INTRODUCTION GENERALE Les précurseurs de l’économie politique. On admet généralement que le terme d’économie politique date de 1615 avec le « traité d’économie politique » d’Antoine de Montchrestien. Au début du XVIe siècle, l’économie politique commence à émerger comme discipline autonome. Bien que Montchrestien fût l’inventeur du terme, on considère Adam Smith comme le père de l’économie politique. Personne ne conteste cependant l’activité économie avant eux mais pas en tant que science proposant un discours positif (qui tente d’expliquer les phénomènes), plutôt comme une discipline au discours normatif (qui tente d’expliquer ce qu’il devrait être, et comment faire pour le réaliser). Cette norme, mise en pratique depuis Aristote (-384 ;-322) est la philosophie politique. Pour Aristote, l’activité économique doit être telle qu’elle permette le fonctionnement de la cité : il subordonne l’économie à la politique (l’élaboration philosophique du fonctionnement de la cité) Quelle doit être la politique de la cité ? Comment doit-on tourner l’économie ? Au Moyen Age, l’économie se transforme et subordonne la théologie chrétienne (St Thomas d’Aquin), et il faudra que l’économie se libère de ces 2 tutelles et surtout de celle de la théologie chrétienne pour pouvoir se développer comme science indépendante. Historiquement, la pensée économique s’est formée à l’opposé de la pensée chrétienne. Les théories et les pensées dominantes vont se faire en opposition radicale avec celle-ci. Parmi ces précurseurs de l’économie politique, on distingue 2 catégories : Les Mercantilistes, et les Physiocrates. I. Les Mercantilistes Ce sont surtout des auteurs de la vie sociale et politique : ministres, hommes d’état, magistrats, avocats et marchands. Il s’intéressent à des problèmes très concrets et ne cherchent pas à théoriser leurs idées, et pour cette raison, on ne trouve pas de pensée ni de théorie mercantiliste. En revanche, il existe quand même une direction dans leurs idées : A. L’enrichissement et l’autonomie de l’état L’esprit du mercantilisme s’oppose et s’affranchit de l’esprit médiéval pour s’insérer dans le cadre de la nation et de l’état. Microéconomie I 1 L1/S1 Au début du XVIe apparaît une nouvelle théorie de l’état dont l’un des précurseurs est Machiavel (1469-1527). Selon lui, les états naissent dans la violence et doivent souvent se maintenir grâce à elle. Ainsi l’efficacité politique contredit l’enseignement de la morale et de l’église au nom d’intérêts supérieurs. « Le prince chargé de conduire l’état est souvent contraint de le conduire contre l’humanité, contre la charité et la morale » (Machiavel) Dans la conception de Machiavel, le rôle du prince est d’établir, de garantir et d’étendre la prospérité de la cité. En d’autres termes, à partir du XVIe la conception dominante de l’état est celle d’un état autonome. Les fondements du mercantilisme sont d’abord politiques. L’autonomie de l’état ne peut être garantie que si l’état lui-même est autonome. Pour cela, il faut qu’il soit fort, mais un état fort est avant tout un état riche, en particulier parce qu’il doit avoir les moyens de lever une armée, laquelle doit garantir l’autonomie de l’état. Cependant, l’erreur des mercantilistes est de lier richesse et or. L’activité des marchands doit créer le stock d’or. La doctrine mercantiliste s’inscrit donc dans l’étude des moyens d’enrichissement de l’état pour garantir son autonomie. B. La doctrine mercantiliste La monnaie est au centre de la doctrine mercantiliste. Il s’agit pour l’essentiel de s’enrichir en faisant des échanges extérieurs avec les marchands. Le mot d’ordre est donc la balance excédentaire : une exportation supérieure permet une entrée de stock d’or. Les auteurs mercantilistes espagnols et portugais visent à déterminer les facteurs d’accumulation et de conservation des métaux précieux dans le royaume. Par conséquent ils prônent l’interdiction d’exporter de l’or et de l’argent, l’obligation de régler en marchandises les achats à l’étranger et l’obligation de rapatrier les gains en or et argent à l’intérieur du pays. [ ] Elle est constituée de métal précieux marqué d’une empreinte informant le poids d’or ou d’argent. Cependant, la tentation est grande pour le Roi, qui a le monopôle de l’émission de la monnaie, d’augmenter l’émission de la monnaie en la dévaluant (moins d’or dans chaque pièce). Mais les mercantilistes s’opposent à ces manipulations et soutiennent en général que valeur marchande et valeur légale doivent coïncider. L’une des principales raison avancées est la loi de Gresham (1519-1579) : « La mauvaise monnaie chasse la bonne ». Exemple : il existe 2 émetteurs de monnaie dans un pays. L’un dévalue sa monnaie, il va donc y avoir plus de monnaie dévaluée, et c’est cette dernière qui s’imposera au détriment de l’autre, qui chassée, va être thésaurisée (stockée, épargnée en espèces). Ce fonctionnement peut conduire à une pénurie de métaux précieux. Ainsi, même si une monnaie dépréciée permet au prince d’accroître ses revenus, à la première occasion, la mauvaise monnaie retournera dans ses caisses : Les manipulations monétaires ne font soulager que temporairement la richesse publique. La monnaie est la richesse car elle est le pouvoir d’achat. Le pouvoir d’achat est la quantité de services ou de biens équivalent à la quantité de monnaie. L’inflation (accroissement des instruments de paiement hausse des prix et dépréciation de la Microéconomie I 2 L1/S1 monnaie) fait baisser le pouvoir d’achat. Alors que la plupart des biens sont durs à conserver, les métaux précieux sont durables, ce qui permet à la fois d’effectuer des paiements et de conserver la richesse. Très tôt apparaît donc avec les mercantilistes la reconnaissance des 3 fonctions de la monnaie : Unité de compte dans laquelle les agents communiquent entre eux : elle sert d’étalon numéraire. Instrument d’échange : la monnaie brise les inconvénients du troc (recherche, attente, transport). réserve de valeurs : ce qui permet de différer les décisions d’achat et d’investissement et de garder la valeur de ses biens. Pour les mercantilistes, il faut détenir de la monnaie, c’est le moyen principal de régler les soldes avec le commerce extérieur. Le prince se doit d’avoir de l’argent dans la mesure ou cela constitue un signe de noblesse. Mais cela doit aussi servir à financer les guerres. Mais quelles sont les conséquences de cette accumulation de monnaie et de richesses ? Au XVIe, l’histoire est marquée par un afflux massif d’or et d’argent en provenance du nouveau monde, et par une longue phase de hausse des prix (qui commence en Espagne au début du XVIe). Les mercantilistes sont perturbés : Comment expliquer cette hausse des prix ? Dans un rapport, publié en 1566, Malestroit explique que l’inflation est imputable (impliquée par) à la dépréciation de monnaie, c'est-à-dire à la baisse du contenu de métal par pièce de monnaie. En revanche, le taux d’échange entre les biens d’une part et l’or d’autre part seraient restés stables. Ainsi la hausse des prix n’est que nominale mais pas réelle dans la mesure où la quantité de métal précieux nécessaire pour acheter une certaine unité de bien reste la même. Jean Bodin, en 1568 conteste cette analyse. Selon lui, la hausse des prix est très supérieure à la dépréciation des monnaies. L’inflation n’est donc pas seulement nominale : il existe une hausse des prix en termes d’or et d’argent. Bodin analyse ensuite les courbes de l’inflation nominale et réelle : pour lui, la cause principale est l’abondance des richesses. L’accroissement de l’offre des métaux précieux comparativement à l’offre des autres biens diminue les prix relatifs de l’or et de l’argent par rapport aux autres biens, ce qui signifie une augmentation des prix de ces biens et terme d’or et d’argent. En terme d’économie moderne, il y a un choc extérieur : cela perturbe l’économie. Ainsi le niveau général des prix est directement relié à la quantité d’or et d’argent. Avec Jean Bodin, on a donc l’ébauche d’une théorie monétaire de la monnaie, et qu’on appellera plus tard la théorie quantitative de la monnaie, dans la mesure où elle présente une relation de cause à effet entre quantité de monnaie et quantité générale de prêt. Seule la causalité est mise en évidence mais pas la nature explicite de la relation. (Il n’y a pas une causalité entre le prix, mais il ne va pas approfondir la relation). Microéconomie I 3 L1/S1 Les mercantilistes vont s’intéresser à la relation entre monnaie et taux d’intérêts. Le taux d’intérêt : c’est le loyer de l’argent. Ils sont persuadés des bienfaits d’un faible taux d’intérêts : Quand les taux sont élevés, les marchands fortunés préfèrent placer leur argent plutôt que d’utiliser cet argent dans les affaires. Lorsque les taux d’intérêts sont faibles, cela favorise le commerce et l’activité. Dépréciation : par unité monétaire, on a moins d’or et d’argent Dévaluation : modifie le cours légal. II. Les Physiocrates A. Boisguilbert et Cantillon Boisguilbert (1646-1714), magistrat, va chercher les causes de l’appauvrissement de la France sous le règne de Louis XIV. De ce fait, il va construire un système général de l’économie. Pour Boisguilbert, le but est d’enrichir la nation, mais il ne faut pas se tromper sur la richesse, elle n’est pas monétaire, elle est constituée des biens qui servent à satisfaire les besoins. Et à l’intérieur même de ces besoins, il est possible d’en déterminer un ordre de nécessité : Les biens agricoles sont des biens fondamentaux car ils satisfont les besoins vitaux mais c’est à partir d’eux que sont fabriquées les produits d’industries. Un pays riche est un pays prospère, c'est-à-dire qui a beaucoup de biens agricoles. Ceci est la condition nécessaire à la prospérité de l’industrie. Boisguilbert définit les laboureurs et les marchands qui travaillent dans l’agriculture et l’industrie comme ceux qui constituent la fraction laborieuse de la population. (15, 16 millions de personnes). Cette frange de la population tire de la vente de ses produits, les revenus d’industries. L’autre partie de la population, le beau monde est composé du souverain, des propriétaires fonciers et du clergé (rémunéré par la dîme). Le beau monde perçoit les revenus des fonds ou revenu de la terre (rente foncière). Cette rente foncière leur est payée sous forme d’impôts ou de fermage : un cultivateur prend une terre à bail (contrat de prêt et d’utilisation) mais doit verser un revenu fixe de location. La classification de Boisguilbert est une opposition de classe entre « l’une qui ne fait rien et joui de plaisir et l’autre qui travaille du matin au soir ». Le circuit économique naît des relations qu’entretiennent revenus des fonds et revenus d’industrie. Les revenus du beau monde constituent le point de départ : ils sont dépensés auprès des laboureurs et des marchands, qui à leur tours en commerçant et en produisant font naître les revenus de l’industrie, puis sur ces revenus sont prélevés les impôts et fermages qui vont reconstituer les revenus des fonds. Microéconomie I 4 L1/S1 Beau monde Impôts et fermages Impôts Laboureurs Marchands Revenu d’industrie En effet, les revenus des fonds doivent être dépensés pour que naissent les revenus d’industries et l’importance des revenus des fonds en retour, est liée à l’importance des revenus d’industries. La substance nourricière de toute la société est sécrétée par l’activité des laboureurs et des marchands. Le beau monde a un rôle spécifique et privilégié : il est dans une situation dominante car il peut choisir entre consommer et épargner, thésaurisation et placement. Au total, le beau monde est seul maître des flux monétaires. Pour la première fois, on a eu un découpage. En 1687, Cantillon propose un circuit économique plus complet et plus élaboré que celui de Boisguilbert. Il définit 3 classes sociales et observe 3 critères : fonctions, natures des revenus et lieu de vie 1ere classe : Agriculteurs et artisans : Localisés dans les villages, ils fournissent les fonds de subsistances de la nation permettant aux autres groupes sociaux de vivre. Leurs revenus sont incertains car les quantités produites et les prix fluctuent tandis que la rente foncière est fixe. 2e classe : Classe des entrepreneurs : elle comprend les artisans, les industriels et les commerçants : ils habitent là où se situent le marché : les bourgs et les villes. Il est soumis aux fluctuations des prix et de l’incertitude de la demande. Sa fonction est de fournir des produits finis aux autres classes. 3e classe : Classe des propriétaires fonciers : elle a des revenus certains et stables : leur comportement est orienté vers la consommation de produits agricoles et produits finis. Entre ces 3 classes s’établit un circuit simple. Pour Cantillon, l’agriculture est source de richesses. Il suppose qu’en moyenne, les entreprises non agricoles ne font que satisfaire la subsistance de ceux qui s’y livrent. Elles ne font ni bénéfices ni pertes, et Microéconomie I 5 L1/S1 c’est seulement l’agriculture qui dégage ce que les physiocrates appelleront un produit maître sur lequel vivent tous les habitants du pays. Seule la classe des laboureurs est productrice de richesses. B. La doctrine physiocratique La doctrine physiocratique constitue l’expression la plus achevée des analyses du circuit au XVIIe, et les physiocrates formeront la 1ere école de pensée systématique rencontrée en économie. Autour de François Quesnay (1694-1774) (chef de file de la pensée physiocratique), de Mirabeau et de Duront de Memory, cette école va dominer la réflexion économique et sociale pendant plusieurs décennies. Le terme physiocratie signifie le gouvernement ou le pouvoir de la nature. C’est avant tout une doctrine de l’ordre naturel. Autrement dit : « les lois essentielles de l’ordre social s’imposent aux hommes et sont établies par l’être suprême ». Quesnay est surtout connu pour son tableau économique. Publié pour la première fois en 1758, il est certainement l’œuvre majeure de son auteur. Quesnay commence par définir chaque classe sociale par ses fonctions. Il existe 3 classes sociales : La classe des propriétaires qui possèdent les terres et les font mettre en valeur par Les classe des laboureurs : les fermiers qui constituent la classe productive. Les propriétaires vivent du produit net et que leur versent les laboureurs à titre de rente. partie des recettes de l’agriculture qui vient en surplus des frais assumés pour l’entretien des hommes, des bêtes et du matériel employé dans les formes par le fermier. La thèse de Quesnay est que non seulement l’agriculture dégage un surplus réel (une richesse) et qu’elle est la seule activité qui le fasse. Il en est ainsi en vertu d’une propriété physique de cette activité qui fait que le sol, par une sorte de don de la nature, rend plus qu’on ne lui a apporté. La classe productive chez Quesnay et les physiocrates signifie donc la classe productive d’un produit net. La 3e classe : La classe stérile : elle comprend tout le reste de la société : les artisans, les manufacturiers, leurs ouvriers, les commerçants, les fonctionnaires, prêtres, professions libérales et magistrats. Par classe stérile, Quesnay entend que l’activité des membres de cette classe ne correspond pas à la création d’un produit net. Les membres de la classe stérile ne font que transformer ce que la nature a offert. A l’aide de son tableau économique, Quesnay va décrire les relations d’échanges qui s’établissent entre ces 3 classes sociales et se renouvellent de périodes en périodes. Ce tableau est célèbre car il s’agit certainement du 1er modèle économique. Il rend compte de la réalité en la simplifiant mais sans la déformer. Ce qui est l’essence même de l’abstraction et des constructions théoriques. Microéconomie I 6 L1/S1 Le circuit économique décrit par les physiocrates est idéal parce qu’il fait partie de l’ordre naturel voulu par la divine providence, et le devoir du souverain est d’assurer la réalisation de cet ordre naturel. Pour cela 2 principes doivent être respectés : - La protection de la propriété : « c’est le fondement de l’ordre économique de la société. ». - La propriété est d’abord personnelle : c’est le droit de chacun de disposer de soi, d‘utiliser ses propres facultés, de rechercher son propre intérêt. En conséquence, chacun peut disposer des fruits de son travail. - La liberté individuelle qui découle en fait du principe du respect de la propriété. Si les hommes sont libres et qu’il y a respect de la propriété, il y aura liberté des agriculteurs dans le choix de ses cultures, dans l’absence de servitude et la circulation de ses produits. Pour l’artisan, il y aura liberté de s’établir, de produire, et de s’exposer. Enfin pour le propriétaire, il y aura liberté de dépenser puisque c’est par leurs dépenses que le produit net qui leur revient est remis en circulation. Et c’est là la condition indispensable au circuit. Pour résumer, si la propriété et la liberté sont garanties, l’ordre naturel va se réaliser spontanément « selon la volonté de la divine providence ». La physiocratie apparaît donc comme une sorte de théologie économique. Pour conclure l’analyse des théories du circuit, on peut dire que toutes ces théories insistent sur la prépondérance de l’agriculture dans la production, la création de richesse et sur le rôle déterminant des propriétaires fonciers dans la circulation des flux monétaires. On assiste donc à la naissance de la pensée libérale qui place la liberté économique au cœur de l’analyse. Microéconomie I 7 L1/S1 PARTIE 11 PARTIE L’économie classique classique (de (de Smith Smith àà Marx) Marx) L’économie La pensée classique va dominer l’économie politique pendant près d’un siècle avec l’ouvrage d’Adam Smith, paru en 1776 et intitulé « recherche sur la nature et sur les causes de la richesse des nations », jusqu'à la naissance du marginalisme et des théories néoclassiques un siècle plus tard. David Ricardo, avec son livre « les principes de l’économie politique et de l’impôt » paru en 1817, est le véritable théoricien de l’économie politique classique. Enfin, Karl Marx peut-être considéré comme l’un des derniers auteurs majeurs de l’économie politique classique. Son ouvrage, « le Capital » se veut une remise en cause radicale de l’économie politique classique : un de ses sous-titres est « Critique de l’économie classique ». Cependant, pour des raisons historiques, le 1er livre du capital va paraître en 1867 et, surtout pour des raisons théoriques, les économistes le considèrent comme un économiste classique. Chapitre I : Adam Smith et la genèse de l’école classique Il est considéré comme le père de l’économie politique. Son ouvrage est l’un des plus célèbres de la littérature économique. Adam Smith était professeur de philosophie en Grande-Bretagne. En 1759, il publie un traité important intitulé « la théorie des sentiments moraux ». I. La théorie de la valeur et de la répartition C’est dans le chapitre 4 du livre 1 que Smith introduit la notion de valeur. La valeur usuelle est identifiée à l’utilité, mais par utilité, Smith vise moins l’aptitude d’un bien à répondre à un désir subjectivement éprouvé que la faculté objective de satisfaire une grande catégorie de besoins tels que la nourriture, le chauffage, le vêtement… Smith n’approfondit pas la notion de valeur d’usage (val U) car son intention est l’explication des principes qui règlent la valeur d’échange (val E). Avec Smith, on a une dichotomie (division + opposition) entre valeur d'usage et valeur d'échange. Il va chercher à éclaircir 2 problèmes : Comment se détermine la valeur ? Comment se mesure t’elle ? A. La détermination de la valeur Cela renvoi à une question bien précise : Microéconomie I 8 L1/S1 Quels sont les principes et les rapports d’échange entre les marchandises ? Pour tenter de répondre à cette question, Smith va adopter une théorie de la valeur travail, c'est-à-dire une théorie qui explique les prix relatifs par les quantités de travail respectivement contenues dans les marchandises que l’on échange. En fait, plus précisément, pour Smith chaque bien comporte un coût et a une valeur. Le coût = la peine que le travail nous a imposé. On l’appelle donc le travail incorporé La valeur = le travail incorporé dans les marchandises que nos obtenons en échange, ce que l’on peut appelé le travail commandé. Pour Smith, qu’il s’agisse de travail incorporé ou de travail commandé, la quantité de travail doit être la même sinon l’échange ne se fait pas (selon S. on échange du travail contre du travail). 1) Prix naturels et prix de marchés Pour Smith, le travail est le fondement de la valeur d'échange. Dans une société primaire (sans accumulation de capital (K.) et sans propriété privée) il existe un seul facteur rare : à savoir le travail (W.). Et ce sont donc les coûts du travail qui déterminent les prix relatifs. Dans une société plus avancée, avec d’autres facteurs de production, c'est-à-dire le capital et le sol, il faut alors prendre en compte d’autres éléments qui déterminent les prix relatifs. Smith donne donc la définition suivante : Lorsque le prix d’une marchandise n’est ni plus ni moins que ce qu’il faut pour payer, suivant leur taux naturel, le fermage de la terre, les salaires du travail et les profits du capital employés à produire cette denrée (produit comestible destiné à l’alimentation de l’homme), la préparer et la conduire au marché, alors cette marchandise est vendue à ce qu’on peut appeler son prix naturel (Px Nat). « La marchandise est alors vendue précisément à ce qu’elle vaut ou ce qu’elle coûte réellement à celui qui l’apporte au marché. » Smith ajoute que le profit du vendeur doit être inclus dans le prix de vente puisque c’est de ce profit qu’il va tirer sa subsistance. Ensuite, Smith introduit un autre concept de prix, le prix de marché (Px Mé), qui est le prix effectif auquel est vendue une marchandise et qui peut être supérieure ou inférieure au prix naturel selon les importances relatives de l’offre et de la demande (O&D). La relation qui s’établit entre les deux dépend du rapport existant entre l’offre et la demande effective, c'est-à-dire la demande de tous les individus disposés à payer le prix naturel de la marchandise. Dans le court terme, l’offre est fixe, ainsi si l’offre est inférieure à la demande effective, il existe un déficit de marchandise et la concurrence entre acheteurs établira le prix au dessus du prix naturel. Cas inverse, si l’offre est supérieure à la demande effective, il existe un excédent de marchandise et la concurrence entre vendeurs établira le prix au dessous du prix naturel. Cependant, cette disparité entre prix naturel et prix marché ne peut pas être permanente car l’offre n’est pas fixe mais s’adapte à la demande effective. Microéconomie I 9 L1/S1 Smith conclue que le prix naturel est donc pour ainsi dire le point central sur lequel gravit continuellement le prix de toutes les marchandises. Remarque : La quantité offerte s’adapte à la demande effective ou, ce qui revient au même, à la manière dont le prix naturel rejoint le prix marché. Dans ce processus d’ajustement, le comportement des détenteurs de ressources (terre, capital, travail) joue un rôle décisif. En effet, le prix marché de ces ressources, venant à s’écarter de leur prix naturel, leur détenteur devront en modifier l’emploi de telle sorte que l’équilibre soit rétabli. En exposant la nature de la pression qui s’exerce sur les détenteurs de ressources, Smith est amené à présenter une analyse de la concurrence et même les fondements de ce qu’on appellera plus tard la concurrence pure et parfaite. Selon Smith, il faut que les concurrents soient nombreux de sorte à ce que aucun ne puisse exercer une influence sensible sur les prix. Par ailleurs, il faut que l’information soit parfaitement diffusée, ce qui exclue les secrets de fabrication et le secret des affaires. Et enfin il faut que la mobilité des facteurs de production en secteurs de fabrication soit totale. La 2e remarque concerne le véritable caractère de la valeur considérée par Smith. On pourrait être tenté de voir dans cette théorie une explication reposant sur le jeu de l'offre et de la demande. Mais ceci n’est pas exact car la loi de l'offre et de la demande ne fait que déterminer le prix marché tandis que ce prix gravite autour du prix naturel. Or le prix naturel, d’après l’analyse de Smith, ne dépend pas du tout de la demande de biens : il dépend de la valeur des services des facteurs de production. On a donc une théorie de la valeur déterminée par le coût de production. La demande influe effectivement le prix marché mais dans le court terme uniquement. Cependant le prix naturel, qui est un prix de long terme ne dépend que du coût de production. La question que va analyser Smith est : Quels sont les déterminants du prix naturel ? Quels sont les composants du coût de production ? Cela revient à déterminer le prix des services des différents facteurs de production. Cette analyse conduit Smith à élaborer la théorie de la répartition. 2) La théorie de la répartition Dans l’enfance des sociétés, seul le travail permet de produire et la théorie de la valeur travail est une bonne description de ces sociétés. En revanche, dans les sociétés capitalistes, il y a selon Smith 3 facteurs de production : Capital : profits ou intérêts Travail : salaires Sol : rente Smith considère qu’il n’est pas possible d’appliquer la théorie de la valeur travail dans les sociétés développées dans la mesure où le profit et la rente semblent être indépendantes de la quantité de travail utilisé pour la production. De plus, Smith explique qu’à chaque stade de production, chaque marchandise contient directement ou indirectement une part variable du produit de ces 3 facteurs Microéconomie I 10 L1/S1 déterminant ainsi le prix naturel de chaque marchandise. Chacune de ces rémunérations des facteurs de production comporte elle aussi un taux naturel de long terme et un taux de marché de court terme. a) Les salaires Smith fait la distinction entre courtes et longues périodes. Court terme : 1 an Moyen terme : 1 à 5 ans Long terme : 5 à 10 ans En courte période, la population est fixe et donc comme pour tout autre marchandise, c’est le jeu de l'offre et de la demande qui va prévaloir sur le marché du travail. La demande de travail émane des employeurs et l’offre des travailleurs. Le prix courant du travail est le prix que reçoit réellement l’ouvrier d’après les rapports de l'offre et de la demande, le travail étant cher quand les parts sont rares et bon marché lorsqu’elles abondent. L’offre de travail est le volume de la population en âge de travailler, et la demande est déterminée par ce que Smith appelle les fonds destinés à payer les salaires. Ces fonds proviennent de la récupération par la vente des produits des salaires initialement avancés dans la production. Ils proviennent également de l’épargne des capitalistes qui pourra être avancée en salaires supplémentaires. Ces fonds de salaires déterminent la demande de travail alors que l’offre est fixe à court terme. Dans le long terme, Smith considère que le salaire ou le taux naturel (tx nat) du salaire se fixe au niveau des subsistances des travailleurs. Il constate que le niveau est d’abord le résultat d’un rapport de force entre employeurs et salariés. Cependant ce rapport de force est asymétrique : les capitalistes ont souvent la possibilité de se concerter et de s’entendre dans la légalité tandis que les travailleurs n’ont pas le droit de se coaliser. De plus, en période de conflit, les capitalistes ont les ressources nécessaires pour survivre sans besoins des travailleurs, ce qui n’est pas le cas de ces derniers. Par conséquent, les capitalistes peuvent imposer leur prix, c'est-à-dire le salaire qui ne peut descendre en dessous du niveau de subsistance. Le taux naturel du salaire est donc le niveau de subsistance du travailleur. Smith avance une autre raison pour laquelle le taux de salaire est au taux de subsistance. Dés que le salaire augmente au dessus du niveau de subsistance, le volume de la population augmente, ce qui fait augmenter l’offre de travailleurs et donc fait diminuer les salaires. Pour Smith, le salaire de subsistance est plutôt de nature historique que psychologique ou physiologique ce qui rend ce salaire compatible avec une augmentation du bien-être en longue période. b) Les profits du capital Pour Smith (comme pour tous les classiques) le profit est la rémunération du capital, mais il ne correspond pas à la rémunération du travail d’inspection et de direction qui relève de l’analyse du salaire. Le profit brut se proportionne Microéconomie I 11 L1/S1 naturellement au montant du capital employé. Cette proportion ramenée à l’unité de temps est appelée taux de profit. Exemple : capital de 200 + 1 an : capital de 210 : profit de 10 et taux de profit de 5% Le capital est une avance sur la production, que cette avance prenne la forme de salaire avancé aux travailleurs, de matières premières, de machines ou de bâtiments. Puisque le profit rémunère cette avance, il a d’abord la nature de la rémunération du temps qui sépare l’immobilisation du capital de la vente des produits. Donc le profit rémunère le temps. Mais il doit aussi rémunérer le risque de la perte du capital dans l’investissement. Au total, le profit rémunère le temps et le risque. Il est somme d’un intérêt pur et d’une prime de risque. Cette somme, Smith l’appelle le profit brut. Selon lui, les taux de profit ont aussi tendance à s’égaliser dans l’économie. En effet, comme le capital est mobile, il va se diriger dans les secteurs où il rapporte le plus, ce qui égalise les taux de profits nets, mais pas les taux de profit bruts. Les différences de taux de profits bruts qui subsistent ne proviennent donc que des différences de risques. (Produit net = produit brut – prime de risque = taux d’intérêt) Le capital pour la production peut aussi être emprunté. Ce capital emprunté sera rémunéré par le taux d’intérêt qui dépend ainsi de l’offre et de la demande de fonds prêtables. Analyse de Smith quant au taux de profit en longue période. Selon lui, le taux de profit est orienté à la baisse en longue période car il devient de plus en plus difficile de trouver une manière profitable d’employer le capital. En longue période, l’analyse par Smith du profit est un peu décevante : il n’y a pas de définition de taux naturel du profit. Il parle du taux naturel comme d’un taux moyen et ordinaire. On ne sait pas si ce taux naturel est censé permettre le maintien du capital intact ou s’il est censé permettre une formation nette du capital. A présent, on peut glisser la rente dans le schéma : La rente est le prix payé pour l’usage de la terre. La terre est un facteur de production très particulier : son offre est fixe et elle est supposée ne pas avoir d’usage alternatif à l’agriculture. La rente a la nature d’un surplus différentiel : Sur le prix des produits agricoles, le fermier paye les salaires, amorti son capital, et prélève son profit. Si un reste subsiste, cela constituera le revenu du propriétaire foncier. Par conséquent, la rente correspond à ce qui reste une fois rémunéré les autres facteurs de production. Ainsi certaines terres ne seront pas cultivées si elles ne sont pas assez fertiles pour permettre la rémunération des autres facteurs de production. Inversement, les autres terres seront cultivées et la rente dépendra alors du prix de vente des produits agricoles, de la fertilité de la terre et de sa localisation. Microéconomie I 12 L1/S1 Cette analyse pose une problème de cohérence : dans la théorie de la valeur de Smith, la rente et son taux naturel est une partie constitutive du prix naturel de chaque marchandise. Cependant lorsqu’il étudie la rente, Smith se contredit en spécifiant que celle-ci dépend du prix du produit agricole. Il faudra attendre Ricardo pour avoir une analyse cohérente de la rente. B. La mesure de la valeur Smith est l’un des premiers à faire la différence entre l’explication de la valeur et sa mesure. Le problème de la mesure est de savoir s’il est possible de trouver un étalon fixe des valeurs. Pourquoi faut-il se préoccuper de trouver une mesure fixe de la valeur ? Puisqu’on voulait mesurer la croissance économique des nations, l’objectif était de pouvoir comparer les richesses réelles par tête, soit à un moment donné entre 2 pays différents, soit dans un pays donné à 2 époques différentes. Pour Smith, le meilleur étalon de la valeur est le travail. Supposons un individu qui ne possède rien. La seule façon pour lui d’acquérir des biens est de travailler, soit pour produire directement son usage, soit pour se porter acquéreur sur le marché avec son salaire. Au total, c’est toujours du travail contre du travail que l’on échange, et le seul étalon possible de la valeur ne peut être que le travail incorporé ou le travail commandé. Cet étalon a en plus l’avantage de l’universalité : en effet, pour chaque individu, en tout temps et en tout lieu, l’heure de travail représente selon Smith : « la même portion de son repos, de sa liberté, de son bonheur ». Dans la pratique, et pour des raisons de commodité, les prix des différentes marchandises sont exprimés en monnaie (prix nominal) et pas en travail (prix réel) La question est de savoir si le prix nominal est une bonne mesure de la valeur. En toute rigueur non, puisque la valeur, en terme de travail, de l’or et l’argent se modifie dans le temps, ce qui rend l’étalon variable. Cependant, pour le court terme, le prix nominal est une bonne approximation. Pour le long terme, Smith préfère le blé, car selon lui, le rapport entre une certaine quantité de blé et le montant du travail associé est stable dans le temps. II. La croissance économique des nations C’est en matière de théorie de la croissance que Smith a élaboré les théories les plus générales et les plus célèbres. A. La division du travail L’originalité de Smith est de faire jouer un rôle considérable à la division du travail car selon lui, elle est le vecteur privilégié de la croissance économique des Microéconomie I 13 L1/S1 nations. Smith fournit une description restée célèbre de la fabrication d’une épingle où il relève pas moins de 18 opérations distinctes. La division du travail est utilisée pour augmenter la production du travail en un laps de temps donné. Smith envisage donc d’abord la division du travail comme la spécialisation des tâches à l’intérieur de l‘entreprise. La question est donc de savoir pourquoi la division du travail permet-elle d’augmenter la productivité du travail. Un accroissement d’habileté de chaque ouvrier Une épargne de temps qui se perd ordinairement quand on passe d’une espèce d’ouvrage à un autre L’invention d’un grand nombre de machines qui facilitent et abrègent le travail et qui permettent à un homme de remplir la tâche de plusieurs. A l’occasion de cette 3e explication, Smith observe que la division du travail n’est pas un phénomène que l’on observe uniquement à l’intérieur de l’entreprise, c’est un phénomène qui joue d’entreprises en entreprises, de branches en branches, provoquant l’apparition d’activités spécialisées. La réflexion de Smith débouche donc sur la mise en évidence de la division sociale du travail. Quelles sont les conséquences de cette division ? Pour Smith, c’est essentiellement dans l’industrie que la division du travail peut donner toute sa mesure. Donc en longue période, l’agriculture bénéficiera moins du progrès technique que l’industrie. Smith formule un principe célèbre : La division du travail est limitée par l’étendue du marché. Un producteur indépendant qui veut maximiser son surplus échangeable a intérêt à accroître la productivité de son travail, donc à se spécialiser sous réserve que cette spécialisation rencontre le besoin d’autrui. Cependant, bien que l’échange entraîne la division du travail, celle-ci est limitée par l’étendue du marché : A marché étroit correspond une division limitée et une productivité faible. Inversement, l’élargissement du marché et de la richesse va de paire. Smith va en conclure que l’un des éléments les plus favorables à la division du travail consiste dans les progrès des voies de communications et de transport car on élargit l’étendue du marché. B. Richesses, fonds de consommation et capital Le fond accumulé des richesses de la nation se divise en 2 parties : la 1ere sert à la consommation et donc rend service sous forme de valeur d’usage, et la 2 e fournit un revenu monétaire et s’appelle capital. Le capital est lui-même divisé en capital circulant et capital fixe. Les capitaux circulants : ils peuvent être à double – titre. D’abord leur circulation peut être technique, à savoir, les capitaux dits circulants sont incorporés au produit fini dans le cadre du processus de production. Ils ne peuvent donc fournir un revenu Microéconomie I 14 L1/S1 à leur propriétaire que s’ils changent d’aspect matériel. Mais pour les capitaux circulants, la circulation peut être aussi économique : cela veut dire qu’ils peuvent fournir un revenu à leur propriétaire que s’ils s’en dessaisie par la vente. Les capitaux fixes : par opposition, ils se définissent par leur stabilité aussi bien physique qu’économique. Physique dans le sens où le processus de production n’altère pas sa forme et économique car le propriétaire en tire profit sans qu’il soit nécessaire de s’en dessaisir. Conséquences de cette division du travail. La 1ere est que toute richesse accumulée fut, avant d’être vendue, capital circulant pour celui qui l’a produite, donc le capital fixe et le fond de consommation provient du capital circulant. 2e : Les capitaux fixes ne peuvent participer à la production sans capitaux circulants qui leurs fournissent la matière et la subsistance des ouvriers. 3e : Les capitaux fixes et circulants n’ont pas d’autres buts et d’autres destinations que d’entretenir et d’augmenter le fond de consommation. C’est le fond de consommation qui nourrit, habille et loge le peuple. Toutefois, ce capital doit être entretenu pour réapprovisionner le fond de consommation de périodes en périodes. Smith observe donc une distinction entre revenus bruts et revenus nets. Revenu net = (différence entre produits total et revenu brut) – entretien de capital fixe – entretien du capital circulant. Smith cherche à distinguer 2 composantes dans le produit annuel brut d’une nation. Composante entretien : dont la fonction est d’assurer que la production de l’année suivante soit maintenue au même niveau. Composante résiduelle : revenu net ou surplus disponible soit pour accroître la consommation soit pour accumuler du capital et accroître la production de la période suivante. Or c’est précisément pour déterminer les conditions de l’accumulation du capital que Smith va faire la distinction entre travail productif et travail improductif. C. Travail productif et travail improductif Selon Smith, va être considéré comme productif le travail qui s’intègre dans l’ensemble du capital. Dans ce cas, l’entrepreneur qui avance le salaire et le récupère en vendant le produit et perçoit en plus un profit. Le travail productif a donc la propriété d’assurer d’une part la pérennité du fond qui le rémunère et d’autre part de dégager un profit qui rémunère l’avance et le risque. A l’inverse, les dépenses en travail improductif ne sont pas récupérées par celui qui les réalise. Le travail improductif a les caractéristiques d’une dépense de consommation pour celui qui verse le salaire. Non seulement il n’y a pas un profit mais en plus il y a perte du revenu. Microéconomie I 15 L1/S1 Au total, le salaire du travail productif est une avance en capital alors que le travail improductif est une dépense de revenu. Smith précise que le travail improductif n’est pas dû qu’aux domestiques mais aussi aux serviteurs de l’état, médecins, militaires, magistrats… Le critère de matérialité est explicite et il est sous-jacent à la valeur travail incorporé (à la marchandise). Le seul élément qui apparaît consubstantiel à la chose (appartenant à la chose) est le travail qu’il a fallu fournir pour le réaliser. Au contraire, les services du domestique vont périr au moment même où il les rend. Implicitement, on a donc une dichotomie entre travail productif et travail improductif qui sont le parallèle de la dichotomie entre biens et services. Smith sous-entend que le travail improductif n’a pas de valeur donc on ne voit pas pourquoi on le rémunèrerait. Cependant, Smith conçoit le critère d’utilité : l’utilité ou le besoin subjectif qu’ont les individus de la chose. Dans ce cas, les services peuvent avoir leur utilité au même titre que les biens matériels. Ce découpage doit être resitué dans la théorie de la croissance de Smith. Il reconnaît que le travail improductif peut être honorable et utile. Mais son critère est un critère de croissance et non de bien-être. Le capitaliste qui a récupéré son avance peut à nouveau récupérer son avance. Le travail productif permet l’existence d’un profit qui est le revenu du propriétaire du capital. Pour Smith, le profit n’a de sens que comme facteur d’accumulation du capital, accumulation qui va assurer la croissance du produit annuel. Résumé de Smith : La production suppose une accumulation c'est-à-dire une avance et une certaine division du travail synonyme d’un certain niveau de productivité. La valeur de la production se décompose comme on l’a vu en salaires (des travailleurs productifs). Les salaires des travaux productifs sont intégralement dépensés en biens de production ce qui reconstitue le fond initial des salaires. Une partie des profits et des rentes est dépensée en biens de consommation. Une autre partie sert à rémunérer les travailleurs improductifs. Leurs emplois dépendent donc de l’importance de la rente et des profits. Mais c’est surtout la rente qui fournit les fonds en biens de consommation. Une fois toutes ces dépenses effectuées, le reste constitue l’épargne et c’est sur cette base que le capital s’accumule. Dans l’analyse de Smith, les règles de partage sont floues. Pour lui, l’épargne est automatiquement investie. Quel est le type d’investissement à faire avec cette épargne ? Pour Smith, c’est d’abord un investissement supplémentaire pour de nouveaux travailleurs productifs ou une augmentation de nombre d’heures de travail, ce qui conduit à court terme à une hausse du taux de salaire et à long terme à un accroissement de la population. Etant donné que les salaires sont consommés, l’épargne se résout en la consommation, donc la séquence est donc la suivante : Microéconomie I 16 L1/S1 Epargne = investissement = accroissement du fond des salaires = accroissement de la consommation. Ainsi l’accumulation du capital conduit à la croissance parce que le fond de travail productif croît mais aussi parce que la division du travail peut être plus poussée, ce qui augmente la production. La disparition graduelle des occasions d’investir amortira graduellement la croissance mais la division du travail en augmentant continuellement la productivité permet de reculer l’arrêt de la croissance. III. Smith et la main invisible La philosophie générale de l’auteur de la richesse des nations est la suivante : il existe en économie comme dans les autres domaines de la vie sociale un ordre naturel qui est le résultat simple et évident de la recherche permanente de l’intérêt personnel dans le cadre du libre exercice des tendances innées des individus : - L’égoïsme - La faculté de sympathie - Le désir de liberté - L’habitude du travail - La propension à échanger - … C’est par le jeu des tendances que chaque individu poursuit son propre intérêt dont chacun est à la fois le meilleur juge et l’agent le plus efficace. L’exercice de ces tendances est un jeu subtil de poids et de contrepoids qui sont autant de facteurs d’équilibre personnels, de sorte que les fruits du travail personnel puissent faire l’objet d’échanges au mieux des intérêts de tous. Exemple : L’égoïsme est contrebalancé par la faculté de sympathie La libre poursuite de l’intérêt personnel conduit au bien commun Une main invisible organise, équilibre, harmonise les intérêts individuels dans le bien-être collectif, optimum social, résultat involontaire et idéal de la conduite spontanée des hommes. Cette poursuite de l’intérêt personnel conduit chacun à se spécialiser et à produire plus de biens (biens désirés par autrui) : la rationalité individuelle conduira à l’optimum collectif grâce à l’action de la main invisible Conséquence : Smith prône le laissé faire en matière de politique économique, c'est-à-dire l’existence d’un état minimal dont les devoirs sont réduits à : Défendre la nation contre les agressions extérieures Administrer la justice Fournir les services et les biens collectifs indispensables que le secteur privé ne peut assurer à cause de l’insuffisance des profits directs que fournissent les activités. Smith prône donc l’action d’un état Régalien. Microéconomie I 17 L1/S1 IV. Jean-Baptiste Say (1767 – 1832) et la théorie des débouchés « Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment les richesses » A. La théorie de la valeur utilité Say s’oppose à la valeur travail de Smith. Pour lui, tout travail est productif et la distinction : productif, improductif n’a pas de contenu. Plus précisément, c’est parce que l’homme ressent le besoin d’une chose qui lui attribue une utilité et c’est cette utilité qui est la source de la valeur. En outre, certains besoins sont satisfaits par la seule nature, d’autres exigent du travail. Les éléments fournis par la nature composent la richesse naturelle, offerte gratuitement. Elle a une utilité mais point de valeur car elle est gratuite. Au contraire, le capitaliste fournit ce que Say appelle la richesse sociale. Celle-ci a une valeur parce qu’elle nous en coûte pour la produire : le coût de production. La question est donc de savoir quel est le lien entre utilité et coût de production, et leurs incidences sur la valeur. La valeur se réduit au coût de production même si ce sont les besoins qui vont introduire la valeur. Say met plus l’accent, que Smith ou Ricardo, sur le rôle de l’utilité bien qu’elle n’ait pas complètement négligé par les deux autres. Il explique qu’il y a plusieurs sortes de travail et non pas un seul type de travail, et d’autre part, dans la valeur, il y a le salaire et le profit, et Smith ne pense pas qu’on puisse lier le profit à la quantité de travail. B. La loi des débouchés Elle a son origine dans l’analyse de la croissance de Smith. Smith pensait que la division du travail permettait d’entretenir la croissance mais la condition nécessaire est que la production sur grande échelle suite à cette division du travail n’entraîne pas de crise de production. La loi des débouchés de Say correspond à une réponse à cette préoccupation. « L’offre crée sa propre demande » « Les produits s’échangent contre les produits » L’idée développée par Say est que l’origine de la production réside dans l’offre et qu’à partir moment où un bien est produit, il va nécessairement trouver preneur. Il faut donc favoriser l’offre de biens et donc il faut réduire les coûts de l’entreprise. Les partisans de cette loi vont insister sur l’épargne qui est une condition préalable au développement. Pour établir son résultat, Say va se livrer à une analyse de la monnaie. Microéconomie I 18 L1/S1 La monnaie n’est qu’une fonction d’échange. Elle n’est donc jamais demandée pour elle-même, mais pour les biens qu’elle permet de se procurer. De cette façon si un bien est produit dans une entreprise A, les producteurs ont pays les ouvriers et ceuxci, avec de l’argent qu’ils ont gagné, achètent les biens de l’entreprise B. Ainsi toute la monnaie disponible dans l’économie est dépensée et les crises de surproduction généralisées sont impossibles. La monnaie n’est qu’un voile sur l’économie et n’a aucune incidence réelle. Les prix relatifs sont déterminés dans le secteur réel tandis que la quantité de monnaie ne fait que déterminer le niveau général des prix. Say est à la fois optimiste sur la capacité du système à s’autogérer et septique sur l’efficacité de l’intervention publique. Microéconomie I 19 L1/S1 Chapitre II : David Ricardo (1772 – 1823) « Les principes de l’économie politique et de l’impôt » Ricardo est un riche courtier en immobilier qui a monté son propre cabinet. Le style et le ton de son ouvrage sont très différents de celui de Smith. Ricardo est un homme de sciences, ce qui l’amène à expliquer et illustrer toutes ses conclusions. I. Thomas Malthus (1766 – 1835) Son ouvrage publié en 1798 s’intitule « essai sur le principe de population ». La croissance spontanée potentielle de la population (croissance géométrique) excède la croissance maximum de l’offre de la subsistance (croissance arithmétique). Malthus considère que la population double tous les 25 ans (2,8% / an). Sa théorie est une généralisation des observations du taux de croissance qu’il a mené dans les états d’Etats-Unis du nord, où les moyens ne manquent pas. Malthus voit par ailleurs une croissance arithmétique du taux de production car la surface de production est bornée, n’est pas extensible et les rendements de la terre sont décroissants. Par conséquent, quelle que soit la situation de départ et quelques soient les raisons des deux progressions, la population doit rattraper l’offre de subsistance. La question est de savoir quels sont les facteurs qui font que la croissance effective de la population s’adapte à la croissance des subsistances ? Selon lui, il existe deux freins à l’expansion démographique : - Un frein destructif : exercé par deux voies : la misère (sous-alimentation, disette, épidémies…) et le vice (débauche, irrégularités sexuelles…) qui est nuisible à la procréation. - Un frein préventif : il se manifeste par la vice et par la maîtrise morale de soimême. Pour Malthus, parler du principe de population signifie 3 choses ou conséquences : - Tout excédent de subsistance par rapport au niveau de la population sera progressivement comblé par l’accroissement de la population. De plus, aucun des freins destructifs ou préventifs ne joue tant que cet écart n’est pas comblé. - Tout déficit de subsistance se traduit par l’élimination de la population excédentaire et donc par le jeu des facteurs destructifs. - La coïncidence entre le taux de croissance de population et le taux de croissance des subsistances est assurée par une combinaison de malheurs, de vices ou de contraintes morales. Microéconomie I 20 L1/S1 Malthus a une conception très mécanique du comportement humain qui aura des implications économiques très radicales. Selon lui, secourir les pauvres ne fait que se reproduirent les pauvres, et cela entraînerait une généralisation des pauvres. Sur le plan théorique du principe de population, Ricardo va construire une théorie cohérente et logique du salaire. Ricardo croit au système de Malthus. Si la population croit au maximum compatible avec la subsistance, il en résulte que la rémunération du travail se fera à l’équilibre au minimum vital. Avec le principe de population, le salaire net devient le coût de production du facteur travail qui, à l’équilibre statique, peut être définit comme celui qui assure la reproduction à l’identique de la population. Mais ce minimum vital est-il biologique ou historique ? Les classes considèrent que ce minimum est marqué historiquement, ce qui autorise pendant les phases de croissance une croissance du salaire au dessus du taux naturel. Cependant, pour Malthus et Ricardo, ce minimum est biologique. En effet, comment concevoir que la pauvreté puisse éliminer l’excédent de population quand le salaire est inférieur au minimum si ce minimum n’est pas vital au sens biologique du terme. II. Le système Ricardien A. La théorie Ricardienne de la valeur Ricardo, tout comme Smith commence par rappeler les notions de valeur d’usage et de valeur d’échange et souligne que la valeur d’usage est une condition nécessaire à l’apparition de la valeur, mais en reprenant l’exemple de l’eau et du diamant, accepte la position de Smith suivant laquelle l’utilité ne peut pas fondre la valeur. Les sources de la valeur, selon Ricardo sont la rareté et la quantité de travail. La rareté est source de la valeur des biens dont l’offre est fixe : les biens non reproductibles. Dans le cas de ces biens, l’offre fixe la quantité et la demande fixe le prix. Prix Offre Demande Quantité Microéconomie I 21 L1/S1 « Les biens qui relèvent de cette analyse sont peu nombreux » et Ricardo s’intéresse aux biens reproductibles dont le principe général est énoncé de la façon suivante par lui-même : « La valeur d’une marchandise ou la quantité de toute autre marchandise contre laquelle elle s’échange dépend de la quantité relative de travail nécessaire pour la produire. » La valeur est envisagée par Ricardo en termes relatifs c'est-à-dire de l’échange et non en termes absolus. Quand le seul facteur de production dans la société est le travail, aucune différente ne se présente. Mais Ricardo va plus loin que Smith. Pour Smith la théorie de la valeur travail était valable pour décrire le fonctionnement d’une société pré-capitaliste. Mais pour Ricardo, la validité de la valeur travail est générale parce qu’il suppose que le travail lui-même est constituée par du travail passé emmagasiné. Par conséquent, la valeur d’une marchandise est gouvernée par la quantité de travail direct et indirect qui a été consacré à la production. Le problème est donc de pouvoir évaluer cette quantité de travail passé et emmagasiné et qui affecte la valeur totale d’une marchandise. Ricardo montre que la structure des capitaux est cruciale pour déterminer la valeur d’une marchandise. Exemple : On suppose 2 capitalistes. Le premier : il emploi seulement du capital circulant (le travail de l’ouvrier) et produit du blé. Il emploi 100 ouvriers qu’il va payer 50 chacun par an. Il emploi donc un capital de 5000 chaque année. Si le taux de profits est de 10%, à la fin de l’année, le blé produit sera à 5000 + 10*(5000/100) = 5500 L’année suivante, il réitère son opération, donc gagne autant qu’à l’année précédente, à savoir 5500. Le deuxième : il emploi du capital fixe et du capital circulant. La première année, il emploi 100 ouvriers, payés 50/an à construire une machine destinée à tisser des draps. Si le taux de profits est le même (10%), la machine vaudra 5500 lorsqu’elle sera construite, à la fin de l’année. La deuxième année, le capitaliste produit des draps avec le même nombre d’ouvriers payés la même somme et avec l’aide de la machine construite. Le taux de profit reste le même. Donc à la fin de l’année, les draps vaudront le prix du capital engagé l’année 2 (salaires) + les profits fait sur ce capital engagé + les profits faits sur le capital engagé pendant l’année 1, donc les profits déduits de la valeur de la machine. 