que généralement les formes de consultation et de négociation tripartites
peuvent s’inscrire dans le dialogue social, mais que ce concept admet des contacts et des relations de
nature plus flexible, qui ne sont pas fixés sur le plan juridique, et qui, de préférence prévoient : a) de
vastes sujets de discussion, qui peuvent inclure les grandes questions économiques et sociales du
pays ; b) la participation de diverses catégories de travailleurs et de catégories sociales plus vastes.
LE DIALOGUE SOCIAL EN AMÉRIQUE LATINE
1 / 23 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !