Histoire de la psychiatrie en France

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LA PSYCHIATRIE ET SON HISTOIRE
GÉNÉRALITÉS
1- ÉVÉNEMENTS DÉTERMINANTS DANS LA GENÈSE DE LA PSYCHIATRIE EN
FRANCE
2- VOCABULAIRE ET ÉTYMOLOGIE
3- ÉLÉMENTS CHRONOLOGIQUES DE L'HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE
FRANCAISE
4- LES THÉRAPEUTIQUES
5- LA PROFESSION INFIRMIÈRE EN PSYCHIATRIE
***
ÉVÉNEMENTS DÉTERMINANTS DANS LA GENÈSE DE LA PSYCHIATRIE
Quatre événements ou ensembles d'événements ont joué un rôle déterminant dans la
genèse de la psychiatrie contemporaine française (présentés ici succinctement, et
développés dans la suite de cet exposé):
- L'abandon de la démonologie à la Renaissance
- Les réformes de la période 1780-1802
- L'invention de la psychanalyse (1895)
- La découverte des premiers traitements efficaces (1917-1952)
1- L'abandon de la démonologie à la Renaissance
Il s'agit là de la condition de la naissance de la psychiatrie : la maladie mentale,
surnaturelle, considérée tantôt comme manifestation divine (saints, fous de Dieu),
tantôt comme possession par le démon, devient une maladie naturelle. Il y a passage de
la notion d'Esprit du Mal à celle de Maladies de l'esprit, selon la belle formule d'Henri
Ey. Ce qui, faut-il préciser, n'empêche pas la coexistence d'une conception médicale et
d'une perception religieuse du trouble mental depuis l'Antiquité et pendant tout le
Moyen Age, dans le monde grec et dans le monde romain, en terre chrétienne comme
dans l'Islam. De même que l'idée de surnaturalité de la folie perdure ensuite, jusqu'à nos
jours dans certaines sociétés et dans certains secteurs de notre propre société.
2- Le tournant 1780-1802
Il s'agit, en cette fin de siècle des Lumières et autour de la Révolution, d'une période où
s'opère une réforme radicale des institutions recevant les aliénés, où s'élabore une
nosologie simple et rationnelle, et s'invente une modalité nouvelle de soin baptisée
traitement moral, origine des méthodes psychothérapiques. Certaines des méthodes de
traitement les plus usitées depuis l'Antiquité (saignées et purgations) sont dès lors
progressivement abandonnées, tandis que la théorie des humeurs tombe en désuétude.
3- L'invention de la psychanalyse (1895)
Freud (1856-1939) étudie l'hypnose en particulier dans le service de Charcot à la
Salpêtrière, puis élabore une nouvelle théorie de la vie psychique. La parution des
Études sur l'hystérie en 1895, constitue l'acte de naissance de la psychanalyse.
L'introduction de la méthode en France est assez lente. Son contemporain Pierre Janet
(1859-1946) s'intéresse également à l'hypnotisme, et développe la théorie de
l'automatisme psychique, où l'inconscient se manifeste lorsque la conscience ne le
contrôle plus.
4- La découverte de traitements efficaces (1917-1952)
La période est marquée par d'immenses progrès dans le domaine de la thérapeutique de
plusieurs maladies, que nous ne faisons ici que citer et sur lesquels nous reviendrons:
- La malariathérapie, traitement de la paralysie générale découvert en 1917 par Wagner
von Jauregg
- Les méthodes de choc: coma insulinique en 1932 par M. Sakel, choc au cardiazol en
1936 par L. von Meduna, électrochoc en 1938 par U. Cerletti et L. Bini
- La psychochirurgie, en 1936, par E. Moniz
- La psychopharmacologie, née de la découverte en 1952 du premier neuroleptique par
J. Delay et P. Deniker, du traitement par le lithium par M. Schou, puis des premiers
antidépresseurs (Imipramine et Iproniazide en 1957), des hypnotiques et
tranquillisants.
***
VOCABULAIRE ET ÉTYMOLOGIE
Définir la Psychiatrie n'est pas chose simple. Le mot lui-même est d'invention assez
récente (début du XIXème siècle) et fut longtemps supplanté par Aliénisme, et
Médecine mentale. Précisons-en dans un premier temps le sens étymologique, et celui
de quelques autres termes : la psychiatrie est la médecine de l'âme (iatros, médecin et
psukhê, souffle, âme), une âme que soigne le psychothérapeute (therapeia, soin), et dont
la science (logos) relève de la psychologie.
Quelques termes en usage de nos jours (qui pour certains tendent toutefois depuis
quelques années à disparaître du vocabulaire médical) remontent à l'Antiquité :
démence, manie, mélancolie, hystérie.
L'hystérie (husterikos, de hustera, utérus ou matrice) est pour les Anciens une maladie
somatique parfois mortelle, accompagnée ou non de troubles psychiques.
Démence (dementia, de demens, de privatif et mens, esprit et leurs synonymes amentia
et amens, tombés en désuétude au XVIIème siècle), désigne initialement ce que l'on
nommera longtemps Folie.
Manie (du latin et du grec mania, et ses synonymes furor et insania), l'une des grandes
maladies psychiques, est marquée par un délire sans fièvre avec fureur et perte de
raison.
Mélancolie (melancholia, du grec melagkholia, bile noire ou humeur noire), une autre
de ces grandes maladies, sans agitation ni fièvre, généralement marquée par la tristesse.
- Plusieurs termes dérivent de Manie : Monomanie (du grec monos, seul), Lypémanie
(de lupê, tristesse), mythomanie (de muthos, récit, fable), nymphomanie (de numphê,
jeune fille), pyromanie (de puros, feu), mégalomanie (megas, megalos, grand), etc.
- La racine phrên (esprit, âme, pensée, intelligence, coeur et diaphragme) a donné, outre
Phrénésie, Phrénopathies qui a un temps signifié maladies mentales au XIXe siècle,
Hébéphrène (hêbê, puberté), Oligophrène (oligos, peu), Paraphrène (para, à côté de), et
le très célèbre Schizophrène (skhizein, diviser, fendre, séparer, d'où schisme, division et
schiste, pierre qui se fend par lames).
- Paranoïa (para, à côté de, et noia, de noos ou noüs, esprit) est de création récente et en
usage de nos jours, comme son dérivé paranoïde (proche de la paranoïa).
D'autres termes antiques sont aujourd'hui obsolètes ou sortis du langage médical: Frénétique ou phrénétique (de Phrenesis, du grec phrenitis, de phrên, esprit), à l'origine
une des quatre maladies des Anciens, manie confuse et fébrile.
- Furieux (de furiosus, furor, synonyme de mania)
- Insensé renvoie à la privation de sens (insensatus, latin d'église, de sensatus, sensé, de
sensio, je sens, je perçois, j'éprouve). Dans l'Antiquité, Insanus (in, privatif et sanus,
sensé, bien portant, raisonnable, sage, qui a donné insane et insanité) et Insipiens (in, et
sapiens, d'où Resipiscere, cesser d'être fou), d'où Insania, et leurs synonymes Vesanus et
Vesania, Stultus et Stultitia, Demens et Dementia, Amens et Amentia. Délire, beaucoup
plus récent (XVIe siècle), et délirer (Delirium, et Delirare, de de, sortir de, et lira, sillon)
conservent leurs sens originels (Le Delirium tremens est un délire accompagné de
tremblements).