5000 + 10*(5000/100) + 10*(5500/100) = 5000 + 500 + 550 = 6050 On peut voir ainsi que des capitaux peuvent consacrer la même quantité de travail à créer la même quantité de marchandise sans que celle-ci ait la même valeur et cela en raison des capitaux fixes et du travail accumulé dans chacun d’eux. L’accroissement d’une valeur d’une marchandise naît du temps plus ou moins considérable que nécessite sa production et son transport sur le marché. Microéconomie I 22 L1/S1 Ainsi c’est l’allongement du processus de production qui créé l’augmentation de la valeur. Le problème c’est que le temps n’agit que par le taux annuel de profit qui, lui, demeure inexpliqué. Le 2e problème, c’est que l’emploi de capitaux créé des problèmes d’évaluations difficiles à résoudre. En effet, les machines ne différent pas les unes des autres par leur durée respectives mais aussi par leur coût de fabrication (donc par les taux de salaires et de profits prévalant à l’époque de leur construction par des taux de profits et de salaires qui ont prévalu ensuite par leur usure et donc par la méthode d’amortissement que l‘on a adoptée pour tenir compte de l’usure et de l’obsolescence. Ce sont des problèmes complexes qui interdisent à une pure théorie de la valeur travail d’expliquer les prix relatifs à un moment quelconque du temps. Ricardo l’admet et il est obligé d’abandonner la thèse stricte de la valeur travail. Mais il sera amené à la conserver en considérant qu’elle est une bonne approximation de la réalité. Pour Smith, la théorie de la répartition n’est qu’une application de la théorie de la valeur (théorie des prix naturels), une théorie des coûts de production appliquée au service des facteurs production aussi bien qu’aux marchandises. Chez Smith, c’est donc l’évaluation des services des facteurs qui va déterminer la répartition du revenu naturel. Pour Ricardo, la théorie de la répartition ne s’identifie pas à la théorie de la valeur, elle a une véritable autonomie, et le cœur de la théorie de la répartition de Ricardo est sa théorie de la rente foncière. B. De la théorie de la rente foncière à une théorie générale de la répartition L’intérêt porté à l’analyse de la rente foncière est lié aux circonstances historiques et aussi pour des raisons qui tiennent à la conduite de l’analyse théorique. Les économistes européens (fin XVIIe et début XIXe) n’étaient qu’au début de la révolution industrielle, c’était donc l’agriculture qui constituait l’activité dominante. Par conséquent, la rente foncière, en constituant une charge pour le fermier et en constituant le revenu des propriétaires fonciers était au centre de la vie économique. Le sujet a fasciné les économistes de l’époque parce qu’ils se rattachaient à l’une des plus anciennes théories de l’analyse économique, à savoir la notion de surplus, et surtout parce que le traitement de cette question a obligé les économistes à accomplir des progrès importants dans leur méthodes d’analyse en les conduisant à pratiquer l’analyse à la marge. Microéconomie I 23 L1/S1 1) La théorie de la rente Selon la célèbre définition de Ricardo, « la rente est cette portion du produit de la terre que l’on paie au propriétaire pour avoir le droit d’exploiter les facultés productives et impérissables du sol. » Il ne faut pas confondre la rente avec le profit du capital investi en terre que procure le propriétaire foncier. Ricardo constate que les terres sont de fertilité différentes et que la rente (différentielle) naît du différentiel de fertilité et de qualité entre les terres. Il est important de noter que la dernière terre mise en culture ne perçoit pas de rente. Celle-ci n’apparaît que pour les terres précédentes (meilleures par hypothèse) D’autre part, c’est la différence de qualité qui va promettre au propriétaire des terres de percevoir une rente. Ricardo fournit une explication de la rente différentielle et refuse l’existence d’une rente absolue (celle que percevrait la dernière terre mise en culture) Supposons que des terrains 1, 2, 3 rendent moyennant l’emploi d’un même capital, un produit net de 100, 90, 80 unités de blé. Dans un pays neuf où la quantité produite excède le nécessaire à la population, où par conséquent il suffit de cultiver le terrain 1, tout le produit net restera au cultivateur aussi bien que le profit du capital qu’il aura avancé. Aussitôt que l’augmentation de la population sera devenue telle qu’on soit obligé de cultiver le terrain 2 qui ne rend que 90 unités, les salaires des laboureurs déduits, la rente commencera pour le terrain 1. Que ce soit la population ou une autre personne qui cultive le 1, dans les 10 unités de blé supplémentaires produites par rapport au terrain 2 constitueront toujours la rente puisque le cultivateur du terrain2 obtiendrait le même résultat avec son capital soit qu’il cultivât le terrain 1 en payant 10 unités de blé de rente, soit qu’il continuât à cultiver le terrain 2 sans payer de rente. En T=3 la rente du terrain 3 = 0 De même il est clair que lorsqu’on aura commencé à défricher le terrain 3, la rente du terrain 2 devra être de 10 unités de blé ou de leur valeur tandis que la rente du terrain 1 devra atteindre 20 unités. Le cultivateur du terrain 3 récupère le même profit que celui qui cultive le terrain 2. 3 points essentiels : Les conditions de mise en culture sont les mêmes sur les 3 terrains, car sur chacun d’eux est la même surface exploitable et on emploi également le même capital. La valeur dont il est question ne comporte que les salaires. 100, 90, 80 sont des valeurs de produit net. La raison pour laquelle on est conduit à mettre en culture de nouvelles terres (moins riches) est l’augmentation de la population. Avec Ricardo et la théorie de la rente différentielle, apparaît le raisonnement à la marge. Sur la terre marginale (dernière terre mise en culture) le produit est tout juste suffisant pour rémunérer le capital et le travail. Microéconomie I 24 L1/S1 D’où la conclusion de Ricardo, la rente est toujours la différence entre les produits obtenus de 2 quantités égales de capital et de travail. En appliquant des quantités égales de facteurs de production à des terres de moins en moins fertiles le produit marginal, c'est-à-dire celui de la dernière terre mise en culture décroît. En raisonnant ainsi à la marge extensible de la culture, la rente naît de la fertilité décroissante et décroît avec cette fertilité. On peut aussi raisonner à la marge extensible de culture. Supposons que l’on applique des quantités successives de facteurs de production (capital et travail) à un sol homogène et d’une certaine superficie. Chaque unité de facteurs de production supplémentaires apporte un produit supplémentaire c'est-à-dire un produit marginal (positif) mais ce produit marginal décroît à mesure que l’on ajoute du capital et du travail. Cette décroissance du produit marginal provenant soit de la mise en culture d’une terre supplémentaire soit de l’application d’une unité de facteurs de production sur une terre donnée est connue sous le nom de la loi des rendements décroissants. La question est de savoir si la rente est un élément du produit ou si elle est une conséquence du prix de vente. Smith répondrait que la rente s’ajoute aux salaires et avec le profit pour déterminer le prix naturel du produit. Pour Ricardo, la rente est déterminée par le prix du produit. Exemple : Terre 1 K engagé (€) Rémunération salariale (€/h) Heures de travail (h) Profits réalisés (%) Production de blé (kg) Prix du blé (€/kg) Chiffre d’affaires Rente (€) 20000 8 1000 10 10000 (8x1000 + 10%x20000) = 1 10000 10000 0 Terre 2 20000 8 1000 10 20000 1 20000 10000 La rente n’est pas une cause de la valeur du blé mais une conséquence de celle-ci. « Le grain n’a pas un prix élevé parce qu’on paye une rente, mais on paye une rente parce que le prix du grain est élevé. » Le fait que la rente soit une conséquence du prix est lié au facteur très particulier du système de production. En effet, alors que les autres facteurs de production c'est-à-dire capital et travail sont mobiles, la terre est un facteur immobile et n’a pas d’autre usage que la production Microéconomie I 25 L1/S1 agricole. Ou bien la terre est utilisée, ou bien le coût d’opportunité est le prix que l’on paie en exploitant pas cette ressource qui pourrait l’être. Si une terre n’est pas assez utilisée, c’est qu’elle n’est pas assez rentable pour rémunérer les autres facteurs de production, elle ne peut pas être utilisée pour autre chose. Ainsi le coût d’opportunité de la terre étant nul, il n’entre pas dans le coût de production. Définition du coût d’opportunité : c’est l’activité la plus importante pour soi dont on se prive lorsqu’on choisit de faire autre chose. Exemple : un terrain : il y a 2 possibilités : soit le cultiver, soit le transformer en une aire de jeu payante. Si le propriétaire décide de cultiver son terrain, le coût d’opportunité sera l’argent qu’il aurait pu gagner en l’exploitant en aire de jeu. Supposons, par ailleurs, une 3e possibilité : garder le terrain intact pour en faire un lieu de détente personnel. Si le propriétaire eu préféré cette solution à l’aire de jeu, le coût d’opportunité de la culture du terrain aurait été simplement le fait de pouvoir disposer de son terrain.) En conclusion de la théorie de la rente, on peut dire que c’est le prix du produit agricole, déterminé par la valeur de la production de la terre la moins productible qui fixe le niveau de la rente pour les autres terres plus productives. 2) La théorie de la répartition Ricardo met l’accent sur l’évolution des prix en longue période, ce qui l’amène à préférer le jeu de l’offre et de la demande en courte période. Ce qui intéresse Ricardo, ce sont les prix naturels, c'est-à-dire les prix de longues périodes qui correspondent à une théorie des coûts de production et des éléments constitutifs. Seuls le salaire et le profit sont des composantes du coût de production pour Ricardo. Cependant, la rente subsiste en tant que revenu de transfert, et c’est la théorie de la répartition qui nous informe de l’évolution de la rente dans le temps. La théorie des salaires de Ricardo oppose comme pour Smith prix naturels et prix courants. Ricardo définit le prix naturel de la façon suivante : « le prix naturel du travail est celui qui fournit aux ouvriers le moyen de subsister et de perpétuer leurs espèces sans accroissement ni diminution. » Il s’agit donc simplement du salaire de subsistance, qui doit être compris comme un ensemble de biens et non comme une somme d’argent. Ainsi en valeur, le salaire naturel croît si le prix des biens qui le composent augmente également et décroît dans le cas inverse. Le prix courant du salaire est simplement déterminé par l’offre de travailleurs. Quand la croissance est forte, l’accroissement du capital est soutenu, le fond des salaires augmente et le taux courant du salaire s’élève au dessus du prix naturel. Cependant dans le long terme, le taux de marché doit converger vers le taux naturel de salaire. Pour sa démonstration, Ricardo va utiliser le principe de population de Malthus. Microéconomie I 26 L1/S1 « Un salaire courant au dessus du taux naturel permet à l’ouvrier de maintenir une famille robuste et nombreuse. La population augmente donc et le salaire courant baisse à la suite de cette augmentation de l’offre de bras. » Cependant l’augmentation de la population exige une augmentation de la production agricole et donc nécessite la mise en culture de terres de moins en moins fertiles. On sait que les terres les moins fertiles à un moment donné ne rapportent aucune rente. Ce sont les terres plus fertiles qui du fait de la loi de la valeur offrent à leur population une rente. Celle-ci est d’autant plus élevée que le salaire est productif. Prenons la dernière terre, celle qui est la moins fertile ne procure aucune rente alors que la production, en revanche, qu’elle contribuera à réaliser va se vendre sur le marché. Comment va se répartir le fruit de la vente ? Une partie va aux travailleurs, et c’est le salaire qui se trouve au minimum vital, et le reste constituera le profit. Ramenée à la quantité de capital utilisé, le profit indique quelle est sur cette terre le taux de profit pour le capitaliste, c’est le taux de profit de la terre la moins productive. Mais c’est aussi du fait de l’égalité des taux de profits dans toute l’économie, le taux naturel de l’économie. Considérons une économie en progrès (terme utilisé par les classiques). La population augmente, une nouvelle terre moins fertile que toutes les autres est mise en culture, alors pour produire une même quantité de produits agricoles que le sol précédemment le moins riche, il faut encore plus de travail. La valeur et le prix des produits agricoles s’élève donc. En effet, la valeur se détermine sur le terrain le plus pauvre. Comme le prix des produits agricoles augmente, le salaire nominal des ouvriers va augmenter aussi afin qu’ils puissent conserver leur pouvoir d’achat qui se trouve au minimum vital. Une autre question importante est l’évolution des taux de profit en longue période. Ricardo montre que plus on met en culture de terres nouvelles, et donc plus difficiles à travailler, plus le taux de profits tend à baisser. Mais ce n’est pas comme chez Smith, l’abondance relative des capitaux qui est à l’origine de ce déclin, c’est le jeu normal de la loi de la valeur qui est en cause. Exemple : On met en culture une nouvelle terre moins fertile que les autres. Un ouvrier produit moins que sur la terre précédemment la plus pauvre. Pourtant, son salaire reste le même. Supposons que l’ouvrier a besoin de 50kg de blé. Il s’agit du salaire minimal vital en dessous duquel on ne peut pas descendre. Si au temps t=1 sur la terre la moins fertile, il produit 70kg de blé, le profit sera de 70 – 50 = 20 Si maintenant, au temps t=2, il produit sur une terre encore moins fertile 60kg de blé, le profit sera de 60 – 50 = 10. Le profit tombe à 10kg de blé car le taux de profit est le même dans tous les secteurs comme le capital est mobile entre les secteurs. Sur la nouvelle terre, la rente est nulle, et sur la terre précédemment la moins fertile, la rente est de 10kg de blé. Microéconomie I 27 L1/S1 A l’équivalence, les taux de profits sont identiques dans tous les secteurs de l’économie. Ainsi au total, sur tous les salaires, les taux de profits diminuent et la rente augmente. Le taux de profit baisse donc au fur et à mesure que s’accroît la population car l’augmentation de la population conduit à la mise en culture de terres de moins en moins fertiles. Viendra alors un temps selon Ricardo où le taux de profit sera devenu tellement bas que plus personne ne sera incité à épargner, à accumuler des capitaux pour produire. La population cessera de progresser, ce qui conduira à l’économie dans un état stationnaire. Il est important de noter que toute la constitution théorique de Ricardo repose sur une inégale fertilité des terres et sur le caractère décroissant de la productivité obtenue à partir d’une quantité donnée de facteurs de production. C’est une vision pessimiste de la croissance que nous propose Ricardo, vision d’autant plus pessimiste qu’elle est doublé de conflits entre classes sociales puisque les intérêts des propriétaires fonciers sont manifestement contraires