Question 1 : Quelles sont les conséquences pour les banques de l’application de la
troisième Directive sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ?
La communauté internationale a fait de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme, une priorité. Le blanchiment de capitaux consiste à donner une
apparence légitime à des capitaux qui, en vérité, proviennent d’activités illicites (trafic de
stupéfiants, corruption, fraude fiscale…) et à les réinjecter dans une économie saine. Il s’agit
de masquer le lien entre les fonds utilisés et le délit initial. Les « blanchisseurs de capitaux »
exploitent les écarts entre les législations et les dispositifs anti-blanchiment des différents
pays, notamment là où les contrôles sont faibles ou inefficaces, pour déplacer leurs fonds plus
facilement. D’où la nécessité légiférer de façon harmonieuse pour unifier et intensifier les
contrôles. Il s’agit de l’objectif recherché par l’entrée en vigueur de la Troisième directive
européenne anti-blanchiment.
Il convient alors de s’interroger sur l’impact de cette directive, au sein des établissements
bancaires : quelles sont les conséquences pour nos banques ?
Pour pouvoir traiter cette question, nous verrons dans un 1er temps quel est le contenu de
cette directive, puis dans une 2ème partie, quelles en sont les conséquences pour les banques.
I- Les principales évolutions imposées par cette directive :
L’ordonnance du 30 Janvier 2009 transpose en France la 3ème directive Européenne sur la
lutte contre le blanchiment des capitaux, et le financement du terrorisme. Ce texte devient
désormais la norme juridique à laquelle les établissements bancaires sont soumis.
1) Une approche graduée des risques
La principale avancée de la directive, concerne l’approche graduée en fonction du risque
et, donc, une plus grande latitude laissée à chaque établissement pour définir le niveau et la
nature des procédures à mettre en œuvre, en fonction de sa clientèle et des services offerts.
Par exemple que les obligations de vigilance sont allégées pour :
• les relations avec les établissements de crédit de l’Union européenne ou de pays
appliquant en matière de lutte contre le blanchiment des normes équivalentes aux nôtres ;
• les opérations sur monnaie électronique, sous certaines conditions, notamment de
montant.
La vigilance est, en revanche, renforcée dans les trois cas suivants :
• les entrées en relations sans contact physique, notamment via internet ;
• les relations avec les PPE (personnes politiquement exposées) : personnes qui occupent
« une fonction publique importante ainsi que les membres directs de la famille ou des
personnes notoirement proches associées de telles personnes ». La directive prévoit que les
établissements devront mettre en place des systèmes de gestion des risques pour déterminer si
une personne qui souhaite ouvrir un compte et résidant dans un autre pays (U.E. ou autres) est
une PPE. Si tel est le cas, il faudra obtenir une autorisation de l’encadrement supérieur,
prendre toute mesure raisonnable pour établir l’origine du patrimoine et des fonds impliqués
dans la relation, et assurer une surveillance continue de celle-ci ;
• les activités de « correspondent banking » avec des banques de pays situés hors U.E. : il
faudra, avant toute entrée en relation, recueillir des informations sur la future banque
partenaire afin de connaître ses activités, évaluer sa réputation et la qualité de ses contrôles
anti-blanchiment.
2) La reconnaissance d’une logique de groupe :
La directive consacre la possibilité aux établissements membres d’un même groupe, la
possibilité d’échanger des informations entre eux, aux seules fins de la lutte contre le
blanchiment. Cette communication est également autorisée entre établissements non membres
d’un même groupe (s’ils sont soumis à des obligations équivalentes), et concerne donc les
établissements financiers et de crédit ainsi que les professionnels du chiffre et du droit. Ainsi,
par exemple, une déclaration TRACFIN effectuée par un établissement bancaire pourra, sous
certaines conditions, être consultée par un établissement confrère, dès lors qu’il est en relation
avec ce même client.
La directive a également consacré le principe de reconnaissance et d’acceptation mutuelle
: le résultat des mesures d’identification d’un client effectuées par un établissement membre
de l’UE, sera ainsi reconnu par les autres.
II- Les conséquences pour les banques :
1) L’obligation de vigilance
La vigilance accrue apportée dans certains domaines par la directive, impose aux banques,
la mise en place de procédures de contrôle en interne.
L’approche par les risques a, par exemple, nécessité la mise en place d’une cartographie
des risques, en fonction de la typologie de la clientèle, qu’il faudra expliquer à l’organisme de
tutelle. Par ailleurs, la banque doit mettre en place des systèmes d’évaluation et de gestion des
risques de lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme. Par exemple, les banques
devront se doter de nouveaux logiciels capables d’appréhender de manière plus fine, les
opérations inhabituelles. Ces outils ne devront plus seulement détecter les opérations au-delà
d’un certain seuil, mais être capables de détecter des opérations inhabituelles ou sans
cohérence économique avec la situation du client.
Ces mesures ont également pour conséquence, le besoin d’information et de formation du
personnel bancaire.
L’ordonnance impose aux professionnels assujettis, une obligation d’identification du
client régulier, occasionnel et éventuellement du bénéficiaire effectif d’une opération, ainsi
qu’une obligation de connaissance de l’objet et de la nature de la relation d’affaires, avant
l’entrée en relation. Cela se matérialise au quotidien par la nécessité de recueillir un maximum
de documents écrits, probant les dires d’un client (salaires, avis d’imposition…). A défaut de
bien connaître le client, la banque devra s’abstenir d’entrer en relation.
2) L’obligation de déclaration
Dorénavant, la 3ème directive impose de déclarer toutes les sommes ou opérations dont
elles soupçonnent qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de
liberté supérieure à 1 an. Ainsi, sont concernés les soupçons de blanchiment ou de
financement du terrorisme mais aussi les soupçons de fraude fiscale.
La déclaration doit être faite de bonne foi. Elle comprend notamment l’identité des
personnes concernées, l’identification des opérations suspectes, l’origine et la destination des
fonds, la justification des opérations, ainsi que l’exposé du soupçon qui doit être justifié et le
cas échéant documenté.
La déclaration est confidentielle : les banques ont interdiction de faire état de l’existence
et du contenu de la déclaration, y compris aux personnes citées dans cette déclaration, sous
peine d’une amende de 22 500€. Seul Tracfin est habilité à en faire état, y compris à l’autorité
judiciaire (par exemple à la police) et au fisc.
La banque qui soupçonne l’existence d’une opération de blanchiment peut retarder une
opération afin de l’analyser, lorsque les dispositions contractuelles et réglementaires le
permettent.
Elle peut retarder une opération financière dans l’attente des informations qui lui sont
nécessaires pour s’assurer que celle-ci ne viole pas une mesure d’embargo ou de gel des
avoirs.
La réglementation prévoit que les virements de fonds doivent comporter les informations
permettant d’identifier le donneur d’ordre. En leur absence, la banque peut attendre de
recevoir les informations nécessaires avant de créditer le compte de son client bénéficiaire.
Dans certains cas, Tracfin peut demander le blocage d’une opération pendant 48 à 72 heures,
le temps d’obtenir une autorisation judiciaire de blocage ou de mise sous séquestre des avoirs
correspondant.
L’encadrement juridique de la lutte contre le blanchiment n’a cessé de se complexifier
depuis 1990 au point d’appeler maintenant une clarification. La 3ème directive européenne a
été rédigée en ce sens. Grâce à l’approche graduée des risques et la logique de groupe, les
banques sont plus à même de lutter efficacement contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme. En revanche, plusieurs points restent à parfaire :
- la dimension européenne n’est pas suffisamment prise en compte dans ce texte puisque
chaque état est libre de le transposer dans sa législation, notamment, avec des dispositions
plus contraignantes. Des distorsions risquent donc de se créer entre les pays membres,
faussant la concurrence entre les banques mondiales.
- de plus, le champ de la déclaration de soupçon qui s’est considérablement étendu,
notamment, en France, à la fraude fiscale, est un sujet délicat : confiance des clients…
- Enfin, les exigences nouvelles en matière d’identification des bénéficiaires effectifs
devraient également être très difficiles à mettre en œuvre en pratique, au point de
compromettre certaines activités, notamment dans le domaine de la banque d’investissement.
Question N°2 : Exposez les 2 obligations de sens contraire, faites au banquier, devoir de
s’informer et devoir de non-ingérence. Mettez-les en perspective et expliquez-en la
justification.
Intro :
Le banquier est soumis à des obligations contractuelles et extracontractuelles découlant du
droit commun des contrats. Cependant, il s’est vu imposer un certain nombre d’autres devoirs
plus spécifiques parmi lesquels figurent le devoir de s’informer et le devoir de non- ingérence.
Ces devoirs sont à l’origine une création de la jurisprudence. Avec l’évolution de l’activité
bancaire, de sa complexité et des attentes des clients, le banquier se voit aujourd’hui imposer
un certain nombre d’obligations qui visent à la fois la protection du consommateur et
l’encadrement de la responsabilité du banquier. En effet, en plus du classique secret
professionnel, le banquier a le devoir de s’informer mais aussi le devoir de ne pas s’immiscer
dans les affaires des clients. C’est pourquoi, face à une recrudescence des médias à véhiculer
beaucoup d’informations relatives banques et à leurs obligations, nous verrons dans un
premier temps ce que signifient ces devoirs, pour ensuite voir que le devoir de s’informer
prime sur celui de non ingérence.
1) Le devoir de s’informer et de non ingérence
A) Devoir de s’informer
- Lors d’une EER : identité capacité, domicile
- Pour lui vendre des instruments financiers : nous devons mesurer le degré de risque qu’il
est prêt à prendre via l’ordonnance 2007-544 qui a transposé en droit francais la directive MIF
- Caution personnelle et solidaire : s’assurer que l’engagement de caution est compatible
avec ses revenus et ses biens propres.
- Opérations au compte d’un client inhabituelle, complexe, illicite, fait obligation au
banquier de collecter, conserver voire déclarer le soupçon.
B) Devoir de non-ingérence
Ou principe de non-immixtion : Afin de ne pas porter atteinte aux droits de chaque individu
au respect de sa vie privée (prévue tant par l’article 9 du code civil que par l’article 8 de la
Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
Fondamentales) et de préserver le secret des affaires, l’établissement bancaire a l’obligation
de ne pas s’immiscer dans les affaires de son client. Néanmoins, de nombreux plaignants ont
tenté de mettre à charge du banquier une obligation d’ingérence. Celui-ci devrait ainsi
détecter toutes les fraudes commises sur les comptes ses clients.
Ce devoir est important à observer dans la relation banque- entreprise et banque
professionnel dans lesquels l’ingérence dans les affaires du client pourrait se rapprocher
dangereusement de la gestion de fait. (Rappel : le dirigeant de fait peut être appelé ) porter
autant de responsabilité dans la déconfiture d’une entreprise que le dirigeant de droit ) Le
principe de non-ingérence demeure valable en toutes circonstances et quel que soit le client,
entreprise ou particulier ; la banque n’a pas à apprécier l’opportunité ou la non opportunité
des projets de son client mais doit seulement décider si elle accepte ou non cette prise de
risque pour elle-même.
Transition
2) Le devoir de s’informer prime sur le devoir de non-ingérence
Le banquier ne recueille auprès de son client que les informations nécessaires dans le cadre de
la décision à prendre ou de l’obligation légale à remplir.
Ces obligations de s’informer et de non-ingérence sont devenues légales. C’est-à-dire que le
juge n’a plus besoin d’apprécier le comportement professionnel du banquier par rapport à une
norme, mais doit se prononcer sur l’application ou la non application d’un texte. Ex : La loi
sur le crédit à la consommation entrée en vigueur le 1er Mai 2011 consacre l’obligation du
banquier en matière d’étude de solvabilité et de moralité financière du candidat à l’emprunt. Il
s’agit bien en réalité d’un devoir de s’informer qui pèse sur le banquier ; celui-ci doit
recueillir toutes les données lui permettant de former sa décision d’engager ou non un contrat
de banque ou de finance selon qu’il est ou non équilibré pour les deux parties.
Conclusion :
Si le banquier ne doit pas s’immiscer dans la gestion du client et notamment d’une entreprise,
il doit avant tout conseiller son client. Ce conseil n’est possible que par une collecte des
informations auprès du client la plus exhaustive possible afin de lui proposer les produits
adaptés à ses besoins et les mettre éventuellement en garde.
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