D'autres termes ont disparu, ou sont tombés dans le langage courant, perdant leur sens
originel et prenant souvent un caractère péjoratif .
Plusieurs d'entre eux ont longtemps été utilisés pour désigner le malade mental en
général :
- Aliéné d'esprit (1606, mente alienatus), aliénation d'esprit (1610, mentis alienatio),
alien signifiant en ancien français " étranger " ou différent " (de alienus, de alius, autre,
éloigné, détaché ou étranger, et spiritus, souffle, air et l'idée d'immatérialité)
- Forcené (du français forsener, de fors, " hors de " et sensus, sens, raison)
- Fou ou fol, XIe siècle, et Folie XIe siècle (de follis, sac, ballon, baudruche, vessie ou
outre gonflée, métaphore ironique : " qui a le cerveau, la tête vide comme une vessie ",
ou " qui va d'un côté et de l'autre " comme un ballon au gré des vents (d'où affoler,
rendre fou, et raffoler, aimer follement)
- La divagation (de dis, qui marque l'éloignement, et vagari, errer) et l'égarement (e
privatif, et du germanique warôn, veiller à) n'ont plus cours dans le monde médical.
- Lunatique (de Lune) était celui dont la périodicité des troubles était liée à l'influence
de la lune. La théorie galénique (pour Galien l'astre lunaire gouverne les périodes des
maladies -doctrine des jours critiques- comme les fièvres intermittentes, l'épilepsie, la
migraine et certains accès de folie) est reprise par Joseph Daquin, puis rapidement
abandonnée. Le seul vestige du lunatisme réside dans les expressions " bien et mal luné
" (bonne et mauvaise humeur) et dans l'adjectif lunatique, ou fantasque.
Contrairement à Hystérie, deux autres termes très usités pour rendre compte de
troubles névrotiques, Obsession (de obsidere, assiéger), Phobie (de phobos, effroi,
frayeur) et ses très nombreux dérivés (claustrophobie, agoraphobie, etc.), ainsi que
Angoisse (de angustia, resserrement, oppression) ont assez bien conservé leur sens
étymologique.
A l'inverse, plusieurs mots désignant le bas niveau intellectuel ou l'arriération mentale
se sont fort dépréciés en sortant du vocabulaire médical : crétin (de crestianus,
chrétien), benêt (de benedictus, béni) et pauvre d'esprit depuis plus d'un siècle, débile
(de debilis, faiblesse), idiot (idiota, -tes, sot) un peu plus tard, tandis que simple
(d'esprit, ou simplet) a conservé son sens commun, comme dans une moindre mesure
innocent (innocens, de nocere, nuire).
***
ÉLÉMENTS CHRONOLOGIQUES DE L'HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE
FRANCAISE
L'héritage de l'Antiquité
La médecine médiévale des pays européens est l'héritière directe de la médecine antique
gréco-romaine, et l'héritière indirecte de la médecine assyro-babylonienne et hébraïque.
Dans le monde assyro-babylonien et chez les Hébreux, la maladie, physique ou
psychique, résulte d'un péché, et en représente la punition: il y a assimilation de la folie
et de la faute, de la maladie et de l'impureté, de la déraison et du péché, et de ce fait
tendance à confondre le châtiment et le remède, avec l'idée d'une pénitence purificatrice
forcée. Le traitement associe cependant des rites sacrés, des prières et des exorcismes.
On peut lire dans le Deutéronome, chap.XXVIII (28-29): "Si vous ne voulez point
écouter la voix du Seigneur votre Dieu, et que vous ne gardiez et ne pratiquiez pas toutes
ses ordonnances et les cérémonies que je vous prescris aujourd'hui, toutes ces
malédictions fondront sur vous, et vous accableront (suivent les divers malheurs
annoncés, dont): le Seigneur vous frappera de frénésie, d'aveuglement et de fureur
(selon d'autres traductions "de folie, de cécité et d'égarement d'esprit"); en sorte que
vous marcherez à tâtons en plein midi, comme l'aveugle a accoutumé de faire, étant tout
enseveli dans les ténèbres, et que vous ne réussirez point en ce que vous aurez
entrepris".
Dans le monde grec et romain, la santé est fonction de l'équilibre des humeurs, et la
pathologie, notamment psychique, est fonction des variations du milieu intérieur. La
théorie humorale est établie par le Grec Hippocrate, environ 4 siècles avant notre ère.
Dans ce système où il n'y a pas de différence de nature entre les maladies du corps et les
maladies de l'esprit, la maladie est liée à un déséquilibre des humeurs ou dyscrasie:
accumulation dans un organe, ascension au cerveau, etc.
Il existe trois grands ordres de maladies mentales: Phrénitis (délire aigu fébrile), Manie
(agitation sans fièvre) et Mélancolie (trouble chronique sans agitation et sans fièvre).
Notons que l'hystérie en est exclue, puisque la cause en est la migration de l'utérus
desséché par la chasteté vers l'humide.
Le rôle du médecin est de chercher à restaurer l'équilibre (alimentation ou diète,
médications phytologiques, exercices physiques, voyages, bains, saignées,
purgations,...). Ces méthodes vont constituer la base du traitement de la folie pendant
près de deux millénaires.
Le Grec Galien (IIème siècle après Jésus-Christ) effectue un grand travail de synthèse
des doctrines antérieures et élabore la théorie des tempéraments: les quatre humeurs
forment la base des tempéraments sanguin, bilieux (ou colérique), atrabilaire (ou
mélancolique) et flegmatique.
a- Le sang est responsable du tempérament sanguin (humide-chaud)
b- La bile jaune, ou bile favorise la colère. L'irascibilité (irascibilis, de irasci, se mettre en
colère) est liée au tempérament bilieux ou colérique (sèche-chaud)
c- La bile noire (melancholia), ou humeur noire favorise les accès d'hypochondrie et de
mélancolie. Son excès supposé détermine le tempérament (sèche-froid) mélancolique
(Melancholicus) ou atrabilaire (atra, ou nigra bilis, bile noire). La personne irritable
(morosus) ou atrabilaire est d'humeur sombre ou de mauvaise humeur, et se fait de la
bile
d- Le phlegme ou pituite (mucosités nasales) détermine le tempérament phlegmatique
ou lymphatique (humide-froid)
Le concept de mélancolie est défini pour plus de 15 siècles, dont il existe trois grandes
formes:
-la mélancolie générale par excès d'atrabile dans le corps entier
-la mélancolie cérébrale par excès dans le cerveau
-la mélancolie hypocondriaque par montée des humeurs vicieuses de l'estomac dans le
cerveau.
Tandis qu'est née avec Hippocrate une médecine rationnelle, la Grèce a hérité aussi des
civilisations primitives et orientales. Ici comme ailleurs, la guérison est demandée à
Dieu, ou aux divinités.
À cause surnaturelle, divine ou démoniaque, thérapeutique magique et religieuse.
Asclépios (Esculape), dieu de la médecine, a lui-même ses temples et ses prêtres. De très
nombreux sanctuaires lui sont dédiés, à Cos, Pergame, Epidaure, Athènes,... lieux de
guérison magique, après épiphanie (apparition du dieu), oracle ou rêve.
Les traitements proprement médicaux se dégagent lentement des rites magiques, et ces
traitements concernent surtout les troubles aigus, la notion d'acuité ayant été de tout
temps liée à celle de curabilité. Ainsi, le Grec Asclépiade (Ier siècle avant Jésus-Christ)
propose l'hydrothérapie, la musique, la gymnastique et le massage, tandis que Cornelius
Celsius (Ier siècle après J.-C.) présente dans son encyclopédie les chaînes, le fouet,
l'inanition, la terreur et la douche froide...
Ce contraste de méthode thérapeutique se retrouvera bien plus tard dans l'opposition
entre médecine expectante et médecine agissante.
Le Moyen Age
Durant la très longue période qui sépare la disparition de l'Empire romain d'Occident
(476) et la chute de Constantinople (1453), que l'on peut appeler avec Henri Ey l'ère
antépsychiatrique, la science progresse peu dans le domaine étudié. L'idée prévalente
dans la société reste que la folie est une manifestation du péché, une punition divine,
quand elle n'est pas le signe d'une possession démoniaque. Le traitement de prédilection
est donc le recours aux prêtres pour l'exorcisme, et aux saints, avec les pèlerinages, où
l'on conduit des fous faire leurs neuvaines, comme à Saint-Mathurin de Larchant, ou à
Saint-Hildevert de Gournay.
Sur le plan médico-philosophique, trois grandes conceptions s'opposent : l'école
naturaliste (saint Thomas, Albert le Grand), le mouvement " psychodynamiste " avec
saint Augustin (la maladie mentale est le " cri de l'âme blessée ", l'angoisse de la folie est
la problématique fondamentale de l'humanité), et l'approche organique appliquée aux
maladies mentales des médecins arabes, notamment Maïmonide et Avicenne, poète
philosophe persan dont le " Canon de médecine " est l'ouvrage majeur de l'époque en
Europe et dans l'Islam.
De nombreuses représentations du fou médiéval ont été conservées notamment dans les
enluminures du Psaume LII (Psaumes de David), qui commence par le Dixit insipiens in
corde suo non est Deus. Le fou nie Dieu.
Au Moyen Age, en vertu du droit romain, la justice peut prononcer l'incapacité d'un
sujet pour cause de folie. Aucun lieu n'est réservé à l'accueil des fous, si ce n'est pour les
furieux, enfermés dans des culs-de-basse-fosse et autres cachots aménagés dans des
tours ou les murs des remparts.
Quant aux fous étrangers qui vagabondent, ils sont expulsés d'une ville à l'autre. Les
hôtels-Dieu, institutions de charité et d'assistance, n'ont pour leur part aucun local
adapté.
Tandis que le royaume reste totalement démuni en structures de soins et de réclusion
convenables, naissent et se développent des institutions destinées aux fous dans le
monde arabe et dans d'autres pays de l'Europe chrétienne, dont l'héritage antique est
commun, et qui s'influencent mutuellement. La création de ces institutions charitables
permet un traitement humanitaire, mais ni scientifique, ni vraiment spécifique.
Citons en premier lieu les institutions de la grande civilisation islamique : les refuges de
Fez (VIIe siècle), les moristans du Caire et d'Edirne (Andrinople, en Turquie d'Europe),
l'Almeraphtan de Bagdad, ainsi que les morotrophia byzantins (Ve-VIe siècles). Le
fonctionnement de ces maisons est mal connu, et leurs descriptions sont parfois
contradictoires : le moristan d'Edirne, " luxueux bâtiment de marbre avec fontaines,
chambres d'été et chambres d'hiver, malades couchés sur des coussins de soie, nourris
de mets raffinés, traités par une combinaison de drogues, musiques et parfums ", est
ainsi évoqué par un visiteur : " dans un coin d'un cachot, il y avait un fou furieux, son
cou était attaché avec une corde ".
En Europe chrétienne, la première réalisation est la colonie de Gheel en Belgique au
XIIIe siècle.
Mais c'est en Espagne qu'ouvrent les premiers asiles réservés aux malades: " Los
desamparados " du padre Jofré de Valencia (début XVe s.), puis Nuestra Senora de
Gracia à Saragosse, et les hôpitaux de Séville, Tolède, Valladolid, de 1425 à 1489.
L'hôpital Bedlam de Londres naît au XVIe siècle.
La Renaissance
Le début de la Renaissance est marquée par une terrible tragédie, dont seront victimes
d'authentiques malades mentaux, ainsi qu'un nombre beaucoup plus élevé de personnes
non malades.
La "psychose collective" de sorcellerie atteint son apogée aux XVIème et XVIIème
siècles. Le guide des inquisiteurs, le Malleus Maleficarum, utilisé à partir de 1486,
affirme l'identité commune de la sorcellerie, de l'hérésie et de la folie. L'un des premiers
défenseurs des soi-disant sorciers, Jean Wier (1515-1588) reste célèbre pour la valeur de
ses observations cliniques.
L'une des affaires les plus marquantes est celle des Ursulines de Loudun (Vienne) en
1632-1634, où Urbain Grandier, prêtre dénoncé par la prieure Jeanne-des-Anges est
brûlé vif le 8 août 1634. Dix ans plus tard, l'affaire des Ursulines de Louviers (Eure) met
en cause le vicaire Thomas Boullé, qui connaît le même sort en 1647. Cette exécution
renforce dans l'opinion publique le courant "antipossessionniste", illustré par le
médecin Pierre Yvelin qui défend la thèse des troubles psychiques non pas chez les
condamnés mais chez leurs accusatrices. Un édit royal de 1682 met fin aux poursuites
pour faits de sorcellerie.
La sorcellerie est dès lors ravalée au rang des superstitions, et le concept de possession
diabolique laisse place dans le monde lettré, en particulier médical, à celui d'idée délirante - d'être possédé.
Parmi les œuvres d'art célèbres illustrant cette période, citons La Nef des fous, peint par
Jérôme Bosch, représentation allégorique de la folie inspirée d'un poème satyrique de
Sebastian Brant, publié en 1494, Das Narrenschiff. L'opération de la pierre de folie est le
sujet de deux tableaux, celui de Jérôme Bosch, daté de 1490 (et conservé au musée du
Prado à Madrid), où l'exciseur est coiffé d'un entonnoir, et celui de Pierre Bruegel
l'Ancien (présenté en page de garde du site).
XVIIème et XVIIIème siècles
Ces siècles sont marqués en France par la naissance de grandes institutions, et
l'instauration d'un traitement médical spécial dans les hôtels-Dieu:
- L'Hôpital Général établi par édit royal en avril 1656, destiné aux mendiants valides et
invalides. En son sein, des espaces spécifiques sont peu après sa création, réservés aux
fous et aux folles, mal supportés par leurs compagnons d'infortune, et relevant de
conditions de vie particulières. Le mot "hôpital" n'est pas à prendre dans son sens
actuel, et signifierait plutôt lieu d'hébergement forcé, assurant vivre et couvert à une
population miséreuse mais la privant de sa liberté.
- Les hôtels-Dieu : celui de Paris réserve au début du XVIIIe s. deux salles, une pour
chaque sexe, où sont pratiqués des traitements médicaux fort réputés, mais dont la
capacité reste assez modeste : une trentaine de places pour les hommes, une centaine
pour les femmes, pour une région très étendue.
-
Les maisons religieuses spécialisées, dont la maison de la Charité de Charenton est
un éminent exemple. Tardivement par rapport à l'Espagne, où les premiers
établissements sont créés à l'initiative de Juan Ciudad Duarte (1495-1550), canonisé
sous le nom de saint Jean-de-Dieu, la France voit s'ouvrir plusieurs établissements
de l'ordre des hospitaliers, qui serviront de modèle à la fin du siècle: Pontorson,
Sainte-Marguerite à Cadillac, Sainte-Madeleine à Bourg, la Cellette en Corrèze,
Leyme dans le Lot, Château-Thierry, Senlis dans l'Oise, Saint-Aubin (Côtes-d'Armor)
puis Léhon, La Guillotière dans le Rhône, Lommelet dans le Nord. Charenton enfin,
maison fondée en 1640, ne reçoit des fous qu'à partir de 1670.
-
Les maisons de santé privées, au nombre de plusieurs dizaines au XVIIIème siècle à
Paris.
On assiste tout au long de ces deux derniers siècles de l'Ancien Régime à une
médicalisation progressive des soins aux insensés. L'intervention médicale se fait selon
un double postulat :
- la folie est médicalement curable, et le but du traitement est la guérison
- Les fous doivent être traités par des moyens physiques.
Ce principe ne résulte pas de l'idée de lésion organique, cérébrale ou autre, mais de celle
d'un trouble physiologique fonctionnel (humoral pour les très nombreux médecins
fidèles aux théories galéniques). Le traitement vise le trouble en soi plus que celui qui en
souffre. Il consiste pour l'essentiel en quelques mesures énergiques : saignées, bains,
purges, et, seule méthode spécifique, les douches.
Bien qu'il puisse être parfois mis en œuvre au domicile du malade (dans les milieux
aisés essentiellement), le traitement requiert généralement l'admission dans un
établissement hospitalier ou dans une maison de santé privée. Vers 1780, il n'y a guère
plus de six établissements publics spécialisés ou ayant réservé des salles au traitement
des fous en France : les hôtels-Dieu de Paris et de Lyon, l'Hôpital Général de Rouen,
l'hôpital de la Trinité d'Aix (Provence), l'hôpital d'Avignon et la Maison de Saint-Lazare
à Marseille.
Le tournant des années 1780-1802
A la charnière de l'Époque moderne et de l'Époque contemporaine, a lieu autour de la
Révolution française un certain nombre d'évènements qui détermine un profond
changement dans l'appréhension de l'aliénation et de son traitement, et dans
l'organisation des établissements destinés aux malades.
- 1781 : création d'un poste de médecin inspecteur des maisons d'aliénés à Paris, sous
l'égide de l'Inspection des hôpitaux civils et maisons de force du Royaume dirigée par J.
Colombier
- 1784 (mars): circulaire du baron de Breteuil " concernant les prisonniers par lettre de
cachet "
- 1785 : diffusion de l'Instruction sur la manière de gouverner les insensés et de
travailler à leur guérison dans les asyles qui leur sont destinés, de Jean Colombier et
François Doublet
- 1788 : parution du Mémoire sur les hôpitaux de Jacques Tenon
- 1790 (12-16 mars): Abolition des lettres de cachet par décret de l'Assemblée nationale
- 1791 : parution de La philosophie de la folie, de Joseph Daquin
- 1793 : nomination de Philippe Pinel comme médecin des infirmeries de Bicêtre, début
de sa collaboration avec Jean-Baptiste Pussin, gouverneur de l'emploi des fous
- 1797 : fermeture de la Charité de Charenton
- 1801 : Parution du Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale, ou la manie,
de Philippe Pinel, où se dessinent les voies d'une réforme profonde : spécialisation de la
médecine mentale au sein de la médecine, simplification et rationalisation de la
classification (un trouble unique, l'aliénation mentale, maladie différente de toutes les
autres maladies, et ses quatre expressions symptomatiques ou espèces, manie,
mélancolie, démence et idiotisme), création d'institutions spécialisées pour le traitement
(traitement physique des troubles aigus, traitement moral de la folie refroidie, basé sur
l'isolement, l'environnement ordonné et rationnel, le travail et l'influence du médecin ou
de son représentant. Est nettement postulée la curabilité de la folie)
- 1802 : fermeture définitive des salles de fous et de folles de l'Hôtel-Dieu de Paris et
ouverture des deux premiers services asilaires à Charenton (hommes) et à la Salpêtrière
(femmes) : ainsi naît en France l'asile (de asylum, du grec asulon, refuge inviolable,
terme préféré alors à celui très péjoratif d'hôpital).
Dans ces asiles, et dans ceux-ci seulement seront soignés, par ou sous la direction d'un
médecin spécial, l'aliéniste, toutes les formes de l'aliénation mentale et tous les aliénés.
Le XIXème siècle, le triomphe de l'aliénisme et de l'asile
Dès le début du siècle, la médicalisation de la prise en charge et du traitement des fous,
conduit par l'aliéniste, s'étend et se généralise. Des asiles sont construits dans la
majorité des départements avant et surtout à partir de la Loi du 30 juin 1838.
Le code pénal de 1810 inscrit dans son article 64 le principe de l'irresponsabilité du
criminel en état de démence au moment de l'acte.
La loi de 1838, qui ne sera réformée qu'en 1990 est la première loi d'assistance et de
sûreté générale et spécifique, inspirée des idées de Pinel, Esquirol et Ferrus.
C'est le début du véritable " grand renfermement " : le nombre de fous hospitalisés à
Paris est multiplié par plus de cinq en 60 ans. Les structures asilaires inspirées des idées
de la fin du XVIIIème siècle, imposées par la loi de 1838 ne sont quelquefois mises en
place -comme à Paris- que sous le second Empire, voire sous la Troisième République.
Ce décalage induit une inertie considérable dans le système dont le siècle suivant
peinera à se dégager.
Mais dès la fin du siècle se développe la critique de la séquestration. Le système anglais
du no-restraint commence à être appliqué en France, notamment par Magnan à SainteAnne (Paris). Des colonies familiales sont créées sur l'exemple de Gheel, à Ainay-leChâteau et Dun-sur-Auron.
Ce siècle est également celui de la nosologie et de la clinique psychiatrique. Une riche et
complexe évolution des concepts conduit la psychiatrie française de la nosographie de
Pinel aux classifications inspirées des travaux allemands de Kraepelin. Pinel distingue la
manie, délire général ; la mélancolie, délire exclusif ou partiel ; la démence, abolition de
la pensée ; et l'idiotisme, oblitération des facultés intellectuelles et affectives. Esquirol
démembre la mélancolie, délire partiel, en lypémanie, délire triste, et monomanie, délire
gai ; et l'idiotisme en idiotie et imbécillité. Plus tard, la remise en cause de l'unicité de la
maladie fait passer de l'aliénation mentale aux maladies mentales.
L'organogenèse prend une grande extension à la suite des la thèse de Bayle, qui relie
lésion, symptômes et évolution, et fait de la Paralysie Générale un modèle.
Le XXème siècle
Les asiles s'ouvrent progressivement. L'asile d'aliénés devient en 1937 hôpital
psychiatrique, dépendant du Conseil général, et plus tard Centre Hospitalier Spécialisé
(C.H.S.). Pourtant non prévus par la loi de 1838, les premiers services libres ouvrent
leurs portes dans les années 1920 (Edouard Toulouse crée l'hôpital Henri-Rousselle en
1922), quelques années après l'ouverture de services psychiatriques à l'Assistance
Publique à Paris (Gilbert Ballet à l'Hôtel-Dieu en 1904).
La psychiatrie " hors les murs " naît avec l'ouverture des premiers dispensaires, et les
soins en cabinet privé, à la suite d'un véritable boom démographique (en 1880, pour la
France entière, on ne compte que 120 aliénistes pour 37 millions d'habitants, tous en
hôpital ou en maison de santé), et la psycho-analyse ou analyse freudienne connaît un
grand développement.
La notion (et le vocable) de schizophrénie, inventé par le Suisse Eugène Bleuler en 1926
s'impose rapidement en France. L'organodynamisme de Henri Ey (il existe une
hiérarchie entre le monde inerte, le monde vivant (vie) et le monde de l'esprit (liberté),
la pathologie psychiatrique est la pathologie de la liberté) propose une classification
distinguant déstructuration de la personnalité : psychoses chroniques et névrose, et
déstructuration de la conscience : psychoses aigües, de la manie à la confusion. Aux
maladies mentales se substituent donc les grandes structures psychopathologiques.
Le Manuel Statistique et Diagnostic (" D.S.M. "), créé pour les besoins de
l'expérimentation médicamenteuse, s'impose en fin de siècle comme référence pour la
classification et la définition des troubles psychiatriques, parallèlement à l'essor des
neurosciences et de la psychiatrie biologique.
Pendant la seconde guerre mondiale, la famine cause directement ou indirectement la
mort d'environ 40.000 malades mentaux dans les hôpitaux français. La mise en cause
du système concentrationnaire et les aspirations nées de la Libération conduisent à une
nouvelle politique de soins (Bonnafé, Daumezon, Kœchlin, Oury, Tosquelles, Sivadon,
Le Guillant, Chaigneau, Mignot, et bien d'autres) : naissance de la psychothérapie
institutionnelle contre la ségrégation et la concentration ; l'institution n'est
thérapeutique que si elle est organisée en lieu de parole et si le patient est pris dans un
réseau relationnel. La relation mobilise, l'institution fige, d'où la nécessité de créer des
structures intermédiaires.
La circulaire du 15 mars 1960 (confirmée par la loi du 31 décembre 1985) institue le
principe de la sectorisation, insistant en particulier sur l'importance de la prévention,
l'accessibilité et la continuité des soins.
L'antipsychiatrie, qui constitue la critique radicale du système psychiatrique européen,
rencontre un écho assez limité en France. Basaglia en Italie prône la suppression de
l'hôpital et l'instauration d'une psychiatrie communautaire (1978). Laing et David
Cooper en Angleterre privilégient la notion de relation malade (dynamique extérieure) à
celle de sujet malade (dynamique intrapsychique) et inversent le modèle présumé conçu
par les parents (la famille est le bien, la maladie le mal).
Après une période dominée par la psychanalyse, où se signale notamment Jacques
Lacan (1901-1981) naissent d'autres modalités de traitement psychothérapiques
(thérapies cognitives et comportementales, thérapies systémiques).
La loi du 3 janvier 1968 (Protection des incapables majeurs, relevant du droit civil)
dissocie capacité civile et hospitalisation (avant 1838, existait le principe de
l'interdiction préalable. Avec la loi de 1838, seuls les malades internés sont protégés par
la nomination d'un administrateur provisoire).
La loi du 27 juin 1990, réformant la loi de 1838, vise à mieux protéger les droits et la
liberté des malades, et pose divers principes, dont ceux de la prévention, des prises en
charge ambulatoires et de l'hospitalisation libre comme règle.
Le nouveau code pénal de 1992 remplace l'article 64 par l'article 122.1, avec la notion
d'abolition du discernement ou du contrôle des actes (ou d'altération du jugement).
***
LES THÉRAPEUTIQUES
L'association de saignées, purges et bains, éventuellement associés aux douches
constitue la base et l'essentiel du traitement médical de la folie, de l'Antiquité à la fin du
XVIIIème siècle.
Le recours aux méthodes évacuantes ne concerne évidemment pas les seuls aliénés
d'esprit.
- La saignée, geste thérapeutique banal, est exécutée par un chirurgien sur prescription
médicale, qui avec une lancette perfore une veine du bras, du pied, de la tempe et/ou du
cou. L'incision est délicate, voire périlleuse, et en cas d'agitation ou d'opposition, force
est de lier le malade. Parmi bien des théories, la plus simple est résumée dans l'axiome
de Leonardo Botallo : " plus on tire de l'eau croupie d'un puits, plus il en vient de bonne
". Le sang corrompu doit donc être tiré des veines. La phlébotomie du bras est faite pour
désemplir, de la temporale ou de la jugulaire, par la proximité du lieu présumé affecté,
pour faire une dérivation. Quant à la saignée du pied, pour faire la révulsion, elle dégage
le cerveau de la surcharge du sang qui l'oppressait, et ramène le calme dans les idées. Et
pour décongestionner le pléthorique, le sang échauffé ou superflu est évacué. Il semble
que la saignée est avant tout efficace dans les états d'agitation, probablement par
l'affaiblissement physique qu'elle provoque. L'application de sangsues est une méthode
d'évacuation sanguine plus douce.
- Les purgatifs et les émétiques utilisés sont pour la plupart issus du monde végétal.
L'ellébore est l'un des plus connus, que le lièvre recommande de prendre à la tortue sa
commère :
Rien ne sert de courir : il faut partir à point.
Le lièvre et la tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Sitôt que moi ce but. Sitôt ! êtes-vous sage ?
Repartit l'animal léger : Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore.
Les purges, les lavements servent à évacuer les humeurs accumulées dans les viscères.
Dans la manie et la mélancolie, la purge purificatrice doit être violente, et précédée de
saignées et de bains. De nombreux autres produits sont utilisés comme émétiques,
comme le tartre stibié, ou l'infusion de rognures d'ongles…
Les bains sont à l'Hôtel-Dieu de Paris donnés dans les salles des fous, où ont été
installées des baignoires à demeure, surmonté d'un appareil propre à administrer
manuellement des douches. Les bains chauds ou tièdes sont utilisés pour leur effet
sédatif, les bains froids pour leurs vertus toniques, comme les douches, qui ne
deviendront un moyen disciplinaire que dans certains asiles du XIXème siècle.
D'autres méthodes de traitement sont très usitées, comme l'utilisation de l'opium, qui
remonte à l'Antiquité, les vésicatoires (qui attirent les humeurs à la surface pour les
évacuer et déterminent une fièvre générale salutaire) et autres " irritants " (urtification,
cautères, sétons, moxas), ou encore le pédiluve.
À titre anecdotique, signalons au XVIIème siècle l'essai de transfusion de sang de veau à
un malade atteint de folie invétérée, pratiqué par un médecin de l'Hôtel-Dieu de Paris
nommé Jean-Baptiste Denis.
En dépit de ce que l'on sait de la résistance à la douleur et d'une certaine résignation de
l'homme du XVIIIème siècle, il est permis de penser que les méthodes employées pour
traiter la folie en ce même hôtel-Dieu devaient constituer une bien pénible épreuve.
Les divers traitements sont conduits dans une salle surchauffée par une cheminée à feu
continu et le fourneau pour l'eau des bains, encombrée de lits installés sur quatre rangs.
Et dans ces lits, "où l'on couche trois ou quatre fous, qui se pressent, s'agitent, se
battent, qu'on garrotte, qu'on contrarie " (J. Tenon, 1788), se côtoient malades agités et
malades prostrés, fous et hydrophobes.
Le traitement, intensif, est administré à des malades souvent inconscients de leur état et
non consentants. Tandis que les uns sont purgés par le haut et par le bas, d'autres sont
saignés, au bras ou à la gorge, à la tempe ou au front, ce qui revient par exemple à ouvrir
la veine frontale " après avoir appliqué une ligature autour du cou, assez serrée pour
faire gonfler les vaisseaux du visage ". Des malades sont détachés de leur lit et plongés
de force dans une des trois baignoires de la salle, ou placés sous " les douches ", ce qui
consiste à recevoir sur la tête des seaux d'eau froide ou " glaciale ".
" Supposé que les phrénétiques ne veuillent point se soumettre (à la saignée), comme il
arrive très-souvent, je ne trouve rien de plus efficace et de plus aisé à pratiquer, que de
leur enfoncer avec violence et dans le temps qu'ils s'y attendent le moins, une plume ou
une paille dans le nez ; car par ce moyen on fait couler le sang en abondance, ce qui est
très-utile au malade ".
D'autres recettes plus douces, sont également usitées, comme le lierre terrestre macéré,
dont on conseille de mettre une poignée " dans la main d'un homme qui est en délire
cela le fait revenir a son bon sens ", ou encore de petites médications pour l'insomnie :
s'enduire les tempes avec " les ordures des oreilles d'un asne ", boire du sirop de
nénuphar ou " un peu d'eau de vie après soupé ". L'approche psychologique n'est
cependant pas tout à fait oubliée : " remarquez que dans la maladie hipocondriaque il
faut guérir l'esprit par des discours ou par des stratagemes " .
Les premiers traitements spécifiques et efficaces
1917-1957
- La première maladie à bénéficier d'un traitement efficace serait aujourd'hui considérée
non pas comme une maladie psychiatrique stricto sensu mais comme une pathologie
neurologique à expression psychiatrique . Il s'agit de la paralysie générale (dite " P.G. "),
arachnitis chronique décrite au siècle précédent (1822) par Antoine-Laurent Bayle et
dont la nature syphilitique est révélée par Alfred Fournier en 1879. Cette étiologie est
définitivement établie par le Japonais Hideyo Noguchi en 1913 avec la découverte du
Treponema pallidum chez les " pégétiques ". Ceux-ci représentent alors souvent le tiers
des hommes dans les asiles d'aliénés, et souffrent de troubles associant idées délirantes
de grandeur, euphorie, détérioration intellectuelle progressive et troubles neurologiques
dits parétiques, notamment au niveau de la marche (d'où le nom de " paralysie générale
"). Jusqu'à la mise au point à Vienne en 1917 par Julius Wagner von Jauregg (18571940) de sa méthode d'impaludation ou malariathérapie (inoculation d'une forme
bénigne de paludisme), le malade atteint de Progressiven Paralyse évoluait
inéluctablement vers la mort. Cette immense découverte lui vaudra en 1927 le prix
Nobel de médecine.
- La deuxième grande découverte est celle, entre 1932 et 1938, des méthodes dite de
choc dans le traitement de la schizophrénie : En 1932, la cure insulinique (coma
hypoglycémique provoqué par injection d'insuline) dite cure de Sakel, du nom de son
inventeur l'Autrichien Manfred Sakel (1900-1957), qui restera jusqu'à la découverte des
neuroleptiques en 1952 le traitement biologique le plus utilisé.
En 1936, la convulsivothérapie par injection intraveineuse d'huile camphrée, puis d'un
dérivé synthétique, le Metrazol ou Cardiazol (choc au Cardiazol) qui déclenche une crise
d'épilepsie en quelques secondes, inventée par le Hongrois Ladislas von Meduna (18961964) à partir d'une théorie qui s'avèrera fausse, mais dont les résultats seront
intéressants, notamment dans les dépressions.
En 1938, l'Italien Ugo Cerletti (1877-1963) invente l'électrochoc, convulsivothérapie
électrique (déclenchement d'une crise d'épilepsie par une décharge électrique), et son
compatriote Lucio Bini (1908-1964) construit le premier sismothère. Ce traitement,
relativement simple à mettre en œuvre, dont les principaux inconvénients ont été
réduits par l'association d'une anesthésie générale et la curarisation des patients, prend
successivement le nom de sismothérapie, d'électroconvulsivothérapie (E.C.T.),
d'électronarcose et d'électrostimulation corticale (E.S.C.). Il est réputé avoir transformé
radicalement l'ambiance des services de psychiatrie et le destin de nombreux malades
réputés incurables. La méthode garde aujourd'hui pour principale indication la
dépression majeure (mélancolie) résistante aux autres traitements et faisant courir un
risque vital au patient.
- Le neurologue portugais Egas Moniz (1874-1955) est resté dans l'histoire comme
l'inventeur en 1936 de la psychochirurgie, bien que les premières topectomies à visée
curative aient été en 1888 le fait du suisse Gottlieb Burckhardt (1836-1907). La méthode
de traitement consistant en la destruction de certaines zones du cortex préfrontal (par
injection d'alcool) ou la suppression de connections intracérébrales par section
chirurgicale de fibres thalamofrontales, dénommées lobotomie, lobectomie, leucotomie,
est totalement abandonnée aujourd'hui. Moniz est en 1949 récompensé de sa découverte
de la psychochirurgie et de celle de l'angiographie cérébrale par le prix Nobel.
- La psychopharmacologie (et donc la psychiatrie biologique) naît avec la découverte en
1952 par les neuropsychiatres parisiens Jean Delay (1907-1987) et Pierre Deniker des
effets antipsychotiques de la Chlorpromazine, chef de file des neuroleptiques. Le
traitement, d'un emploi bien plus aisé que les méthodes de choc, modifie plus encore
que tout autre la vie des hôpitaux et celle des malades mentaux. Il renforce également la
médicalisation des soins en psychiatrie. Sur le plan théorique, le fonctionnement
synaptique remplace la perspective lésionnelle du début du XXème siècle (G. LantériLaura).
Vers 1954, le Suédois Mogens Schou met au point le protocole de prescription des sels
de lithium, premier traitement préventif de troubles mentaux (dans la psychose
maniaco-dépressive aujourd'hui dénommée maladie bipolaire).
A la fin des années 1950 sont enfin découverts les premiers antidépresseurs
(Imipramine et Iproniazide en 1957) et les premiers hypnotiques et tranquillisants.
Les psychothérapies
Sigmund Freud (1856-1939), docteur en médecine, après s'être intéressé à la neurologie,
à l'histologie et surtout à l'hypnose lors de son séjour dans le service du professeur JeanMartin Charcot (1825-1893) à la Salpêtrière (Paris), élabore à partir de l'étude des
névroses une nouvelle théorie de la vie psychique : les maladies sont l'expression des
forces de l'inconscient refoulé. Les Études sur l'hystérie, publiées avec Breuer en 1895,
constituent l'acte de naissance de la psychanalyse. Freud propose une distinction entre
névroses actuelles (névrose d'angoisse, neurasthénie et hypocondrie) et névroses de
transfert (hystérie de conversion, névroses phobique et obsessionnelle), et invente les
notions de fixation et de régression, ainsi que du refoulement (rejet hors de la
conscience des pulsions interdites) et de la libido (énergie des instincts sexuels).
Après avoir appliqué les idées de Charcot sur l'hystérie traumatique (catharsis,
abréaction, reviviscence du trauma avec l'affect qui lui est attaché), il abandonne
l'hypnose et invente la technique des associations libres. La psychanalyse est née,
nouvelle méthode de psychothérapie fondée sur l'exploration de l'inconscient, par
l'analyse du transfert (relation affective du patient à la personne de son analyste) et des
résistances, l'interprétation des rêves, etc. L'introduction de la méthode en France et
surtout dans les asiles est assez lente. Son application pratique, notamment dans le
traitement de la psychose est limité, mais la théorie offre une compréhension
irremplaçable du fonctionnement psychique normal et pathologique.
En France, Jacques Lacan (1901-1981) prône le retour à Freud et fait école.
Après une période dominée par la psychanalyse et les psychothérapies qui s'en
inspirent, individuelles et de groupe (psychodrames, thérapies familiales) naissent
d'autres modalités de traitement, telles que les thérapies cognitives et
comportementales (déconditionnement, désapprentissage de conduites inadaptées, de
comportements pathologiques) et les thérapies systémiques (prenant en compte le
système famille-thérapeute).
***
LA PROFESSION INFIRMIéRE EN PSYCHIATRIE
Jusqu'au début du XIXème siècle, ce qui est devenu depuis le service public (par
opposition aux maisons religieuses, où les soins sont assurés par les frères ou les sœurs,
et aux maisons de santé privées, qui recrutent des domestiques) emploie un personnel
laïc composé volontiers d'anciens malades guéris (de maladie physique, mais aussi
parfois d'aliénation).
Dans les hôtels-Dieu d'Ancien Régime, les religieuses ont une fonction assez proche de
celle des cadres infirmiers et des infirmiers d'aujourd'hui : direction des salles,
administration des remèdes, distribution des aliments. Elles sont secondées par les
convalescents qui bénéficient ainsi du vivre et du couvert.
Dans la Domus Dei Parisiensis, l'Hôtel-Dieu de Paris, les mères des salles établissent
volontiers les certificats de sortie des malades, et sont constamment en conflit
(d'attribution) avec les médecins. Ceux qui composent alors le " personnel auxiliaire ", "
secondaire " ou subalterne ", que l'on nomme selon les époques et les lieux gardiens,
gens de service, employés ou infirmiers (qui s'occupent des infirmes, nom ancien des
malades) sont recrutés dans les basses classes de la société : ils touchent des gages
inférieurs à ceux du valet de ferme et sont considérés comme le " rebut de la domesticité
".
Généralement incultes, souvent illettrés, ils sont choisis autant que possible sur des
critères moraux : les qualités requises sont l'humanité, la douceur, la sagesse, la
vigilance, mais aussi la fermeté et l'obéissance. Ils sont sous l'autorité du gouverneur, ou
surveillant, plus tard dénommé infirmier chef, ceux-ci étant sous les ordres de
l'administration, puis du médecin chef.
De nombreux établissements bénéficient des services d'infirmiers et de gardiens (nom
qui n'est en rien péjoratif), dont la tâche est bien distincte : " L'infirmier n'est qu'une des
formes du gardien. Il soigne l'aliéné malade. Le gardien est quelque chose de plus que
l'infirmier ordinaire : il a la garde de l'aliéné ; il a la commission de le garder, de le
conserver, de le défendre, de le soigner, de le surveiller " (Docteur Bouchet, aliéniste,
1844).
Le port de l'uniforme est obligatoire, donnant une allure quasi militaire aux gardiens,
dont le grade est marqué par des bandes et des galons, jusque dans les années 1930,
voire bien plus tard. Si la circulaire du Ministre de l'Intérieur en date du 19 juillet 1819
se doit encore d'ordonner que " les gardiens ne doivent plus être armés de bâtons, de
nerfs de bœuf ni accompagnés de chiens ", on mesure en ce début de siècle le chemin
restant à parcourir pour une réelle humanisation des soins et pour une
professionnalisation des personnels.
Au XIXème siècle, les infirmiers sont nourris et logés à l'asile, et ne peuvent sortir sans
autorisation spéciale. Leur logement est en général situé dans le quartier des malades,
soit dans une chambre proche du dortoir, soit dans le dortoir lui-même. Ce que
l'aliéniste Renaudin recommande en 1846 : " nous n'avons vu nous-même que de très
grands avantages à faire coucher les gardiens et gardiennes dans les dortoirs-même
occupés par les aliénés ".
Le règlement de l'asile Sainte-Anne (Paris) précise en 1868 :
Art.61 : " Le service de surveillance est continu, et ne peut, en aucune circonstance, être
interrompu ni le jour ni la nuit. En conséquence, les gardiens et les gardiennes habitent
les divisions le jour et la nuit ; ils ne peuvent les quitter le jour, même aux heures des
repas qu'en assurant la présence de huit gardiens ou gardiennes par division "
Art. 110 : " Les employés qui habitent l'établissement ne pourront y entrer ou en sortir
avant ou après les heures fixées par l'art. précédent sans une autorisation écrite du
Directeur " (N.B. : 5h. ou 6h. selon la saison et 23h.)
Art.119 : " Les employés de tous grades ne peuvent sortir dans le jour et ceux qui sont
logés dans l'établissement ne peuvent découcher qu'avec l'autorisation du Directeur "
A l'asile de Maison-Blanche, le délogement devient obligatoire à partir de 1911. Le
célibat est une obligation réglementaire, et reste fort longtemps une recommandation.
Du fait des conditions de vie des infirmiers et infirmières, le mariage implique un
changement professionnel dans la plupart des cas. La médiocrité du recrutement, le
faible niveau des gages, les contraintes et le caractère souvent ingrat d'une fonction
exercée dans un climat de violence et d'autoritarisme conduit le corps des gardiens et
infirmiers à une grande instabilité.
À la fin du XIXème siècle se créent des associations professionnelles, puis des syndicats
dont les revendications premières concernent le temps de travail, les congés, la
rémunération et le système de retraite.
Le service permanent ou continu reste la règle jusqu'en 1880, où commence à être
instaurée la journée de 12 heures (mise en place à Maison-Blanche en 1907 seulement).
Un jour de repos hebdomadaire est accordé à partir de 1906. Le personnel de MaisonBlanche bénéficie alors d'une journée libre tous les quinze jours et de huit jours de
congés annuels.
En 1919 est mise en place dans quelques asiles (dont Maison-Blanche) la journée de 8
heures sur six jours. Mais au Bon Sauveur de Caen, en avril 1936, les gardiens n'ont
encore que 2 heures de liberté par jour avec permission de sortir en ville, et le repos
hebdomadaire est la permission de sortir 12 heures de l'établissement. En 1937, la durée
hebdomadaire passe de 48 à 45 heures. Elle repassera de 1940 à 1946 à 48 heures.
La fin du "cadre unique", avec la création de postes d'aides-soignants et d'agent des
services hospitaliers, la mise en place de la sectorisation et la multiplication des
structures alternatives et des prises en charge ambulatoires, et la formidable ouverture
de l'hôpital sur la cité bouleversent les conditions d'exercice et la relation soignante.
LA FORMATION
(en référence à M. Jaeger, Garder, surveiller, soigner. Essai d'histoire de la profession
d'infirmier psychiatrique. Cahiers VST n°3, janvier 1990)
Tandis que s'améliorent les conditions de travail, les premières écoles d'infirmiers
ouvrent sous la Troisième république : à la Salpêtrière et à Bicêtre en 1878 (écoles
municipales), à Sainte-Anne (Paris) en 1882, Montpellier (Hérault) en 1899, Bron
(Rhône) en 1902, Bassens (Gironde) en 1903, Pau (P.-A.) en 1904,É
La nécessité de créer des écoles pour le personnel subalterne avait été suggérée par
Scipion Pinel dès 1836. Quarante ans après, la première réalisation se fait sous
l'impulsion de Bourneville, auteur du Manuel pratique de la garde-malade et de
l'infirmière : l'élève suit sur un an des cours d'anatomie, de physiologie, d'hygiène,
d'administration et de pharmacie, et apprend à faire les pansements. Les études sont
sanctionnées par un certificat d'aptitude professionnelle.
Une réforme du programme et des examens est envisagée en 1902, pour permettre
d'éviter l'élimination les " agents excellents mais n'ayant pas une instruction primaire
suffisante ".Dans le même esprit, les examens écrits qui handicapent les illettrés sont
complétés en 1907 d'un examen oral et d'une épreuve pratique. Le département de la
Seine crée ensuite une école par asile, où sont dispensés des cours sur trois ans. Un jury
unique siège successivement dans chacun des six asiles, et décerne le Certificat
d'aptitude des Ecoles départementales d'infirmiers et infirmières et des prix : une
somme d'argent en livret de caisse d'épargne pour les deux premiers, des livrets et
médailles pour les plus méritants.
Mais les échecs sont nombreux: les infirmiers ne peuvent suivre les cours qu'après une
dure journée de travail, et les cours pratiques sont mal organisés.
A partir de 1913, il y a obligation de présenter le certificat d'études primaire pour être
embauché, ou de passer un examen probatoire de même niveau. Un certificat de
moralité, attestant des bonnes vie et mœurs du postulant, complète le dossier.
Des textes à la pratique, il y a ici toujours un certain écart, comme en témoigne une
déclaration du directeur de l'asile de Charenton en 1926: "L'admission de nos agents,
cultivateurs le plus souvent, ne s'accompagne d'aucune épreuve permettant d'apprécier
leur valeur technique et morale, mais se borne en réalité à un simple examen de leur état
physique et à la constatation d'une instruction généralement rudimentaire".
Jusqu'ici, le niveau de compétence technique n'a qu'une valeur très relative, bien
moindre que les qualités morales. Le développement des soins, hydrothérapie et surtout
dans les années 1930 malariathérapie et thérapies de choc va nécessiter de relever le
niveau de connaissance théorique et de compétence pratique.
En 1930, par décret du 26 mai est introduite la dénomination d'infirmier psychiatrique
(notons que les asiles ne sont dénommés hôpitaux psychiatriques qu'en 1937) et
réglementée l'obtention du diplôme.
A la suite du décret du 18 février 1938 sur le Diplôme d'Etat d'infirmier (dit diplôme
unique), on délivre des autorisations d'exercer aux non-diplômés d'Etat justifiant d'une
certaine ancienneté. Mais l'autorisation d'exercer à titre définitif n'est valable que dans
les hôpitaux psychiatriques, d'où la différenciation entre les "D.E." et les autres
infirmiers.
Les diplômes locaux sont validés en 1948 et 1949. Ces diplômes d'"H.P." ne sont
décernés que pour l'exercice dans ces mêmes "H.P.", et certains de ces diplômes
uniquement dans l'hôpital où la scolarité a été effectuée. Plus tard, deux arrêtés (1955 et
1958) décident d'imposer un programme national identique pour toutes les écoles
sanctionné par un diplôme à valeur nationale.
L'arrêté du 12 mai 1969 modifiant l'appellation des infirmiers psychiatriques qui
deviennent infirmiers de secteur psychiatrique ouvre à une pratique nouvelle, "hors les
murs" de l'hôpital, soins à domicile, dans les "dispensaires d'hygiène mentale" et les
structures alternatives.
Beaucoup plus récemment, l'arrêté du 15 mars 1993 unifie les deux diplômes (secteur
psychiatrique et soins généraux), et créée le Diplôme d'Etat. Réglementation
européenne oblige, la possession de ce diplôme est devenu condition nécessaire et
suffisante pour les nouveaux étudiants en soins infirmiers pour exercer leur profession,
quels que soient l'hôpital, le service et la spécialité.
"La psychiatrie", in: Médecine et maladies, Les Dossiers de l'Histoire, 1981, 33, 110 p.
(numéro codirigé avec Mme Marie-Paule CAIRE-JABINET)
Association Scientifique des Psychiatres de secteur (Les Assises de la Psychiatrie
publique: Le bilan), Maison Blanche (Neuilly-sur-Marne), 17 septembre 1993. Titre de la
communication: Deux cents ans de psychiatrie publique (avec le Docteur Parvis DENIS)
"La recherche moderne en psychiatrie à l'épreuve de l'histoire", Nervure, 2001, 6; 33-34
(communication au 4ème colloque du Regroupement National en Psychiatrie Publique
(RENEPP), 27 avril 2001, Centre Hospitalier Sainte-Anne (Paris).
Histoire de la psychiatrie parisienne, Clinique Rémy de Gourmont (Paris), Séminaire
du 34ème secteur, 8 février 1999
(R)évolutions thérapeutiques et institutionnelles (avec le Dr Michel GOURÉVITCH),
communication aux Journées de l'Association Paris-Maison Blanche "Avec le temps...",
21 et 22 septembre 2000, Maison Blanche (Neuilly-sur-Marne)
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