à ceux des capitalistes et des ouvriers et à l’intérêt de la société en général. Ricardo sera ainsi un fervent adversaire des lois sur le blé en Angleterre. Ces lois limitent l’importation par des mesures de protection douanières. Ricardo prône au contraire le libre échange. Pour empêcher la baisse du taux de profit, il faut ouvrir les frontières et importer des produits agricoles en provenance de pays où la loi des rendements décroissants ne joue pas encore. Le libre échange est un moyen essentiel pour rebrousser l’état stationnaire. Microéconomie I 28 L1/S1 Chapitre III : Karl Marx (1818 – 1883) « Le capital » Marx est né en 1818 en Allemagne, et mort à Londres en 1883. L’œuvre de Marx est immense dans le sens où il a construit un système qui embrasse toutes les constitutions sociales. C’est une œuvre difficile à décrire en raison de ses nombreuses relectures et réinterprétations appelées marxisme. Le marxisme est une philosophie, à la fois une méthode scientifique appelée dialectique et une vision économique de l’histoire appelée matérialisme historique. Le marxisme est aussi une prospective (la révolution, la dictature du prolétariat, le communisme). Dans ce cas, on parle plutôt de marxisme – léninisme pour parler de la relecture de Marx par Lénine et dont l’impact sur l’humanité au XXe a été extrêmement considérable. Mais le marxisme est avant tout une économie politique. On peut le juger au titre de son œuvre : « le capital, ou critique de l’économie politique », publié en 1857. I. Les principes de la méthode de Marx La place occupée par Marx est unique en ce sens que jamais aucun économiste n’a fait dériver aussi explicitement son analyse économique de ses positions philosophiques de bases. Les conceptions philosophiques elles-mêmes s’expriment par une vision globale de l’histoire. On dit que Marx était au confluent de 3 courants : Le socialisme français (Fourier, Proudhon) L’économie politique anglaise (Smith et Ricardo) La philosophie allemande (Hegel et Kant) L’œuvre de Marx est unique comme le socialisme français est unique, mais celui de Marx sera scientifique dira Engels. Smith et Ricardo ont bien aperçu l’essentiel de l’économie politique (c'est-àdire la valeur travail) mais sans en tirer toutes les conclusions. Enfin, la vision globale de l’histoire de Marx sera très influencée par Hegel. Hegel (maître de philosophie de Marx) avait une vision conflictuelle des rapports humains considérés dans l’espace comme dans le temps. La base théorique présentée dans l’œuvre intitulée « dialectique du maître et de l’esclave » est une progression qui reconnaît l’inséparabilité des contraintes (thèse – antithèse) qui découvrent ensuite un principe d’union (synthèse) qui les dépassent. De cette façon, Hegel explique l’affrontement des idées, des individus, des groupes sociaux, des nations. Ces conflits pouvaient être considérés comme le moteur de l’histoire car chaque structure, arrivée au point le plus insupportable de ses tensions internes, était appelée à se dépasser et à se transformer en une nouvelle synthèse. Microéconomie I 29 L1/S1 Marx a repris ce système de pensée, son ambition déclarée était de remettre la philosophie hégélienne sur ses pieds « par l’étude de l’ensemble des conditions matérielles de la vie sociale ». A la différence des classiques, Marx va refuser de disserter sur des concepts abstraits. La production en générale n’existe pas et n’a jamais existé. Alors, il n’existe que de productions historiques qui ne sont définies qu’en même temps que leurs conditions matérielles. De la même façon, pour Marx, la société en générale n’existe pas, il n’existe que des sociétés déterminées par les conditions matérielles de leur existence, c'est-à-dire : Les techniques de travail Les modes d’organisation sociales de ce travail. Il a analysé le passage du monde féodal au monde capitaliste. Les exigences matérielles de l’existence humaine sont fondamentales. C’est en effet en exerçant une action matérielle sur la nature et sur lui-même que l’homme développe sa conscience, sa connaissance et sa vision du monde. Ainsi la production matérielle et historiquement bien définie est le fondement explicatif de toute cette vie sociale : c’est le matérialisme historique. On parle également de mode de production pour désigner l’ensemble du processus de production sur la base duquel est fondé la société. Mais l’histoire montre l’existence de modes de production différents et il faut expliquer comment on part d’une mode de fonctionnement à l’autre : il faut préciser le concept de production chez Marx. En premier lieu, Marx parle de rapport de production : ce sont les rapports sociaux que les hommes établissent à l’occasion de la production et tout particulièrement les rapports de propriété. Les rapports de production sont déterminés par l’état des forces productives. Les forces productives regroupent la main d’œuvre, les techniques et les moyens de production. Le développement des forces productives a pour conséquence d’assurer le déroulement de l’histoire au moyen de la lutte des classes. Les rapports sociaux issus de l’état des forces productives à un moment donné sont des rapports conflictuels entre les groupes ayant des intérêts opposés. En bref, les forces productives engendrent des rapports de production conflictuels, lesquels peuvent finalement constituer une entrave au libre cours des forces productives. La lutte des classes entraîne une contradiction interne au mode de production considéré puisque les rapports de production issus de forces productives sont tellement conflictuels qu’ils remettent en cause les forces productives elles-mêmes. Cette contradiction que l’on trouve dans tous les modes de production doit conduire à la révolution et à la naissance d’un nouveau mode de production. Marx a signalé l’existence de 7 modes de production et a analysé le passage du mode de production féodal au mode de production capitaliste, qui a fait l’objet de son œuvre : le capital. Pour identifier les différents modes de production, Marx s’est intéressé à 3 éléments : Microéconomie I 30 L1/S1 Types de propriété des moyens de production. Types de propriété foncière. Caractère de la société considéré. Enfin, selon Marx, quand les contradictions internes seront devenues trop fortes, le mode de production qui doit supplanter le mode de production capitaliste est le mode de production socialiste. II. La théorie de la valeur et de la plus-value A. La théorie de la valeur 1. Valeur et marchandises Marx étudie le mode de production capitaliste et il démarre son étude par l’étude des marchandises. Il note en premier lieu que la marchandise a 2 pôles : elle est Valeur d’usage Valeur d’échange. Tout d’abord, elle doit satisfaire le besoin spécifique de l’utilisateur final qui l’acquiert. A ce titre, elle se doit d’être une valeur d’usage qui se réalise dans la consommation. Cette utilité de la marchandise réside dans ses propriétés physiques : ce sont les qualités objectives d’un bien qui le rendent apte à satisfaire un besoin déterminé. Ainsi, si la valeur d’usage se réalise dans la relation entre les hommes et les choses, il n’en demeure pas moins que c’est dans la nature des choses (objective) qu’elle trouve sa source. De plus, ce qui vaut un bien dans l’usage ne peut être quantifié et ne saurait être comparé avec ce que vaut un autre bien pour le même usage ou le même bien avec un autre individu. Ainsi pour Marx l’utilité est sans rapport immédiat avec l’échange. « L’échange des marchandises est évidemment un acte caractérisé par une attraction totale de la valeur d’usage ». Mais dans le mode de production capitaliste, les biens ne sont pas produits pour eux-mêmes mais pour la vente sur le marché. La marchandise est donc valeur d’échange. La valeur d’échange apparaît donc comme un taux d’échange, c'est-à-dire comme la proportion suivant laquelle des valeurs d’usages différentes s’échangent entre elles. Saisir la valeur dans l’échange c’est donc exprimer un rapport quantitatif entre les marchandises qui en sont l’objet. La valeur d’échange serait donc relative et non absolue et il n’y a pas de valeur d’échange intrinsèque à la marchandise. Marx dit que ce n’est qu’une apparence. En effet, si l’échange peut transformer en rapport quantitatif la comparaison de 2 utilités qui ne se mesurent pas, c’est nécessairement parce que les marchandises comportent toutes 1 élément commun et que cet élément est quantifiable. Marx répond que cet élément est le temps de travail. Microéconomie I 31 L1/S1 La valeur d’échange n’est pas un rapport relatif entre 2 valeurs d’usage, c’est aussi une comparaison objective par rapport au critère quantifiable du temps de travail. Toutes les marchandises partagent la propriété d’être des produits du travail humain et celui-ci donne au produit sa valeur d’échange. « La substance » de la valeur d’échange est le travail et comme il est quantifiable, c’en est aussi la mesure. 2. Valeur et travail Le principe général de la valeur travail est que la valeur d’échange est déterminée par le nombre d’heures nécessaires pour produire une marchandise. Bien sur, il ne s’agit pas du temps passé par tel travailleur mais du temps moyen que Marx appelle « socialement nécessaire à la production ». Marx reconnaît, comme Ricardo, qu’il existe plusieurs types de travaux, mais chaque travail peut être évalué en termes de ce qu’il appelle un « travail simple ». L’étalon de mesure est donc l’unité de travail simple qui ne requiert aucune qualification particulière. Par conséquent, le travail qualifié que Marx appelle travail complexe peut être traité comme du travail simple multiplié par un certain coefficient. Marx en conclue donc que la valeur d’une marchandise peut être évaluée en fonction de la quantité de travail simple qu’il a fallu pour la produire puisque tous les travaux peuvent être évalués et exprimés en termes de multiples de travaux simples. Aux 2 pôles de la marchandise que sont la valeur d’usage et la valeur d’échange correspond 2 façons d’envisager le travail. La valeur d’usage reflète ce que Marx appelle le travail concret et la valeur d’échange, le travail abstrait. Pour produire une valeur d’usage spécifique, il faut un travail particulier, utilisant des moyens de production eux-mêmes produits dans ce but. Ainsi le travail concret produit une valeur d’usage déterminée mais si on peut établir un rapport quantitatif entre les choses, c’est que dans chacune de ces marchandises il y a quelque chose de commun et cette chose est le travail abstrait. Le travail abstrait est donc par définition ce qu’il a de commun dans tous les différents travaux concrets. Mais le problème est que Marx n’arrive pas à donner un contenu très clair au travail abstrait. En parlant de force humaine, il en revient au travail concret sans définir le travail abstrait. B. La théorie de la plus-value Ce que Marx désignait par théorie de la valeur avait pour fonction essentielle dans son système d’explique l’exploitation capitaliste. Le concept de plus-value est au cœur de cette explication. En 1er lieu, Marx commence par expliquer la forme simple de la circulation des marchandises. Imaginons qu’un bien serve de monnaie (donc qui remplisse les 3 critères : unité de compte, intermédiaire d’échange, réserve de valeur). Dans ce cadre, la forme simple de la circulation des marchandises peut être symbolisée par l’enchaînement M-A-M Microéconomie I 32 L1/S1 dans lequel, une marchandise est d’abord échangée contre de l’argent lequel permet d’obtenir une autre marchandise. Marx prend l’exemple du tisserand qui échange de la toile contre une bible. Pour le tisserand, la valeur d’échange est la toile et la valeur d’usage est la bible. Dans l’échange M-A-M, chacun vend pour acheter, se dessaisit d’une valeur d’échange pour acquérir une valeur d’usage. C’est la forme simple. Il existe une autre forme dite capitaliste de la circulation des marchandises. La séquence caractérisant cette forme et l’économie capitaliste en général est AM-A. Ce schéma pose 1 problème spécifique : Pourquoi échanger de l’argent contre de l’argent ? Cette transaction n’a de sens que si l’on obtient en fin de compte une somme plus importante que celle décaissée. Donc le schéma devrait s’écrire A-M-A’ avec A<A’ ou bien A’=A + A où A est un excédent appelé plus-value. Ce que Marx cherche à opposer avec ces symboles est simplement la sphère de l’échange (M-A-M) qui commence par la vente et s’achève par l’achat et la sphère de la production (A-M-A’) qui commence par l’achat et se termine par la vente. Dans le 1er cas, les biens sont au départ et à l’arrivée, dans le 2e cas, c’est le capital monétaire qui est au départ et à l’arrivée. Dans le 1er cas, l’objectif recherché est la substitution de valeur d’usage, dans le 2e cas, c’est l’augmentation de valeur d’échange. Présentée sous cette forme, la circulation capitaliste est une énigme au regard de la loi de la valeur. En effet, comment expliquer l’apparition de la plus-value si l’échange se fait sur la base de l’équivalence ? La seule façon de résoudre ce problème est de considérer que M, dans cette séquence, est une marchandise donc la propriété est que sa valeur d’usage crée un supplément de valeur d’échange. Si le capitaliste, dans la sphère de production, achète des marchandises à leur valeur, et cependant, en retire plus de valeur, c’est qu’il a acheté une marchandise qui, utilisée dans le processus de production, a la propriété de créer plus de valeur qu’elle n’en a coûté. Pour que A’>A, il faut que M ait la capacité de créer de la valeur d’échange. Cette marchandise particulière est la force de travail. Comme tout marchandise, le capitaliste achète la force de travail à sa valeur d’échange. Cependant, une fois acquise, l’usage de cette marchandise créé de la valeur, ce qui augmente la valeur d’échange initiale. La plus-value, c’est du travail non rémunéré. Par force de travail, il faut comprendre l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps d’un homme et qu’il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles. Marx ne prétend à aucun moment que le capitaliste essaie de duper le travailleur : le travailleur obtient bien contre sa force de travail, la valeur d’échange à laquelle il a naturellement droit. Microéconomie I 33 L1/S1 Ceci renvoi à une question : Comment se détermine la valeur d’échange de la force de travail ? Réponse de Marx : Exactement comme celle de n’importe quelle autre marchandise. Elle est formée et mesurée par le taux de travail socialement nécessaire qu’il faut consacrer à produire la force de travail c'est-à-dire à produire les biens de subsistance afin que cette force de travail se reproduise. Le capitaliste, ayant acheté la force de travail et l’argent payé à sa valeur d’échange, il s’en approprie la valeur d’usage en consommant cette force de production. En d’autres termes, il va donner du travail à cette force de travail et va récupérer les fruits de ce travail et ceci d’un commun accord entre les 2 parties. Cependant, il y a une différence positive entre la durée pendant laquelle la force de travail peut être mise en œuvre et le taux de travail nécessaire pour sa reproduction. Cet écart entre valeur d’usage et valeur d’échange de la force de travail est précisément la plus-value que s’approprie l’employeur et qui en définitive est du travail non payé. C’est l’illusion propre au capitalisme que de croire que c’est le taux de travail de l’ouvrier que le capitaliste achète, alors qu’en fait, c’est le droit d’utiliser les capacités productives de l’ouvrier pendant un certain temps. Il faut préciser cependant que la force de travail n’existe pas comme marchandise sans conditions préalables : vendues pour un certain temps par son propriétaire, cela implique que celle-ci soit libre de sa personne. Ni esclave, ni serf, le travail dans le mode de production capitaliste dispose de sa force de travail et nul obstacle ne s’oppose à ce qu’il puisse le négocier sur le marché. (Il faut être libre de vendre sa force de travail) Mais cette possibilité peut se transformer en nécessité : si le travail ne possède pas les moyens de production permettant d’employer pour son propre compte sans force de travail, la vendre devient une obligation puisque c’est le seul moyen pour lui de gagner sa vie. Liberté personnelle et exclusion du travailleur de la propriété de moyens de production, telles sont les deux conditions historiques pour que la force de travail devienne marchandise. On reconnaît ici les rapports sociaux fondamentaux du mode de production capitaliste. Dans l’analyse de la plus-value, il faut prendre en compte les autres facteurs de production. En effet, le capitaliste emploi la force de travail mais aussi du capital. Ce capital est composé de ce que Marx appelle le capital constant et le capital variable. Le capital constant : Matières premières, équipement des bâtiments… Le capital variable : Masse salariale, c'est-à-dire la partie du capital qui est consacrée à l’achat de la force de travail. Le capital constant doit son nom au fait que dans le processus de production, sa valeur ne se modifie pas. La valeur du capital variable se modifie au contraire car il produit son propre équivalent plus la plus-value qui est elle-même une grandeur variable. Ainsi la valeur d’une marchandise est donnée par M = C + V + S où Microéconomie I 34 L1/S1 C : capital constant V : capital variable S : plus-value A partir de cette relation, Marx définit un nouveau concept : le taux de plus value ou taux d’exploitation. C’est l’accroissement de capital, donc la plus-value, qui apparaît au terme du processus de production rapporté au capital variable. S = S / V On peut représenter ce taux en terme de quantité de travail à l’échelle de la durée du travail. Ce taux peut s’exprimer de cette manière : surtravail / travail. Le travail nécessaire, c’est le travail nécessaire pour reproduire la force de travail, et Le surtravail est la quantité de travail accomplie par l’ouvrier en plus de la quantité nécessaire à sa production. Plus généralement, la question est de savoir comment les capitalistes peuvent accroître la plus-value. Allonger la journée de travail : possibilité limitée du fait qu’il faille préserver le niveau de subsistance de l’ouvrier, et de plus parce que la journée a une durée limitée. Payer la force de travail en dessous de sa valeur : ce n’est pas non plus envisageable car le salaire de l’ouvrier est fixé à son niveau de subsistance. Réduire la valeur de la force de travail, c'est-à-dire la quantité de travail nécessaire à la production des moyens de subsistances de l’ouvrier, ce qui permettrait une augmentation de la quantité. III. La théorie de la répartition L’objet est d’expliquer les relations entre plus-value qui est une réalité cachée, et les formes observables qui sont les salaires, profits, intérêts et rentes. Dans cette perspective, la démarche de Marx comporte 3 étapes : Il montre comment la valeur de la force de travail se transforme en salaires Il étudie le problème de la transformation de la plus-value en profits Il analyse comment le profit se partage en profits d’entreprise A. Force de travail et salaires Smith et Ricardo font la distinction entre prix de marché et prix naturels. Le salaire naturel est fixé sur le minimum vital et il représente la valeur du travail. Mais il y a une contradiction : pour les classique, la valeur d’une marchandise c’est la quantité nécessaire pour la produire. L’incohérence vient du faite qu’on parle à la fois de la valeur travail et du travail comme étalon de la valeur donc des marchandises. Cela revient à dire que les valeurs d’une journée de travail de 10 heures est déterminée par les 10 heures de travail contenu dans une journée de 10 heures. Marx, qui est un adepte de la valeur travail, ne rencontre pas cette difficulté et résout l’incohérence des classiques en faisant la distinction entre travail et force du travail. Microéconomie I 35 L1/S1 Le travail c’est l’action de l’ouvrier, du travailleur, mais le capitaliste n’achète pas le travail mais il achète la force de travail. Le salaire est donc le prix du travail et il permet la production du travailleur. Marx n’a pas besoin d’utiliser la notion énoncée de la valeur travail pour expliquer sa théorie. La valeur d’une marchandise = C + V + S B. Profit et Plus-value Sur 5000€ 1000€ force de travail 200€ usure des machines 3800€ matières premières Marchandise = C + V + S plus-value = S/V = 100% 6000€ = 4000 + 1000 + 1000 coût de production = 5000€ coût réellement la production de la marchandise C’est le temps de travail qu’elle contient. C’est le coût réel ou la valeur de la marchandise La différence est la plus-value qui ne coûte rien au capitaliste mais va représenter un coût pour les ouvriers car c’est du travail non payé. Cependant pour le capitaliste il n’y a pas de problème sauf pour Marx. Lorsque le travail de l’ouvrier est utilisé dans le processus de production, il devient parti intégrante du capital qui appartient au capitaliste. Selon Marx, pour le capitaliste, cet accroissement de valeur résulte des opérations productives qu’accomplit le capital donc il provient de capital lui même car après le processus de production il existe et avant le processus de production il n’existait pas. Aux yeux des capitalistes la plus-value semble être le fruit du capital pris dans son ensemble. Alors que pour Marx, elle ne peut provenir que du seul capital variable La valeur de la marchandise peut s’écrire comme la somme du coût de production de la plus-value (assimilée à du profit). Marx présente les deux point de vue : celui du capitaliste et son propre point de vue. Le profit est donc la même chose que la plus-value. Il est simplement une force mystifiée par les capitalistes : Taux de profit : S/(C+V) = 1000/ (4000+1000) = 0.20 20% = (S/V) / (1+C/V) Taux de plus-value : S/V = 100% Exemple : Marx montre que le taux de profit peut varier alors que le taux de plusvalue reste constant. A C = 800 V = 200 S = 200 Taux de profit: 200/100 = 0.2 20% Microéconomie I B C = 600 V = 400 S = 400 taux de profit: 400/100 =0.4 40% 36 L1/S1 Le taux de profit de B est le double du taux de profit de A et celui-ci résulte de la composition des capitaux investis dans les usines. Marx parle de la composition technique et organique du capital. Composition technique qui consiste dans la composition des quantité de travail et de moyen de production techniquement nécessaire pour la fabrication d’un bien déterminé. Composition organique du capital est celle des valeurs moyennes de production et de la force de travail techniquement nécessaire pour la production d’un bien. On peut en déduire 3 remarques : Une modification de la composition organique du capital peut provenir de deux sources : - Modification de la composition technique, la valeur de ces éléments restant constant - Modification de la valeur de ces éléments, la composition technique reste constante A taux de plus-value et de salaire constant et pour 2 valeurs de capitaux de valeur égal, celui qui aura le taux de profit le plus élevé est celui qui dans sa composition organique comportera une part plus importante de capital variable. En autre terme celui dont le rapport C/V est le plus faible. Ceci résulte de ce que seul le capital variable créé de la plus-value Pour un taux de plus-value et de salaire constant, 2 capitaux de valeur différente auront un même taux de profit si leur composition organique est égale. Exemple : C pl. (S) = 400/2000 C= 1600 V= 400 C/V = 4 =0.2 20% Les conclusions sont importantes car, Marx comme les autres classiques, considère que la mobilité du capital assure l’égalisation des taux de profit c'est-à-dire chaque capitaliste exige un taux de profit égale pour un capital avancé égale. Il est indifférent aux capitalistes individuels que le capital avancé soit sous forme constant ou variable Or le taux de profit ne dépend que de la proportion de capital variable et de, en générale les taux de profit sont différents ce qui contredit l’hypothèse d’unicité du taux de profit. La solution de prétendre à des taux de profit différent entre les secteurs n’est pas satisfaisante. Il n’est pas satisfaisant de supposer des taux d’explication différent selon la composition organique du capital. Selon Marx ce serait abandonner l’interprétation marxienne de la théorie de la valeur travail en reconnaissant que le travail est plus ou moins productif en valeur suivant les moyens de production dont ils disposent. Marx, pour résoudre la contradiction va introduire la notion de taux de profit moyen et de prix de production. Marx considère que 500 est un capital unique dans une entreprise divisée en 5 secteurs. Chacune des sections ayant une composition organique (C/V) différente des autres secteurs. La composition moyenne du capital des secteurs de l’entreprise est de 1/5 du capital total de entreprise soit 100 par section. La plus-value moyenne est 110/5 soit en moyenne chaque section à une plus-value de 22 Microéconomie I 37 L1/S1 Marx conclue que le prix de chaque 1/5eme du produit totale des 500 s’élevait à 122 en moyenne. Pour chaque 1/5 du K total avancé devait donc être vendue à 122 La composition moyenne du capital constant, plus-value moyenne et taux de profit moyen n’ont pas changé, pourtant la valeur de la marchandise n’est pas la même par rapport aux valeur précédente car on introduit le capital constant consommé. On observe l’apparition d’un écart entre la valeur de la marchandise et le prix de la marchandise (somme des coûts de la production + taux de profit moyenne (22)). Marx appelle prix de la marchandise c’est le prix de production de la marchandise. Même si il existe un écart entre prix de production des marchandises et valeur des marchandises. On constate que les écarts se compensent en moyenne et donc la loi de la valeur selon laquelle la valeur de la marchandise ne représente que la quantité de travail incorporé dans cette marchandise (dont le prix de production reste vrai dans son ensemble). Le passage au sein de chaque branche des valeurs signifie que la plus-value globale de 110 a été répartie entre les branches à raison de 22 de plus-value pour 100 de capital moyen ou encore puisque chaque branche possède 1/5 du capital totale, elle reçoit 1/5 de la plus-value en profit et de la val en prix de production se réalise par péréquation de la plus-value (répartition de façon égale). La péréquation de la plus-value c’est la redistribution de tel sorte que le capital ait partout le même rendement. La solution de Marx va donner lieu à un débat important dont l’origine réside dans le caractère incomplet du raisonnement : en effet le taux de profit est obtenu dans l’analyse de Marx par rapport à la valeur du capital investi, le prix des produits est ensuit calculés. Or les capitalistes n’achètent pas le capital constant et le capital variable à leur valeur mais à leur prix. Une solution correcte serait donc de transformé aussi bien les valeurs des facteurs que les valeurs des produits en prix. C. Produit et rente L’analyse de la rente par Marx découle de l’analyse précédente c'est-à-dire de la possibilité d’un écart entre prix de production et val de la marchandise. Marx envisage par ailleurs deux formes de rentes : la rente différentielle et la rente absolue. L’analyse de la rente différentielle est assez proche de celle de Ricardo mais la rente absolue est un apport totalement original. Marx explique l’origine de la rente différentielle. Celle-ci suppose selon lui l’existence d’un surprofit. Le surprofit existe non pas parce que les entreprises vendent au dessus du prix de production mais parce que quelques rares entreprises bénéficient de conditions exceptionnelle par rapport aux conditions moyennes. La rente a pour origine la différence de qualité du sol, c’est donc une rente différentielle bien qu’elle ne repose pas sur la loi des rendements décroissants. A la différence de Ricardo, Marx considère qu’il existe une rente absolue c'est-à-dire qu’elle est indépendante de la qualité ou de la fertilité du sol considéré. En effet, Marx estime que le rapport C/V dans l’agriculture est inférieur au C/V moyen dans toute l’économie, autrement dit l’agriculture emploi plus de travailleurs que de Microéconomie I 38 L1/S1 machine en comparaison au secteur industrielle. Ainsi la valeur des produits agricole est plus élevée que leur prix de production car dans le prix de production, on a le profit moyen de l’ensemble des économies, ainsi la rente absolue représente alors la différence entre valeur et prix de production que prélève le propriétaire foncier. Dans tout les cas, la rente absolue ou différentielle, tout comme le profit n’existe que parce qu’il existe une plus-value laquelle est issu de l’exploitation de la force de travail. IV. Les contradictions du capitalisme Marx envisage 3 manifestations principales de ces contradictions qui doivent de plus en plus difficiles le fonctionnement du système capitaliste et facilite la prise du pouvoir par le prolétariat. Il s’agit de la paupérisation croissante des travailleurs, les causes de surproduction et la baisse tendancielle du taux de profit. A. La paupérisation croissante des travailleurs Pour Marx la première contradiction du système capitaliste réside dans le faite qu’il y a une accumulation croissante des richesses d’une part et une misère croissante des travailleurs d’autre part. Il y a simultanément une accumulation croissante de richesse et une misère croissante des travailleurs : Marx affirme que l’accumulation du capital signifie aussi progrès technique car les capitalistes recherchent sans cesse une meilleure rentabilité de leurs capitaux. La conséquence c’est l’emploi toujours plus important de machine et de moyen de production perfectionné et qui rend plus productif le travail vivant utiliser. De ce faite la part de capital constant dans la composition organique du capital s’accroît plus vite que celle du capital variable représentant la main d’œuvre. Marx estime que dans ces conditions la population augment a un rythme plus rapide que la demande de travail. La conséquence selon lui n’est pas une baisse de salaire mais plutôt une hausse du chômage et donc un accroissement de la misère. Ces chômeurs constituent ce que Marx appelle l’armée industrielle de réserve qui est selon lui indispensable au bon fonctionnement de l’économie capitaliste. En effet, en période de vive expansion économie, les entrepreneurs peuvent puiser dans cette réserve de main d’œuvre sans avoir à augmenter les salaires. Le problème c’est qu’au fur et à mesure que l’industrie progresse, que cette capacité productive se développe, l’armée industrielle de réserve augmente entraînant une plus grande misère de la classe ouvrière. Par ailleurs l’utilisation de machines de plus en plus coûteuses a également pour effet de provoquer la concentration des capitaux. Ainsi la concurrence se termine toujours par la faillite d’un grand nombre de petits capitalistes qui vont grossir les rands du prolétariat. Les capitalistes en développent les forces productives, la concentration et la centralisation des capitaux créent en même temps les conditions de leur éviction et de la mise ne place d’un nouveau mode de production c'est-à-dire le mode de production socialiste avec la propriété collective des moyens de production. Microéconomie I 39 L1/S1 Cependant le capitaliste ne disparaîtra pas tout seul il faut abolir le système capitaliste qui sera l’œuvre de la classe ouvrière sans cesse grossissante de plus en plus discipliné, uni et organisée par le mécanisme même de la production capitaliste. B. La baisse tendancielle du taux de profit. Selon Marx, on observe dans les sociétés capitalistes, une concentration de plus en plus forte du capital et une augmentation du rapport C/V. En d’autre terme, la concurrence et la recherche systématique d’une productivité accrut du travail, conduit les entrepreneurs a utiliser une quantité toujours plus importante de machine et autre moyens de production par rapport au travail. C'est-à-dire à substituer de plus en plus du « travail mort » incorporer dans les machines à du « travail vivant ». L’augmentation du rapport C/V signifie 3 choses : Les variations de C et de V sont des variations de quantité et non de valeur. Il s’agit de modification affectant les relations techniques. Une augmentation du rapport C/V c'est-à-dire l’usage d’une plus grande quantité relative de capital contant pour un niveau de capital total et un taux de plus-value contant augmente la productivité du travail vivant. Exemple : on souhaite produire X mètre de tissus avec un capital de 1000 : Usine A : C=600 et V=400, et que S/V=100% donc S=400 on a alors C/V= 1,5 et donc C+V+S=1500 Usine B : C=800 et V=200 et que S/V = 100% donc S=200 on a alors C/V= 4 et donc C+V+S=1200. La productivité du travail augmente car on constate que avec moitié moins d’ouvriers, on produit autant de tissu tout en baissant sa valeur. Le capitaliste a donc raison d’employer d’avantage de machines. Une augmentation du rapport C/V signifie bien une diminution relative de la quantité de travail vivant, ce qui n’est pas incompatible avec une augmentation absolue de ce travail. À partir de ces 3 observations, on retrouve les conditions de la paupérisation croissante des travailleurs. Cependant ces conditions sont aussi celle qui provoque une tendance à la baisse du taux de profit. P’ = S / (C + V) = (S/V) / ((C+V) +1) Si on suppose que le taux de plus-value S/V est contant, le taux de profit ne dépend que du rapport C/V qui de trouve au dénominateur. En conséquence plus le rapport C/V augmente plus de taux de profit diminue. Comme dans une économie capitaliste, le rapport C/V a tendance à augmenter, Marx en conclue que le taux de profit moyen a tendance à baisser. Ceci ne signifie pas nécessairement que le profit total baisse. Il est possible en effet que le profit augmente à condition que l’augmentation du capital investi dans l’économie soit plus forte. D’ailleurs les capitalistes peuvent être tentés d’accroître l’accumulation de capital pour augmenter le profit absolu et ainsi contre carré la baisse du taux de profit. Mais cette accumulation à terme aura pour seul effet de diminuer encore plus le taux de profit. En résumé pour Marx l’explication de la baisse du taux de profit vient du progrès dans la productivité du travail grâce à l’utilisation de machine dans l’économie capitaliste. Microéconomie I 40 L1/S1 Enfin Marx parle bien de baisse tendancielle et non de baisse tout court du taux de profit. Il pense en effet que si l’on considère l’énorme développement de la productivité du travail et l’accumulation massive du capital fixe, le problème n’est pas tant d’expliquer pourquoi il y a une baisse du taux de profit mais pourquoi cette baisse n’a pas été plus importante ou plus rapide. Il examine alors les principales contre tendance à la baisse du taux de profit. La première force qui selon Marx atténue la baisse du taux de profit est la hausse du taux de plus-value. En effet l’augmentation du taux de plus-value peut provenir d’un allongement du temps de travail. Ce qui revient à accroître la plus-value absolue ou bien de l’augmentation de son intensité (augmentation des cadences de travail). Ces mécanismes sont peu actifs en raison des limites physiologiques des travailleurs. Une hausse du taux de plus-value peut aussi provenir d’une hausse de la productivité dans le secteur où sont produits les moyens de subsistance des ouvriers relativement aux autres secteurs ce qui permet une baisse de la valeur de la force de travail d’où une hausse du taux de plus-value. Dans tous les cas pour Marx, la hausse du taux de plus-value est limitée. Il doit arriver à un point où la baisse du taux de profit est inéducable. En d’autre terme, ce que Marx veux mettre en évidence ce son donc les contradiction inhérentes au mode de production capitaliste que l’on peut résumer de la façon suivante : Dans le mode de production capitaliste, tous les éléments qui contribuent au développement des forces productives et au progrès de la production suscitent en même temps des forces contraires allant dans un sens opposé. On retrouve ici les deux premiers termes de la dialectique hégélienne : thèse et antithèse. Le troisième terme, la synthèse sera l’œuvre des communistes, c'est-à-dire du prolétariat organiser en classe. Marx a néanmoins négligé l’adaptation du système capitaliste. En termes de rigueur, les thèses de Marx ne sont pas aussi poussées que celles de Ricardo. Microéconomie I 41 L1/S1 PARTIE 2 Les origines de l’analyse économique contemporaine À partir de la fin du XIXe siècle, on voit l’apparition des mathématiques dans les analyses économiques. Au début des années 1870 et plus précisément en 1871 et 1874, 3 auteurs (Stanley JEVONS, Karl MENGER, Léon WALRAS), travaillant de façon intellectuelle différente, ont publié des travaux dont les contenus sont étonnamment proches. Dans leurs travaux, ils donnent une nouvelle façon d’appréhender les phénomènes économiques. Ils ont fondé le marginalisme. Cette école de pesée se développe rapidement et domina toute la pensé économique jusqu’aux travaux de Keynes dans les années 30. Les marginalistes s’attachent comme les classiques à préciser les conditions d’amélioration du niveau de satisfaction des hommes, mais ils considèrent au contraire des classiques que l’élévation du taux de satisfaction s’obtient principalement par une meilleure utilisation des ressources existant pour une population donnée avec des besoins et des capacités productives données. Le problème majeur de la théorie économique est donc celui de l’affectation optimale des ressources entre plusieurs utilisations alternatives. Allocation optimale dans le sens ou elle vise une plus grande satisfaction des hommes. Chapitre IV : Les marginalistes I. Les fondateurs du marginalisme. A. L’apport de Jevons (1835 – 1882) Jevons est un logicien et économiste anglais, dont l’ouvrage le plus célèbre s’intitule « Traité d’économie politique » publié en 1871. Sur les méthodes que doit utiliser l’économie politique, Jevons a une opinion très tranchée, l’économie est aussi mathématique que la physique. Mais Jevons est surtout connu pour avoir développé une théorie de l’utilité. Pour Jevons, la valeur est subjective, et naît de la relation de l’individu à ses besoins. Il s’inspire du philosophe anglais BENTHAM, fondateur de ce que l’on appelle l’utilitarisme. « La théorie qui suit est entièrement basée sur le calcul du plaisir et des peines et l’objet de l’économie est d’acheter le bonheur avec la peine la plus basse ». L’homme, selon Jevons, dispose de biens utiles. L’utilité d’un bien et défini comme la propriété de procurer du plaisir ou d’éviter un déplaisir. Mais il ne s’agit pas d’une qualité propre du bien. L’utilité est une relation. Elle exprime le rapport de Microéconomie I 42 L1/S1 l’homme aux choses. Ainsi les portions d’une même marchandise ne sont pas d’une utilité égale. Une marchandise peut être indispensable jusqu'à un certain niveau quantitatif. Jevons fait la distinction entre l’utilité totale d’un bien et ce que Marshall devait plus tard désigner comme l’utilité marginale et ce que Jevons appelait le degré final d’utilité. Le degré final est défini par Jevons comme « le degré d’utilité de la dernière quantité ajoutée ou de la dernière addition possible d’une quantité très petite ou infiniment petite au stock existant ». Au fur et à mesure que l’on accroît la quantité d’un bien considéré par exemple : la quantité additionnelle de nourriture satisfait un besoin moins pressant. Autrement dit l’utilité de la dernière unité, c'est-à-dire l’utilité à la marge donc l’utilité marginale diminue quand la quantité augmente. Cette utilité marginale ou ce degré final de l’utilité, Jevons l’écrit de la façon suivante : du / dx x : La marchandise consommée u :L’utilité totale de x du/dx représente donc l’augmentation de u suite à une augmentation x Cependant plus x augmente, plus l’augmentation de u qui en résulte est faible. L’utilité marginale est donc décroissante c'est-à-dire du/dx diminue quand x augmente. Autrement dit, l’utilité marginale est décroissante signifie que du/dx est décroissant. C'est-à-dire l’augmentation de l’utilité diminue au fur et à mesure que x augmente. Jevons montre ensuite que l’utilité totale d’un bien qui a plusieurs emplois sera la plus grande c'est-à-dire maximiser quand les degrés finaux d’utilité seront égaux dans tous les emplois. Jevons ne fait pas explicitement la distinction entre la conception ordinale et cardinale de l’utilité. - - La conception cardinale : l’utilité d’un bien peut se mesurer. On peut dire de combien l’utilité d’un bien est plus grande que celle d’un autre bien. La conception ordinale : l’utilité un phénomène psychologique. Un individu peut dure si tel ou tel bien lui procure plus de satisfaction qu’un autre mais il ne peut pas dire de combien. Wilfrido PARETO va montrer qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une conception cardinale pour répondre aux objectifs économique. Jevons sans faire explicitement la distinction entre les deux conceptions pensait qu’il était inutile de faire des mesures de niveau d’utilité. A partir de sa théorie de l’utilité, Jevons a pu construire une théorie d’échange : on considère deux personnes 1 et 2. La personne 1 détient une quantité a du bien A. La personne 2 détient une quantité b du bien B. La personne 1 abandonnera des unités de A pour obtenir des unités de B. L’échange se poursuivra entre les deux individus tant que chacun considérera la perte d’utilité résultant de la session d’une unité de la marchandise qu’il possède comme inférieur au gain d’utilité résultant de l’acquisition d’une unité de la marchandise qu’il se procure : Microéconomie I 43 L1/S1 A Bien A (a) X quantité du bien A cédé par A Aa–x BY B bien B (b) Y quantité de bien B cédé par B Ax Bb–y 1(a - x) = utilité marginale du consommateur 1 retirée du bien A 1(y) = est l’utilité marginale du consommateur 1 gagné du bien B 2(x) = utilité marginale du consommateur 2 retirée du bien A 2(b - y) = est l’utilité marginale du consommateur 2 gagné du bien B Jevons établi qu’il y’aura échange entre les individus jusqu’au conditions suivantes : 1(a - x) / 1(y) = y / x = 2(x) / 2(b-y) 1(a - x) = est le degré final d’utilité du bien A détenu par 1 1(y) = est le degré final d’utilité du bien B obtenue en contre partie. Tant que : 1(a - x) < y / x * 1(y), l’échange doit donc continuer car l’individu 1 gagne à céder une unité de A pour obtenir une y/x unité de B car il perd 1(a - x) en degré d’utilité mais gagne y / x * 1(y) en degré d’utilité. A - x diminue donc 1(a - x) augmente tandis que y augmente et 1(y) diminue et l’individu 1 a intérêt à l’échanger tant qu’il n’y a pas d’égalité. y/x est donc le rapport d’échange entre les deux biens, et ce rapport d’échange est égal à l’inverse du rapport des utilités marginales des quantités disponibles pour la consommation une fois l’échange réalisé. On peut l’écrire comme ça aussi : U1mA / U1mB = U2mA / U2mB X est la quantité de bien A que l’individu 1 a dû céder pour acquérir la quantité de bien B. Donc x est le prix payé en bien A pour obtenir du bien B. y est donc le prix payé en bien B pour obtenir du bien A. U1m / U1m = PA /PB = U2mA / U2mA du / dx > 0 d2u / dx2 = (d(dx / du)) / dx Tout ce que dit cette relation est que le rapport des utilités marginales pour chaque individu est égal au rapport des coûts. En conséquence, le rapport des utilités marginales d’un individu est égal au rapport des utilités marginales pour l’autre individu. L’équilibre est atteint lorsqu’il y a égalité des utilité marginale des biens, pondéré par leurs prix pour chaque individu. U1mA / PA = U1mB / PB = U2mA / PA = U2mB / PB Microéconomie I 44 L1/S1 Une fois cette condition obtenue, il n’y a plus d’opportunité d’échange entre les deux individus. La location des deux biens entre les deux individus est telle, que la satisfaction ou l’utilité totale des deux individus est maximale. Jevons va tenter de généraliser ce résultat en considérant un grand nombre de personnes, mais cette tentative n’aboutira pas. La condition de Jevons suppose données les quantités de biens dont les échangistes disposent. Ainsi quand l’offre de biens est connue, et répartie entre les individus, l’utilité marginale d’un bien relativement à l’utilité marginale d’un autre bien, détermine la valeur d'échange. Qu’est ce qui détermine l’offre ? Jevons répond par la formule suivante : « Le coût de production détermine l’offre, l’offre détermine le degré final d’utilité et le degré final d’utilité détermine la valeur. » Cependant, il n’explique pas comment s’établissent l’offre et la production de bien. Enfin Jevons rejette la théorie de la valeur travail. La valeur d’un bien c’est son utilité marginale et le travail ne peut avoir une incidence indirecte sur la valeur à travers le coût de production. B. Menger et l’école de Vienne ou autrichienne. A la différence de Jevons, il a fondé une école de pensée lécole de Vienne ou aussi école Autrichienne. Menger place l’individu au centre de l’analyse économique, mais il essaye, à la différence de Jevons, de construire une théorie subjective de la valeur, indépendante de toute référence éthique et utilitariste. Menger commence son analyse en définissant le concept de bien. Selon lui, les deux pôles fondamentaux de l’activité économique sont constitués par les besoins des individus et les façons de les satisfaire. L’utilité est définie comme l’existence d’un lien causal entre une chose et un besoin humain. Pour qu’une chose devienne un bien, il faut que 4 conditions soient remplies : - L’existence d’un besoin humain. - La chose doit posséder des propriétés qui la rendent aptes à rendre ce besoin. - L’homme doit reconnaître cette aptitude à satisfaire ce besoin. - L’homme doit avoir sur cette chose un pouvoir de disposition tel qu’il puisse l’employer à satisfaire ce besoin. Deux classifications des biens peuvent alors être construites : - Ranger les biens selon que leur disponibilité (cf. 4e condition) excède les besoins ou non. Quand la disponibilité est inférieure au besoin, les biens sont qualifiés de biens économiques. Ils sont qualifiés de bien non économique dans le cas contraire. Les biens économiques sont donc d’abord caractérisés par leur rareté. - Ranger les biens d’un point de vue technique suivant leur proximité par rapport au besoin. Ce caractère de proximités est qualifié d‘ordre. Les biens d’ordre 1 satisfont directement les besoins : le pain. Les biens d’ordre supérieur ne les satisfont qu’indirectement : le blé et la Microéconomie I 45 L1/S1 farine. Ainsi les biens d’ordre supérieur à 1 soient complémentaires, ils dépendent de la disponibilité d’autre bien II. Léon Walras : la théorie de l’équilibre économique général (1834 – 1910) L’œuvre de Walras est la 3e source du marginaliste avec « Elément d’économie politique pure ». En effet, Walras voulait construire un modèle complet d’équilibre général de l’économie en utilisant exclusivement le langage des mathématiques. L’adjectif pur est utilisé par analogie avec une expression employée en mécanique dite pure (sans frottement). A. L’équilibre économique général 1. Les origines de la démarche de Walras. D’après Walras lui-même deux influences semblent l’avoir marquées : celle de son père et celle d’Augustin Cournot (1801 – 1877). Cournot fonde son étude, non pas comme le veut la tradition, sur l’hypothèse de marché concurrentielle, mais en prenant comme point de départ le cas d’un monopôle. C'est-à-dire le cas où une seule entreprise qui produit un bien donné. Cournot a mis en évidence pour la première fois le coût marginal et la recette marginale. Il a ensuite cherché à rendre plus complexe son analyse en introduisant un second vendeur (cas de duopole) puis un nombre élevé de vendeurs. La concurrence apparaissant ainsi comme un cas limite, Il est le premier à utiliser en économie une fonction de demande : D= F(p) : la Demande d’un biens est une fonction F du Prix. Elle est censée dépendre inversement du prix (F’(p) < 0) Par ailleurs, pour Cournot, cette fonction est continue c'est-à-dire c’est une fonction qui ne passe pas soudainement d’une valeur à une autre mais qui prend dans l’intervalle considéré toutes les valeurs intermédiaires. À partir de là, on peut connaître la recette totale du monopôle. La recette totale RT = p. F(p) La recette marginale Rm est la dérivée de la fonction RT par rapport au prix. C’est la recette procurée par la vente d’une unité supplémentaire du produit. Rm = dRT / dp = 1 . F(p) + pF’(p) La recette marginale est bien le supplément de recette obtenue à partir de augmentation du prix de l’unité. Plus précisément la recette marginale est la somme de deux éléments : - Le surcroît de recette dû à l’augmentation du prix, et qui dépend du niveau de la demande F(p) >0. - La baisse de recette due à la baisse de la demande en raison de augmentation du prix pour un niveau de prix donnée. Microéconomie I 46 L1/S1 2. Le système de Walras La loi de Walras nous dit que la somme de la valeur des excès nets de demande sur tous les marchés est toujours nulle. Conséquence : d’après la loi de Walras, dans une économie comprenant n marché l’équilibre sur n-1 marché implique l’équilibre du dernier marché n. 3. Existence et stabilité de l’équilibre générale La notion d’équilibre de Walras peut être défini de la façon suivante : un système est en équilibre lorsqu’il ne tend pas spontanément à quitter la position dont il se trouve. Cet équilibre peut par ailleurs être stable ou instable. S’il est stable, tout mouvement (choc exogène) qui éloigne le système de sa position d’équilibre engendre des forces internes qui tendent à le ramener vers l’équilibre. L’équilibre peut être instable si le mouvement qui déporte le système engendre des forces internes qui éloignent encore davantage le système de sa position d’équilibre initiale. Walras s’est également interrogé sur la stabilité économique en tant que telles c'est-à-dire sur les conditions de la stabilité et sur le processus de la tendance à l’équilibre général. Pour Walras, les conditions de stabilité reposent essentiellement sur les mouvements des prix. Autrement dit, si une perturbation affecte le système économique, la libre variation des prix doit permettre au système de revenir à l’équilibre. On verra que pour Marshall, ce sont essentiellement les variations de quantité qui assurent la stabilité de l’équilibre. L’autre question c'est-à-dire celle de tendance vers un équilibre général est plus délicate. Supposons que tous les prix sur l’ensemble des marchés soient des prix d’équilibre et qu’ils soudaient l’équilibre, soient perturbés sur le marché des voitures. La règle walrassienne nous incite à modifier les prix des voitures de manière à éliminer sur ce marché l’excédent positif ou négatif de la demande. Mais comme dans le système de Walras ce qui est déterminant ce sont les rapports d’échange entre les biens ou les prix relatif, cette correction va remettre en cause l’équilibre de tous les autres marchés. En effet, tous les marchés sont reliés entre eux par la condition de l’égalité une utilité marginale pondérée par les prix. Il faut donc procéder à un réajustement des prix sur ces autres marchés puis de nouveau sur le marché des voitures … etc. Walras, là encore sans le démontrer, pense que les interactions (ajustement successif) seront de moins en moins importantes au fur et à mesure que l’on s’achemine vers l’équilibre c'est-à-dire que le processus est convergent. Walras envisage un processus de convergence connue sous le nom de tâtonnement dans le cas ou l’activité économiques consiste uniquement à échanger des produits et il érudit ce processus dans le cas général c'est-à-dire dans le cas où l’activité économique est faite d’échange mais aussi de production. Walras imagine, pour établir des prix d’équilibre, une grande vente aux enchères à la criée. Les enchères publiques ou les marchés boursiers sont les Microéconomie I 47 L1/S1 parfait modèle en tout cas les représentations les plus purs du processus concurrentiel dans l’ensemble de l’économie. Au court de ces enchères, un commissaire-priseur crie d’abord des prix au hasard. Si à tel ou tel prix annoncé à la criée, il apparaît un excédent de demande (ou un déficit d’offre) le prix sera corrigé à la hausse et inversement à la baisse si le commissaire-priseur constate au prix annoncer un déficit de demande (ou un excédent d’offre). En effet, Walras imagine un système qui permet de centraliser toutes les informations sur les offres et les demande de chaque bien ce qui permet d’aboutir au prix d’équilibre. Si l’on considère que les biens échangés sont avant tout des biens produits, alors le processus de tâtonnement est compliqué par le fait que la modification des prix affecte aussi la quantité produite. Le reproche que l’on fait à Walras est d’ignorer, dans sa théorie du tâtonnement l’écoulement du temps réel, et la difficulté ainsi que les coûts d’obtention de toute information sur les offres et les demandes sur tout les biens. B. Wilfrido Pareto (1848 – 1923) : la théorie économique du bien être. PARETO marque la naissance de la théorie de l’optimum de l’économie dite du bien-être. Il innove et développe une théorie des choix exploré à l’aide de l’outil des courbes d’indifférence. Qu’est ce qu’une courbe d’indifférence ? Considéreront un individu qui consomme deux bien X et Y : une courbe d’indifférence est l’ensemble des combinaisons ou des assortiments possibles de ces deux biens et qui procure à l’individu le même niveau d’utilité de satisfaction. Le long d’une courbe d’indifférence, le niveau de satisfaction reste le même, mais l’assortiment entre les deux biens varie. L’outil de la courbe d’indifférence est une innovation majeure car elle marque ère la 1 apparition rigoureuse d’une conception ordinale de l’utilité. L’utilisation d’une courbe d’indifférence permet de s’abstenir de recourir à une conception cardinale de l’utilité pour expliquer les choix économiques. Laquelle conception suppose que l’utilité ou la satisfaction est mesurable. Pareto pense même que l’on peut se dispenser de tout recours à la notion d’utilité. Pour qu’un agent fasse des choix rationnels, il doit être uniquement capable de classer des objets par ordre préférentiel les uns par rapport aux autres. Considérons une économie composée de deux agents économique et qui consomme deux types de biens X et Y disponible en quantité limité. Le problème que se pose Pareto est de savoir quel est la répartition des deux biens entre les deux individu de telle façon que le maximum de satisfaction soit atteint pour les deux individu. Pour résoudre ce problème, il utilise la boîte d’Edgeworth laquelle consiste à représenter les courbes d’indifférence de deux individus sur un même graphique. Microéconomie I 48 L1/S1 y OB OA x La taille du rectangle représente la quantité disponible et donc chaque point de la boîte représente une allocation ou une répartition des deux biens entre les individus, on a deux systèmes d’axe d’ordonné. Le premier permet de représenter les courbes d'indifférence dans l’espace des biens X et Y dans l’individu A et le second système des courbes d'indifférence de l’individu B dabs l’espace des deux biens. Pour chaque individu plus la courbe d'indifférence est éloignée de son origine et plus son niveau d’utilité est important. La question est de savoir s’il est possible d’améliorer la satisfaction des 2 biens sans déteriorer celle des individus ? On peut continuer la transformation jusqu’au point P, l’individu B n’est toujours pas laisser mais l’utilité de A est encore plus élevé relativement au point V. Par contre à partir de P, il n’est pas possible d’augmenter la satisfaction de A sans diminuer celle de B. Le point P correspond donc à une allocation de ressource qui est optimale au sens de Pareto. Au point P il n’y a aucun gaspillage de ressources. On dit que c’est un optimum de Pareto. Mais pour l’obtenir on applique le critère de Pareto dit critère de biens être lequel permet de définir l’optimum de Pareto. Plus précisément le critère de Pareto se propose de comparer les différentes façons d’allouer les différentes sources disponibles parmi les individus composant l’économie. Ainsi une répartition Q’ est selon le critère de Pareto strictement préféré à une répartition Q si le passage de Q à Q’ n’entraîne pas de baisse d’utilité pour aucun individu, l’un d’entre eux au moins voyant son utilité augmenter. Un optimum de Pareto est une répartition des ressources telle qu’il n’existe pas d’autre répartition qu’il lui soit strictement préférée selon le critère de Pareto. Autrement dit un optimum de Pareto est que l’on ne peut améliorer la situation de certains sans détérioré celle des autres. Ainsi le cas où un individu détient toutes les ressources, alors que toutes les autres détiennent une quantité de ressources négligeable, peut être un optimum de Pareto si il n’est pas possible d’améliorer la situation des démunis sans détériorer celle de celui qui détient toutes les ressources. Le critère de Pareto est donc pauvre d’un point de vue éthique mais il à l’avantage d’être un outil simple d’évaluation de différente allocations des ressources entre les individus. Microéconomie I 49 L1/S1 Chapitre V : L’apogée de la pensé classique, Alfred Marshall Alfred Marshall a crée les concepts modernes comme l’élasticité de surplus des coût marginale. La démarche générale est la suivante : Les éléments qui gouvernent la valeur doivent être recherchés d’une part dans l’utilité apportée par les biens consommés et d’autre part dans les efforts et les sacrifices impliqués par la production. Ces satisfactions et ces coûts sont susceptibles d’une évaluation par le marché et c’est la monnaie qui va jouer le rôle de la mesure. Ainsi sur le marché, l’utilité gouverne la demande et le coût gouverne l’offre. Ces deux lames de ciseaux permettent de déterminer les prix. I. L’étude de la consommation : la théorie de la demande. La conception de Marshall de la demande diffère fondamentalement de celle des classiques. Chez les classiques, la demande concerne des quantités de biens nécessaires pour satisfaire des besoins particuliers. Il y a ainsi une demande de biens de subsistance ou bien une demande de travail productif qui correspond à une accumulation de capital désiré etc.… . Il résulte de cette conception deux conséquences : La demande n’est pas un concept général, il existe des demandes correspondant à des domaines particuliers ou à des comportements particuliers. Les demandes sont rarement reliées au prix de marché. Elles sont souvent fixées à un certain niveau, on dit qu’elles sont rigides ou inélastiques. La population doit être nourri ce qui détermine la demande de blé, un certain volume de capital doit être accumulé ce qui détermine la demande de travail productif etc.…. En fait, la réflexion des classiques se porte essentiellement vers l’analyse des forces gouvernante et donc le prix naturel lequel dépend essentiellement de l’offre. Dans l’analyse de Marshall la demande joue un rôle central. D’abord parce que la détermination du prix de marché et non du prix naturel et l’un des principaux problèmes étudier de sorte que la demande prend naturellement sa place à côté de l’offre. D’autre part parce que la demande devient un concept général pertinent pour l’ensemble des marchés. Walras a été le premier à faire jouer un tel rôle à la demande mais c’est véritablement à Marshall que revient le mérite d’avoir développé la théorie dans ce domaine. Marshall construit une courbe de demande de biens en trois étapes : Microéconomie I 50 L1/S1 1) L’équilibre du consommateur Si le consommateur acquiert des biens sur le marché, c’est pour obtenir des satisfactions ou utilité en utilisant au mieux le budget dont il dispose. Ainsi comme Jevons avant lui, Marshall suppose que les utilités successives apporter par des unités supplémentaires d’un bien donné sont décroissante, L’utilité marginale est donc décroissante. Le consommateur conformément à la règle de Jevons, que Marshall reprend, maximise sa satisfaction lorsque la condition suivante est vérifiée : Um1/P1=Um2/P2=…….=Um1/Pi Le consommateur maximise sa satisfaction lorsque : - Les utilités marginales pondérées par l’inverse des prix sont égales entre elles. - Le rapport des utilités marginales est égal au rapport des prix correspondant - L’utilité du dernier euro dépensé est le même dans tous les emplois possibles. La 2e étape pour construire la courbe de la demande est celle qui consiste à prendre en compte la monnaie. 2) Prise en compte de la monnaie Pour Marshall, la monnaie replie une fonction de transaction. Dès lors chaque individu souhaite détenir une quantité de monnaies en terme réel qui est proportionnelle à son revenu réel. M / P = K . (y / p) Quantité de monnaie en terme réel = revenu réel En terme réel signifie que l’on divise la variable nominale par un indice de prix pour déflater ou corriger de l’inflation la variable. La monnaie apparaît donc aux côtés des autres biens dans la suite des inégalités marginales. Chaque rapport Umi / Pi qui peut être interprété comme l’utilité du denier euros dépense dans l’achat du bien i est égale à l’utilité marginale de la monnaie détenue. Ce résultat est intuitif car les unités monétaires étant interchangeable, l’utilité marginale de la monnaie dépense soit l’utilité du dernier euro dépensé doit être égale à l’utilité marginale de la monnaie détenue. 3) La courbe de la demande La étape consiste à dériver la courbe de demande de l’utilité. Considérons le bien i. On peut écrire que l’utilité marginale est égale à l’utilité marginale de la monnaie multiplié par le prix de i Marshall suppose que l’utilité marginale de la monnaie est constante alors que celle de l’autre bien est décroissante. « Quand le prix d’un bien se modifie, le revenu réel du consommateur se modifie lui aussi. » Par exemple quand un prix baisse le revenu réel augmente et les dépenses peuvent augmenter et donc l’utilité du dernier euro diminue puisque que l’on consomme plus d’un bien dont l’utilité marginale est décroissante. Le fait qu’une baisse du prix d’un bien augmente le revenu réel du consommateur est appelé aujourd’hui l’effet revenu. 3e Microéconomie I 51 L1/S1 Marshall suppose que ces effets revenus sont négligeables ce qui revient à considérer que l’utilité marginale de la monnaie est contante. Il est ainsi possible de dériver la courbe de demande d’un bien en fonction de son prix. L’utilité marginale de la monnaie étant constante, on a l’utilité marginale du bien i qui doit être égale au prix de ces biens multiplié par une constante c. Supposons que c = 1 On a : Umi = Pi Lorsque pi augmente Umi augmente également or l’utilité marginale i est décroissante c'est-à-dire, plus on consomme de bien i plus l’utilité marginale décroît donc pour que l’utilité marginale augmente, il faut consommer moins de bien i en conséquence, on a donc une relation inverse entre la quantité demandée de bien i et le prix de ce bien. On peut ainsi énoncer la loi générale de la demande. La quantité demandée croit quand le prix baisse et diminue quand le prix augmente. Cependant il s’agit de la demande pour un bien particulier et toute l’analyse est conduite en supposant que les demande de biens différents sont indépendantes des unes des autres. C’est pourquoi on dit que Marshall a initié l’analyse en équilibre partielle (c’est-à-dire sur un seul marché par opposition à l’analyse d’équilibre général de Walras). Marshall prend soin de noter qu’il n’existe aucune relation déterminée entre les variations du prix et les variations de la quantité. Pour évaluer cette relation, il introduit la notion d’élasticité qui est en un point de la courbe de demande le rapport de la variation relative de la quantité à la variation relative du prix. Cette élasticité pour un bien i de la façon suivante : i = (qi / qi) / (pi / pi) = (Pi / Qi) / (1/ pente) Pente = (Pi / Qi) Si une chute de 1% du prix entraîne un accroissement de 2% de la demande, on dira que l’élasticité de la demande est de 2. A partir de sa théorie de la demande, Marshall introduit ce qu’il appelle le surplus du consommateur. Comment définir ce surplus ? Schéma TD La courbe de demande traduit la relation inverse entre le prix et la quantité demandée. Supposons que le prix du bien P1 la quantité demandée soit égal à Q1. Cependant le consommateur aurait été disposé à payer un prix supérieur à P 1 pour toutes les quantités situées entre 0 et Q1. On peut donc considérer que le consommateur obtient un surplus de satisfaction pour toutes les unités consommées avant la dernière unité ou avant l’unité marginale donc pour toutes les unités intramarginales. La totalité du surplus du consommateur est compris dans l’aire bornée par la courbe de demande et des axes X et Y. Microéconomie I 52 L1/S1 « L’excédent du prix que le consommateur accepterait de payer plutôt que de partir sans le bien sur le prix qu’il paye effectivement constitue la mesure économique de ce surplus de satisfaction c’est le surplus du consommateur » II. L’étude de la production : la théorie de l’offre Pour Marshall la demande constitue le premier volet ou la première lame de ciseaux de la détermination des prix. La second est l’offre, dans la logique de Marshall, il existe une symétrie entre la détermination de l’offre et celle de la demande. Tout comme les consommateurs qui bénéficient de l’utilité des bien qu’il acquièrent, les offreur de services productifs (Exemple : ceux qui détiennent le capital ou leur force de travail) supportent en quelque sorte une désutilité qui augmente à un rythme croissant, autrement dit la désutilité marginale est croissante (Exemple : plus on travail plus c’est pénible et de plus en plus). Ainsi pour Marshall, de la même façon pour les courbes de demande sont obtenue à partir de l’utilité des biens consommés, on peut construire des courbes d’offre qui dépende de la désutilité en travaillant ou en prêtant son capital. Ces courbes d’offre mettent en relation la quantité de travail offerte avec le prix qu’en demandent les travailleurs : C’est le prix d’offre que Marshall définie de la façon suivante : « C’est le prix exigé pour mobiliser l’effort nécessaire pour produire une quantité déterminer d’une marchandise. » On peut ainsi établir une courbe d’offre ainsi qu’un surplus de l’offre du service productif exemple le travail. Plus le prix offert en échange du service producteur est important, plus le salaire est important et plus l’offre de travail est importante. Schéma 3 Pour toute les quantité de travail situé entre 0 et L* le travail est rémunéré au dessus de son prix d’offre c'est-à-dire à un prix supérieur à celui qui aurait été nécessaire pour l’inciter à s’offrir sur le marché. Mais comme toutes les quantités de travail intramarginales (inférieur à L*) sont payées au taux W*, le surplus du travailleur est représenté par le triangle situé au dessus de la courbe d’offre et en dessous du segment W*A. On peut faire le même raisonnement pour celui qui épargne on obtiendrai ainsi une relation croissante entre le prix d’offre du capital et l’offre en quantité du capital. Le prix d’offre du capital c’est l’intérêt. Marshall considère aussi le sol comme un facteur de production il adopte la position de Ricardo : le sol est soumit à la loi des rendement décroissant et le surplus pour celui qui offre la terre c’est la rente. Marshall considère un 4e facteur de production qu’il appelle organisation et qui consiste qui offre ce service d’organisation à coordonner les autres facteurs de production et en particulier le travail et le capital. Microéconomie I 53 L1/S1 Marshall résoud le problème du temps dans la production en distinguant plusieurs période. 1e période : La période de marché Très court terme : la totalité des offres sont fixées. La firme ne peut répondre à un change de la demande par l’ajustement de son offre c’est donc le prix qui s’adapte. En conséquence c’est la demande qui fixe le prix des biens puisque l’offre est fixe. 2e période : La courte période La taille et l’équipement de l’entreprise et donc la capacité de production de l’entreprise sort fixe cependant des ajustement de production sont possible puisque l’on peut faire faire des heures supplémentaire ou embaucher de nouveaux et d’acheter plus de matière première. 3e période : La longue période La capacité de production de l’entreprise est variable. Il peut être profitable pour l’entreprise d’abaisser l’ensemble de ses coûts de production en augmentant ses capacités. Marshall considère également une 4e période de très long terme dans laquelle les modes de production se modifient. A. Analyse de la courte période A court terme les coûts se répartissent entre coûts premiers et coûts supplémentaires (coût variable et coût fixe). Les coûts fixes ne varient pas suivant le niveau de production. Il s’agit par exemple des dépenses liées au démarrage de l’entreprise, des remboursements d’un prêt, des loyers etc. Les coûts variables varient avec le niveau de production (salaires, achat de matières premières, entretien…). La somme des coûts fixes et des coûts variables constitue le coût total ou global. CT = CF + CV Le coût moyen c’est le coût total divisé par le nombre de quantité produite. CM = CT / q Le coût variable moyen c’est le coût variable divisé par la quantité produite. CVM = CV / q Le coût marginal : c’est le coût additionnel lié à la production d’une autre unité supplémentaire. CM = dCT / dq Marshall considère que le coût variable qui augmente avec les quantités produites a la forme d’une courbe en S qui passe par l’origine des axes et elle possède un point d’inflexion I. Jusqu'à ce point I le coût augmente avec les quantité mais moins que proportionnellement (avec un taux décroissant). Cependant après ce point I, le coût augment avec les quantités mais plus que promotionnellement (à un taux croissant). Schéma 4 (voir TD) THE END Microéconomie I 54 L1/S1